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00:00 Au cœur de la forêt classée de Bosse-Mathier, aujourd'hui surclassée réserve naturelle
00:07 à l'est de la Côte d'Ivoire, des hommes se sont donnés rendez-vous.
00:12 Armés de machettes et de fusils, ils semblent partir en guerre.
00:16 Au niveau de Mafia et Blecu, il y a une plantation que nous avons identifiée, que nous allons
00:24 aller abattre.
00:26 Ces planteurs de cacao sont membres de l'association Sauvons la forêt de Bosse-Mathier.
00:32 Leur mission, détruire les plantations de cacao illégales installées au cœur de cette
00:38 forêt.
00:39 S'ils en sont arrivés là, c'est parce qu'ils n'acceptent plus de voir leur forêt disparaître.
00:50 Aujourd'hui, il n'en reste qu'environ 10 000 hectares, loin des 23 000 hectares des
00:56 années 1990.
00:58 La faute à une exploitation abusive de cet écrin vert par les planteurs illégaux.
01:05 Ils se cachent, puisqu'ils ne couvrent pas directement la forêt en bas du château,
01:13 et ils commencent à nettoyer et créer leurs plantations.
01:23 Alors pour sauver la forêt, ils n'ont d'autre moyen que ces actions coup de poing.
01:29 Si ces hommes sont particulièrement déterminés, c'est parce que la déforestation nuit à
01:33 leur propre plantation.
01:34 Depuis plusieurs années, faute d'arbres en nombre suffisant, leurs cacahuillers ne
01:48 reçoivent plus régulièrement de pluie.
01:50 Les clandestins, qu'ils cherchent à décourager, sont parfois sans limite.
01:56 Certains n'hésitent pas à mettre le feu au couvert forestier, rendant la terre des
01:59 villageois moins productive.
02:01 "Ce qui se passe dans cette forêt classée de Bosse-Mathiez est à l'image de toutes
02:08 les forêts classées ou même réserves de Côte d'Ivoire.
02:12 Et aujourd'hui, je peux vous dire, dans l'indénié ici, il y a plusieurs forêts
02:20 qui ont disparu, forêts classées qui ont disparu complètement."
02:23 C'est un cri d'alarme, la forêt en Côte d'Ivoire est en train de disparaître.
02:29 Entre 2017 et 2018, dans la région cacahuillère du sud Komoé, 13 800 hectares de forêts
02:37 ont été détruits, selon des analyses satellites.
02:40 Soit l'équivalent de 15 000 terrains de football.
02:43 Globalement, la Côte d'Ivoire a perdu 90% de son couvert forestier ces 60 dernières
02:49 années.
02:50 Le pays détient l'un des taux annuels de déforestation les plus élevés du continent.
02:55 Alors, pour freiner cette déforestation, le pays mise sur des solutions comme l'agroforesterie.
03:01 Objectif, porter la couverture forestière à au moins 20% du territoire national à
03:07 l'horizon 2030.
03:08 Un défi immense.
03:11 Des industriels du cacao, aux ONG de lutte pour l'environnement, tous doivent contribuer
03:16 à la reforestation.
03:17 Village de Bokak, au Corée, à 5 kilomètres de la réserve naturelle de Bossematier.
03:31 Ce matin, réunion des membres de l'association Sauvons la forêt de Bossematier.
03:37 L'enjeu, inciter les populations autochtones à réagir face à la présence des planteurs
03:43 illégaux.
03:44 Abel Gallo, l'un des coordonnateurs, lance l'appel.
03:48 "Vous n'avez pas encore pris la grande mesure de ce que quand ces plantations vont rentrer
03:54 en production, vous, vous ne serez plus en production parce que vos plantations sont
03:57 vieilles.
03:58 La pluviométrie aura changé.
03:59 Ils vont tout vous prendre, je l'ai dit et je le répète.
04:04 Et le niveau de vie économique, les dépenses vont augmenter.
04:08 Eux, ils seront capables d'acheter pour un hectare, ils pourront produire 800 à 1
04:13 tonne à l'hectare.
04:14 Entre temps, vous avez 200 kilos à l'hectare.
04:16 Notre combat, c'est d'amener cette population à comprendre que cultiver du cacao, ce n'est
04:22 pas dans la forêt classée.
04:23 Et d'ailleurs, cultiver du cacao dans la forêt classée, ça pénalise l'état des
04:27 Côtes d'Ivoire.
04:28 Les gens ne savent pas, mais les institutions, les consommateurs ne veulent plus acheter
04:33 du cacao qui est fait dans les forêts classées.
04:35 L'association ne se limite pas à des actions coup de poing, elle sensibilise aussi les
04:40 planteurs sur les bonnes pratiques agricoles, afin d'augmenter leur rendement.
04:44 Car si certains planteurs font le choix de cultiver illégalement dans les zones classées,
04:50 c'est parce qu'ils ne parviennent plus à tirer profit de leurs plantations existantes.
04:53 Ils se tournent alors vers la forêt.
04:55 L'association s'appuie sur certains organismes internationaux, comme le CIRAD, le Centre
05:05 de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
05:09 François Ruff est économiste.
05:30 Sa mission, faire en sorte que les planteurs ne délaissent pas leur plantation actuelle
05:35 pour aller dans les forêts protégées.
05:36 Pour cela, il veut rendre les parcelles plus attractives en développant les cultures vivrières.
05:42 En faisant l'hypothèse raisonnable qu'on va arriver à sauver cette forêt, il va falloir
05:47 produire le vivrier autour.
05:48 Donc comment on fait ? Donc là on commence à en parler.
05:51 Les plantations sont vieilles, il faut les régénérer.
05:54 Qu'est-ce que vous pensez d'un début de récépage ou de régénération par demi
05:58 hectare ? Celui qui a 6 hectares, il peut le faire, ça va lui prendre 12 ans.
06:01 Pendant 12 à 15 ans, il va avoir une production vivrière.
06:04 Comme souvent, quand un chercheur a une idée, les planteurs y ont pensé avant.
06:09 Donc la réponse de notre ami, c'est de dire, il y en a qui ont déjà commencé.
06:14 Donc il faut qu'on aille voir ceux qui ont commencé pour voir vraiment comment ils ont
06:17 fait et puis à faire des propositions avec les talents techniques qu'on a dans l'équipe.
06:21 Le vivrier comme nouvelle source de revenus pour les planteurs et comme rempas à la déforestation.
06:27 Localité d'Agboville, au sud-est de la Côte d'Ivoire, Yaokouassi est producteur de cacao.
06:37 Ces dernières années, il a vu ses récoltes baisser de moitié à cause de très faibles
06:43 précipitations.
06:44 On a vu que les cacahuillers pouvaient tomber facilement parce qu'il y a manque de pluie.
06:51 Maintenant, du coup, quand la pluie arrive, on voit tellement qu'ils ont encaissé le
06:55 soleil.
06:56 Les racines pourrissent et puis ça tombe.
06:58 Chaque année, avec ces pêtes-là, si tu as au moins une tonne, tu vas voir que ça va
07:03 descendre à moins d'une tonne maintenant.
07:06 Donc vraiment, c'est une pête pour nous.
07:08 Pour accroître sa production, Yaokouassi a opté pour l'agroforesterie, une technique
07:14 qui consiste à planter des arbres sur une parcelle agricole.
07:17 En grandissant, ces arbres favorisent la pluviométrie sur les cultures et fournissent l'ombrage
07:24 nécessaire à la cacao-culture.
07:25 Il y a deux bois qui sont collés, je ne les ai pas détruits.
07:30 C'est un grand arbre, c'est ça qui donne l'ombrage à cette petite surface-là.
07:38 C'est pourquoi, jusque là, les plantes sont très jolies.
07:43 En tout cas, vraiment, je vois qu'avec ça, si on continue comme ça, je crois que vraiment
07:49 le résultat sera meilleur.
07:52 Réconcilier l'agriculture avec la forêt, c'est tout l'objectif de l'agroforesterie.
07:57 Pour y parvenir, Yaokouassi a bénéficié de l'accompagnement d'Agromap, une entreprise
08:04 spécialisée en projets environnementaux.
08:06 Elle opère à Agboville et sur 158 autres sites dans le pays.
08:11 Nous tous on sait pourquoi il faut planter.
08:13 On sait que c'est parce qu'il n'y a plus de pluie, parce qu'il n'y a plus ça.
08:17 Les saisons ne sont pas étubées.
08:20 On nous dit que pour ramener, il faut la pluie.
08:24 Il y a certains producteurs qui acceptent de faire l'agroforesterie à base de cacao.
08:28 Il y en a qui n'acceptent pas forcément.
08:30 Et qu'est-ce qu'on leur dit ? Ils peuvent avoir une forêt privée.
08:33 Et si tu as une forêt privée qui est tout autour de ta culture, la pluie qu'on recherche,
08:38 ce n'est pas seulement dans ta forêt que ça va descendre, ça va descendre aussi dans
08:41 ta cacao culture.
08:42 Donc c'est ça en fait le but.
08:44 Le but, c'est de ramener la pluie, c'est de ramener les saisons.
08:48 Agromap met à la disposition des planteurs des plants d'arbres forestiers tels que le
08:55 fraquet, le framiret, mais aussi des plants d'arbres légumiers ou frutiers.
08:59 Pour ce faire, l'entreprise a développé des pépinières comme celle-ci au village
09:04 d'Adomocro.
09:05 C'est ici que j'arme les plants et que poussent les forêts de demain.
09:13 Félicité Dagry dirige l'équipe de pépiniéristes, regroupée au sein d'une coopérative.
09:20 Toutes ces femmes sont mises à contribution par l'entreprise Agromap pour approvisionner
09:24 l'ensemble des sites villageois.
09:26 On fait remplir ça de sachets, classés.
09:30 On place et on met les semences dedans.
09:33 Et puis après, on fait le dissemblage.
09:35 Pour ce travail, ces femmes facturent à Agromap 20 francs CFA par sachet de plants d'arbres
09:42 remplis, soit 800 francs pour 40 plants d'arbres nécessaires sur un hectare.
09:47 Sur chaque site d'Agromap, la coopérative gagne en moyenne 1,6 million francs CFA.
09:54 Des révenus additionnels importants pour ces femmes agricultrices.
09:57 Elles ne sont pas les seules à gagner de l'argent, car les plants achetés à 20 francs CFA
10:03 par Agromap sont revendus au prix de 250 francs CFA à ses clients.
10:08 Un système gagnant-gagnant, aussi bien pour Agromap que pour les planteurs.
10:12 Les arbres qu'on va planter peuvent apporter de l'azote.
10:16 Et donc le producteur n'est plus obligé d'aller payer des produits phytosanitaires,
10:21 de l'engrais, pour venir encore injecter.
10:25 Parce que c'est le rendement.
10:26 Déjà, le rendement est faible.
10:28 Et donc l'agroforesterie va lui permettre de pouvoir avoir ce gain.
10:32 L'agroforesterie aurait donc plusieurs bénéfices.
10:36 Meilleure fertilisation des sols, meilleur rendement pour l'agriculteur.
10:40 Comme une première réponse à la déforestation en Côte d'Ivoire.
10:44 Reste encore à convaincre les producteurs d'y adhérer, en nombre.
10:48 !