Qu’est-ce qui distingue la nouvelle génération de putschistes de celle de leurs prédécesseurs ? Cette semaine sur RFI, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, François Soudan, revient dans un éditorial sur les différences qui existent entre les juntes d’hier et d’aujourd’hui.
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00:00 *Musique*
00:03 A la une de Jeune Afrique, votre éditorial sur les coups d'État en Afrique.
00:07 Le dernier en date c'est bien sûr le Pouche au Niger, le 26 juillet dernier.
00:12 Mais il y a eu aussi ces deux dernières années le Mali, le Burkina Faso, la Guinée,
00:18 où l'armée s'est emparée du pouvoir.
00:20 C'est en quelque sorte une nouvelle génération de coups d'État.
00:24 En quoi est-elle différente de celle des années 60 à 90 ?
00:28 Alors aujourd'hui, fort heureusement, on ne tue plus le président des chûnes.
00:32 Les présidents civils, enversés, sont placés en résidence étroitement surveillée
00:35 pour un laps de temps plus ou moins long.
00:37 Keïta, le Malien, l'a été jusqu'à sa mort, Kaborel est toujours au Burkina Faso,
00:42 tout comme Bazoum au Niger et Alpha Gondé a fini par s'exiler.
00:45 Alors, autre différence, alors que les jeunes d'hier ne se souciaient pas vraiment
00:49 d'asseoir leur légitimité au-delà d'une proclamation de prise de pouvoir
00:53 quasiment copié-collé d'un pays à l'autre,
00:55 celle d'aujourd'hui y accorde une importance majeure,
00:58 d'où le recours systématique à un langage de quasi-révolution populaire,
01:02 de rejet de la présence française, occidentale,
01:05 destinée à mobiliser la jeunesse urbaine.
01:07 Le reste du scénario est identique.
01:09 Bamako, Konakry, Ouagan, Yame, promesse d'une refondation de l'État,
01:14 sans que nul ne sache très bien ce que ce mot signifie d'ailleurs,
01:17 convocation d'un dialogue national inclusif, transition militaro-civil de trois ans,
01:21 processus on le voit un peu plus sophistiqué qu'autrefois,
01:24 quand il ne s'agissait que d'instaurer un pouvoir cas qui s'enfare,
01:27 disons qu'il s'efforce de tenir compte de l'évolution des mentalités
01:30 et des pressions internationales.
01:32 Une nouvelle génération donc de coups d'État,
01:36 il semble que rien ne puisse les enrayer, ni pression, ni sanction ?
01:41 Vous savez, ce que les putschs au Sahel ont révélé,
01:45 c'est finalement le déficit d'adhésion des officiers supérieurs,
01:49 même les mieux formés aux impératifs modernes des armées,
01:52 dont le rôle est de protéger l'État et les institutions,
01:55 un déficit d'adhésion aux valeurs républicaines.
01:58 C'est ça qui est inquiétant, parce que ces valeurs impliquent
02:00 que toute armée est par définition apolitique aux ordres des gouvernements.
02:03 C'est ce qu'on apprend depuis plus de 20 ans dans toutes les académies
02:06 et britanniques militaires du monde, y compris sur le continent africain.
02:09 Le résultat de cette non appropriation, on l'a vu en Yame le 26 juillet,
02:13 l'armée a fini par se rallier parce que les soldats sont toujours plus loyaux
02:17 envers leurs chefs, même putschistes, qu'envers leur gouvernement,
02:20 et c'est assez préoccupant.
02:22 Dernier point, François Soudan, est-ce que tous les pays d'Afrique de l'Ouest
02:26 sont soumis à la même menace ?
02:28 Les pays côtiers, qui sont beaucoup moins concernés par l'insécurité que ceux du Sahel,
02:33 sont-ils eux aussi menacés ?
02:35 Oui, vous savez, d'Akkar à Abuja, en passant par Abidjan,
02:39 l'homé kotonou bien malin est celui qui peut dire ce qui se passe
02:42 dans la tête des grandes muettes.
02:45 Il y avait d'ailleurs un point commun entre les présidents renversés ces derniers temps,
02:48 que ce soit Keïta, Condé, Kaboré, Bazoum,
02:51 c'est que tous ont été pris par surprise parce que tous pensaient
02:54 que leurs armées respectives étaient désormais vaccinées contre le virus des coups d'État.
02:58 Je me souviens de cette petite phrase que répétait Condé,
03:01 afin que Condé, après avoir confié à un général français la refonte de ses forces de défense,
03:06 disait "maintenant on peut m'assassiner mais on ne peut plus me renverser".
03:10 Alors on sait ce qu'il en est advenu.
03:12 Quant à Mohamed Bazoum, il se souvient certainement de l'hommage appuyé
03:15 que le futur Pouché Salifou Modi lui avait rendu,
03:18 c'était au mois de janvier, lors de la cérémonie des vœux.
03:22 Il n'y a rien de tel, hélas, pour endormir la méfiance d'un chef,
03:26 que de le couvrir des loges, c'est un grand classique, Catherine.
03:29 Merci François Soudan.