"Ils sont sous le choc": le journaliste qui a interviewé les parents d'Émile témoigne

  • l’année dernière
Les parents d'Émile ont parlé pour la première fois à la presse, près de deux mois après la disparition de leur enfant dans les Alpes-de-Haute-Provence. Samuel Pruvot, rédacteur en chef à Famille Chrétienne, raconte cet entretien.
Transcript
00:00 ils ont une maturité pour porter un événement que,
00:02 je veux dire, même quelqu'un en pleine maturité serait complètement écrabouillé.
00:05 C'est la famille même, ce sont les parents
00:11 qui ont contacté Famille Chrétienne et qui l'ont contacté
00:14 en disant qu'après un mois de silence, et quel silence,
00:18 ils avaient décidé de parler,
00:19 ils avaient bien réfléchi sur ce qu'ils voulaient dire
00:22 et ils avaient réfléchi à quel média confier leur parole.
00:24 Et du coup, l'interview se fait dans ce lieu, chez le grand-père
00:29 et la grand-mère, d'ailleurs en présence dans la cuisine,
00:32 tout simplement, avec une grande toile cirée, etc.
00:36 Et puis, sous forme d'une grande conversation,
00:39 parce qu'en fait, ils sont tellement choqués
00:42 qu'on ne peut pas envisager une interview classique.
00:44 Là, c'est vraiment les tripes qui parlent.
00:46 Et du coup, ça prend beaucoup de temps et moi, j'écoute.
00:49 Alors moi, j'ai un choc, le choc que tout le monde imagine
00:52 parce que forcément, je n'avais jamais mis les pieds au vernet,
00:56 mais le choc, ce n'est pas le lieu.
00:57 C'est un petit peu le lieu quand même, parce qu'on ne peut pas
00:59 ne pas penser à Emile, à ses derniers pas dans ce village.
01:02 Mais le choc, en fait, c'est la jeunesse des parents.
01:05 Moi, je suis journaliste, je suis aussi grand-père
01:08 et je me dis en fait, ces jeunes, ils ont l'âge de ma fille aînée
01:12 et donc, leur petit Emile, il a l'âge de mes petits-enfants.
01:18 Et je me dis intérieurement, comment est-ce que si jeune,
01:21 on peut porter une croix si lourde ?
01:23 Bien sûr, on voit qu'ils sont sous le choc,
01:25 tout n'est pas cohérent, ils sont choqués,
01:27 mais ils ont une maturité pour porter un événement que,
01:31 je veux dire, même quelqu'un en pleine maturité
01:33 serait complètement écrabouillé.
01:34 C'est un peu le Grand 8, ils ont des hauts et des bas.
01:37 C'est tellement dur qu'on voit qu'ils prennent sur eux
01:39 pour ne pas pleurer concrètement.
01:42 Et c'est vrai que l'émotion, en fait, elle gagne
01:45 tous ceux qui sont autour de la table,
01:46 et le journaliste en premier,
01:48 même si moi, je suis vraiment tout sauf un débutant.
01:50 Là, on est dans un cas de figure qui est tellement moche,
01:54 qui est tellement énigmatique,
01:55 qu'en fait, on est assez vite rattrapé par l'émotion.
01:58 En revanche, sur leur intime conviction,
02:00 ce qui est très difficile à admettre,
02:03 c'est que ça peut changer d'un quart d'heure à l'autre.
02:07 C'est-à-dire qu'il y a les tripes de la maman et du papa qui disent
02:10 "en fait, on ne peut pas se résoudre à croire
02:13 qu'il a totalement disparu et qu'il n'est plus de ce monde,
02:17 tant qu'on ne l'aura pas vu de nos yeux".
02:18 Enfin, je traduis.
02:20 "Et bien, on gardera un espoir,
02:22 voire même une espérance du point de vue religieux,
02:24 c'est-à-dire on espère quelque chose qui est au-delà un peu de la raison".
02:28 Et puis, à d'autres moments, évidemment, sans jamais développer,
02:33 il y a l'idée quand même du réalisme, en disant
02:36 "vu les situations, forcément, je crois que même son papa l'a dit,
02:39 on imagine malheureusement le pire".
02:42 Il y a plein de choses qui m'ont marqué,
02:44 qui sont des choses vraiment minuscules,
02:45 mais vu les circonstances, ça prend une amplitude énorme.
02:49 Je vais prendre juste un exemple, c'est des cabanes.
02:51 En fait, le grand-père a fait beaucoup de scoutisme,
02:54 les enfants ont fait beaucoup de scoutisme,
02:56 et du coup, le petit Émile a bénéficié de cabanes
02:58 construites plus ou moins dans les arbres, etc.
03:00 Et forcément, comme tous les gamins, les petits garçons de 2 ans, 2 ans et demi,
03:04 Émile, il est fan de cabanes.
03:06 Et du coup, de voir ces cabanes dans lesquelles il a passé ses vacances,
03:10 au moins jusqu'au 8 juillet, il a joué,
03:12 il a aimé cette pleine nature, cette liberté,
03:15 forcément, on a le cœur qui est brisé
03:17 parce qu'on voit en fait que c'est un petit garçon comme tous les autres.
03:21 Il a des parents comme tous les autres,
03:22 et puis il a un grand-père comme tous les autres.
03:24 Et qu'à un moment donné, pour une raison qui est inexpliquée, inexplicable,
03:27 tout s'est arrêté brutalement.
03:29 Moi aussi, je me suis demandé comment est-ce qu'on pouvait toujours vivre
03:32 à l'endroit où finalement Émile a disparu.
03:35 J'ai cru comprendre à un moment donné que soit Marie ou Colomban,
03:39 on laissait entendre que ce n'était pas effectivement facile,
03:42 mais je pense qu'ils ont dû choisir, en famille, de rester dans ce lieu.
03:47 Peut-être pour une raison hyper simple,
03:49 c'est que tant que chez moi il y a un espoir,
03:51 c'est à cet endroit que leur fils a disparu,
03:54 et donc ils ne veulent pas, j'interprète,
03:56 mais ils ne veulent pas déserter la place.
03:57 C'est-à-dire qu'ils veulent laisser toutes les chances à leur fils
04:00 et ils ne veulent pas aller se reposer.
04:01 En fait, je pense qu'effectivement,
04:03 ces parents, ils ne vont jamais baisser la garde.
04:05 Et tant qu'il y a un espoir,
04:07 quitte à rester dans le lieu un peu de leur torture,
04:09 ils y sont restés.
04:11 Entre nous, je trouve ça absolument admirable de leur part.
04:14 [Musique]

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