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Chroniqueuse : Marie Portolano


C’est la pré-rentrée pour les 850 000 enseignants. Pour Aurélie Montassier, tout se joue le premier jour. Cette maîtresse des écoles s’apprête à faire la classe au CE2, une vocation qu’elle exerce depuis près de 20 ans. Alors que Gabriel Attal, le ministre de l’Éducation, s’est emparé de la question de la laïcité en interdisant le port de l’abaya dans les établissements scolaires, la dernière pièce rapportée du gouvernement Borne souhaite également revenir aux savoirs fondamentaux. Le niveau des apprenants a-t-il chuté après la crise Covid ? Ce qui va changer à partir de la rentrée avec Aurélie Montassier.

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Transcription
00:00 Il est 8h14, tenez-vous à carreau parce que la maîtresse est là, c'est l'interview d'actualité. Demain il y a école pour les profs et vous recevez Marie, l'une d'entre elles s'appelle Aurélie Montassier et elle apprend la vie à nos petits en CE2.
00:11 Bonjour et bienvenue à vous.
00:12 Bonjour Aurélie, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Vous êtes professeure des écoles en CE2 à Chevilly près d'Orléans. 850 000 enseignants font leur pré-rentrée demain vendredi, c'est votre cas.
00:22 Dans quel état d'esprit vous êtes pour cette rentrée 2023 ? Alors il paraît que tout se joue le premier jour. Est-ce que c'est vrai ?
00:30 Oui, c'est un peu ma philosophie. Tout se joue le premier jour. Mettre une bonne humeur dans la classe mais aussi un climat de travail et tout de suite parler des règles de vie de la classe pour être sûre que toute l'année on puisse avancer ensemble.
00:43 Donc ça veut dire que si lundi vous vous plantez c'est fichu pour l'année ?
00:46 Non, mais je préfère bien faire ma première journée, je suis sûre qu'après ça roule.
00:51 Ça fait combien de temps que vous enseignez ?
00:53 Je vais commencer ma 20e année d'enseignement.
00:55 C'est une vocation depuis tout à l'heure ?
00:57 Oui, j'ai toujours voulu faire maîtresse d'école et je pense que je vais continuer encore un petit moment.
01:02 Qu'est-ce qui a changé selon vous ces dernières années ?
01:05 Alors le public et puis de plus en plus les familles pour qui c'est compliqué d'accompagner l'enfant à l'école financièrement, scolairement parlant.
01:16 Donc on devient de plus en plus, nous on va avoir une casquette multitâche, on va être enseignant, on va être psychologue, on va être assistant social.
01:26 C'est de plus en plus compliqué, on n'a pas forcément tous les outils.
01:29 Oui, puis il y a eu le Covid, vous étiez infirmier à ce moment-là.
01:32 C'est ça, complètement. J'ai encore le thermomètre dans ma classe, ça est devenu un réflexe.
01:35 Est-ce que vous avez senti une baisse du niveau des élèves ?
01:39 Alors oui, depuis plusieurs années. C'est vrai qu'on est toujours en train de réadapter nos méthodes, de réadapter nos fiches, nos exercices, nos leçons.
01:48 Parce que notre profil de classe change chaque année. Il est vrai qu'on a des élèves en gros difficultés, avec un gros manque d'attention de plus en plus.
01:57 Et de plus en plus c'est dû à quoi alors ?
01:59 Je pense les écrans, on en parle beaucoup. Il y a des enfants qui sont dès le matin devant la télévision, devant leurs tablettes.
02:08 Ils arrivent, ils ne sont déjà pas concentrés. Ils ont déjà utilisé leur énergie pour écouter. Ils sont dans leur nuage, ils ne sont pas réveillés.
02:17 Donc moins d'écran, c'est déjà votre premier conseil pour les parents ?
02:20 Oui, moins d'écran, plus de sommeil. Déjà, ça serait bien.
02:24 On a beaucoup parlé des premières mesures du nouveau ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, notamment cette rémunération.
02:29 Tous les profs vont recevoir entre 125 euros et 250 euros net par mois supplémentaires. Est-ce que ça suffit pour rendre ce métier attractif de nouveau ?
02:38 Pour les jeunes, oui. Parce qu'effectivement, on a vraiment augmenté le salaire.
02:44 Ça correspond de plus en plus à leur niveau d'études. Pour ceux qui sont comme moi depuis une vingtaine d'années dans l'enseignement, on se retrouve avec des salaires finalement...
02:53 Par exemple, vous aujourd'hui, vous gagnez combien ?
02:55 Je gagne en net presque 2400 euros.
02:58 Et avec la réforme ?
03:00 De ce que j'ai cru comprendre par rapport au tableau, j'arriverais à 2550.
03:04 Donc 150 euros ?
03:06 Oui, environ.
03:07 Net par mois.
03:08 J'attends de voir le mois de septembre, mais voilà.
03:11 L'éducation nationale, c'est le deuxième budget de l'État selon le site du gouvernement, 81,7 milliards en 2023.
03:17 Ça va encore être augmenté en 2024. Pourtant, les professeurs déplorent souvent un manque de moyens. Vous vous sentez soutenue par l'État ?
03:25 C'est compliqué cette question. Peut-être qu'ils font ce qu'ils peuvent aussi. Il y a tellement à s'occuper.
03:32 Ce qui est difficile à l'école, c'est qu'on dépend des communes. On dépend du budget de la mairie, du budget qui est alloué à chaque école.
03:40 C'est un peu inégalitaire d'une commune à l'autre. On n'a pas forcément des écoles...
03:45 Il y a des endroits où vous pouvez faire des sorties, des choses comme ça, et d'autres non ?
03:49 Voilà, par exemple.
03:50 Comment s'est décidé l'argent qui est distribué ?
03:53 Ça, je ne sais pas trop. Je sais que les mairies ont un budget.
03:57 Après, elles gèrent le budget par rapport aux sorties, aux projets scolaires qu'on peut faire, aux classes de découverte, aux fournitures scolaires, par exemple.
04:06 On doit acheter avant chaque rentrée.
04:08 Vous, par exemple, dans l'idéal, qu'est-ce que vous aimeriez faire avec votre classe que vous ne pouvez pas faire aujourd'hui ?
04:12 J'ai la chance, à Chevilly, d'être soutenue par la mairie, d'avoir des budgets exceptionnels alloués aux élèves pour aider, pour que les familles puissent partir,
04:21 en tout cas, que leurs enfants puissent participer aux sorties scolaires.
04:25 Je peux quand même mener les projets que je veux en règle générale.
04:28 On fait d'assez beaux projets.
04:30 Après, c'est vrai que tout le monde ne peut pas sortir dans la même école.
04:32 Tous les enseignants ne peuvent pas mener un projet classe de découverte à la mer, classe de neige.
04:37 C'est trop impactant pour les familles au niveau financier.
04:41 Vous, vous avez les moyens à Chevilly. Vous n'êtes pas trop stressée pour cette rentrée ?
04:45 Si, toujours. C'est toujours un stress, mais c'est un stress excitant.
04:49 C'est comme un nouveau, un renouveau.
04:53 On recommence un nouveau challenge avec des nouveaux élèves qu'il va falloir dompter, qu'il va falloir aller chercher pour qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes.
05:01 C'est un challenge et je suis contente de repartir à chaque fois sur un nouveau challenge.
05:05 Dans l'éducation, il y a la faible rémunération, le manque de moyens, l'augmentation également des actes de violence.
05:11 Pourquoi vous faites encore ce métier ? Est-ce que c'est difficile encore de l'aimer, ce métier ?
05:15 Je pense que oui, surtout pour ceux qui arrivent et qui sont débutants, qui se font image de notre travail.
05:20 On voit souvent le haut de l'iceberg, 9h-16h, des récréations, des vacances.
05:26 Mais finalement, on ne compte pas les heures, parce qu'il y a les copies à corriger, les cours à préparer. C'est long.
05:31 Oui, on est plus qu'à 35 heures, largement.
05:34 Une fois, au tout début, j'avais compté, j'étais à 60 heures par semaine minimum.
05:38 60 heures par semaine minimum, pour un professeur de l'école.
05:40 C'est un des carrières. Tant qu'on n'est pas installé dans l'école où on est, tant qu'on n'est pas titulaire de son poste,
05:44 effectivement, on travaille jusqu'à minuit, c'est le week-end compris, c'est les vacances, c'est interminable.
05:49 Je peux comprendre que pour ceux qui arrivent, ce soit compliqué.
05:52 Pour les anciens, on voit aussi le métier un peu se dégrader, on voit qu'on n'est pas forcément crédible.
05:57 Souvent, on apprend les annonces en même temps que les parents à la télévision.
06:01 On se dit, mais on n'est même pas au courant. C'est un peu compliqué, parfois.
06:05 Vous, vous êtes l'autrice du roman "Même pas drôle" qui raconte l'histoire de Martin Neuvent qui est harcelé par un de ses camarades.
06:11 Parmi les annonces du ministre de l'Éducation, il y a cette nouvelle règle sur le harcèlement scolaire.
06:16 C'est désormais le harceleur, l'élève harceleur, qui sera déplacé d'établissement.
06:19 Et plus l'élève est harcelé, ça va vraiment changer les choses, ça ?
06:22 Je pense que oui. Un harceleur qui est déplacé, qui va dans une autre école, il va perdre pied.
06:28 Il ne va plus être au centre de l'attention d'un groupe de camarades qui peut-être par les ricanements, lui, ça l'encouragerait à continuer.
06:36 Donc je pense que c'est une bonne chose, enfin, que le harceleur s'en aille et qu'on laisse le harceler avec ses copains.
06:41 Oui, ça va soulager le harceler.
06:42 Ah oui, c'est ouf. Alors, ce n'est pas suffisant, mais c'est déjà...
06:46 Alors, qu'est-ce qu'il faut faire de plus ?
06:47 La prévention. C'est vrai que nous, avec le roman, on l'a écrit pour ça.
06:51 C'est pour commencer dès l'école élémentaire, avant que le cyberharcèlement arrive au collège.
06:55 Alors, des fois, ça peut arriver aussi en CM2, ça dépend des outils qu'on les élève.
07:00 Nous, c'est la prévention. Communiquer aussi avec les parents, écouter leurs enfants.
07:06 Alors, pas non plus trop, parce que des fois, ils ont été embêtés, ils ont été harcelés, il faut faire aussi la différence.
07:11 Mais aussi détecter tous les symptômes d'un enfant qui pourrait être harcelé, le repli sur soi, ne pas avoir envie d'aller à l'école.
07:17 Voir les signes.
07:19 Oui, il y a des signes.
07:20 Chez les harcelés et chez les harceleurs.
07:21 Complètement.
07:22 Merci beaucoup Aurélie Montassier. Bonne rentrée demain et puis bonne rentrée lundi avec tous les élèves.
07:27 Je vous rappelle que vous avez écrit "Même pas drôle", c'est un film édition.
07:30 Merci beaucoup à vous. Au revoir.
07:32 Merci à vous, à travers vous, merci à tous les professeurs de France.
07:34 On les présente souvent comme un problème alors qu'ils sont une partie de la solution.
07:37 Donc merci à eux, bon courage à eux et on les embrasse.

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