Le 18e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du G20 se tiendra à New Delhi du 9 au 10 septembre. Le président russe, Vladimir Poutine, ne participera pas à cette réunion. Ce sommet spécial intervient quelques semaines seulement après l’annonce de l’élargissement des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réunis en sommet à Johannesburg en août. "Demain à la une" reçoit Alban Alvares, correspondant de France 24 à New Dehli et Olivia Da Lage, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste de l'Inde, pour en parler.
Une émission préparée par Aziza Nait Sibaha, Mohamed Chenteur et Jessica Fahed.
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NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:04 Bonjour et bienvenue à tous dans ce nouveau numéro de Demain à la Une.
00:07 Le 18e sommet des chefs d'État et de gouvernement du G20 aura lieu la semaine prochaine à New Delhi du 9 au 10 septembre.
00:15 Une réunion à laquelle Vladimir Poutine ne prendra pas part mais il sera représenté par son ministre des Affaires étrangères.
00:21 Un sommet spécial qui intervient quelques semaines seulement après l'annonce de l'élargissement des BRICS.
00:26 Annoncée lors du sommet de ces derniers en Afrique du Sud, c'était en août dernier.
00:31 Bienvenue à tous et merci d'être avec nous. J'ai le plaisir d'avoir donc à mes côtés pour cette émission.
00:38 Tout d'abord ici dans les studios Olivier Dalhèche qui est chercheur associé à l'ERIS. Bonjour.
00:42 Bonjour.
00:42 Merci d'être avec nous et depuis New Delhi nous avons avec nous notre correspondant Alban Alvarez.
00:47 Bonjour Alban et merci de vous joindre à nous.
00:51 Alors je vais justement commencer avec vous Alban. La présidence indienne du G20 a débuté le 1er décembre en 2022.
00:58 Quelles en sont les priorités aujourd'hui ?
01:01 Eh bien elles sont vastes ces priorités. Comme vous l'avez dit la présidence indienne a débuté donc au mois de décembre dernier.
01:08 Il y a donc eu depuis plusieurs mois des dizaines de réunions à travers le pays auxquelles ont participé
01:16 les différentes délégations des pays membres du G20. Ces mini sommets en fait qui sont des réunions préparatoires
01:23 tournées autour de thématiques comme l'agriculture, la lutte contre la corruption, la lutte contre le terrorisme,
01:29 l'accès à l'éducation, au développement. Mais assez rapidement en fait l'Inde a voulu mettre en avant certaines thématiques
01:36 comme la réforme des institutions internationales et notamment de la Banque mondiale
01:42 afin en fait que ces institutions onusiennes répondent mieux aux attentes notamment des pays les plus pauvres
01:48 notamment sur la question de leur endettement. Narendra Modi, le premier ministre indien, a notamment fait de son cheval de bataille
01:57 la question du financement par les pays du nord, de la transition écologique des pays du sud.
02:04 La question climatique sera d'ailleurs au cœur des débats. Les pays du G20, il faut le rappeler,
02:09 présentent 80% des émissions de CO2 sur la planète. Mais les dernières réunions préparatoires sur ce sujet
02:19 se sont soldées par deux échecs, notamment l'absence d'accords sur un calendrier pour la sortie des énergies fossiles
02:27 et surtout l'absence d'accords sur un raffinement des émissions de gaz à effet de serre.
02:31 Et puis il y a bien en tout la question de sécurité alimentaire et énergétique.
02:35 Alors Olivier Dallage, il y a le G20 d'un côté et il y a les BRICS dont on entend parler de plus en plus.
02:42 Alors les BRICS c'est le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.
02:47 Ce sont des pays qui font partie du G20 mais qui ont décidé il y a quelques années de créer aussi cette nouvelle structure.
02:53 A quoi ça sert ? Pourquoi ?
02:55 Alors c'est une structure informelle, il n'y a pas de secrétariat permanent.
02:59 Il n'y a pas d'organisation mais il y a des sommets.
03:01 L'Afrique du Sud s'est rajoutée après, donc c'était les BRICS qui sont devenus les BRICS.
03:05 C'est l'invention d'un journaliste d'ailleurs, ce sigle.
03:07 Et donc six pays vont prochainement rejoindre.
03:09 Ce sont des pays qui en fait n'ont pas grand chose en commun sur le plan économique.
03:15 Ils ne sont pas du tout intégrés.
03:17 Ce qu'ils ont en commun c'est le désir de changer l'ordre du monde.
03:21 Et ils ne pouvaient pas le faire au sein du G20 ?
03:23 Puisqu'ils y sont tous.
03:24 Le G20 a une approche un petit peu différente.
03:27 Il est né du constat que le G7 était trop pétroi et qu'il fallait associer les pays dits du Sud.
03:33 Ce qu'on appelle aujourd'hui le Sud global.
03:35 En fait pour comprendre tout ça, c'est un peu la théorie des ensembles.
03:38 L'Inde appartient à beaucoup d'organisations.
03:40 Et ce qui est important pour elle, c'est de multiplier ses appartenances
03:44 en étant toujours autant que possible au centre, à l'intersection de ces ensembles.
03:48 Les BRICS étaient très importants pour elle.
03:50 Depuis que le dernier sommet a élargi ou a promis d'élargir l'organisation
03:54 et a montré que la Chine contrôlait beaucoup plus que l'Inde le système,
03:58 l'état d'esprit change un petit peu en Inde.
04:01 Et on pousse les feux sur d'autres organisations parce que les BRICS c'est un peu décevant.
04:05 Pour les BRICS justement, parce qu'on le voit clairement avec la guerre en Ukraine,
04:10 cela a divisé l'échiquier mondial géostratégique.
04:13 Il y a d'abord cette guerre bien évidemment.
04:15 Il y a aussi toute la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine.
04:19 Et on voit un Vladimir Poutine qui est de plus en plus isolé sur le plan international,
04:25 qui dit aujourd'hui vouloir contrer l'hégémonie occidentale.
04:29 Est-ce qu'aujourd'hui les BRICS sont capables d'incarner un contre-pouvoir au G20 ?
04:34 Selon qui parle, le discours n'est pas tout à fait le même.
04:37 C'est intéressant de voir, puisqu'on parlait de l'Inde,
04:39 que le premier semestre de l'année a été marqué par des discours plutôt critiques,
04:43 voire hostiles à l'Occident.
04:45 Ils reprochaient notamment aux pays membres du G7,
04:48 par leur insistance à avoir un paragraphe sur la guerre en Ukraine,
04:52 de bloquer toute avancée dans la perspective du sommet du G20.
04:56 Et là, depuis deux ou trois mois, le discours a complètement changé.
04:59 Ils s'inquiètent davantage des tentatives hégémoniques de la Chine
05:03 de dominer avec un nouvel ordre qui remplacerait le premier l'ensemble de ces organisations.
05:08 Et donc le discours indien aujourd'hui est beaucoup plus centriste en quelque sorte
05:12 que ce qu'il n'était au début de l'année.
05:14 - Alban, jusqu'ici, il n'y avait qu'un seul pays africain, l'Afrique du Sud,
05:18 qui est actuellement membre du G20.
05:21 Le Premier ministre indien, justement, Modi, a invité l'Union africaine,
05:25 comme bloc, à intégrer le club fermé des grandes puissances mondiales.
05:29 Le G20 veut aujourd'hui rivaliser avec la Chine, entre autres, sur le continent africain.
05:35 C'est un peu ça la vision indienne, en tout cas ?
05:37 - C'est difficile de dire si l'ambition du G20 et de tous ces pays
05:41 est de rivaliser avec la Chine et la Russie, et notamment en Afrique.
05:44 En revanche, l'idée d'inviter l'Union africaine à ce sommet à New Delhi
05:49 et l'idée d'intégrer à terme, en fait, au G20 l'Union africaine,
05:54 ces deux idées ont été clairement exprimées, défendues à plusieurs reprises par Narendra Modi.
05:59 Alors il faut rappeler que déjà l'an dernier, Joe Biden et Emmanuel Macron,
06:02 lors du sommet du G20 à Bali en Indonésie,
06:05 se sont montrés favorables à l'intégration de l'Union africaine
06:10 dans ce club essentiellement dominé par les puissances occidentales.
06:13 Mais Narendra Modi est vraiment celui qui se fait le plus entendre sur ce sujet.
06:18 New Delhi défend vraiment l'idée d'avoir une grande voix pour les pays du Sud
06:24 sur toutes les institutions internationales.
06:26 C'est ce qu'on appelle la stratégie du "global sauce", du "sud global" en français.
06:30 Et en réalité, si quelqu'un veut plutôt rivaliser avec la Chine ou la Russie en Afrique,
06:35 ce n'est pas tant le G20 que la diplomatie indienne, en fait,
06:38 puisque Pékin a ses nouvelles routes de la soie.
06:41 New Delhi mise plutôt sur le "global sauce" pour créer un nouvel ordre mondial multilatéral.
06:46 Narendra Modi veut le porte-parole des pays du Sud.
06:50 Il évoque des thématiques très importantes, comme le changement climatique, la question de la dette,
06:54 ce que ne font pas forcément Moscou ou Pékin.
06:57 Alors justement, en parlant de ce "sud global", Olivier Dallège,
07:01 les BRICS ont intégré, vous l'aviez dit tout à l'heure, six nouveaux pays.
07:05 Il a annoncé cet été l'Argentine, l'Ethiopie, l'Iran, l'Arabie Saoudite, l'Égypte et les Émirats.
07:10 Dans le G20, il y a déjà l'Argentine et l'Arabie Saoudite.
07:14 Et on a vu que le sommet de New Delhi invite justement plusieurs autres pays,
07:19 parmi lesquels l'Égypte, les Émirats.
07:22 On retrouve à peu près le même intérêt pour les mêmes pays.
07:25 C'est un peu une course aux alliances, en tout cas entre les deux sommets, on va dire,
07:29 parce que ce n'est pas une institution, les BRICS.
07:31 Oui, c'est pour ça que j'employais l'expression de théorie des ensembles.
07:33 C'est-à-dire que l'Inde appartient à tous ces ensembles,
07:35 et certains de ces pays appartiennent déjà à plusieurs d'entre eux.
07:38 Vous parliez tout à l'heure de rivalité entre la Chine et le G20, mais la Chine fait partie du G20.
07:42 La Chine et les États-Unis surtout.
07:44 Et les États-Unis aussi.
07:45 Et l'Union Européenne, c'est pour ça qu'il est question d'inviter l'Union Africaine.
07:49 Et donc, il y a à la fois une dimension bilatérale, c'est-à-dire que l'Inde tisse sa toile,
07:53 elle a de très bons rapports avec l'Égypte, avec l'Arabie Saoudite, avec les Émirats Arabes Unis,
07:57 mais aussi avec l'Iran par exemple.
07:59 Mais en même temps, elle veut élargir et se présenter comme le leader de ce sud global,
08:03 dont parlait Alban Alvarez il y a quelques instants.
08:05 Et depuis 2015 environ, le discours de la diplomatie indienne, c'est de faire de l'Inde le "vishwa guru",
08:11 c'est-à-dire l'enseignant, je ne dirais pas le maître, parce que ça a un autre sens du monde.
08:16 C'est-à-dire que l'Inde doit guider le monde.
08:18 Et toute l'année 2023 a été marquée par cette thématique.
08:22 Il y a des portraits maudits absolument partout, sur toutes les rues des grandes villes indiennes,
08:28 avec des slogans liés à ce sommet, qui est un sommet de prestige.
08:32 Donc pour Narendra Modi et l'Inde, ce sommet de la semaine prochaine est vraiment quelque chose d'essentiel en termes de prestige.
08:38 Est-ce que ça veut dire qu'au-delà du prestige, le fait même que les BRICS existent aujourd'hui,
08:43 est-ce que ça pousse vraiment à une multipolarité ?
08:46 Est-ce que ça change quelque chose dans les discours des grandes puissances et dans leurs actions en tout cas ?
08:51 Ça les oblige à prendre en compte le fait que les pays dits du Sud n'ont peut-être pas suffisamment été associés à la réflexion globale.
08:59 Mais jusqu'à présent, on n'a pas vu de grands changements dans la diplomatie occidentale,
09:03 sinon des gestes assez superficiels en direction de ces pays.
09:07 Le récent sommet des BRICS, certes, montre l'attrait des BRICS, puisqu'il y a une vingtaine de pays qui sont candidats.
09:13 À un autre côté, l'hétérogénéité de cette organisation, où ça tire un petit peu dans tous les sens,
09:18 ne donne pas le sentiment que ça va changer immédiatement grand-chose à l'ordre global.
09:21 Oui, parce que même en termes d'intérêts et de discours, ils ne sont pas toujours tous d'accord eux-mêmes au sein des BRICS.
09:26 Non, ils sont même quelquefois en confrontation.
09:28 On parlait de l'Inde et de la Chine qui sont même en rivalité militaire dans l'Himalaya.
09:32 Mais si vous prenez les nouveaux venus, il y a d'un côté l'Iran et de l'autre côté l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis.
09:37 Il y a l'Égypte et l'Éthiopie qui ont également de nombreux désaccords.
09:40 Donc, encore une fois, ce n'est pas un ensemble homogène.
09:43 Oui, il y a un polycentrisme de la politique internationale, mais qui fonctionne à l'intérieur même des BRICS.
09:49 Albon Vladimir Poutine sera donc à Absence, je le disais tout à l'heure.
09:52 C'est son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, qui va le représenter à New Delhi.
09:56 Mais le Premier ministre Modi a confirmé l'information de l'absence dans un communiqué de presse,
10:02 tout en remerciant le président russe pour le soutien constant de son pays à toutes les initiatives menées sous la présidence indienne du G20.
10:10 C'est un petit clin d'œil pour ce G20 qui ésole Vladimir Poutine ?
10:16 Absolument. C'est certain que la présence de Vladimir Poutine à New Delhi aurait été un événement de taille.
10:22 Mais le chef du Kremlin préfère ne pas se rendre au sommet.
10:26 Ça avait déjà été le cas l'an dernier lors du G20 à Bali en Indonésie.
10:30 Il faut rappeler que l'Inde et la Russie entretiennent des relations diplomatiques historiques.
10:35 Il faut aussi rappeler que New Delhi n'a jamais voté de sanctions contre Moscou suite à l'invasion de l'Ukraine.
10:41 Une invasion que New Delhi n'a jamais condamnée au grand dam des pays occidentaux.
10:45 En même temps, Narendra Modi s'est engagé auprès du président ukrainien Zelensky
10:50 à l'idée de défendre la paix, de faire tout son possible pour ramener la paix.
10:56 Il avait même dit lors d'un sommet en Asie centrale à Vladimir Poutine que le temps n'était pas à la guerre.
11:02 Il y a quelques mois de cela.
11:05 Et nul doute que le conflit en Ukraine sera au final très présent dans les discussions de ce sommet.
11:11 Même si New Delhi a clairement dit que ce conflit n'était pas la priorité du G20.
11:16 D'ailleurs, il n'a pas invité l'Ukraine.
11:18 C'est lui vraiment l'une des craintes des diplomates indiens.
11:21 Que ce sommet soit un échec, que le conflit en Ukraine éclipse tous les autres sujets
11:25 et qu'aucun communiqué commun ne voit le jour.
11:28 Et désormais, il y a aussi un autre invité de poids qui risque de faire faubon.
11:32 C'est Xi Jinping, le président chinois.
11:34 La Chine, grand rival de l'Inde avec lequel New Delhi entretient des relations tordues, notamment sur les frontières.
11:41 Merci beaucoup, Albert Alvarez, pour ces explications.
11:44 Merci d'avoir été avec nous depuis New Delhi.
11:46 Olivier Dalhage, merci à vous aussi.
11:48 Chercheurs associés à l'IRS, merci d'avoir été avec nous.
11:50 Merci à vous tous de nous avoir suivis pour ce nouveau numéro de Demain à l'Aïn.
11:54 Très bon week-end à tous.
11:56 ♪ ♪ ♪