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En Chine, samedi 2 septembre, est entrée en vigueur la limitation de l'accès à internet pour les moins de 18 ans. Quels sont les effets d’internet sur les enfants les ados ? Quelles solutions pour réguler / Comment limiter les usages ? On en parle avec deux spécialistes. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/debat-les-dangers-des-ecrans-sur-les-enfants-et-les-ados-9329067

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00:00 France Inter, Alibadou, Marion Lourds, le 6/9.
00:06 Dans le grand entretien ce matin, des enfants et des écrans.
00:10 A la veille de la rentrée des classes, c'est un casse-tête pour beaucoup de parents, une
00:13 angoisse pour beaucoup d'enfants.
00:15 Que faire des écrans ? Quel peut-être à quoi pourrait ressembler un usage raisonné
00:20 des écrans pour les plus petits, mais aussi pour les plus grands ? Comment ne pas être
00:24 avalé par la machine à fabriquer du crétin digital ? C'est la nouveauté le week-end
00:29 cette saison, dans le 6/9, place à l'interactivité, chers auditeurs.
00:34 Vos questions, vos témoignages au 01 45 24 7000, le standard est ouvert.
00:40 Vous pouvez également nous écrire sur l'application France Inter.
00:43 Et on ouvre le débat avec nos deux invités, la pédiatre Sylvie Dieu, Osika, et le professeur
00:49 de psychologie Grégoire Borst.
00:50 Bonjour à tous les deux.
00:51 Bonjour.
00:52 Bonjour.
00:53 Et bienvenue, merci d'avoir accepté le principe de cet échange et peut-être même de ce
00:57 débat Grégoire Borst.
00:58 Vous êtes professeur de psychologie du développement, directeur du laboratoire de psychologie du
01:03 développement et de l'éducation de l'enfant.
01:05 Vous aviez co-écrit un livre, c'est pas moi, c'est mon cerveau.
01:09 Sylvie Dieu, Osika, vous êtes membre fondatrice d'un collectif, le collectif Surexposition
01:14 Écran.
01:15 Vous allez nous dire ce qu'est et à partir de quand on peut parler de surexposition.
01:20 Et vous avez publié les écrans mode d'emploi pour une utilisation raisonnée en famille.
01:24 Et c'est justement ce par quoi on va commencer.
01:27 A quoi peut ressembler le mode d'emploi pour les écrans après un été passé à
01:33 être subjugué par ces écrans ? La plupart des enfants et ceux qui en ont le savent,
01:39 les parents également.
01:40 Il est maintenant temps de les éteindre, de les interdire, de les ranger.
01:45 Sylvie Dieu, Osika ?
01:46 Vaste question, évidemment.
01:48 Je précise qu'en tant que pédiatre, je vois des enfants de 0 à 16 ans.
01:52 Donc ça correspond à ce que la frontière…
01:54 0 à 16 ans ?
01:55 Oui.
01:56 Et parfois jusqu'à 18 ans.
01:57 Parfois on a du mal à se quitter.
01:58 Bref.
01:59 Les écrans interdire, ce n'est pas le problème.
02:02 Le problème est qu'il va falloir apprendre à les réguler et il va falloir que les parents
02:06 soient aidés pour ça.
02:08 Alors on va peut-être parler, évidemment, je pense de la Chine.
02:10 Mais nous, notre problème, c'est qu'on n'a pas régulé du tout les choses depuis
02:14 près de 10 ans, 15 ans.
02:16 Heureusement, peut-être, là aussi on va en parler, le Digital Service Act du Parlement
02:20 européen et certaines lois qui sont en France en cours à venir vont probablement aider
02:26 ces pauvres parents qui sont face à cette, comme vous l'avez dit, déferlante d'écrans
02:31 à tous les âges.
02:32 Pauvres parents, vous diriez la même chose ?
02:34 Vous employez l'expression ?
02:35 Je pense que c'est beaucoup plus large que la problématique des écrans.
02:40 La difficulté d'être parent, elle se pose à fortiori quand il y a des situations
02:47 de changements massifs dans nos sociétés.
02:48 La révolution du numérique, elle est là, elle est présente.
02:51 Et évidemment, elle pose des questions sur la parentalité et comment prendre en charge
02:54 effectivement l'émergence de ces nouvelles nouvelles technologies.
02:56 Mais il y a l'école, il y a les règles de l'école.
02:57 Quand je parlais de mode d'emploi, il y a tout simplement l'interdiction qui est
03:00 faite d'apporter son téléphone portable, par exemple, à l'école primaire, au collège.
03:06 C'est un bel exemple à l'école d'ailleurs en France.
03:07 Oui, et ça pose plein de questions.
03:08 Je sais que l'UNESCO a sorti dernièrement un rapport là-dessus.
03:12 Et si vous regardez le rapport de l'UNESCO en tant que scientifique, c'est absolument
03:15 pas étayé par des études scientifiques.
03:19 L'interdiction des portables, elle se pose non pas sur des questions, je dirais, basées
03:24 sur de l'evidence based, c'est-à-dire des preuves scientifiques qui suggèrent qu'il
03:28 faudrait interdire les écrans dans le cadre scolaire.
03:31 Elle pose une réflexion beaucoup plus large de nos sociétés.
03:34 Vous allez faire plaisir aux enfants.
03:35 Mais je ne veux pas faire plaisir ou pas aux enfants.
03:38 Je dis que quand on est dans une société et quand on prend des décisions de santé
03:41 publique et/ou des décisions éducatives, il faut les prendre sur des données qui sont
03:45 des données issues d'études scientifiques sur la population générale.
03:49 Je ne remets absolument pas en cause qu'il y a des problématiques pour certains enfants
03:54 de la surexposition aux écrans.
03:55 Je dis que quand on fait de la santé publique, et on le sait très bien quand on est médecin,
03:58 on prend des données population générale.
04:00 Et c'est là-dessus qu'on doit prendre nos décisions.
04:02 Passons à la Chine et à cette interdiction, à cette limitation en tout cas d'Internet
04:08 pour les mineurs depuis ce week-end.
04:09 Ils ne peuvent plus accéder à Internet la nuit entre 22h et 6h.
04:12 Leur temps d'Internet est restreint aussi pendant la journée en fonction de leur âge.
04:17 Sylvie Dieu, Osika, ça vous inspire quoi ces mesures de limitation en Chine ? On devrait
04:21 faire pareil ?
04:22 Non, on ne devrait pas faire pareil parce que l'interdiction absolue sans discussion
04:25 comme celle-là, ce n'est pas possible.
04:26 Mais pourquoi n'étons pas… Là, on est choqué forcément de cette décision.
04:30 Mais pourquoi n'étons pas… C'est le choix d'une dictature.
04:32 Voilà, d'une dictature absolument.
04:34 Mais pourquoi ? On va inverser la question.
04:36 Pourquoi n'étons pas choqués de la situation dans laquelle nous sommes depuis plus de
04:39 10 ans, 15 ans ? C'est-à-dire que nos enfants peuvent surfer
04:42 sur n'importe quelle image, se retrouver sur la pornographie de tout type, à n'importe
04:48 quel âge.
04:49 Il n'y a aucune loi pour le moment qui permet de protéger l'enfant.
04:52 Donc ça, ça devrait nous choquer.
04:53 Il y a des vérifications obligatoires, vous parlez de la pornographie, pardon.
04:56 Mais pas du tout.
04:57 Vous pouvez avoir un enfant de 8 ans qui se retrouve sur Internet et qui va tomber sur
05:00 n'importe quoi.
05:01 Il suffit qu'il dise qu'il a plus de 18 ans.
05:03 Il n'y a aucune loi à ce jour qui protège l'enfant.
05:05 Non, pas du tout.
05:06 Les enfants ne sont pas protégés.
05:07 Ils ne sont pas protégés du cyberharcèlement comme on le sait qui fait des dégâts majeurs.
05:11 Donc tout ça n'est pas du tout encore légiféré et les familles ne sont pas protégées.
05:15 Grégoire Borst, on vous voit hocher la tête.
05:16 Non, mais il y a évidemment, ce n'est pas tout à fait vrai qu'il n'y a pas de loi.
05:20 Pour l'instant, il n'y en a pas.
05:21 Quand on travaille, venez travailler à l'Arkom, vous verrez qu'il y a des lois, il y a des
05:26 choses qui sont mises en place.
05:27 Le Digital Service Act, le Gendarmes d'Europe, va se mettre en place.
05:30 L'Arkom va effectivement mettre en place des choses, bien sûr.
05:34 Je dis simplement qu'il y a effectivement une interdiction d'exposition à la pornographie
05:39 pour les mineurs.
05:40 C'est un vrai problème, effectivement, aujourd'hui des plateformes et des sites
05:43 web qui ne répondent pas à cette injonction.
05:46 Et effectivement, quand vous discutez avec eux, mais aussi quand vous discutez avec YouTube,
05:50 leur position est absolument inacceptable.
05:52 C'est-à-dire qu'ils ont des solutions technologiques pour vérifier l'âge des
05:56 enfants.
05:57 Vous pouvez penser par exemple à une vérification carte bleue ou autre, qui ne sont pas mises
05:59 en place.
06:00 Et c'est ça qui est inacceptable.
06:01 Il faut avoir deux discours qui sont un peu différenciés.
06:03 On a la solution technique, elle n'est pas mise en place.
06:05 Et je suis tout à fait d'accord, l'exposition à du contenu non approprié pour l'enfant,
06:08 c'est absolument problématique.
06:10 Mais avant de parler du contenu non approprié, avant de parler de pornographie, avant de
06:14 parler de harcèlement, bon, la plupart des gamins, quand ils utilisent leur portable,
06:19 c'est surtout pour jouer par exemple, pour voir défiler des vidéos sur TikTok.
06:22 Tiens, invention chinoise d'ailleurs, paradoxalement, les mineurs y passent en moyenne 1h47 par
06:29 jour dans le monde sur TikTok.
06:31 Ça c'est quelque chose avec lequel il faut rompre radicalement au moment où l'on rentre
06:37 en classe ?
06:38 En classe, oui bien sûr.
06:39 En classe d'ailleurs, en France, dans les primaires, dans l'école, il n'y a pas l'accès
06:44 au téléphone et les élèves doivent ranger leur téléphone.
06:47 Mais ils peuvent travailler sur internet avec leur professeur.
06:50 Et là aussi, si c'est régulé, expliqué.
06:52 Là aussi, c'est un autre point qui devrait être fait à l'école.
06:55 C'est-à-dire qu'on devrait former les professeurs beaucoup mieux qu'il n'est fait.
06:57 Et on devrait former les élèves également au numérique.
07:00 Ils ne sont pas assez formés ?
07:01 Ils ne sont pas formés au numérique.
07:02 De même, l'éducation sexuelle, on parle de la pornographie, c'est quasiment oublié.
07:06 Malheureusement, les cours ne sont pas faits.
07:07 Mais ce serait l'occasion de parler justement dans l'éducation sexuelle au moment des
07:10 cours au collège de la pornographie et des risques qui sont liés à ce qu'ils peuvent
07:15 regarder par exemple.
07:16 Une précision, puisque à l'hôpital depuis 2019, vous avez créé la première consultation
07:21 pour les troubles liés à la surexposition aux écrans.
07:25 À partir de quel moment est-ce qu'on peut parler de surexposition ?
07:28 Oui, on parle beaucoup des grands, mais effectivement, les petits, c'est un énorme problème.
07:31 Moi, je vois des enfants depuis 2019 âgés auparavant de moins de 11 ans.
07:36 C'est débordé.
07:37 Maintenant, ils ont moins de 6 ans.
07:38 Et maintenant, je vois des enfants entre 2 et 4 ans qui sont surexposés de façon majeure.
07:42 C'est-à-dire, être surexposé, c'est avoir des temps d'écran qui modifient la vie familiale,
07:47 sociale et surtout les risques de troubles des apprentissages des enfants.
07:51 Donc moi, mes moins de 3 ans, dans tout type de famille, et pas que les familles défavorisées,
07:56 même si je viens du 93, il ne faut pas faire d'amalgame, ces enfants sont exposés dès
08:01 l'âge de 6 mois, 9 mois, avec des temps d'écran qui augmentent.
08:04 Donc, des enfants qui se retrouvent avec des retards de langage et des tas de symptômes
08:07 dont on pourra parler.
08:08 Je veux dire un point important, parce que ça a été dit.
08:11 L'UNESCO, certes, 2017, il n'y avait pas grand-chose malheureusement, parce que depuis,
08:15 il y a énormément d'études.
08:16 Vous avez des études qui sont sorties en 2023 sur des nombres extrêmement importants.
08:20 Là, j'en ai une sous les yeux.
08:21 6800 enfants de 11 à 20 ans où on montre une détresse psychologique majeure, multipliée
08:27 par deux, d'autant plus qu'ils sont jeunes.
08:29 Mais ne hochez pas la tête dans ce sens-là, c'est 12 ans avant !
08:32 Et en vers, 300 000 adolescents.
08:34 Pas de lien systématique entre le temps passé sur les écrans et le bien-être des adolescents.
08:39 Vous le savez très bien, c'est l'étude qui fait…
08:42 - Il va falloir revoir vos bibliographies, monsieur Bohr.
08:43 - Non, en même temps, désolé.
08:44 - Ecoutez, moi je suis scientifique, vous n'êtes pas scientifique.
08:45 - Ah, c'est ça, je suis scientifique, je suis médecin.
08:46 - Vous êtes médecin et vous n'êtes pas scientifique.
08:47 - Ouh là là !
08:48 - Bon, on ne va pas rentrer dans ce genre de subtilité.
08:49 - Et donc, je suis chercheur, vous n'êtes pas chercheur.
08:50 Et effectivement, dans ce cadre-là, sur la littérature informationnelle, ça n'a
08:55 rien à voir avec les familles.
08:56 On parle effectivement de chacun, de votre expertise et de mon expertise.
08:59 Mon expertise, effectivement, c'est de faire de la recherche dans ce domaine-là.
09:02 Et je vous dis que quand on fait des méta-analyses globales, c'est-à-dire quand on collige
09:06 l'ensemble des études, aujourd'hui, pour ce qui concerne les adolescents, on ne parle
09:09 pas des 0,2 ans, des 0,2 ans ou des 0,4 ans.
09:12 Alors déjà, première chose, il n'y a pas de lien entre l'exposition aux écrans
09:16 et les troubles neurodéveloppementaux.
09:18 - Quel que soit l'âge.
09:19 - Quel que soit l'âge.
09:20 Ce n'est pas possible puisque l'étiologie des troubles neurodéveloppementaux sont des
09:23 problématiques de développement cérébraux.
09:25 Les symptômes peuvent être, effectivement, amplifiés par l'exposition aux écrans.
09:29 Il faut bien le dire aux familles.
09:30 C'est extrêmement important.
09:31 Comme on a eu aussi une psychanalyste qui est venue ici raconter des choses totalement
09:35 erronées sur le TDAH, je pense que c'est absolument fondamental de le dire.
09:38 Première chose.
09:39 - D'ailleurs, parmi nos auditeurs, beaucoup de questions de famille, justement, sur la
09:43 relation avec leurs enfants.
09:44 - Deuxième chose, sur les troubles, sur les problématiques de bien-être à l'adolescence.
09:49 Sur le bien-être, il n'y a pas de lien systématique entre le temps passé sur les
09:53 écrans et le bien-être ressenti par les adolescents.
09:56 Pour autant, la population adolescente n'est pas une population homogène.
09:59 Donc, si vous avez des fragilités, des vulnérabilités psychologiques et que vous passez beaucoup
10:04 de temps sur les écrans, ça peut, effectivement, avoir renforcé ces vulnérabilités psychologiques.
10:08 Il faut bien comprendre que le problème ici, c'est la question de la causalité.
10:11 Il n'y a pas de causalité de ce point de vue-là.
10:13 Il peut y avoir des amplifications de certains symptômes.
10:16 - Sylvie Diozic, on vous voit là aussi faire nom de la tête.
10:20 En tout cas, en tant que médecin, vous avez l'impression empiriquement qu'il y a des
10:24 effets concrets.
10:25 - Ce n'est pas empirique, c'est clinique et c'est bibliographique.
10:28 Il y a des dizaines d'études et encore une fois, ça va prendre du temps à les détailler.
10:34 Mais ce qu'il vient de dire est absolument insupportable.
10:37 J'en suis désolée.
10:38 Moi, je suis médecin et je suis sur le terrain.
10:39 Encore hier, je voyais des enfants.
10:40 Je vois des enfants de 0 à 18 ans, comme je vous l'ai dit.
10:42 - Mais qui ont quoi ? Qui ont quel problème ?
10:43 - Qui n'ont soit rien, ils vont très bien.
10:46 Mais ils ont besoin de prévention et les familles ont besoin d'avoir formation et
10:48 de savoir comment gérer les écrans selon les tranches d'âge.
10:51 Et je vois des enfants qui sont en grande difficulté.
10:53 Monsieur Bors dit qu'il n'y a pas de problème sur le langage, sur les troubles des interactions,
10:56 sur les troubles du comportement.
10:57 C'est ma consultation depuis 2019.
10:59 - Ce n'est absolument pas ce que vous dites.
11:00 - Excusez-moi, je vais vous parler.
11:01 - Laissez-la terminer.
11:02 - Donc, des enfants sont en trouble de langage, en trouble de comportement, en trouble du
11:06 sommeil.
11:07 Tiens, un point qui devrait nous unir, le trouble du sommeil.
11:09 Tous les enfants qui se retrouvent sur les écrans de façon inadaptée, mal gérée,
11:14 parce que les familles sont dépourvues et n'ont pas ce qu'il faut pour pouvoir gérer
11:18 correctement les choses à la maison, se retrouvent avec des troubles du sommeil.
11:21 - Ou au contraire, les encourage, encourage leurs enfants à rester sur leurs écrans
11:25 pour avoir la paix.
11:26 Ça existe aussi.
11:27 - C'est une autre situation.
11:28 Bien sûr, un enfant difficile, on va effectivement l'utiliser.
11:32 Mais après justement, on aura des troubles de la self-régulation.
11:34 Et là aussi, il y a une bibliographie.
11:36 - C'est quoi la self-régulation ?
11:37 - C'est la capacité à gérer ses émotions pour un enfant.
11:39 Et s'il est calmé systématiquement sur les écrans.
11:42 Et c'est souvent pour ça que les parents donnent l'écran.
11:44 Il va avoir des problèmes importants à l'âge de 2 ans pour gérer ses émotions.
11:48 - Avant de filer au standard et de donner la parole à Edith qui nous appelle de l'Oise,
11:52 j'aimerais juste vous soumettre la question, puisqu'on parle des écrans, des jeux vidéo.
11:55 On attribue aux jeux vidéo les torts les plus graves.
12:00 Et d'un autre côté, beaucoup disent qu'ils peuvent être utiles, qu'ils peuvent aider
12:04 au développement des enfants pour leur agilité, pour leur mémoire.
12:10 - Alors, justement...
12:12 - Là c'est pareil, il y a une littérature extrêmement...
12:15 - Sylvie Diozica !
12:16 - Non mais si on parle des études, j'aimerais bien quand même que l'expert ici de la littérature
12:21 scientifique...
12:22 - Mais monsieur, vous n'êtes pas expert de la littérature scientifique, je suis désolée.
12:25 - C'est mon rôle en tant qu'enseignant-chercheur.
12:26 - C'est un travail, c'est une bibliographie qui est faite pour vous.
12:29 - Ce que je veux dire par là, c'est que...
12:31 - Écoutez-vous !
12:32 - Alors, est-ce que je peux juste dire quelque chose sur les jeux vidéo.
12:35 Effectivement, il y a une stigmatisation extrêmement forte des jeux vidéo.
12:37 Quand vous regardez de façon globale la littérature sur les jeux vidéo, il peut y avoir, ce
12:42 n'est pas du tout systématique, il peut y avoir des effets faibles, effectivement positifs
12:48 sur un certain nombre de compétences qui sont importantes dans un certain nombre d'apprentissages.
12:53 Sur l'autorégulation émotionnelle, sur la question de, comme vous parlez de self-control,
13:00 de régulation émotionnelle, c'est effectivement mon sujet d'étude, c'est ce que nous étudions
13:05 dans le laboratoire, encore une fois, vous dites des choses qui sont basées sur un certain
13:10 nombre d'études scientifiques et d'autres études scientifiques disent l'inverse.
13:13 Vous savez bien que ça, ça va être écouté aujourd'hui.
13:14 - Et l'expérience clinique, monsieur...
13:15 - Et l'expérience clinique, Sylvie Diozica, justement, sur les jeux vidéo, peuvent-ils
13:18 être bénéfiques ?
13:19 - Sur les jeux vidéo, il faut dire un point important.
13:20 Il y a quelques études chez des adultes, chez des adultes qu'on a transposées chez
13:25 des enfants, de petits effectifs, notamment Mme Bavelier qui travaille beaucoup sur ça,
13:28 et c'est intéressant.
13:29 Mais qui, dans un contexte bien précis, dit qu'il y a une amélioration de certaines
13:33 capacités d'attention.
13:34 En fait, il y a été dit, attention, je dis bien des adultes qui jouent beaucoup, des
13:39 grands joueurs.
13:40 Donc il ne faut pas transposer ça, comme je l'ai entendu par exemple à Fortnite, ou
13:43 dire par exemple qu'il y a des améliorations de la lecture sur un jeu, parce que des enfants
13:47 vont jouer à un jeu vidéo, c'est une étude italienne, c'est 79 enfants assez grands,
13:52 d'accord, sur un jeu vidéo particulier qui avait été créé pendant l'étude, et non
13:56 pas à Fortnite ou un autre jeu.
13:58 Donc à ce jour, c'est très clair, sur les jeux vidéo, on est plutôt inquiet, et il
14:02 y a une revue de la littérature avec une méta-analyse de Sala et Kober, et qui remontre
14:06 qu'il n'y a pas d'amélioration des fonctions cognitives, et que rien n'est trouvé de
14:10 partout.
14:11 Oui, et la dernière étude de LECD, vous le savez très bien, "Adolescence, Brain and
14:13 Cognitive Development", 3000 adolescents, qui montrent que ceux qui jouent à des jeux
14:16 vidéo ont des meilleures capacités, dont des capacités exécutives et de régulation
14:22 de leur attention.
14:23 Encore une fois, je ne prendrais pas cette étude en disant que ça veut dire que donc
14:27 les jeux vidéo sont bons pour ces fonctions-là, parce que le problème c'est encore une
14:30 fois la question de la causalité.
14:31 C'est peut-être simplement qu'ils avaient des bonnes capacités attentionnelles, et
14:34 que donc ils jouent mieux aux jeux vidéo.
14:36 C'est tout le problème d'une corrélation et d'une causalité, vous le savez.
14:40 On ne transfère pas ces compétences, c'est pas parce qu'on va bien jouer et qu'on
14:44 va améliorer certains points.
14:45 Ce n'est pas ce que montrent les études de Bavelier, ce n'est pas ce que montrent
14:47 les études que monon au laboratoire.
14:48 Mais Mme Bavelier est la seule à aimer ce genre de résultats.
14:49 Mais le débat est intéressant.
14:50 Je pense que la clinique est importante.
14:51 Alors, arrêtez-nous de comprendre, la clinique est évidemment importante, et le témoignage
14:55 des auditeurs également.
14:57 Bonjour Edith !
14:58 Oui, bonjour !
14:59 Vous avez vu le débat passionné autour des enfants et des écrans.
15:03 Vous nous appelez Deloise et vous avez une question pour nos invités.
15:06 Alors, ma question c'est, est-ce que vous pourriez donner aux auditeurs les mots-clés
15:14 pour expliquer à nos adolescents que c'est dangereux les écrans ?
15:20 Sans les froisser les adolescents ?
15:22 Voilà, parce que oui, parce qu'ils se braquent facilement.
15:25 Oui, ça c'est sûr.
15:26 Et justement, je viens d'entendre l'histoire sur les jeux, que ça peut développer leur
15:36 cerveau par rapport à l'attention.
15:38 Mais c'est complètement fou.
15:40 Le débat là qui partait sur les jeux, c'est ce que j'entends, c'est ce que mon…
15:47 Alors, petit problème de son.
15:49 C'est vrai que de toute façon, le débat sur les jeux, il est évidemment présent.
15:53 Comment faire comprendre aux adolescents, donc je rajoute, sans les froisser, que les
15:57 écrans sont dangereux pour eux ?
15:59 Alors, moi je vais donner un exemple que j'explique souvent aux parents, qui leur parlent bien
16:02 puisque je vois ça tous les jours et cette question est importante pour les parents.
16:05 Évidemment, c'est on offre une Porsche à son enfant sans connaître le code de la
16:10 route et sans avoir le permis de conduire.
16:12 Une Porsche, j'ai bien dit, et pas une petite Twingo.
16:14 D'accord ? Donc, d'emblée, évidemment, avant de donner l'accès à l'Internet,
16:20 que ce soit les jeux vidéo ou les réseaux sociaux, il faut apprendre aux enfants comment
16:23 ça marche.
16:24 Il faut apprendre les avantages et il y en a beaucoup, il n'y a pas de question sur
16:28 ça.
16:29 Et également tous les risques.
16:30 Il faut savoir le nombre de jeunes filles qui se scarifient, qui veulent maigrir, qui
16:34 veulent se retrouver avec des images qui ressemblent à ce qu'elles voient sur TikTok filtrées
16:38 et les conséquences que moi je vois.
16:40 Je vois ces enfants qui vont mal et qui sont hospitalisés.
16:42 Deux choses.
16:43 La première chose, c'est qu'effectivement, quand on pense l'éducation au numérique
16:47 et à l'utilisation d'Internet, la grande difficulté, c'est que ce qu'il faut réussir
16:51 à développer comme compétence chez les adolescents et comme compréhension, ce sont des choses
16:54 qui vont largement au-delà de la simple utilisation de ces écrans.
16:57 Si vous voulez prévenir le harcèlement, il faut développer les compétences socio-émotionnelles,
17:01 psychosociales.
17:02 On le sait depuis 20 ans.
17:03 Il y a toute une littérature là-dessus.
17:04 Il y a les enfants, mais il y a aussi les parents, justement.
17:07 J'aimerais qu'on entende Jacques, qui nous appelle d'Arras.
17:10 Bonjour Jacques.
17:11 Oui, bonjour.
17:12 Merci de prendre ma question.
17:13 Bonjour, je suis M. Le Moyen.
17:15 Donc, ma question est toute simple.
17:18 On évoque la dépendance des enfants aux écrans.
17:20 Les enfants souvent imitent leurs parents.
17:24 Donc, les parents devraient peut-être aussi apprendre à réguler leur usage du téléphone.
17:31 Et là, nos deux invités semblent d'accord.
17:33 Je voudrais rappeler à l'intervenant de l'Arcom d'être un peu moins catégorique
17:42 en lui rappelant le scandale de l'amiante où les autorités sanitaires françaises
17:46 ont mis des années avant de reconnaître que l'amiante était cancérisée.
17:49 Alors, comparaison n'est pas forcément raison.
17:51 Mais en tout cas, je retiens votre question, Jacques.
17:53 Les enfants imitent les parents.
17:55 Est-ce qu'il ne faudrait pas d'abord calmer la dépendance des parents des adultes aux
17:58 écrans ?
17:59 Oui, bien entendu.
18:00 Exactement.
18:01 Et je pense qu'effectivement, un certain nombre de difficultés rencontrées par les
18:03 enfants, notamment quand on parle de difficultés dans l'acquisition du langage, ne viennent
18:07 pas seulement du temps que passent.
18:09 Je suis tout à fait d'accord avec le fait que le fait de passer du temps sur les écrans,
18:13 c'est du temps d'interaction en moins.
18:14 Mais ce temps d'interaction en moins avec l'adulte, puisqu'on sait que c'est fondamental
18:17 dans l'acquisition du langage, c'est le temps passé par l'enfant devant ses écrans,
18:20 mais aussi le temps passé par les adultes devant les écrans.
18:23 Et ça, je pense qu'effectivement, c'est une question beaucoup plus large sur laquelle
18:25 on se rejoint.
18:26 C'est quand on fait de l'éducation de ce point de vue-là, il faut penser à l'éducation
18:30 des enfants, des parents et des enseignants.
18:33 Et effectivement, pour l'instant, notre système éducatif et notre société n'a pas suffisamment
18:36 pensé cette dimension-là de l'utilisation des écrans.
18:39 Il y a une loi qui est en discussion au Sénat sur la prévention de l'exposition excessive
18:44 aux écrans avant 6 ans.
18:45 Elle prévoit entre autres une plateforme pour les parents, justement, on en parlait,
18:49 et un message de prévention sur les emballages des ordinateurs, des tablettes, etc.
18:53 Ça vous semble suffisant ? Ça vous semble bien ?
18:55 J'ai participé, c'est Caroline Janvier qui a proposé cette loi.
18:58 Il y a un autre point très important, c'est une prévention dès la grossesse.
19:01 C'est-à-dire informer les parents, ce que moi je fais dès la première visite à 15
19:04 jours de vie.
19:05 Comment marche le téléphone ? Comment ça va se passer ?
19:07 Et ce qu'on vient de dire, effectivement, dans mon petit livre "Les 10 clés pour une
19:12 utilisation raisonnée des écrans", la première chose que je dis aux parents, c'est
19:16 "soyez-vous conscients de votre utilisation des écrans".
19:18 Il faut savoir que dès la maternité et ensuite à la maison, les mamans, les papas regardent
19:23 leur téléphone et ne regardent pas leur bébé.
19:25 Il est en train de se passer quelque chose de très important qui s'appelle la problématique
19:28 de la technoférence.
19:29 Qu'est-ce que c'est ?
19:30 C'est des parents qui ne sont plus disponibles pour leur enfant et qui ne regardent pas bien
19:34 leur bébé dans les yeux et on sait les problèmes de l'attachement à venir et les troubles
19:37 des interactions.
19:38 Et ça, moi je le vois en clinique évidemment.
19:40 Et les études avancent aussi sur ce sujet-là de plus en plus.
19:43 Et donc ces enfants qui ne vont pas être dans une interaction de qualité vont avoir
19:47 un langage qui va évidemment être en difficulté puisque c'est comme ça que tout commence.
19:50 Mais vous croyez vraiment à l'efficacité des messages par exemple qu'on afficherait
19:54 sur les emballages des tablettes ou des téléphones comme sur les paquets de cigarettes ?
19:58 C'est un début.
19:59 C'est comme tout ce qui peut sensibiliser dans un sens et faire prendre conscience que
20:03 notre monde a changé.
20:04 On est quand même dans un nouveau monde et dans lequel on n'a pas mis de règles et
20:09 de choses précises à donner aux parents.
20:11 Donc c'est un début important et je pense que d'informer dès la grossesse par exemple,
20:15 ça fait partie de cette loi, c'est important.
20:17 Grégoire Borst, parlez-nous de solutions alternatives.
20:20 On parle de ces messages, vous en parliez tout à l'heure, la régulation des plateformes.
20:24 Il y a quand même un certain nombre de sanctions qui sont prévues, des sanctions importantes,
20:28 pécuniaires.
20:29 Comment on les fait respecter ? On ne les fait pas respecter aujourd'hui ?
20:31 Non, on ne les fait pas suffisamment respecter.
20:33 Je pense que le DSA, le Digital Service Act de l'Union Européenne va dans le bon sens.
20:37 Et la dernière chose, et je pense qu'elle est absolument fondamentale, ça rejoint effectivement
20:41 une partie du débat que nous avons aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui on manque de données.
20:45 Le vrai enjeu pour prendre des décisions de santé publique sur cette question-là,
20:49 c'est d'avoir plus de données.
20:50 C'est incroyable ce que vous dites parce que notre monde est digital.
20:55 Les données de la plateforme, les données des plateformes qui permettent effectivement
20:59 d'aller regarder des sous-populations d'enfants et d'adolescents pour regarder quelles sont
21:03 ceux qui sont réellement vulnérables à cette exposition.
21:06 Parce qu'effectivement, ce n'est pas simplement une question de durée, c'est une question
21:08 de contenu, c'est une question d'usage.
21:10 Et que quand on aura ces données, quand la communauté de façon large aura ces données-là,
21:15 on pourra faire des recommandations qui sont des recommandations effectivement basées
21:18 sur ces données-là.
21:19 Mais pour l'instant, les plateformes ne les ouvrent pas.
21:20 Ce qui est absolument absurde.
21:21 C'est ce que va donner le DSA.
21:23 C'est ce que devrait donner le DSA, mais avec toutes les difficultés.
21:26 Et je rappelle que c'est nos données.
21:28 C'est les données personnelles de nos enfants.
21:31 Et de nos… Une transparence sur les algorithmes.
21:33 Mais ce n'est pas suffisant.
21:34 C'est vraiment les données du DSA qu'il faut utiliser.
21:35 J'ai un autre point de vue, qui touche à son père.
21:36 Et j'aimerais juste me faire l'avocat de votre diable.
21:38 Mais en l'occurrence, on lit aussi sur des écrans.
21:41 Est-ce qu'il y a une opposition entre la lecture et le fait de passer du temps, parfois
21:47 beaucoup de temps, sur les écrans ?
21:49 Alors soyons bien conscients de ce que font les enfants dans la majorité des cas.
21:51 Ils ne lisent pas sur les écrans.
21:53 Mais ils peuvent jouer et lire en même temps les commentaires.
21:56 Ah mais ils sont multitâches.
21:57 Mais être multitâche ne veut pas dire qu'on a une attention efficace.
22:00 C'est aussi un autre sujet qui est compliqué.
22:02 Mais la lecture, malheureusement, si c'était le cas et si c'est ce qu'ils regardaient
22:06 le plus souvent, ce n'est pas le cas du tout.
22:07 Common Sense Media, c'est les Américains indépendants.
22:10 Ils donnent très bien les contenus qui sont donnés et qui sont utilisés par les tranches
22:14 d'âge 6, 12 ou 12, 17 ans.
22:16 Et la lecture est infime.
22:18 Le codage est infime.
22:19 La création est infime.
22:20 Par contre, les jeux vidéo, les réseaux sociaux, ça c'est tout à fait important.
22:24 Enfants et écrans, merci d'être venus discuter de cette question avec nous.
22:28 Merci Grégoire Borst.
22:29 Oui, c'était passionnant.
22:30 Professeur de psychologie du développement, merci à vous.
22:33 Sylvie Dieu, Zika, pédiatre et fondatrice du collectif sur Exposition Écran.
22:36 Je rappelle le titre de vos livres « C'est pas moi, c'est mon cerveau » et « Les
22:39 écrans, mode d'emploi pour une utilisation raisonnée en famille ».

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