RENTRÉE SCOLAIRE - Eve Vaguerlant est l'invitée de RTL du 03 septembre 2023

  • l’année dernière
L'auteure de "Un prof ne devrait pas dire ça, choses vues et choses tues dans l'Éducation nationale (éditions Artilleur) est agrégée et docteur en Lettres modernes, professeur de Français depuis une dizaine d'années.
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00:02 RTL.
00:05 Matin.
00:07 Week-end.
00:09 Stéphane Carpentier.
00:12 Ce sont pas loin de 12 millions d'élèves qui vont donc retrouver demain le chemin des classes de la première année de maternelle où ça va sans doute
00:18 beaucoup pleurer. À la terminale où les ados vont grimacer, les bureaux, les tableaux, tout est prêt pour une nouvelle année.
00:24 Mais la question du moment c'est de savoir dans quel état d'esprit comment va l'école dans notre pays.
00:29 Et il faut bien avouer que si on ouvre les livres publiés ces jours-ci par les professeurs, on a de quoi s'inquiéter.
00:34 Ils parlent de l'ex plus beau métier du monde où qualifient les classes de grande garderie.
00:40 Eve Vaguerland est l'invitée de RTL Matin. Bonjour à vous.
00:43 Bonjour.
00:44 Vous enseignez en Ile-de-France depuis presque dix ans. Maintenant vous avez publié au printemps dernier aux éditions L'Artilleur
00:48 "Un prof ne devrait pas dire ça"
00:51 180 pages qui se lisent très très vite. Chose vue et chose tue dans l'éducation nationale.
00:56 J'ai lu par exemple "En France aujourd'hui, chacun sait que l'école est malade". Elle est vraiment malade notre école ?
01:03 Oui et tout le monde a conscience du fait qu'il y a un problème. Le problème de la chute du niveau des élèves.
01:09 Du coup vous diriez quoi ? Qu'ils sont moyens, mauvais, de plus en plus nuls ?
01:12 Un peu par provocation envers la bienveillance institutionnelle, je dis les élèves sont de plus en plus nuls dans mon livre.
01:19 Mais il y a aussi ce problème terrible de discipline qui ruine le quotidien des professeurs.
01:24 Et qui fait qu'on arrive plus à recruter d'enseignants. On ne démissionne pas parce qu'il nous manque 300 euros par mois.
01:30 On démissionne parce que c'est devenu impossible de faire cours dans certaines classes.
01:33 Je voudrais qu'on reprenne les choses dans l'ordre. Le niveau des élèves de nos enfants en gros.
01:38 A l'école aujourd'hui on apprend quoi ? Moins bien, il y a moins d'exigences, il faudrait rétablir l'autorité du savoir. C'est quoi le problème ?
01:44 Oui alors en fait on a tellement de mal à instaurer le cadre qui permet la transmission des savoirs
01:52 qu'on est bien au-delà maintenant d'un problème de connaissance chez les élèves.
01:56 On a un problème d'apprentissage qui est aussi dû en fait à des méthodes qui veulent que l'élève découvre le savoir par lui-même.
02:03 C'est aussi un refus de l'autorité de l'enseignant et de l'autorité du savoir.
02:07 Donc ces méthodes font que les élèves par exemple, on ne leur fait pas rien à prendre par cœur à l'école primaire.
02:13 Et il y a des problèmes de raisonnement, de logique, des problèmes de langage et des consignes de base en classe.
02:19 Par exemple, je suis professeur de français, je veux leur faire faire un exercice qui consiste à relever les adjectifs dans un texte.
02:26 J'ai une bonne part de mes élèves qui ne comprennent pas cette consigne.
02:29 Il faut que je leur explique que ça veut dire qu'il faut trouver les adjectifs dans le texte et les marquer dans son cahier.
02:33 Relever les adjectifs, ils ne comprennent pas.
02:35 C'est-à-dire qu'on les chouchoute aujourd'hui ?
02:36 Oui, on leur mâche le travail systématiquement, il n'y a pas d'exigence.
02:40 Mais effectivement pour les élèves, c'est difficile de se mobiliser en l'absence d'enjeu.
02:46 C'est-à-dire qu'ils passent d'un niveau à l'autre, quoi qu'ils fassent.
02:48 Ils peuvent avoir un mauvais comportement, ne pas travailler, ils passeront quand même dans le niveau suivant puisqu'il n'y a plus de redoublement.
02:54 Sauf à la demande des parents ou de l'élève.
02:56 Il n'y a pas de sanctions concrètement dans une classe aujourd'hui ?
02:58 On a détruit toute l'échelle de sanctions pratiquement.
03:01 C'est-à-dire que là, en cette pré-rentrée, je suis certaine qu'il y a encore des tas de chefs d'établissement qui ont mis la pression aux enseignants
03:08 en leur expliquant qu'ils ne devaient pas exclure les élèves de classe,
03:11 que s'ils voulaient mettre des heures de col, il fallait qu'ils les organisent et qu'ils les surveillent eux-mêmes.
03:15 On en est là, en fait.
03:17 Donc, dans beaucoup d'établissements, il n'y a même plus de salle de permanence avec un surveillant pour surveiller.
03:23 Et les exclusions, il n'y a pas d'exclusion réelle puisque les élèves qui sont exclus sont toujours replacés dans un autre établissement.
03:29 Ça, il faut que les gens le sachent.
03:30 Avec des élèves qui ont parfois été exclus 4-5 fois,
03:34 donc des élèves ultra-violents qui sont souvent de petits délinquants
03:36 et qui sont dans les classes de nos enfants
03:38 et qu'on n'exclue pas, qui ne relèvent plus du système scolaire,
03:41 pour moi, ils devraient être réellement exclus.
03:43 - Voilà, vous décrivez des choses vues quand vous parlez de "choses tues", ça veut dire quoi ?
03:47 C'est-à-dire qu'on ne prend pas assez la parole dans votre milieu, à vous, pour se défendre, en fait, quelque part ?
03:51 - Alors, c'est vrai que là, la rentrée actuelle donne un peu l'impression de l'inverse
03:54 parce qu'on a effectivement pas mal de collègues qui quand même font le constat de manière sans détour.
04:01 Mais dans les établissements scolaires, notamment au niveau des conseils de classe,
04:06 il y a vraiment une pression, une omerta, il y a aussi une idéologie dominante de gauche.
04:13 Maintenant, tout le monde fait le constat, mais en fait, les solutions qu'il faudrait apporter,
04:17 c'est-à-dire faire des classes de niveau, faire de la sélection, remettre de l'exigence,
04:20 refaire des programmes axés sur les savoirs,
04:23 ça, malheureusement, il y a beaucoup de collègues qui sont incapables de s'en revendiquer par idéologie
04:28 parce qu'ils estiment que les classes de niveau, par exemple, c'est mal.
04:31 - Il y a quelque chose que vous mettez beaucoup en avant dans ces 180 pages,
04:34 c'est la violence au sein des établissements scolaires.
04:36 Cette violence, elle existe entre les gamins, parce que c'est le quotidien des gamins aujourd'hui.
04:39 Elle se traduit comment ?
04:41 - C'est des coups permanents, c'est le seul mode de jeu, en fait.
04:44 C'est une agressivité verbale aussi permanente,
04:46 avec des expressions ultra agressives qui sont dans toutes les phrases.
04:53 Et c'est vrai qu'à la rentrée, le gouvernement s'est beaucoup focalisé sur la question du harcèlement scolaire,
04:58 qui n'est qu'une part des violences scolaires.
05:01 Alors, certes, c'est bien de déplacer les harceleurs plutôt que l'élève harcelé,
05:04 ça paraît du bon sens, c'était l'inverse jusqu'à présent.
05:08 Mais j'attends de voir, comme toute l'échelle de sanctions a été supprimée,
05:12 qu'est-ce qu'on fait pour la masse des autres violences scolaires,
05:14 pour les gamins qui prennent des coups tous les jours,
05:16 qui se font pousser dans les escaliers,
05:18 et tous ces actes pour lesquels il n'y a pratiquement rien.
05:21 - Vous avez un statut particulier dans le monde de l'éducation nationale,
05:24 c'est-à-dire que vous êtes une remplaçante, c'est ça ?
05:26 Qu'on vous appelle quand il y a besoin ?
05:28 Mais il y a toujours besoin dans ce monde-là, non ?
05:30 - C'est ça. Alors, en fait, le statut de TZR,
05:32 on est un compte agent de quelques dizaines de milliers dans l'éducation nationale,
05:35 ça veut dire titulaire sur zone de remplacement,
05:37 donc nous sommes des titulaires sur concours,
05:39 certifiés ou agrégés, comme n'importe quel autre prof,
05:42 donc nous ne sommes pas des contractuels,
05:44 et nous venons, en fait, boucher les trous quand il y a,
05:46 par exemple, des allègements de services, des temps partiels, etc.
05:49 Donc, très souvent, ce sont des remplacements à l'année,
05:51 par contre, on change d'établissement tous les ans.
05:53 Je suis persuadée que nous sommes des centaines, des milliers,
05:55 à l'heure actuelle, à ne pas avoir d'affectation,
05:57 c'est mon cas, personnellement.
05:59 Je ne sais pas où je travaille à la rentrée,
06:01 je rentre la veille pour le lendemain,
06:03 alors que j'ai un enfant à faire garder,
06:05 la rentrée c'est demain, je ne sais pas où je travaille,
06:07 parce que le rectorat a une gestion calamiteuse des choses,
06:11 en fait, ils font les affectations des profs,
06:15 sans bien connaître les besoins des établissements,
06:17 les besoins réels des établissements,
06:19 en termes d'heures et de services.
06:21 Un prof ne devrait pas dire ça,
06:23 vous l'avez dit ce matin sur RTL,
06:25 chose eue, chose tue dans l'éducation nationale,
06:27 merci d'avoir partagé tout ça avec les auditeurs,
06:29 on souhaite une bonne rentrée à tous les enseignants de notre pays,
06:31 et aux 12 millions d'élèves dans ce contexte-là.
06:33 C'est à lire aux éditions L'Artilleur,
06:35 merci beaucoup Eve Vagarland.
06:37 Merci.
06:39 [SILENCE]

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