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Xerfi Canal a reçu le Général Vincent Desportes, ancien Directeur de l'Ecole de Guerre, professeur associé (Sciences Po, HEC Paris) et Président de Stratforce Conseil, pour parler du mythe du super-héro en leadership. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Général Desportes.
00:09 Bonjour.
00:10 Général Desportes, ancien directeur de l'École de guerre, vous êtes professeur associé
00:13 à Sciences Po, vous publiez "Devenez leader", édition Odile Jacob.
00:18 Je vais aller à la conclusion.
00:20 Tant pis, on va déflorer un peu l'intrigue parce qu'il y a tellement de choses dans
00:23 l'ouvrage que de toute façon, ce n'est pas l'intrigue, l'intrigue c'est comment
00:27 on devient leader.
00:28 Mais votre conclusion est très très forte.
00:30 Vous nous dites "il faut tuer le mythe du super-héros".
00:32 C'est votre conclusion.
00:34 Et elle est passionnante parce que pour vous, ce mythe est illusoire et dangereux.
00:38 Oui, il est illusoire et dangereux parce qu'il fait accroire à des tas d'êtres humains
00:45 qui ne seront jamais leader parce qu'ils ne ressemblent pas à ces chefs qu'on voit
00:50 dans les films américains, mâchoire carrée, les yeux bleus, je commande parce que je suis,
00:56 etc.
00:57 C'est la vie des forces.
00:58 On voit des gens qui ont toutes ces caractéristiques, qui ont du super-héros et qui sont incapables
01:02 de diriger des humains.
01:04 C'est pour ça qu'on n'est pas humain naturellement.
01:07 On peut le devenir si on comprend simplement qu'est-ce qui fait fonctionner un être humain.
01:12 Comment ça marche un être humain ? Ça marche un peu avec la raison, ça marche énormément
01:16 avec le cœur et encore aussi énormément avec les tripes.
01:21 Ça avance à l'envie.
01:23 Et donc, ce n'est pas parce que je suis grand, au contraire, je risque de faire peur,
01:28 c'est presque parce que je suis quasiment l'égal des autres que je me mets à leur
01:32 hauteur, que je pourrais leur donner envie.
01:35 Et moi, qui ne suis pas particulièrement beau, pas particulièrement grand, j'avais
01:40 un petit complexe au début.
01:41 Et quand j'ai réussi à comprendre comment les femmes et les hommes fonctionnaient si
01:45 on faisait appel à leur cœur, alors je me suis dit, fonce, fonce.
01:48 Si tu comprends comment les collaborateurs et les soldats fonctionnent, comment ils avancent,
01:53 tu peux être un leader.
01:55 Et c'est ce que j'ai essayé d'être pendant toute ma carrière.
01:57 Arrêtons de vouloir être les plus beaux ou les plus belles d'ailleurs, au passage,
02:01 parce que cette remarque vaut aussi pour les dames.
02:03 On connaît tous les drames d'identification à certains corps dans la mode, etc., qui
02:08 conduisent à des anorexies.
02:09 Un vrai sujet.
02:11 Absolument.
02:12 Dans l'ouvrage, vous proposez, deuxième chose, vous mettez plutôt un petit coup de
02:17 pâte à l'entreprise libérée et vous dites, il faudrait maintenant posséder l'entreprise
02:21 libérante.
02:22 Oui, parce qu'entreprise libérée, moi je suis comme tout le monde, j'ai lu les
02:25 livres, je ne vais pas citer les auteurs qui sont excellents, etc., mais à la fin, je
02:29 me suis rendu compte que c'était quand même là un idéal type, comme on dit en
02:34 sociologie, et puis que ce n'était pas applicable partout.
02:37 D'ailleurs, il y a très peu d'entreprises qui sont rentrées là-dedans.
02:39 Mais je me suis dit, ce qui compte, ce n'est pas être une entreprise libérée, c'est
02:43 d'être une entreprise libérante.
02:45 Et les armées sont une entreprise libérante.
02:48 Vous savez, on a toujours des situations extraordinaires, des missions extraordinaires à remplir et
02:54 on a des hommes qui sont ordinaires, comme vous, comme moi, et on y arrive.
02:58 Pourquoi ? Parce que le leadership militaire va chercher à libérer ce qu'il y a de
03:03 meilleur dans les femmes et les hommes qui nous sont confiés.
03:07 On va libérer toute intelligence, on va libérer tout courage, on va libérer toute l'initiative.
03:13 Et c'est parce qu'on arrive à libérer ça que finalement ça fonctionne.
03:18 Donc l'armée est une entreprise libérante et je pense que les entreprises doivent s'attacher
03:24 à être des entreprises libérantes, ce qui leur permet de tirer le meilleur parti des
03:28 femmes et des hommes qui font l'entreprise.
03:30 L'entreprise, c'est une entité vivante constituée d'êtres humains, et bien je
03:35 dois les libérer.
03:36 Et pour ça, je crois qu'il faut se rappeler ce que disait McGregor, un américain, qui
03:41 disait quelque chose de très intéressant.
03:43 Il disait "vous pouvez être un leader mécanique ou un leader agriculteur".
03:47 Le leader mécanique, c'est celui qui tire sur la tige des femmes et des hommes pour
03:54 qu'ils avancent.
03:55 Évidemment, ça ne marche pas et la tige casse.
03:56 Il dit "non, vous devez être un leader agriculteur".
03:59 C'est-à-dire que vous devez avoir une démarche agricole.
04:03 Je plante, mais les femmes et les hommes ont suffisamment d'espace pour qu'ils puissent
04:07 avoir des racines qui s'accrochent bien et mon rôle n'est pas de tirer, il est
04:12 d'arroser, de mettre de l'engrais.
04:14 Et là, j'en reviens à quelque chose qui me paraît fondamental en leadership.
04:18 J'ai découvert ça au bout d'un moment, évidemment.
04:21 Il y a un préfixe fondamental en leadership, c'est le préfixe "auto".
04:25 C'est-à-dire, tout le monde dit "il faut donner du sens, il faut motiver les gens",
04:30 mais ce n'est pas possible, il faut responsabiliser.
04:32 Ça n'existe pas.
04:33 Il faut créer les conditions de l'auto-motivation, avec de l'engrais, avec de l'eau, de l'auto-responsabilisation.
04:41 Et donc, au fond, mon rôle de leader, ce préfixe-là, c'est "auto".
04:46 Je dois créer de l'auto les conditions de l'auto-motivation, de l'auto-responsabilisation,
04:52 de l'auto-engagement.
04:54 Une fois qu'on a compris ça, une fois qu'on a fait ce pas de côté, alors on peut devenir
05:01 un grand leader, on n'a pas besoin d'être un super héros, il suffit de faire ce pas
05:05 de côté.
05:06 Beaucoup de cette image, on ne fait pas pousser des roses en tirant sur leurs tiges, mais
05:09 effectivement en les arrosant et en leur donnant de l'engrais.
05:11 C'est une très belle image.
05:13 Finalement, c'est le rôle fondamental du leader, concluer sur ce rôle fondamental
05:19 du leader, et on ne s'y attend pas forcément.
05:22 Vous nous dites en fait, c'est préparer le coup d'après.
05:24 Absolument.
05:25 Le leader dirige pour le bien des autres.
05:30 Si vous dirigez pour le temps présent, on sait bien que le monde va trop vite, que vous
05:34 êtes submergé par une vague, faites de nouvelles technologies, de nouveaux entrants.
05:38 Et donc diriger les hommes, on sait bien c'est les amener au-delà de ce qu'ils sont.
05:43 Regardez De Gaulle encore, ce n'est pas le seul évidemment, mais je pense le coup d'après.
05:47 Je dois penser le coup d'après.
05:49 Et c'est pour ça, le leader c'est vraiment ça sa fonction.
05:52 Le stratège est celui qui pense le coup d'après, qui arrive à se détacher du présent, qui
05:57 est important.
05:58 Il faut penser le coup d'après et le rendre indispensable pour les femmes et les hommes
06:05 qui lui sont confiés.
06:06 Donc, je dois donner envie ensuite de ce coup d'après.
06:09 Donc, le stratège, on en revient, c'est vouloir et faire vouloir, penser l'avenir
06:14 et le faire vouloir à ses collaborateurs.
06:16 Voilà, the next big thing, le coup d'après.
06:19 The next big thing, ça s'appelle devenir leader et c'est aux éditions Odile Jacob.
06:23 Et c'est tout de suite.
06:24 Merci Général Deporte.
06:25 Merci.
06:25 Merci.
06:27 [Musique]
06:32 [SILENCE]

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