Avec Laurent Delmas, journaliste.
Retrouvez les éditos culture sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-culture
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00:00 l'édito culture avec vous Laurent Delmas. Ce matin Laurent, vous nous parlez de l'art
00:04 difficile des affiches de cinéma.
00:07 Oui, c'est pour ça que je vous ai fait le jeu de mots, ça l'affiche mal ce matin,
00:11 c'est Bruno Donnet qui me l'avait soufflé, c'est lui.
00:14 Je ne l'avais pas capté en plus.
00:15 C'est comme ça, c'est pour ça que j'y insiste.
00:17 A l'origine de mon coup de griffe de ce matin, il y a en effet l'affiche d'un film très
00:21 récent et pas n'importe lequel, La Palme d'or 2023, s'il vous plaît, « Anatomie
00:26 d'une chute » de Justine Trier, alors que les choses soient bien claires, ce film est
00:30 une œuvre magnifique, sa récompense suprême parfaitement méritée et son succès public
00:35 grandissant me réjouit absolument.
00:37 Vous l'avez vu Nicolas ?
00:38 Pas encore, pas encore.
00:40 Précipitez-vous, bon sang de bois.
00:42 Seulement voilà, il y a son affiche.
00:44 Je vous la décris rapidement, si vous ne l'avez pas en tête.
00:47 A gauche, un homme plutôt hilar avec une casquette.
00:49 A droite, une femme tout aussi joyeuse et au-dessus, le titre du film.
00:53 La photo est assez floue, un peu comme si c'est moi qui l'avais prise.
00:56 Elle ne dit pas grand-chose sinon qu'elle tranche avec le titre plutôt inquiétant,
01:01 lui.
01:02 Je ne dirai rien de plus sur son lien avec l'histoire que raconte le film par respect
01:05 pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, les vénards, vous.
01:08 Et pour mélanger un peu ces concepteurs qui ont pu penser qu'elle pouvait donner l'envie
01:13 d'aller voir le film, les bizarres.
01:15 Allez, vous l'aurez compris, pour faire simple, je trouve cette affiche moche et insignifiante
01:20 à la fois.
01:21 Je me suis alors demandé depuis quand une affiche de cinéma ne m'avait pas tapé dans
01:24 l'œil ? Et d'autant plus, d'autant plus, ça n'est
01:27 que le titre.
01:28 « Anatomie d'une chute », c'est une référence assumée à un chef-d'œuvre
01:32 d'Otto Preminger, « Autopsie d'un meurtre », dont l'affiche signée du génial graphiste
01:37 Saul Bass est une splendeur.
01:39 Vous n'allez quand même pas nous dire ce matin que les affiches, c'était mieux avant ?
01:41 Et ben si ! Et pourquoi pas ! Pourquoi pas, comme on me l'a glissé récemment.
01:50 C'est vrai qu'on n'a plus envie de mettre des affiches de cinéma sur les murs de nos
01:53 chambres.
01:54 Enfin, rappelez-vous pourtant, l'affiche déstructurée de « A bout de souffle », dont les originaux
01:58 désormais, et soit dit en passant, se vendent à prix d'or.
02:01 Ou celle de Barry Lyndon avec cette botte noire qui écrase une rose.
02:05 Et l'œuf géant d'Alien assorti du terrifiant slogan « Dans l'espace, personne ne vous
02:11 entendra crier ». Et Nanni Moretti, de dos, sur son scooter romain.
02:16 Quand même, c'est quelque chose, ça ! Certains des auteurs pouvaient s'appeler
02:19 Folon, Tardi, Floc ou Topor quand on préférait le dessin à la trop plate production d'une
02:25 scène du film.
02:26 Parce qu'au fond, on se disait que pour certains films au moins, ça valait le coup d'affirmer
02:31 un propos esthétique, de demander à un artiste de bien vouloir poser son regard sur l'œuvre
02:36 d'un autre artiste cinéaste.
02:37 Il y avait ainsi de l'audace dans la stylisation d'un talon aiguille d'Almodovar.
02:42 Ou bien encore de la malice dans cette main de Marionettis, souvenez-vous, symbolisant
02:46 le parrain de Coppola.
02:48 Alors on me dira, et on aura bien raison, qu'une affiche ne fait ni un succès, ni
02:52 un échec, et c'est heureux.
02:54 Reste que le cinéma est un art de l'image.
02:56 Notre premier contact avec un film, c'est son affiche que l'on risque parfois de voir
03:00 et de revoir des semaines avant la sortie en salle.
03:02 Serait-ce trop demander au distributeur un peu de créativité, d'originalité ou, gros
03:08 mot, de subtilité, pour faire en sorte que certaines affiches sortent du lot, comme le
03:13 film dont elles se font l'écho ? À l'instar de celle de Yannick, le nouveau film de
03:18 Quentin Dupieux qui attire le regard parce qu'elle joue la carte du décalage et du
03:21 second degré ? Après tout, l'affiche d'un film, c'est comme sa musique.
03:26 C'est avant la sortie une invitation, une promesse et après un souvenir, un parfum.
03:34 Alors pourquoi ne pas tenter de faire du beau lequel, comme on le sait sur cette antenne,
03:40 a toujours raison ?