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00:00 Céline Ballydard-Court, votre invitée Mediasine pour France 5, un documentaire que tous les
00:04 parents devraient regarder.
00:05 Une enquête mêlée de témoignages sur les dérives et les conséquences parfois dramatiques
00:10 de l'exposition des enfants sur les réseaux sociaux.
00:12 Bonjour Elisa Jadot.
00:13 Bonjour.
00:14 Ça s'appelle "Enfants sous influence surexposés au nom du like".
00:17 Et on est effrayé quand on regarde votre film.
00:19 On voit effectivement les ravages de ce qui peut paraître anodin au départ.
00:22 On pose des photos, des vidéos de ces enfants.
00:25 C'est souvent mignon mais en fait c'est très dangereux.
00:26 Qu'est-ce qui vous a amené à faire ce documentaire ? Quel a été le point de départ ?
00:29 À l'origine j'avais déjà fait un premier documentaire sur la dictature du bonheur sur
00:34 les réseaux sociaux.
00:35 Ça m'a amenée à plonger dans ce monde particulièrement vaste.
00:39 Et j'ai découvert qu'il y avait tout un tas de pratiques qui dépassaient certaines
00:44 limites notamment concernant les enfants.
00:46 Et donc c'est tout naturellement qu'avec mes productrices on s'est dit qu'il était
00:51 important d'aborder ce sujet.
00:52 Il y a ce chiffre que vous donnez.
00:54 À 13 ans, un enfant a en moyenne 1300 photos et vidéos de lui postées sur les réseaux
00:59 par ses parents.
01:00 D'où vient cette mode d'exposer ses enfants ?
01:02 Exposer ses enfants, ça a toujours été le cas.
01:06 On a toujours photographié ses enfants.
01:08 C'est depuis les smartphones ?
01:09 Oui, c'est depuis les smartphones.
01:10 Et puis ça vient principalement des Etats-Unis, de YouTube aussi, avec cette envie de créer
01:15 un business notamment sur la vie de famille des parents qui publient à peu près tout
01:21 du matin au soir.
01:22 Il y en a une d'ailleurs dans vos documentaires, on va l'entendre tout à l'heure.
01:25 Je vous laisse poursuivre.
01:26 Il y a cette espèce de dérive finalement.
01:29 Au départ, on part de façon tout à fait innocente, publier sa vie de famille.
01:32 Et puis on en vient à se rendre compte qu'une vidéo dans laquelle un enfant apparaît est
01:37 vue trois fois plus de fois qu'une vidéo dans laquelle aucun enfant n'apparaît.
01:41 Donc naturellement, les likes attirent les marques.
01:44 Il y a cette dérive mercantile qui pousse également certains parents à dépasser les
01:49 limites et à rentrer dans une espèce de surenchère de contenus pour faire le buzz et attirer
01:54 l'attention, se démarquer.
01:55 Vous avez rencontré Kam qui est une jeune américaine de 24 ans.
01:58 Elle est traumatisée par la surexposition que lui a fait subir, que lui a imposé sa
02:03 maman.
02:04 Quelles sont les conséquences pour elle aujourd'hui encore ?
02:05 Il y a tout un tas de conséquences.
02:07 Il y a de l'anxiété, un problème de confiance.
02:10 Kam, ce qu'elle dit dans le documentaire, elle parle notamment d'un moment où sa maman
02:14 a publié quand la première fois qu'elle avait ses règles.
02:16 Elle avait 9 ans, elle était très jeune.
02:19 Il y a eu une perte de confiance.
02:20 Elle s'est sentie trahie par sa maman qui a dévoilé cette information particulièrement
02:25 intime.
02:26 Il y a tout un tas de problématiques, de conséquences et de dommages liés à la surexposition.
02:33 On parle aussi dans le documentaire d'un tas de dérives, de ce qu'on appelle le "kid
02:37 shaming", c'est-à-dire se moquer de son enfant dans des vidéos.
02:41 Il y a même des challenges ?
02:42 Il y a même des challenges.
02:43 On parle d'un truc qui s'appelle le "cheese challenge", c'est-à-dire jeter une tranche
02:48 de fromage au visage de son tout petit bébé.
02:51 L'enfant devient assez facilement sur les réseaux sociaux un objet de divertissement.
02:56 Ça fait carrément peur.
03:00 Comment peut-on grandir un enfant quand il est chez lui, il est censé être libre, il
03:05 est censé être en sécurité ? Et puis il va se dire "à tout moment mon parent peut
03:09 m'envoyer une tranche de fromage au visage".
03:11 Ça pose un certain nombre de questions sur notre époque.
03:14 Vous évoquiez le côté mercantile de certains parents parce qu'ils filment leurs enfants,
03:19 ils font des placements de produits, donc ils gagnent de l'argent.
03:21 C'est légal de servir de ces enfants pour ça ?
03:24 Ça dépend.
03:25 En fait, c'est légal à partir de trois mois déjà.
03:28 C'est-à-dire qu'avant trois mois, on ne peut pas faire travailler un enfant ou il
03:31 ne peut pas participer à une communication.
03:33 Il y a une loi qui est la loi de l'enfant mannequin de 1990 qu'on a tendance à oublier
03:38 sur les réseaux sociaux.
03:39 Cette loi s'applique pour les enfants acteurs, pour les enfants qui font des publicités
03:43 à la télé ou dans des magazines.
03:45 C'est vrai qu'un bon nombre de parents et de marques, il faut le souligner aussi parce
03:48 que les marques sont aussi responsables de ces dérives, utilisent leurs enfants et l'image
03:53 de leurs enfants pour promouvoir des produits, en effet, de façon pas tout à fait légale
03:58 très souvent.
03:59 Est-ce qu'on peut dire que c'est de l'exploitation d'enfants parce qu'ils ne donnent pas leur
04:02 consentement finalement ?
04:03 C'est une forme d'exploitation d'enfants, oui, tout à fait.
04:07 Le consentement, à quel âge d'ailleurs un enfant peut donner son consentement ? On
04:11 estime que c'est peut-être autour de 13 ans qui est l'âge légal pour avoir un compte
04:14 sur les réseaux sociaux.
04:15 C'est vrai qu'à 3 ans, 4 ans, 5 ans, c'est difficile de recueillir le consentement de
04:19 son enfant.
04:20 Donc peut-être vaut-il mieux s'abstenir plutôt que de publier des choses que les
04:25 enfants pourront nous reprocher plus tard.
04:27 C'est aussi ça le sujet, c'est ça l'enjeu.
04:28 Les parents, ils peuvent être condamnés à quelle peine ? Si la loi est appliquée ?
04:32 On ne sait pas trop pour l'instant.
04:35 Tout ça est en cours de discussion.
04:36 Il y a justement un sujet sur la table, sur ce projet de loi qui est le projet de loi
04:41 du droit à l'image des enfants qui pourrait donner la possibilité au juge des affaires
04:45 familiales de faire une délégation partielle de l'autorité parentale si un parent abuse
04:51 de l'image de son enfant.
04:52 Ce qu'il faut souligner, c'est que le parent n'est pas détenteur de l'image de son enfant,
04:57 il en est le protecteur.
04:58 En fait, un bon nombre de parents oublient cela.
05:00 Ils sont censés protéger l'image de leurs enfants pour qu'elle soit vierge de toute
05:04 réputation jusqu'à ses 18 ans.
05:07 Il y a beaucoup de témoignages dans votre film, Lisa Jadot.
05:10 Notamment celui de Jessica Tivenin, c'est l'une des influenceuses les plus célèbres
05:14 de France.
05:15 Elle a démarré dans les Marseillais, elle vit à Dubaï aujourd'hui, elle a des millions
05:17 d'abonnés.
05:18 Et elle filme sa vie, sa famille, ses enfants, tout au long de la journée, pour tout et
05:23 n'importe quoi, quand ils mangent, quand ils vont au parc, quand ils vont à l'hôpital.
05:26 Et elle ne voit absolument pas le problème, on l'écoute.
05:29 Après, j'ai jamais pensé à ce que mes enfants puissent nous en vouloir de les avoir
05:32 montrés et ne pas être fiers parce que malgré tout, on n'est pas des personnes à qui tu
05:35 peux avoir honte qu'on ait tes parents.
05:36 Parce qu'on a quand même fait les choses correctement, on est des personnes simples,
05:44 des personnes, je ne pense pas qu'ils puissent avoir honte de nous, après on ne sait pas
05:47 honte de quoi ils feront demain.
05:48 Puis en vrai, de vrai, si vraiment leur vie c'est une horreur, ils pourront changer de
05:52 nom, tant pis, je ne leur en voudrais pas.
05:53 Si moi mon passé les dérange, ça ne me dérangerait pas qu'ils changent de prénom, ce n'est
05:56 pas grave.
05:57 Elle est dingue quand même cette réponse, pas la jeune fille qu'on vient d'entendre,
06:01 mais malgré vos discussions avec elle, elle ne voit pas le mal ?
06:04 Pas vraiment, pas vraiment.
06:07 Elle est dans sa bulle, elle fait ce qu'elle a toujours fait, partager la vie de ses enfants.
06:12 En effet, elle ne voit pas le mal.
06:13 Il y a des sujets, j'avais l'impression qu'elle les découvrait pour la première fois quand
06:17 je lui posais certaines questions.
06:19 Je pense aussi que juger ses parents, ce n'est pas forcément la bonne réaction.
06:25 Le documentaire, l'idée c'est d'informer, d'alerter et qu'on se pose juste la question
06:31 des conséquences pour les enfants.
06:34 Je pense que c'est ça vraiment le message, quelles peuvent être les conséquences.
06:37 Et en effet, prendre un petit peu de recul, avoir un peu de réflexion avant de publier
06:42 une photo de son enfant.
06:43 L'autre très grave problème que posent ces postes, c'est que ces photos, ces vidéos
06:48 d'enfants sont un formidable terrain de chasse pour les pédophiles.
06:51 Tout à fait.
06:53 On estime qu'au minimum, 50% des photos qui s'échangent sur des sites pédopornographiques
07:00 proviennent des réseaux sociaux et ont été partagées par les parents eux-mêmes.
07:05 C'est le minimum.
07:07 Y a-t-il des photos totalement anodines ?
07:09 Des photos totalement anodines, totalement innocentes.
07:11 On s'imagine souvent que c'est la nudité qui attire les prédateurs sexuels, mais pas
07:17 seulement.
07:18 Par exemple, il est avéré qu'un prédateur sexuel adore tout ce qui est vidéos d'enfants
07:23 qui mangent des fruits parce que ça fait des bruits et qu'ils sont friands de ce genre
07:27 de contenu.
07:28 Tout ce qui va être les enfants qui mangent des fruits, les enfants qui sourient, un visage
07:32 peut provoquer des sensations chez les prédateurs sexuels.
07:37 On dévoile dans ce documentaire un site internet, dont on n'avait pas encore entendu parler,
07:43 qui est un des plus gros sites de points de rencontre pédophiles et un des sites les
07:47 plus visités au monde.
07:48 C'est terrifiant.
07:49 C'est vraiment terrifiant, mais c'est un film à voir absolument.
07:52 Merci beaucoup Elisa Jadot.

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