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Tous les samedis et dimanches à 18h17, Pierre de Vilno reçoit un invité au cœur de l'actualité politique pour un moment d'échange franc sur les dossiers brûlants du moment. Ce soir Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman.
Retrouvez "Les invités d'Europe Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-europe1-week-end

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Transcription
00:00 avec nous sur Europe ce soir le président de la fondation Robert Schuman. Bonsoir Jean-Dominique Juliani.
00:04 - Bonsoir.
00:05 - Avant de parler de la récession en Allemagne, ce qui se passe à Lampedusa est un marqueur sur cette crise migratoire
00:11 que l'Europe connaît depuis de nombreuses années maintenant et notamment depuis ce qu'on a appelé le printemps arabe. Y a-t-il une solution ?
00:18 Et si oui, laquelle ?
00:20 - Écoutez, je crois que
00:21 tous les États membres, à commencer par le nôtre, disent la réponse est européenne et on fait des lois nationales.
00:28 Donc il faut sortir de cela.
00:30 Il n'y a pas d'accord à 27 pour y arriver. Il faut au moins le faire avec les pays qui sont d'accord
00:37 pour commencer des choses très concrètes.
00:39 Harmoniser les conditions de l'asile, les conditions du retour et ménager à la fois une très grande humanité,
00:46 puisqu'il s'agit de personnes humaines et en même temps beaucoup de fermeté. Comment se fait-il qu'ayant passé un accord avec la Tunisie
00:54 pour sauver son budget et sauver l'État, elle laisse partir 8000 personnes en bateau en 24 heures ?
01:00 Donc si vous voulez, il faut être beaucoup plus ferme et il faut pas seulement dialoguer avec ces États-là, il faut
01:06 leur imposer aussi de participer avec nous à la maîtrise et à la régulation
01:11 des fleux migratoires pour éviter les 2000 morts qu'on a depuis le 1er janvier.
01:15 - Comme vous dites, ces États-là, en l'occurrence, c'est la Tunisie et l'attitude du président tunisien qui concrètement dit "moi je veux pas d'africains
01:21 du sud chez moi", enfin des africains qui sont au sud de son pays et donc il les renvoie d'une certaine manière
01:28 tragiquement vers l'Europe. - Absolument, alors il faut l'aider, si ça ne suffit pas, il faut lui imposer quelque chose. - Mais de quelle façon ?
01:35 - Écoutez, je crois que dans la situation où on est,
01:39 manifestement,
01:42 les douaniers, la police tunisienne n'arrivent plus à faire les choses, donc il faut les aider à le faire.
01:48 Et donc il faut le faire volontairement avec eux ou à un moment ou à un autre, la crise sera tellement forte qu'il faudra leur
01:54 imposer. Il faudra imposer et regarder ce qu'on a fait avec le Niger, on a diminué
02:00 l'immigration de transit de moitié
02:04 en aidant à former des douaniers, etc. Donc il faut faire ça partout en Afrique
02:10 et il faut faire preuve d'un peu plus de fermeté parce que j'ai regardé les chiffres, en
02:17 1950 il y avait deux européens pour un africain, aujourd'hui il y a deux africains pour un européen,
02:22 en 2050 il y aura trois africains pour un européen et si ça continue comme ça, en
02:28 2100 il y aura sept africains pour un européen.
02:31 - Mais certains observateurs disent "oui il y aura sept africains pour un européen mais on ne peut rien y faire et ça sera comme ça" parce
02:38 qu'il y a une crise démographique, parce qu'il y a une
02:41 natalité qui est incroyable en ce moment en Afrique, je crois qu'elle est de 5,5
02:46 par rapport à 1,8 en France par exemple, et puis il y a ce qu'on appelle communément le dérèglement climatique qui fait que
02:53 peut-être que la situation sera plus possible dans ces pays-là, en tout cas à certains mois de l'année, donc les africains vont
02:59 remonter comme un flux global.
03:01 Est-ce que l'Europe est prête à se fermer ? Est-ce que l'Europe est prête à travailler à des solutions ?
03:06 Est-ce qu'on a complètement abandonné cette théorie de fixer les gens dans leur pays ?
03:11 Ce qu'ont essayé de faire les chinois mais les africains ont bien vu que c'était une forme de nouvelle colonisation.
03:16 Où est-ce qu'on en est sur ces thèmes-là ?
03:20 - Pour l'aide à la population et aux populations africaines,
03:25 l'Union Européenne et ses états membres sont les premiers au monde.
03:29 Nous dépensons des centaines de milliards d'euros pour les aider.
03:34 - Mais parce que nous sommes la cible de l'immigration directe.
03:36 - Absolument, mais parce que nous sommes directement
03:39 intéressés par le développement de l'Afrique comme vous le dites.
03:42 Donc il faut vraisemblablement
03:43 continuer à renforcer cela. Je pense qu'il faut un peu plus de fermeté aussi.
03:48 Nous avons besoin d'immigration.
03:49 C'est incontestable.
03:52 L'Europe ne fait plus d'enfants.
03:54 Il n'y a aucun pays européen qui ne reproduit sa propre population.
03:59 Et toutes les populations qui
04:00 augmentent en Europe, l'Allemagne, la France ou d'autres, c'est à cause ou grâce à l'immigration.
04:06 Regardez ce qui se passe dans les petits emplois comme dans les grandes entreprises chez nous.
04:11 Sans immigration, l'économie ne tourne plus.
04:13 Seulement il faut la réguler.
04:15 Et les citoyens ont l'impression qu'on ne sait pas s'y faire,
04:19 qu'on ne sait pas manager et régler cette affaire.
04:22 Et donc ils se tournent vers
04:24 les solutions extrêmes,
04:27 nationalistes ou autres, par défi, à l'égard des gouvernements qui n'en peuvent mais.
04:32 - Mais sur la démographie et sur le manque de personnes
04:35 qui font tourner l'économie de chaque pays, vous êtes contredit aujourd'hui, pardonnez-moi,
04:40 par les observateurs qui disent "demain ce ne sont pas les hommes, c'est l'intelligence artificielle qui va faire les emplois qui sont faits aujourd'hui".
04:47 - Oui mais enfin qui fait les programmes informatiques ?
04:51 - Et là dans ce cas là il faut des personnes hautement qualifiées.
04:53 - Oui mais vous croyez qu'il n'y en a pas en Afrique ?
04:55 Là je crois que vous vous trompez complètement.
04:57 - Ah non non, je n'ai jamais dit qu'il n'y en avait pas en Afrique.
04:59 Je vois en revanche que ceux qui sont effectivement qualifiés en Afrique,
05:03 souvent vont dans d'autres pays pour se qualifier, dans des grandes écoles, que ce soit aux Etats-Unis, en Asie, du Sud-Est, etc.
05:09 - Non non, il ne faut pas raisonner comme ça, ce serait, comment vous dire, à mon avis, critiquable.
05:15 Il y a toute une jeune génération en Afrique qui, croyez-moi, sur le plan économique, est particulièrement
05:20 développée, il y a énormément de startups, etc. Il y a des problèmes de financement,
05:26 des problèmes de corruption, des problèmes d'État qui n'existent pas. Oui, il y a tout ça.
05:31 Donc c'est là-dessus qu'il faut essayer de travailler. Les problèmes sécuritaires aussi, on le voit bien avec les difficultés de la France aujourd'hui.
05:37 Non, je crois qu'il faut à la fois humanité et plus de fermeté.
05:42 - Alors, vous êtes venu à l'origine, Jean-Dominique Juvény, parler de la récession en Allemagne. C'est un sujet qui est
05:49 extrêmement important. Quelques chiffres. Déjà en juin, le chômage en Allemagne a grimpé jusqu'à 5,7%.
05:55 Selon les prévisions, le PIB sur l'année 2023 devrait baisser de 0,4%.
05:59 C'est la pire performance des pays du G7. Les exportations sont en berne, -12% par exemple sur les commandes industrielles,
06:06 -11% de baisse d'exportation vers la Chine, c'est un marqueur. Et puis alors il y a un effet sur la population.
06:12 Le taux de méfiance,
06:15 selon un institut envers les autorités, est passé de 27% en 2017 à 42% en 2023.
06:24 Cette Allemagne qui a été... On nous faisait des leçons quand même. On nous pointait du doigt comme un mauvais élève de CM1 ou de CM2.
06:31 Et là on regarde ton copain allemand, il a des chiffres, il fait de la croissance, nous en France on est nu, etc.
06:37 Est-ce que c'est en train de s'inverser et pourquoi ?
06:40 - Les Allemands eux-mêmes se posent la question. Vous faisiez référence,
06:43 sans le citer, à un article du Spiegel qui dit que la France et l'Allemagne ont mieux.
06:49 Et qui se termine en disant justement la France montre que les discours politiques peuvent infléchir et changer les choses.
06:56 Parce que la France depuis longtemps
06:58 plaide pour une Europe moins disciplinaire,
07:02 si je puis dire, et plus tournée vers la croissance, la répartition.
07:06 Et surtout l'Allemagne paie à la fois des mauvais choix et l'absence de choix. Les mauvais choix on les connaît,
07:14 avoir voulu
07:16 développer à fond une industrie avec
07:19 une énergie pas chère venue de Russie, etc. Sans prendre en compte les risques.
07:25 Nous les avions prévenus, les Américains les avaient prévenus.
07:29 Mauvais choix contre le nucléaire
07:32 pour des raisons quasi idéologiques, parce que le nucléaire est quand même une énergie propre aujourd'hui.
07:40 Et
07:42 il y a eu un choix résolu vers l'exportation.
07:46 Avec une industrie très compétitive,
07:49 et une main d'oeuvre pas très bien payée, pas très bien rémunérée, qui est plus, comment dirais-je, plus docile
07:56 qu'en France ou que dans d'autres pays. - Moins de grèves, moins de perturbations.
08:01 - Maintenant ça vient, n'est-ce pas ? Nous tentons ça être en grève régulièrement, etc. Et l'absence de choix, c'est surtout en matière de sécurité.
08:08 L'Europe
08:11 a voulu désarmer les Allemands, non jamais pour des raisons historiques qu'on peut comprendre aussi.
08:18 Voulu s'intéresser aux questions de sécurité, ça s'en remet à l'OTAN, aux Américains, et aujourd'hui ils ont peur.
08:24 Et les chiffres que vous citez montrent que les Allemands ont peur, ils sont très critiques à l'égard de leurs gouvernants.
08:30 Je crois que le parti d'extrême droite est devant le parti du chancelier dans les sondages,
08:34 donc à plus de 20%. Et donc c'est une remise en cause
08:40 d'une manière de faire qui à la fois était, que madame Merkel a incarné très bien,
08:46 c'était à la fois "je ne fais rien"
08:48 et à la fois "j'ai une vision morale,
08:51 les Grecs ont fauté, il faut les punir". - Mais est-ce que c'est dommageable pour nous ? Parce qu'on parle souvent du couple franco-allemand, c'est-à-dire
08:57 ce qui est dommageable en Allemagne arrive directement chez nous avec des conséquences. - Bien sûr c'est dommageable parce que l'essentiel du commerce
09:03 en Europe se fait entre pays européens, et c'est comme ça que se construit, bien sûr, si on a
09:09 un partenaire
09:11 important qui met un genou en terre, ce n'est pas une bonne nouvelle. - Et là est-ce que encore une fois l'Europe peut aider
09:17 l'Allemagne à se repositionner ? - Je crois que les choses ont beaucoup changé, regardez l'idée de l'autonomie stratégique lancée par
09:23 Emmanuel Macron qui va jusqu'à sécuriser nos approvisionnements énergétiques
09:28 en matière de puces électroniques etc. Gagne du terrain.
09:32 L'idée d'une Europe qui pense un peu à sa défense gagne du terrain, mais comme toujours avec les Allemands c'est très long.
09:38 Et je pense que c'est ça que les Allemands reprochent à la gouvernance, c'est trop long parce que le pouvoir est éclaté
09:45 entre grandes régions, les landers,
09:48 au sein même des institutions, on a veillé à ce que
09:52 l'histoire ne se répète pas en réalité. - Merci beaucoup Jean-Dominique Juliani de nous avoir éclairé ce soir sur Europe 1, président de la fondation

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