• il y a 4 mois
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Chaque matin de l'été, à 8h15, Lionel Gougelot reçoit une personnalité au centre de l'actualité. Ce vendredi, Jean Garrigues, historien et président du comité d'histoire parlementaire.

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Transcription
00:00L'invité politique de la matinale, Lionel Goulgeon, vous recevez ce matin, Jean Garrigue, président du comité d'histoire parlementaire.
00:05Bonjour Jean Garrigue.
00:06Bonjour.
00:06Bienvenue dans les studios d'Europe 1.
00:08Emmanuel Macron avait fixé la date du 15 août, après la trêve olympique, pour nommer un premier ministre chargé de composer une équipe gouvernementale.
00:15Toujours rien à l'horizon Jean Garrigue, est-ce que ça peut encore durer longtemps ?
00:19Non, ça ne va pas durer très longtemps.
00:21Je rappelle que dans d'autres grandes démocraties européennes, on prend des mois quelquefois, voire des années, pour essayer de mettre en place un pacte de gouvernement.
00:32Mais ils ne vivent pas sous la constitution de 58.
00:34Alors c'est tout le problème effectivement, mais je pense que dans le paysage politique d'aujourd'hui, avec ces trois forces relativement égales,
00:44peut-être une quatrième, car il faut rappeler que les républicains, si vous additionnez députés et sénateurs, c'est la plus grande force parlementaire.
00:51Bref, dans un paysage aussi fragmenté, il faut trouver de nouvelles manières de pratiquer ces institutions de la Ve République.
00:59Il faut inventer, il faut une révolution culturelle.
01:03Cette révolution culturelle, à mon sens, elle s'appelle compromis, elle s'appelle convergence, elle s'appelle éventuellement coalition.
01:10Le problème c'est qu'on est dans un état d'esprit qui est celui de l'obsession présidentielle de 2027,
01:19et qui est totalement antinomique par rapport à cette idée de compromis.
01:25Pour dire les choses un peu plus simplement, personne n'ose faire le premier pas.
01:29D'une certaine façon, il y a un peu de ça. Personne n'ose se jeter à l'eau.
01:33Exactement, parce que tout le monde a peur justement d'y perdre des plumes.
01:37On voit très bien que le calcul, si on prend le calcul de Jean-Luc Mélenchon par exemple,
01:43le calcul pour lui de rester dans une coalition du Nouveau Front Populaire,
01:50avec quelqu'un qui serait leur candidat pour Matignon, Lucie Castex, qui n'est pas de la France Insoumise,
01:57c'est un calcul qui peut être dangereux sur plusieurs plans.
02:01Parce que d'abord, un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire, à mon sens, aurait une durée de vie très limitée.
02:08On va y revenir dans un instant, oui.
02:10Et aussi parce qu'il y perdrait justement le leadership de la gauche.
02:14On va y revenir.
02:15Et c'est un peu pareil pour tous.
02:16On va y revenir, mais d'abord d'un point de vue constitutionnel,
02:18est-ce que cette situation ne commence pas à poser un sérieux problème ?
02:21Parce qu'il y a quand même cet article 5 de la Constitution qui oblige Emmanuel Macron
02:25à garantir la continuité de l'État et donc à prendre une décision le plus rapidement possible quand même.
02:30Oui, alors, en l'occurrence, c'est le paradoxe, parce qu'il est très affaibli politiquement,
02:36mais là, il est le maître des horloges.
02:38Il peut choisir le moment auquel il va justement demander à tel ou tel d'exercer cette responsabilité.
02:46C'est la tradition, la pratique veut qu'on choisisse très vite.
02:53Mais ce qui s'est passé dans toutes les autres cohabitations, parce qu'il y aura forcément une cohabitation,
02:58c'est que celui qui était nommé à Matignon, il pouvait s'appuyer sur une majorité absolue, très absolue.
03:04C'était le cas pour Chirac en 86, c'était le cas pour Jospin en 97.
03:08Aujourd'hui, on est dans le cas où on n'a pas de majorité claire qui se détermine.
03:13Ça explique aussi le temps de latence.
03:16Il y a aussi les Jeux Olympiques.
03:18Emmanuel Macron a voulu profiter de cet effet des Jeux Olympiques
03:23pour essayer de mettre en place cette idée de cohésion, d'unité nationale.
03:29On voit très bien que tout ça converge vers ce délai.
03:34Mais dans la pratique, ce ne sont pas aux formations politiques de proposer,
03:39c'est au président de décider.
03:41Oui, vous avez raison, c'est comme ça que ça se fait d'habitude.
03:46Mais il faut reconnaître, et là aussi, si on prend l'exemple de ce qui s'est passé lors des dissolutions,
03:50que le président est quand même obligé de tenir compte des élections qui viennent de se produire,
03:57des résultats de ces élections.
03:59Et je le répète, c'était facile que ça soit en 86, en 93, en 97.
04:03Là, ça n'est pas facile, parce qu'on nous dit que le Nouveau Front Populaire a gagné les élections.
04:08Oui, mais ils sont quasiment au même niveau que la coalition présidentielle ou que le Rassemblement National.
04:15Donc, il y a vraiment là une difficulté.
04:18Alors, à l'Élysée, on a décidé le portrait, vous le savez, de celui ou celle qui pourrait occuper Matignon.
04:23Il faudrait une personnalité reconnue, dotée d'une forte expérience des affaires de l'État,
04:27respectée sur tous les bancs des forces républicaines, issue d'un camp, mais capable de parler aux autres.
04:32C'est le mouton à cinq pattes ?
04:34Ah, ça j'avoue que c'est le mouton à cinq pattes.
04:37Sauf, je le répète, avoir cette révolution culturelle qui permettrait d'appeler, à mon sens,
04:43une personnalité qui soit un tout petit peu, qui ait pris du recul vis-à-vis justement des contraintes partisanes
04:49et de l'objectif présidentiel.
04:52Vous pensez à quelqu'un ?
04:53Non, mais il y a des noms qui circulent.
04:55Je n'apprends rien à personne en disant que les noms de Bernard Cazeneuve ou de Xavier Bertrand...
05:00Mais on dit que ce sont des leurres, que c'est une espèce d'écran de fumée, justement,
05:05pour faire parler les observateurs et les journalistes que nous sommes,
05:08alors qu'à l'Élysée, on a peut-être déjà choisi quelqu'un d'autre.
05:11Connaissant, enfin connaissant comme tout le monde, la personnalité d'Emmanuel Macron,
05:15on n'est évidemment pas à l'abri d'une surprise.
05:18Et effectivement, la stratégie, la meilleure stratégie, c'est toujours la stratégie de la surprise
05:25et elle implique justement ces écrans de fumée.
05:28Donc, on n'est à l'abri d'aucune surprise, d'aucune, je dirais, d'un lapin tiré du chapeau présidentiel.
05:37Mais si vous voulez, ce n'est pas le plus important.
05:41À mon sens, le plus important aujourd'hui, c'est de se dire,
05:43on a des institutions qui sont bâties pour avoir une majorité absolue.
05:47C'est comme ça que le général De Gaulle l'a souhaité.
05:50On a une situation qui n'est plus celle-là.
05:52Il faut donc adapter nos pratiques à ces institutions.
05:56Moi, je ne vois pas d'autre solution, je le répète en historien,
06:01que de trouver des solutions de compromis.
06:04Alors, qu'est-ce que ça doit être ? Est-ce que c'est un gouvernement technicien ?
06:07Est-ce que c'est un gouvernement fondé sur un pacte d'action comme le propose Attal ?
06:12Il faut trouver quelque chose de différent.
06:15Mais ça veut dire que, quelque part, d'abord, les partis mettent un peu de côté leur posture,
06:23leur polémique et l'obsession présidentielle de 2027.
06:27Et ça veut dire aussi que le président de la République accepte de prendre un peu de distance,
06:33de recul, de laisser fonctionner les groupes parlementaires
06:37pour qu'ils arrivent à trouver une plateforme.
06:41Et pourtant, Jean Garrigue, l'atmosphère politique dans laquelle on est depuis deux ans
06:45n'est pas favorable à ce type de compromis.
06:48C'est même exactement l'inverse.
06:50On est dans une conflictualité permanente.
06:53Parce que de haine, d'une certaine façon.
06:56Et de manière même presque, comment dire, mécanique.
07:00Vous avez des forces politiques qui n'ont pas du tout intérêt à ce que ça fonctionne, à ce que ça marche.
07:05Parlons du cas Lucie Castet.
07:07Parce qu'il est quand même assez original.
07:09Candidate avancée par le Nouveau Front Populaire.
07:11Elle a entamé une sorte de campagne cet été pour justifier sa légitimité à occuper Matignon.
07:16Emmanuel Macron lui a déjà signifié une sorte de non-recevoir.
07:21Est-ce qu'elle peut convaincre au-delà des rangs du Nouveau Front Populaire
07:25pour construire une majorité parlementaire ?
07:29Ça me paraît très compliqué.
07:31Il y a une première condition.
07:33Et cette condition, je ne suis pas sûr qu'elle parvienne à la résoudre.
07:36C'est-à-dire que la France Insoumise soit exclue d'un gouvernement dirigé par Lucie Castet.
07:42Parce que pour les autres, que ce soit pour les Républicains ou même les Macronistes,
07:48c'est une condition sine qua non.
07:50On voit bien que Gabriel Attal, quand il envoie ses lettres au groupe parlementaire,
07:55il exclut d'un côté LFI, de l'autre côté le Rassemblement National.
07:58Alors comment voulez-vous que Lucie Castet constitue un gouvernement
08:03issu du Nouveau Front Populaire s'il n'y a pas LFI ?
08:06Or les autres ne veulent pas de LFI.
08:08Ça me paraît tout à fait difficile.
08:10Et si tant est que ce gouvernement puisse exister,
08:14il serait inévitablement à très court terme soumis à une motion de censure.
08:19Puisque d'après ce que j'ai compris,
08:22le Rassemblement National, lui, ne veut pas de cette solution.
08:26Alors justement, dans la logique d'Emmanuel Macron,
08:28qui considère que ce gouvernement issu du Nouveau Front Populaire n'aurait pas de majorité,
08:33pourquoi n'a-t-il pas joué tout de suite le jeu de
08:37« Je vous nomme Lucie Castet à Matignon,
08:41dans les 48 heures vous faites l'objet d'une motion de censure
08:45et comme ça la démonstration est faite que ce n'est pas possible
08:47et donc je vais « voir ailleurs ».
08:49Vous avez raison, c'était une hypothèse, c'était une solution.
08:53Je suppose, je ne suis pas dans sa tête,
08:55mais je suppose qu'il a voulu utiliser le délai des Jeux Olympiques
09:00pour essayer de trouver une autre solution.
09:02Essayer de mettre en avant quelqu'un ou ce fameux pacte.
09:08D'où les hypothèses Cazeneuve et Xavier Merchant.
09:10D'où les hypothèses dont on parle.
09:14Il a été beaucoup dit, Jean Garrigue,
09:16qu'Emmanuel Macron voulait surfer sur le succès des Jeux Olympiques
09:20pour en tirer un bénéfice politique.
09:22Mais est-ce que ce sera vraiment le cas, d'après vous ?
09:24Je n'y crois guère.
09:2698, la Coupe du Monde,
09:28j'ai écrit un livre qui s'appelle « Les jours heureux »,
09:30qui anticipait ce qui est en train de se passer.
09:3498, Jacques Chirac et d'ailleurs Lionel Jospin
09:38ont profité à plein de l'effet du succès de la Coupe du Monde,
09:42plus 15% de popularité pour Jacques Chirac.
09:45On est dans une situation totalement différente.
09:47Avec un Président de la République
09:49qui subit un rejet qualitatif extrêmement marqué.
09:55On a un Président de la République
09:57qui est véritablement considéré
09:59comme celui qui nous a jetés dans la crise
10:02après la dissolution.
10:04Et je ne crois pas du tout que cet effet
10:07Jeux Olympiques va pour lui être quelque chose de déterminant.
10:11D'autant plus que c'est un Président
10:13qui est en fin de mandat.
10:15Alors ça va être une fin qui va durer 3 ans.
10:18Mais c'est un Président qui n'a plus d'objectif,
10:20dont on sait bien qu'il va quitter la scène politique.
10:24Donc moi je ne vois pas, en tout cas aujourd'hui,
10:27je ne vois pas du tout un effet comparable
10:29à celui qui avait profité à Jacques Chirac par exemple en 98.
10:33Pourtant ces Jeux Olympiques ont été une réussite
10:35à tout point de vue, sur le plan sportif évidemment.
10:38Encore que le gouvernement avait engagé
10:40une politique de financement du sport de haut niveau
10:44qui a fait ses preuves.
10:45Réussite sur le plan sécuritaire.
10:47Donc là il y a quand même peut-être des marrons à tirer
10:50si je puis me permettre l'expression.
10:51Non mais de manière, comment dirais-je,
10:53de manière rationnelle,
10:55effectivement c'est une réussite.
10:57Et c'est une réussite dont une part du crédit
11:00doit effectivement être imputée
11:04à Emmanuel Macron, à Gérald Darmanin
11:06et même à la ministre des Sports.
11:09Donc de manière rationnelle, je le répète,
11:12il y a une véritable réussite,
11:14mais je vais encore plus loin.
11:15Moi je pense que ce que révèle ce type de moment
11:19de patriotisme,
11:21mais d'un patriotisme positif,
11:23un patriotisme d'inclusion, comme on dit, ouvert,
11:27d'enthousiasme, d'unité, d'unité nationale,
11:32tout ça c'est quelque chose de très profondément inscrit
11:35dans nos gènes
11:37et qu'on avait un peu tendance à oublier
11:39depuis un certain temps.
11:40On pensait à une France totalement fracturée,
11:42archipélisée, etc.
11:44Ça va revenir, et très très vite,
11:46les problèmes vont revenir,
11:47les tensions vont se retrouver.
11:49Mais il ne faut jamais oublier
11:51qu'il y a chez les Français
11:53cette aspiration à quelque chose d'unitaire,
11:56à quelque chose qui nous rassemble,
11:58à travailler ensemble,
12:00à gagner ensemble.
12:01Et ça c'est ce qu'ont révélé les Jeux Olympiques
12:04et je pense que ça fait partie aussi
12:07d'une attente sur le terrain politique.
12:09Je pense que l'opinion elle attend aussi
12:11que les gens soient capables de se parler,
12:13de travailler ensemble,
12:14et, si possible, de gagner ensemble.
12:16Parce qu'il y a des grands dossiers
12:17qui attendent évidemment le gouvernement.
12:19On n'a pas parlé de la préparation du budget,
12:21mais là aussi ça va être un rendez-vous incontournable.
12:24Et puis, sous nos yeux actuellement,
12:26il y a la situation en Nouvelle-Calédonie.
12:28L'archipel s'enfonce encore dans la crise,
12:30dans les violences.
12:31Une onzième personne est décédée
12:33ces dernières heures.
12:34Est-ce que le territoire de Nouvelle-Calédonie
12:36fait aussi, d'une certaine façon,
12:38les frais de l'absence du gouvernement,
12:40qui, pour l'instant, ne fait que gérer
12:43des problèmes purement sécuritaires ?
12:45C'est incontestable.
12:46Quand vous avez, comme ça,
12:47un gouvernement de transition,
12:49vous ne pouvez pas...
12:51Au contraire, d'autres reprochent
12:53à Gabriel Attal et à son gouvernement
12:55d'avoir pris trop de mesures
12:57d'outrepasser, je dirais,
12:59les pouvoirs d'un gouvernement de transition.
13:01Mais là, en l'occurrence,
13:02on voit très bien que ça donne
13:04une sorte de vide de gouvernance
13:06et que tous ceux qui ont intérêt
13:08au désordre, ou ceux qui, au contraire,
13:10veulent les indépendantistes,
13:12ils s'engouffrent dans cette brèche.
13:14C'est une des conséquences
13:15de la situation actuelle.
13:17Merci infiniment, Jean Garrigue.
13:18Merci d'avoir été l'invité d'Europe 1 ce matin.
13:20Je rappelle que vous êtes président
13:21du comité d'histoire parlementaire.
13:23Je ne suis plus président
13:24du comité d'histoire parlementaire.
13:26Je suis président de la commission internationale
13:28d'histoire des assemblées.
13:29Enfin, ce n'est pas très grave.
13:31L'actuel président m'en voudrait beaucoup
13:33d'outrepasser, justement,
13:35de qui s'agit-il.
13:37C'est l'un de mes collègues,
13:38il s'appelle Pierre Allorant.
13:39On le salue.
13:41Merci, Jean Garrigue.
13:43Excellente journée à vous.

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