Haut-Karabakh : "Il n'y a pas de séparatistes" ni de "forces armées arméniennes"

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00:00 pour aller plus loin. On retrouve tout de suite notre invité, Laurent Lélekian. Bonjour.
00:03 Vous êtes analyste politique spécialiste de l'Asie mineure et du sud du Caucase.
00:08 Merci de nous accorder cet entretien. On va tenter de comprendre ce qui s'est joué ce matin
00:12 assez rapidement finalement. Il y a eu l'annonce de ce cessez-le-feu, de cet accord et de cette rencontre
00:19 prévue demain entre les deux camps, dans un premier temps par les médias russes.
00:22 Ça a été très vite confirmé et par Bakou et par les séparatistes arméniens.
00:27 J'aimerais avoir votre regard à vous déjà sur ce qui a été annoncé et accepté par les uns et par les autres.
00:36 Oui, alors peut-être avant de revenir sur votre question.
00:41 Voyez le simple fait d'employer les termes de séparatistes, d'opérations antiterroristes,
00:46 qui sont les éléments de langage de l'Azerbaïdjan, prouve que cet offensive a été accompagnée
00:51 d'une offensive communicationnelle qui est reprise sans discernement, hélas, par les médias européens.
00:55 Il n'y a pas de séparatistes, il y a une population locale qui milite depuis tout le temps,
00:59 et d'ailleurs depuis bien plus longtemps que les Azerbaïdjanais.
01:03 Il n'y a pas de force armée arménienne, ce n'est pas Yerevan, puisque l'Arménie depuis la guerre de 2020
01:08 a dit à plusieurs reprises qu'elle ne s'occuperait plus du sort du Karabakh.
01:14 Donc c'est simplement une population locale, effectivement assez peu armée,
01:17 très peu avec des armes légères, avec des forces d'autodéfense,
01:20 qui essayait donc d'échapper à l'épuration ethnique, parce que la vérité,
01:26 ce qu'il se passe au Karabakh, c'est ça, c'est un processus d'épuration ethnique, c'est un génocide,
01:31 et les Arméniens du Karabakh ont le choix entre deux solutions, soit résister jusqu'à la mort,
01:38 soit ne pas résister, donc ils ont choisi de poser les armes,
01:40 et c'est aussi la mort qui les attend ou les libres,
01:43 puisqu'il est impossible pour un Arménien de vivre sereinement dans un pays
01:48 dont la haine raciste anti-arménienne constitue la raison d'être, c'est-à-dire les Arméniens.
01:52 C'est allé finalement très vite, l'annonce de ce cessez-le-feu de cet accord,
01:57 même si les tensions ont été persistantes et allées crescendo ces dernières semaines,
02:03 on l'avait senti arriver, il n'y avait donc d'autre choix que d'accepter les conditions posées par Bakou ?
02:10 Évidemment, comme je vous l'ai dit, l'Arménie depuis 2020 a dit que la question du Karabakh
02:15 était une question interne à les Arméniens avec un problème de droit des minorités.
02:20 Par ailleurs, M. Pachinian, en raison de la politique qu'il mène,
02:25 c'est-à-dire une politique qui est de plus en plus,
02:27 et qui n'était pas forcément au départ pro-occidentale, une idée de ce coup.
02:32 La dernière imitation en date, c'est quand il a fait que l'Arménie
02:38 a ratifié le statut de droit de la Cour pénale internationale
02:41 pour protéger les Arméniens du Karabakh contre les Armégens,
02:44 et non pas contre Moscou, mais ça a été pris par Moscou.
02:47 Il a récemment irrité également sans doute les Iraniens,
02:51 qui étaient peut-être aussi des garants d'une certaine stabilité,
02:54 parce que l'Iran est tout proche,
02:56 en faisant des exercices militaires avec les États-Unis sur le territoire arménien,
03:03 qui est vraiment connexe au Karabakh.
03:06 Et donc, il y a eu un feu vert à la fois, bien sûr, évidemment d'Ankara,
03:12 qui est d'ailleurs tout ça, de Moscou,
03:14 qui veut ne pas perdre la Zimbabwe au profit d'Ankara,
03:17 sans doute un laissé-faire également iranien, et donc il a attaqué.
03:20 Et c'est une défaite évidemment pour les Arméniens du Karabakh,
03:25 c'est une défaite aussi pour les principes démocratiques occidentaux,
03:28 parce que du côté occidental, on voit des protestations,
03:31 des résolutions, des déclarations.
03:33 Une déclaration française un peu plus doureuse et un peu plus claire qu'habitude,
03:36 mais toujours pas d'action, alors que l'action aurait été possible.
03:40 C'est peut-être trop tard maintenant,
03:41 peut-être pas trop tard non plus,
03:43 à voir, je ne sais pas comment ça se déroulera par la suite.
03:45 Vladimir Poutine dit espérer en ce début d'après-midi
03:50 un règlement pacifique du conflit dans la région,
03:53 un mot peut-être du jeu un peu flou des Russes ces dernières heures,
03:58 qui a expliqué hier avoir été prévenu avant même le début de l'opération dans la zone,
04:05 et qui en même temps confirme aujourd'hui continuer à maintenir la paix dans la région.
04:13 Évidemment, c'est une touche-blague.
04:15 Effectivement, les Russes ont été prévenus à l'avance, ils l'ont dit.
04:19 Ce qui intéresse les Russes, il faut bien le comprendre,
04:21 c'est la perpétuation d'un état de conflit,
04:24 donc la révolution entre guillemets de la question du Karabakh
04:27 par l'élimination et l'épuration ethnique de ses habitants indigènes,
04:31 qui sont des Arméniens, ne résolera pas et n'amènera certainement pas la paix,
04:36 pour deux raisons.
04:37 D'abord, la Zarbégean a des vérités expansionnistes,
04:41 et en fait, est indiquée d'Arménie totalement.
04:44 Le discours, quand vous écoutez le discours d'Aliyev,
04:47 il a une volonté de prendre demain l'UE, la région sud de l'Arménie,
04:51 à côté du Karabakh, c'est-à-dire la Cionique,
04:53 le Rwanda également, et le Rwanda, le lac Sèvane,
04:55 c'est-à-dire en fait toute l'Arménie, pour parler clairement.
04:58 Et vu de Moscou, je suppose que, peu importe le Cionique,
05:04 le Karabakh ou d'autres régions de l'Arménie,
05:06 qui est un pays tout petit, il faut le rappeler,
05:07 c'est grand comme la Belgique, donc c'est vide-nu,
05:10 eh bien, peu importe tout ça, pour venir au petit,
05:13 pour venir au petit, l'important c'est de maintenir un conflit,
05:16 de façon à maintenir une présence russe et un contrôle.
05:19 Donc, il ne faut certainement pas croire que l'abandon du Karabakh par l'océan
05:26 va amener la paix, c'est une plaisanterie.
05:28 Justement, comment, après rendez-vous, les heures qui arrivent,
05:31 les jours qui vont suivre, il va y avoir ce rendez-vous demain,
05:35 rencontres prévues entre les deux camps, ça va donner quoi selon vous ?
05:40 Écoutez, qu'est-ce que vous voulez que ça donne ?
05:42 Vous avez d'un côté une puissance surarmée,
05:44 et de l'autre, des représentants d'un État non reconnu
05:48 par la communauté internationale, qui demandent depuis 30 ans
05:51 sa reconnaissance, non pas par fierté, par glorieux,
05:53 mais parce qu'ils considéraient, à juste titre,
05:55 on le voit devant nos yeux, que cette reconnaissance internationale
05:59 était le seul moyen de garantir une certaine sécurité.
06:02 On parle de la vie de gens, je veux insister là-dessus,
06:04 qu'il ne s'agisse pas d'une guerre, vous parlez de ça d'un ton
06:07 extrêmement détaché, les blancs, les noirs, les rouges,
06:10 c'est pas de ça dont il s'agit.
06:11 Vous avez 120 000 civils qui vont être égorgés demain par des gens,
06:14 qui sont déjà depuis 10 mois dans une espèce de camp de concentration géant,
06:20 puisqu'il n'y a plus rien qui rentre, plus rien qui sort,
06:22 qui sont affamés, et qui demain auront le choix entre partir,
06:25 pour ceux qu'on laissera partir, et être massacrés.
06:27 Je me permets de préciser en tant que journaliste,
06:29 notre rôle à nous, ce n'est pas d'être dans un détachement ou pas,
06:31 c'est de préciser de la façon la plus factuelle
06:34 ce qui est en train de se passer sur le terrain.
06:37 On évoquait ensemble ce rendez-vous demain,
06:41 on parle aujourd'hui de cesser le feu,
06:43 est-ce que vous pensez que c'est étonnant dans le temps ?
06:45 Vous parlez de la réaction de la communauté internationale,
06:47 on les a entendus hier à l'ONU, Washington, la France aussi,
06:51 qui a appelé à la saisie d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité.
06:55 Ils n'ont pas encore réagi, est-ce que vous les trouvez un peu timides
06:57 au vu de ce qui vient d'être annoncé aujourd'hui ?
07:01 Oui, effectivement, la France a réagi cette fois-ci,
07:03 plus fermement, dans les mots encore une fois,
07:05 plus fermement que d'habitude.
07:06 Ne vous attaquez pas en tant que journaliste,
07:08 je note simplement qu'il y a certaines causes
07:11 qui suscitent plus l'intérêt de l'Occident que d'autres,
07:14 et parce que l'Occident, il y a un intérêt précisément.
07:18 Donc quand on défend l'Ukraine, quand on défend je ne sais où,
07:21 et qu'on ne défend pas le Yémen,
07:22 et qu'on ne défend pas les Arméniens du Carabas,
07:24 ça ruine les principes sur lesquels on a autant fondé notre action.
07:27 Il y aurait des choses très simples à faire.
07:29 Bien sûr, on peut guérir d'un accord international
07:32 entre les puissances occidentales,
07:34 mais la France, toute seule et sans demander rien à personne,
07:39 pourrait geler les avoirs des oligarques azériens du Kang,
07:43 du clan au pouvoir en Méditerranée,
07:45 elle pourrait, par exemple, les intervenir en France,
07:49 elle pourrait demander à ce que les Arméniens,
07:52 et au pire, les Arméniens ne participent pas aux Jeux Olympiques 2024 de Paris.
07:55 Il n'y a pas besoin de demander des accords internationaux pour ça,
07:58 la France ne le fait pas, les autres ne le font pas plus,
07:59 d'ailleurs, c'est encore la France qui en fait le plus,
08:02 mais on voit en fait qu'en abandonnant les Arméniens,
08:05 mais ce n'est pas le premier, mais c'est l'exemple,
08:07 et bien finalement on ruine les principes du droit international
08:10 qu'on entend, par ailleurs, défendre, qu'on prétend par ailleurs défendre.
08:14 Laurent Lellekian, on va découvrir des images en direct,
08:17 je vais vous les décrire, images qui nous parviennent de Yerevan,
08:21 la capitale arménienne, avec des manifestants qui font face aux forces de l'ordre,
08:26 c'est des images qu'on a déjà vues par le passé,
08:28 hier encore, on a vu cette population réclamer la démission du Premier ministre,
08:35 Nicole Pachignon, qui s'est exprimée ce matin en direct à la télévision,
08:38 qui a tenu à rappeler que l'Arménie n'avait pas pris part à la rédaction
08:45 de cet accord de ce cessez-le-feu,
08:49 est-ce qu'il est sur le fil, le Premier ministre arménien, au moment où on se parle ?
08:52 Oui, il est sur le fil, je ne pense pas qu'il tombera, si vous me donnez mon avis,
08:58 parce qu'il continue de bénéficier d'une majorité relative de la population,
09:04 relative alors qu'il avait une majorité absolue,
09:06 le problème politique de l'Arménie, qui est plus démocratique,
09:09 très largement plus démocratique, et même plus que tous les autres pays de la région,
09:13 qui se compare à la France, si on regarde les derniers classements internationaux,
09:18 le niveau de dévot de l'Arménie ou d'un pays comme la France,
09:20 c'est à peu près la même chose.
09:21 Donc ce n'est plus une démocratie, mais le problème,
09:23 c'est que vous n'avez pas d'alternative politique crédible aujourd'hui à Nicole Pachignon.
09:29 Nicole Pachignon a fait des choix de politique étrangère
09:33 qui auraient été sans doute fantastiques si l'Arménie était survenue quelque part au large du Brésil.
09:40 Elle est dans un contexte sécuritaire avec des dictatures autour,
09:44 des États autoritaires qui ne permettaient pas de faire ce qu'il a fait,
09:48 et encore moins de l'annoncer à l'avance,
09:50 et donc maintenant elle se retrouve dans une situation de politique intérieure très grande.
09:56 Et je voudrais souligner, si vous me permettez, que l'Arménie,
10:00 beaucoup d'Arméniens me semble-t-il, vivent dans l'illusion,
10:04 ou l'ont enlue l'illusion que l'affaire du Carabar était loin d'eux.
10:07 Je crois que c'est vraiment une illusion parce que, comme je vous le disais,
10:11 demain, si le Carabar tombe, il est en train de tomber sous nos yeux,
10:15 et bien Aliyev s'attaquera à l'Arménie comme il a déjà commencé de le faire par ailleurs.
10:19 Merci beaucoup Laurent Lellekian, vous étiez notre invité suite à ces derniers rebondissements.

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