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Avec Patrick Haddad, maire de Sarcelles et auteur de "Nos racines fraternelles : comment les villes-monde préfigurent la France de demain" publié aux éditions Philippe Rey.

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##LE_FACE_A_FACE-2023-09-20##

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Transcription
00:00 On se face à face aujourd'hui, André Bercoff reçoit Patrick Haddad, maire de Sarcelles et auteur de ce livre "Nos racines fraternelles, comment les villes-monde préfigurent la France de demain".
00:08 C'est aux éditions Libreste. Bonjour Patrick Haddad.
00:10 - Voilà, c'est chez Philippe Pré, effectivement. Patrick Haddad, bonjour.
00:14 - Bonjour.
00:14 - Alors Sarcelles, Sarcelles, mais écoutez, Sarcelles on connaît. Qui ne connaît pas Sarcelles ?
00:19 Notamment pour les personnes qui vous ont précédé.
00:24 Dominique Strauss-Kahn qui a été 20 ans en politique à Sarcelles, il était député, il a été maire pendant moins de deux ans, mais député pendant près de 20 ans.
00:32 Et François Pepenny, pendant 20 ans également. Jusqu'à vous Patrick Haddad.
00:39 Et on connaît surtout Sarcelles, non seulement par les personnes qui l'ont dirigé, mais parce que Sarcelles a été très longtemps et est toujours
00:47 un espèce de miroir où on regarde, on regarde la France, où on se dit où on en est, où on en est avec tous les problèmes qui se passent.
00:54 Liberté, égalité, fraternité, laïcité, communauté.
00:59 Et je me rappelais justement en vous recevant, j'ai dit tiens je vais demander à monsieur le maire de,
01:05 rappeler à monsieur le maire de Sarcelles ce que disait en partant, en quittant sa mairie Gérard Collomb,
01:12 le maire de Lyon, l'ancien maire de Lyon. Il disait vous savez on a vécu côte à côte le vivre ensemble,
01:17 j'espère, il était PS comme vous, il était une partie socialiste bien sûr, il disait j'espère qu'on ne sera pas bientôt en train de vivre face à face.
01:26 Je voudrais savoir un peu votre sentiment là-dessus.
01:29 Mais je trouve que c'est très bien résumé et c'est quasiment de cette préoccupation aussi, peut-être pas formulée exactement comme ça,
01:36 mais ça revient au même, une réflexion sur les fractures françaises, les fractures de notre société.
01:42 A partir de cette réflexion là que j'avais envie d'écrire ce livre, aussi en se disant qu'une ville comme Sarcelles,
01:48 qui est à la fois très singulière mais aussi très symbolique, pouvait nous dire des choses,
01:53 pouvait refléter ce qui se passait en France et que à la fois témoigner sur ce qu'on observait, sur ce que l'on faisait,
01:59 sur l'action publique, mais aussi avec des réflexions d'ordre plus général, sur la banlieue, sur les inégalités également,
02:06 sur comment notre société est traversée par la problématique identitaire depuis plus de 20 ans maintenant, de façon je dirais aiguë.
02:14 - Communautaire aussi. - Communautaire aussi, absolument.
02:17 J'essaie de traiter tout ça avec de l'empirisme en regardant ce que l'on fait sur le terrain, ce que l'on observe,
02:23 mais aussi avec de la réflexion, en essayant de prendre un peu de recul pour tracer quelques perspectives,
02:28 pour justement réduire les fractures françaises.
02:31 - On va en parler justement, et vous en parlez très bien dans votre livre.
02:34 Vous dites "non racine fraternelle", ça dit bien ce que ça veut dire, et puis "la ville monde",
02:38 et c'est très intéressant parce que vous abordez effectivement toutes ces dimensions dans votre livre que je recommande et que je conseille,
02:44 parce qu'il y a quelque chose, on le sait, on ne va pas revenir là-dessus, on en parle du matin au soir,
02:50 l'archipélisation de la France, la partition, la division, "la France est fichue", disent les uns,
02:57 "non, non, il y a un renouvelable", disent les autres, "à l'ampé d'Ouza, on ne fera pas la porte",
03:02 il y a tout ce qui se passe du point de vue des problèmes de l'Abaya, de l'école, de harcèlement,
03:08 vous comme maire, et dans une ville comme Sarcelles, vous connaissez tout cela, vous pratiquez, vous devez le gérer,
03:14 c'est votre job, c'est pour ça que les maires c'est extrêmement important.
03:18 Combien habitent à Sarcelles, juste ? - 60 000.
03:21 - 60 000 habitants. - Recensés, 59 000 recensés,
03:24 comme les recensements ne sont pas très précis, je pense qu'on est plutôt 63 ou 64, mais enfin on dit 60 pour faire 8.
03:29 - Alors justement, je voudrais vous demander d'abord, c'est au maire que je m'adresse,
03:34 entre 2017 et 2023, effectivement, vous abordez là votre sixième année maintenant.
03:41 - Bientôt. - Oui, bientôt.
03:43 Qu'est-ce qui, dans votre appréhension, alors vous vivez à Sarcelles depuis très longtemps je crois.
03:49 - Oui, depuis toujours, depuis 50 ans. - D'accord.
03:51 Alors qu'est-ce qui est en vous par rapport à ce que vous connaissiez,
03:56 mais je suppose que vous connaissez beaucoup de choses, vivant en ville, vivant à Sarcelles,
04:00 mais pour vous, est-ce que les priorités que vous voyez,
04:04 quand vous n'étiez pas encore maire mais candidat, quand vous étiez dans la pratique de la ville,
04:09 est-ce qu'elles ont changé, est-ce qu'elles se sont affinées, et si oui, comment, et dans quel domaine ?
04:14 - Alors, c'est vrai qu'avant d'être maire, j'avais été adjoint,
04:18 ça fait plus de 20 ans, presque 25 ans, que je suis engagé politiquement.
04:23 - D'accord. - On va dire, donc j'avais suivi notamment toute l'épopée de Dominique Strauss-Kahn.
04:27 A son arrivée, j'étais encore adolescent, donc j'ai vraiment suivi ça depuis très jeune,
04:32 et il y a des choses qui évoluent en bien, des choses qui évoluent en moins bien,
04:37 mais je pense que les grandes priorités restent globalement les mêmes.
04:41 C'est-à-dire qu'on a besoin, dans des villes comme cela, on a besoin d'investissement public,
04:46 d'investissement en règle générale, on a besoin de services publics.
04:49 On est dans des villes, là au dernier classement de l'Observatoire des Inégalités,
04:52 on apparaissait comme la 9ème ville la plus pauvre d'Île-de-France.
04:56 Au niveau de la France, on est un peu plus loin, heureusement.
04:59 Mais quand on est dans ces situations-là, on a besoin de tout le monde,
05:05 notamment d'avoir l'aide de l'État, l'aide des différentes collectivités,
05:09 on a besoin d'avoir des investisseurs qui soient présents aussi.
05:12 Et puis on a besoin, quand on a des gens qui sont à la fois dans des situations sociales plutôt difficiles, en moyenne,
05:17 et puis aussi une très grande diversité de populations d'origine,
05:21 on a besoin de créer du lien, de créer du commun.
05:23 Et donc ça, cette préoccupation, elle est présente depuis assez longtemps.
05:27 On retrouve des articles du Nouvel Observateur de 1972
05:30 qui parlaient déjà de la diversité culturelle à Sarcelles
05:36 et à la fois de la richesse que ça pouvait être et des tensions que ça pouvait générer.
05:39 Donc finalement, ce n'est pas très différent de ce point de vue,
05:42 même s'il faut toujours mettre l'ouvrage sur le métier.
05:44 Alors justement, entrons dans le vif du sujet,
05:47 sans faire tout l'inventaire, il faudrait des heures,
05:49 et d'ailleurs ce serait passionnant.
05:51 Mais Patrick Haddad, au fond, combien, par exemple à Sarcelles,
05:55 combien de communautés se coexistent ?
05:58 Alors je dis communautés aussi bien ethniques que religieuses, que voilà...
06:02 Oui, c'est toute la complexité.
06:05 Quand on parle de nationalités, de gens qui...
06:09 On arrive à le recenser, le nombre de nationalités.
06:12 On est bonhomme allant au-dessus de 90.
06:15 90 nationalités ?
06:16 Oui, c'est ça.
06:17 Quand on regarde l'ensemble des nationalités et des gens,
06:19 on arrive à plus de 90.
06:20 Vous êtes le monde entier, quoi.
06:21 C'est pour ça que je parle de ville-monde, on est absolument le monde entier.
06:23 Ce qui est très enrichissant.
06:24 D'ailleurs, je pense qu'en termes d'empreintes carbone, c'est très bien.
06:26 On voit le monde entier en restant dans la même ville,
06:28 donc c'est quand même assez formidable.
06:30 Après, des communautés...
06:31 Vous allez me dire à des écologistes.
06:32 Vous ne voulez plus l'avion, vous allez à Sarcelles, vous allez connaître le mouvement.
06:35 C'est ça, vous avez tout.
06:36 C'est un bon argument touristique, je vais le développer, je vais le reprendre.
06:40 Après, des communautés organisées,
06:44 je les regroupe par vagues d'immigration,
06:47 et donc c'est plutôt une dizaine, je dirais.
06:49 Et certaines sont plus structurées que d'autres.
06:51 Et pour être plus précis encore,
06:53 je dirais que les trois grandes religions monothéistes
06:55 sont très présentes à Sarcelles,
06:57 avec leurs différentes sensibilités, notamment.
06:59 Je pense à nos amis chrétiens,
07:00 où il y a à la fois des catholiques, des évangélistes, des chrétiens d'Orient.
07:03 Ce n'est pas exactement la même pratique,
07:06 mais ça reste la chrétienté.
07:07 Et il y a une communauté juive très importante,
07:09 qui est historique et qui est toujours là,
07:11 même si elle mute.
07:12 Et puis une communauté musulmane qui est aussi très importante.
07:15 Et tout ça, ça fait une particularité qu'on ne retrouve pas forcément partout.
07:18 Écoutez, on va continuer à en parler,
07:20 on va rentrer dans le bifugé,
07:21 parce qu'encore une fois, ici, Sarcelles, c'est la France.
07:23 En tout cas, la France urbaine, c'est bien cela.
07:26 Et on va en parler après cette petite pause.
07:28 On continue de parler de ces villes-monde avec Patrick Haddad,
07:30 qui est notre invité aujourd'hui, le maire de Sarcelles,
07:32 qui vient nous voir pour ce livre "Nos racines fraternelles".
07:34 Et puis on sera avec vous aussi au 0826 300 300, à tout de suite.
07:38 - Patrick Haddad, on parlait justement de ces communautés,
07:42 des 93 nations, vous avez des habitants, en tout cas,
07:47 origines rurale de 93 nations.
07:50 Mais au-delà de ça, on parlait des communautés,
07:53 des religions démonothéistes, des religions monothéistes, etc.
07:56 Mais comment faire, quand on sait que,
08:00 je pensais évidemment, et vous connaissez, c'est terrible,
08:03 j'en parle parce que moi-même, je suis né là-bas,
08:06 au Liban, et je vois comment au Liban,
08:09 les signes positifs de ces coexistences religieuses et autres
08:14 sont transformés en signes négatifs terribles.
08:17 On le sait, enfin on ne va pas épiloguer là-dessus.
08:20 Et je n'espère pas du tout cela.
08:23 Mon père est arrivé au moment du mandat français,
08:26 et c'était vraiment autre chose, enfin...
08:29 Je veux dire que, est-ce que chez vous, parce que,
08:32 prenons un exemple très précis, mettons,
08:34 pas les pieds dans le plat, mais, on sait très bien qu'à Sarcelles,
08:37 toute une partie de la communauté juive a quitté Sarcelles,
08:41 pour venir notamment dans le 17ème à Paris.
08:43 On en parle tout le temps, et quand vous allez dans le 17ème à Paris,
08:46 avec les restaurants en cachère, ils vous disent "Ah ben nous, on vient de Sarcelles".
08:49 Alors je ne dis pas que c'est un exode, mais enfin quand même.
08:54 - Alors, juste sur ce que vous disiez avant,
08:57 effectivement, que le fait d'avoir comme ça plusieurs communautés religieuses,
09:02 et plus généralement une diversité de population,
09:04 ça peut donner, je dirais, le pire comme le meilleur.
09:07 Et que, pour éviter que ce qui se passe à Sarcelles,
09:10 qu'il se passe la même chose que ce qui s'est passé au Liban ou ailleurs,
09:13 nous on a une grande chance dans ce pays,
09:15 on a le socle républicain, et on a les valeurs de la République,
09:18 il suffit de les appliquer.
09:20 Pour moi c'est aussi simple que ça, alors c'est toujours plus difficile à faire,
09:22 mais enfin, si on veut vraiment le faire, on peut.
09:24 - Oui, vous voulez que l'on les applique, voilà.
09:26 - Ah il faut les appliquer. Avec pédagogie.
09:28 La laïcité par exemple, ce n'est pas une arme pour taper sur un tel ou un tel,
09:31 c'est un principe fédérateur. Il faut le faire respecter,
09:33 et j'explique un certain nombre de situations qui peuvent se produire,
09:36 et comment on fait pour les résoudre.
09:38 Sur la communauté juive, les choses en fait sont un peu plus complexes que cela,
09:42 là c'était les fêtes de Rochachana, de la nouvelle année,
09:45 donc j'ai fait le tour des synagogues comme je le fais pour chacune des grandes fêtes,
09:49 on va saluer les fidèles, on évite de faire de la politique dans les lieux de culte,
09:53 je le dis aussi, c'est important, mais on saluait les gens,
09:55 leur souhaitait la bonne année, une belle fête, c'est très bien.
09:57 C'est normal. Il y a beaucoup beaucoup de monde encore,
10:00 de la communauté juive à Sarcelles, il y a eu un phénomène d'émancipation sociale,
10:03 pour la communauté juive comme pour d'autres,
10:06 mais comme Elias est regroupé, si vous voulez, on retrouve les mêmes qui étaient à Sarcelles,
10:09 on va les retrouver, ou qui étaient en Seine-Saint-Denis,
10:12 malheureusement il y en a beaucoup moins en Seine-Saint-Denis,
10:14 à part quelques villes aujourd'hui, on va les retrouver dans le 17ème,
10:17 comme vous le disiez, à Levallois, à Saint-Mandé, etc.
10:20 Mais vous avez aussi des gens...
10:22 A part l'émancipation sociale, pardon, il n'y a pas eu quand même,
10:26 comme un peu ailleurs, des menaces intégristes, ou des hostilités...
10:31 - Alors, ça arrive, ça arrive.
10:33 Il y a eu un épisode notamment assez difficile en juillet 2014,
10:38 qui a traumatisé, qui a dû aussi provoquer un certain nombre de départs,
10:42 mais c'est resté une exception.
10:43 - Vous parlez de quoi ?
10:44 - Il y a eu des émeutes, si vous voulez, c'était en marge de la guerre à Gaza,
10:50 d'un épisode assez dur de la guerre à Gaza,
10:53 vous avez eu des manifestations pro-palestinienne à Paris,
10:57 Barbès, rue de la Roquette, et puis ensuite à Sarcelles,
11:00 qui ont tourné à l'émeute antisémite, sans victime heureusement.
11:04 Enfin bon, les crimes roche-juifs, ça ne rassure pas évidemment les habitants.
11:09 Mais ce que je raconte aussi dans le livre, c'est que c'est l'exception,
11:12 et ce n'est pas la règle de la vie commune qui fait que,
11:17 oui, il y a finalement, tout compte fait, assez peu d'hostilités
11:21 entre les différentes communautés à Sarcelles,
11:23 parce qu'un urbanisme plus ouvert qu'ailleurs,
11:26 parce que les pionniers, j'en parle longuement,
11:28 il y a des pionniers dans cette ville qui était une ville,
11:30 le premier grand ensemble construit suite à l'appel de l'abbé Pierre au milieu des années 50.
11:35 - Oui, c'est ça.
11:36 - C'est 54, et c'est dans la foulée qu'est construit Sarcelles.
11:39 - Vous racontez dans votre livre, c'est passionnant.
11:40 - Et d'autres grands ensembles, ça se joue à ce moment-là,
11:42 ce n'est pas d'abord pour des rapatriers,
11:45 c'est d'abord pour des gens qui sont sur le territoire national.
11:48 - 54, la Caisse des dépôts et le ministère du logement
11:52 créent ensemble une société pour aménager un certain nombre de grands ensembles
11:56 et ils vont tomber un peu par hasard sur Sarcelles,
11:58 très bien située, une gare, 15 km de Paris,
12:00 et construisent 12 500 logements en 20 ans,
12:03 mais avec toutes les commodités autour, ce n'est pas un quartier excentré.
12:05 - C'est vraiment à Sarcelles que ça a commencé, notamment.
12:07 - Oui, c'est le plus ancien, et puis il y a une ambition,
12:10 c'est ce que je dis aussi beaucoup dans le livre,
12:12 c'est qu'ils demandent à deux architectes, Labourdette et Boileau,
12:15 ils leur disent "faites-nous la ville du futur".
12:17 Ils ne disent pas "faites-nous un truc pour parquer les gens qui n'ont pas de logement,
12:19 allez, ce sera toujours mieux que des bidonvilles".
12:21 Non, non, ils leur disent "faites-nous la ville du futur,
12:23 on veut toutes les commodités, les écoles, les transports,
12:26 on veut le logement".
12:28 - On se sortait de la guerre, c'était il y a quelques années.
12:31 - Et on avait cette ambition de faire vraiment la ville de demain,
12:35 donc c'est vrai que les logements sont plutôt bien faits
12:37 et que le plan d'ensemble est intéressant,
12:39 et puis sont venues toute une série de vagues d'immigration
12:41 qui sont arrivées dans une ville dans laquelle il n'y avait personne,
12:43 et donc ils ont créé une vie,
12:45 c'est ce que je raconte, nos racines fraternelles,
12:47 ça fait référence à ça, à une vie assez fraternelle
12:49 avec des gens qui venaient de partout et qui se sont dit
12:51 "ben maintenant qu'on est là, on va essayer de faire un truc ensemble
12:53 où on sera tous bien".
12:55 Et puis nos racines fraternelles, ça fait aussi référence
12:57 à la fraternité républicaine tout simplement,
12:59 et qui est aux racines de la République.
13:01 Et donc voilà, sur la communauté juive,
13:03 vous avez aussi des gens qui ont les moyens de vivre dans le 17ème,
13:06 et tant mieux, et moi je suis très content de voir des gens
13:08 qui progressent socialement.
13:10 Le but c'est que les gens partent s'ils le souhaitent,
13:12 par choix et pas par contrainte.
13:14 - Absolument, faire diminuer le niveau de racisme,
13:16 d'antisémitisme, de discrimination,
13:18 qui peut arriver à Sarcelles comme ailleurs,
13:20 plutôt moins qu'ailleurs, mais parfois le temps
13:22 n'arrange pas les choses,
13:24 donc c'est l'action politique qui doit aussi
13:26 prendre le relais de ce que faisaient les pionniers je crois.
13:28 - Justement Patrick Haddad, parce qu'on est au centre
13:30 des problèmes, pas spécialement
13:32 de la communauté juive ou telle ou de telle,
13:34 on est au centre des problèmes de ce qu'on appelle
13:36 l'archipélisation de la France,
13:38 je dirais pas la dislocation ou la partition,
13:41 alors quelle est-vous votre pédagogie ?
13:43 Qu'est-ce que vous avez fait,
13:45 qu'est-ce qu'on peut faire
13:47 pour justement calmer, en tout cas le jeu,
13:49 on peut pas dire on veut pas tous s'embrasser,
13:51 c'est pas le paradis sur Terre,
13:53 mais quand même, arriver à diminuer
13:55 cette zone de violence,
13:57 d'inquiétude, de rétrécissement,
13:59 de rétractation,
14:01 d'assignation résidence.
14:03 - Oui, c'est le fond du sujet.
14:05 Alors je dirais deux choses,
14:07 principalement,
14:09 la première,
14:11 qui me semble principale et très largement
14:13 manquante dans notre pays, c'est le fait d'avoir
14:15 un grand récit, un grand récit national,
14:17 un grand projet de société dans lequel on emmène
14:19 tout le monde, autrement chacun se
14:21 regroupe par affinité, c'est l'archipélisation
14:23 que décrit très bien Jérôme Fourquet,
14:25 et on a la même chose dans une ville.
14:27 Alors dans une ville on va pas faire le récit national
14:29 à la place du président de la République,
14:31 mais on peut faire un récit local, on peut raconter comment c'est...
14:33 - On peut faire un récit de la ville déjà.
14:35 - De l'histoire de la ville, et puis moi
14:37 je raconte des épisodes que des gens m'ont raconté
14:39 à une époque où j'étais même pas né,
14:41 et où vraiment les gens se sont dit
14:43 "Ah Sarcelles, y'a vraiment tout le monde et on s'entend bien".
14:45 Et je leur ai dit "c'est ça l'histoire de notre ville".
14:47 Et puis, objectivement,
14:49 quels sont les points de divergence
14:51 que vous pouvez avoir dans une ville
14:53 quand vous êtes de confession juive,
14:55 musulmane ou chrétienne, vous avez besoin de quoi ?
14:57 Ou athée évidemment, vous avez besoin que votre logement
14:59 soit adécent, l'école, le transport,
15:01 la propreté de la ville, le cadre
15:03 de vie, la culture, l'éducation, très bien.
15:05 Donc vous avez les mêmes besoins.
15:07 - Et puis de pouvoir remplir votre caddie.
15:09 - Le pouvoir d'achat, évidemment.
15:11 Et il fallait raconter ça, raconter que
15:13 notre ville a justement des racines fraternelles
15:15 et qu'il nous appartient de les faire vivre.
15:17 Et puis aussi, dans le discours
15:19 qu'il faut positiver, même s'il y a des problèmes
15:21 à résoudre, c'est de faire croire en l'avenir.
15:23 Et nous qu'on a une politique de grands projets,
15:25 de grands équipements culturels, éducatifs,
15:27 sportifs, on veut faire de Sarcelles
15:29 une ville universitaire.
15:31 Il faut que les gens puissent se projeter dans l'avenir, sinon forcément
15:33 ils vont se recroqueviller sur eux-mêmes
15:35 fatalement, et c'est vraiment
15:37 un des mots principaux de notre pays.
15:39 Et puis, de façon très concrète, il fallait aussi
15:41 et je l'ai fait dès que je suis arrivé,
15:43 mettre en place un grand plan de lutte contre le racisme,
15:45 l'antisémitisme et les discriminations,
15:47 dans lequel on va aussi rappeler les principes républicains,
15:49 faire la pédagogie de la laïcité.
15:51 On a organisé par exemple,
15:53 je prends juste cet exemple-là parce que je l'aime bien,
15:55 avec l'association Dessiné, Créé, Liberté,
15:57 qui a été créée par
15:59 Charlie Hebdo SOS Racisme,
16:01 une exposition et des débats
16:03 dans toutes les maisons de quartier de la ville,
16:05 pour expliquer ce que c'était que la liberté d'expression,
16:07 les dessins de caricature, avec des dessins
16:09 que des enfants ont envoyés à la direction de Charlie Hebdo
16:11 après les attentats
16:13 de 2015, et
16:15 d'expliquer ça à toutes les populations,
16:17 y compris celles pour qui c'est pas
16:19 spontané de comprendre jusqu'où va la liberté d'expression
16:21 en France. Et vous voyez, on est complètement
16:23 intransigeants sur le fond
16:25 des principes, mais on ne le fait pas en disant
16:27 "Vous avez rien compris, on va vous appliquer ça,
16:29 si vous ne comprenez pas, vous êtes exclu".
16:31 Non, non, on dit "Attendez, assieds-toi, on va t'expliquer ce que c'est
16:33 la liberté, tiens, prends un petit goûter,
16:35 tu vas voir un dessin, voilà". Et vraiment,
16:37 avec la pédagogie, quand on a le lien avec les gens,
16:39 on arrive à faire passer beaucoup mieux les choses.
16:41 - Et bien écoutez, la liberté se divise pas,
16:43 et puis la pédagogie de la liberté, c'est
16:45 l'une des vertus principales dont on a besoin aujourd'hui.
16:47 On va continuer à en parler après cette
16:49 petite pause. - On continue de parler vrai
16:51 sur Sud Radio avec Patrick Haddad, qui est notre invité
16:53 aujourd'hui, et puis avec vous aussi au 0826
16:55 300 300, si vous avez une question ou une remarque,
16:57 un numéro 0826 300 300.
16:59 - Alors, ça m'intéresse beaucoup,
17:01 j'ai lu évidemment votre livre, encore une fois,
17:03 j'en ai dit le bien que j'en pensais, parce que
17:05 je pense que c'est toujours bien de parler
17:07 non seulement qu'on vous disiez du verre à moitié
17:09 plein, mais comment peut-être le remplir encore
17:11 plus. Mais juste un mot, j'ai reçu
17:13 aussi, et je suis pas le seul,
17:15 votre prédécesseur, François Pépouni,
17:17 qui a été maire de Sarcelles pendant 20 ans.
17:19 Je ne demande pas du tout, c'est pas le problème
17:21 du jugement de commentaires sur lui
17:23 ou sur sa gestion. Mais lui,
17:25 ce qui est intéressant, c'est quand il est passé avec
17:27 son... il a fait plusieurs livres,
17:29 il était assez pessimiste,
17:31 pas spécialement sur
17:33 Sarcelles, mais sur, justement, le vivre
17:35 ensemble, sur le fait que
17:37 il s'est dit, voilà, nous, par exemple,
17:39 on pensait, comme Lionel Jospin, que
17:41 la lutte contre le chômage
17:43 allait diminuer la sécurité,
17:45 que ceci... on avait un certain nombre de choses,
17:47 et c'est normal, avec
17:49 une quête de générosité,
17:51 on va faire le progrès, on va abolir
17:53 les choses, et disait Pépouni,
17:55 il n'est pas le seul,
17:57 et bien, on a vu un peu le contraire
17:59 arriver. Et justement, sur ces questions
18:01 de chômage, d'insécurité, etc.,
18:03 quand vous expliquez
18:05 que certains de vos pères
18:07 PIRS sont assez
18:09 pessimistes, et disent, voilà,
18:11 mon constat, moi, encore une fois, en tant que maire de
18:13 Sarcelles, et vous vous dites, ok, c'est pas
18:15 facile, mais moi, je vais...
18:17 moi, je me bats pour que ça aille mieux,
18:19 un peu mieux. - Oui, tout à fait.
18:21 D'abord, je pense que c'est notre rôle, de nous battre pour que ça
18:23 aille mieux, qu'on
18:25 voit souvent le verre d'eau à moitié
18:27 vide, en particulier
18:29 sur les banlieues, parce qu'on voit les problèmes, et c'est vrai
18:31 qu'on les concentre. - Et ils existent.
18:33 - Et ils existent. Et pour moi,
18:35 il y a un problème majeur,
18:37 je vais y revenir, c'est celui
18:39 de la concentration des inégalités qu'on met
18:41 de toutes les populations pauvres, aux mêmes endroits.
18:43 Et ça, c'est le problème principal.
18:45 Ce qu'on ne voit pas, et qui marche bien,
18:47 c'est le fait que ce que l'on fait,
18:49 en termes de politique éducative, de politique sociale,
18:51 de renouvellement urbain également,
18:53 ça permet des réussites tout à fait
18:55 exceptionnelles. Et que vous avez plein
18:57 de gens qui sont passés par Sarcelles, on en parlait tout à l'heure
18:59 en disant qu'ils habitent maintenant dans le 17ème ou ailleurs,
19:01 qui ont réussi, c'est aussi une ville
19:03 tremplin, et j'en parle dans le livre,
19:05 comme le sont d'autres villes, d'autres banlieues,
19:07 Placène-Saint-Denis, c'est aussi
19:09 un tremplin comme ça, les gens passent par là,
19:11 et puis, ils bénéficient du logement
19:13 social, ils bénéficient de l'école gratuite,
19:15 tout ce dont la France
19:17 peut s'en orgueillir, et puis réussit.
19:19 Ils partent de ces quartiers, alors on les voit plus
19:21 dans les quartiers, donc on dit, et donc
19:23 ils s'invisibilisent, si vous voulez, par rapport à
19:25 leur réussite, s'invisibilisent
19:27 avec leur départ de ces quartiers. Donc ça,
19:29 il faut le dire, et il faut
19:31 continuer de le promouvoir
19:33 et de le faire. Maintenant, pour moi, le problème
19:35 majeur, il est sur le fait de
19:37 concentrer les mêmes populations, à la fois pauvres
19:39 et immigrées, dans les mêmes villes, et c'est
19:41 peut-être le seul point sur lequel je suis pas
19:43 totalement optimiste aujourd'hui, je suis pas
19:45 optimiste tant que l'État n'est pas capable
19:47 de corriger cela, et je pense
19:49 que c'est pire en France que dans d'autres
19:51 pays, en termes
19:53 de France qui se ressemble
19:55 pas forcément, quand vous avez
19:57 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville,
19:59 il y en a 1514 en France,
20:01 le taux de pauvreté est trois fois plus
20:03 important qu'en moyenne en France.
20:05 Voilà, trois fois plus important, et vous avez
20:07 50% des chiffres, vous avez
20:09 5% des villes en Ile-de-France qui
20:11 concentrent 50% du logement social.
20:13 Ça, c'est un vrai problème structurel,
20:15 et là-dessus, les maires n'ont pas la main,
20:17 malheureusement, il faut avoir une politique beaucoup plus
20:19 volontariste, égalitaire
20:21 de l'État, et ça, ça permettra
20:23 vraiment de...
20:25 changer la donne. - Alors, deux choses là-dessus,
20:27 d'abord,
20:29 justement, vous parlez, vous dites, regardez quand même,
20:31 enfin, la France, bon,
20:33 les soins gratuits, l'éducation gratuite,
20:35 etc., il n'y a pas beaucoup de pays qui le font.
20:37 Alors, comment vous expliquez,
20:39 j'ai trois questions, mais elles sont
20:41 liées, comment vous expliquez qu'un
20:43 certain nombre de choses, la France,
20:45 niquent la France, et compagnie ? Et c'est pas seulement caractéristique,
20:47 il y a des gens qui ont profité,
20:49 qui profitent très très très bien d'un certain nombre d'aides,
20:51 etc., et je ne...
20:53 Quand je dis "d'aides", le système,
20:55 le système qui consiste à faire que
20:57 tout le monde, et ça c'est très très bien,
20:59 puisse profiter que ce soit l'éducation,
21:01 les soins, la santé, et autres,
21:03 et les facilités, et que quand même
21:05 un certain nombre d'entre eux disent "oui, oui,
21:07 allez, racisme systémique,
21:09 et puis dans la France,
21:11 enfin je ne veux pas parler des paroles des rappeurs,
21:13 et compagnie, mais il n'y a pas qu'eux. Deuxièmement,
21:15 vous dites, le vrai problème,
21:17 c'est le regroupement, effectivement,
21:19 mais est-ce qu'il n'y a pas...
21:21 Écoutez, si vous arrivez, je ne sais pas,
21:23 de Bourgogne-la-Fasso, ou ailleurs,
21:25 mais vous avez envie de rejoindre les familles
21:27 qui sont avec vous dans le même endroit,
21:29 c'est ça le problème. Est-ce qu'il n'y a pas quand même culturellement,
21:31 et moi je peux comprendre ça,
21:33 ça n'a rien de...
21:35 ça n'a rien de... surtout pas de raciste,
21:37 et autres, mais moi je viens de, je ne sais pas,
21:39 d'Algérie, de tel coin de la Tunisie,
21:41 etc., mais j'arrive à aller dans les quartiers
21:43 où j'ai soit de la famille,
21:45 soit des cousins, soit des gens à côté,
21:47 donc, est-ce que ça ne s'est pas fait
21:49 de façon naturelle ?
21:51 - Alors ça s'est fait en partie de façon naturelle,
21:53 ça s'est fait aussi en partie
21:55 parce que les logements sociaux
21:57 sont concentrés aux mêmes endroits,
21:59 et que les gens qui sont en difficulté sociale,
22:01 forcément, n'ont accès qu'aux logements sociaux,
22:03 voire même aujourd'hui, c'est encore pire,
22:05 parce qu'il y a une crise du logement, et vous avez des gens
22:07 qui sont sans droits ni titres alors qu'ils travaillent,
22:09 et qui vivent chez des marchands de sommeil,
22:11 et aussi vont cibler les mêmes villes où le prix de l'immobilier
22:13 est bas. Donc,
22:15 oui, il y a une forme d'affinité
22:17 naturelle, et je dis, il ne faut pas la combattre,
22:19 les gens, ça leur a permis aussi de
22:21 s'intégrer, il faut
22:23 les accompagner dans ce processus,
22:25 mais rien n'empêche de faire en sorte
22:27 que les forces soient mieux partagées,
22:29 on n'est pas obligé d'avoir des villes dans lesquelles il y a
22:31 70% de logements sociaux,
22:33 Sarcelles, c'est 55% aujourd'hui, et d'autres
22:35 dans lesquelles il y en a 8, ou même quand il y en a
22:37 15, c'est essentiellement la catégorie
22:39 la plus élevée de logements sociaux, donc
22:41 on peut avoir ce phénomène de regroupement par
22:43 affinité, et il peut en même temps être un peu
22:45 mieux distribué sur le
22:47 territoire. - Mais là pose la question de la coexistence.
22:49 - Tout à fait.
22:51 Mais les choses vont aussi ensemble, c'est-à-dire que
22:53 si toutes les populations pauvres et immigrées sont dans les mêmes quartiers,
22:55 ça crée forcément une forme de défiance.
22:57 Maintenant, moi je suis un grand défenseur du modèle français,
22:59 je pense qu'on ne le défend pas suffisamment,
23:01 on n'y croit pas suffisamment, on s'est beaucoup
23:03 américanisés. - Au rapport aux gens qui
23:05 méprisent. - Qui le méprisent, ils ont tort,
23:07 quel qu'il soit, qu'il soit
23:09 pauvre en venant de banlieue,
23:11 et il y en a qui le...
23:13 qui ne pensent pas tout ça, je veux dire
23:15 c'est un phénomène qu'il faut... - Non, mais enfin il existe.
23:17 - Oui, oui, il existe, mais c'est souvent les plus bruyants
23:19 qu'on entend, je vous prends un exemple, moi j'ai
23:21 réhabilité le 14 juillet à Sarcelles parce qu'on
23:23 ne le fêtait plus, parce que ça ne s'est passé pas bien quand on faisait
23:25 des feux d'artifice il y a 20 ans, très bien, mais enfin
23:27 on n'est pas obligé de faire que des feux d'artifice, donc moi je fais une grande marche
23:29 républicaine, on traverse toute la ville, et moi j'ai
23:31 des gamins de toutes les maisons de quartier qui viennent du monde entier
23:33 et ils sont tous cocorico,
23:35 bleu blanc rouge sur eux, ils chantent la
23:37 marseillaise à tue-tête, voilà et...
23:39 - Vous faites ça chaque année ? - Oui, c'est moi
23:41 qui l'ai mis en place, et chaque année on est plus nombreux que l'année
23:43 précédente, donc il faut faire aimer
23:45 la France, il faut tenir la promesse
23:47 égalité républicaine, il faut dire à quel point
23:49 on a de la chance de vivre dans un pays libre
23:51 et égalitaire et fraternel,
23:53 et il n'y a pas que des gens
23:55 de banlieue ici, de ces milieux-là
23:57 qui n'aiment pas la France,
23:59 vous avez aussi des gens qui font une forme de sécession
24:01 en se disant "de toute façon la France
24:03 c'est foutu, il n'y a plus que
24:05 des immigrés, des walkistes, etc.
24:07 et moi je vais me planquer dans ma ville de riches
24:09 et je ne veux plus parler avec personne, je vais me protéger".
24:11 Et je ne leur veux pas plus qu'aux autres, je dis
24:13 simplement qu'il y a un moment où on n'ira nulle part comme ça,
24:15 donc il faut bien se poser, partager l'effort
24:17 et aimer collectivement la France,
24:19 c'est comme ça qu'on lui rend un service,
24:21 et ce que je disais sur le modèle social français,
24:23 c'est qu'on n'y croit pas assez,
24:25 qu'on s'est beaucoup américanisé,
24:27 qu'on s'est beaucoup libéralisé, beaucoup individualisé,
24:29 et ce n'était pas ça notre modèle d'origine.
24:31 Et qu'on peut à la fois s'adapter au monde d'aujourd'hui,
24:33 tout en gardant le socle
24:35 à la fois de ses valeurs, mais aussi le socle de ce modèle.
24:37 - Mais est-ce qu'il n'y a pas eu une chose,
24:39 et c'est aux socialistes que je pose la question,
24:41 Patrick Haddad, est-ce qu'il n'y a pas eu aussi
24:43 le phénomène Théorhanova
24:45 mais qui datait depuis bien avant Théorhanova,
24:47 vous savez, on a vu quand même
24:49 les résultats des élections,
24:51 que j'enseignerai, effectivement
24:53 quand le maire est bon et quand le maire
24:55 fait son boulot,
24:57 je crois que quelle que soit l'étiquette, les gens suivent
24:59 parce qu'ils voient le boulot qui a été fait,
25:01 on le voit pratiquement.
25:03 Mais quand il y a eu le fait,
25:05 et on l'a vu,
25:07 pour un certain nombre de...
25:09 que ce qu'on appelait le prolétariat,
25:11 bon, ils ont beaucoup de choses à dire,
25:13 les classes populaires, etc.,
25:15 ont quitté leur camp
25:17 d'origine, leur camp naturel
25:19 est légitime pour aller ailleurs.
25:21 Qu'est-ce qui s'est passé ?
25:23 Qu'est-ce qui fait que quelque chose
25:25 a été, peut-être pas cassé,
25:27 mais en tout cas perdu
25:29 de ce point de vue-là ?
25:31 Quand vous, vous l'expliquez.
25:33 - Il y a
25:35 plusieurs questions, en fait, à l'intérieur de la vôtre.
25:37 L'insuccès
25:39 de la gauche,
25:41 il a été
25:43 lié à plusieurs choses, notamment
25:45 sur le dernier gouvernement Hollande,
25:47 je pense que des choses ne sont pas bien passées,
25:49 sinon on s'en serait rendu compte,
25:51 et François Hollande, le premier, avec toute l'amitié que j'ai pour lui,
25:53 il se serait représenté aux élections.
25:55 Donc ce quinquennat n'a pas été un quinquennat
25:57 d'efficacité, de transformation sociale.
25:59 Et puis précédemment,
26:01 la victoire de Lunel Jossement en 97,
26:03 on a quand même eu un assentiment populaire
26:05 qui est bien, on a, vous le disiez
26:07 tout à l'heure, en faisant référence à mon prédécesseur,
26:09 on était vraiment dans le même camp tous ensemble
26:11 à ce moment-là, il y a des performances
26:13 économiques et sociales qui sont fort intéressantes,
26:15 et j'y reviens dans ce livre,
26:17 et il a manqué, je crois,
26:19 au manque ensuite de second souffle,
26:21 de leadership, de capacité aussi à comprendre
26:23 les évolutions de la société,
26:25 sur...
26:27 il faut garder ses racines sociales,
26:29 cette politique qui fait,
26:31 qui est au cœur de la gauche,
26:33 qui doit transformer la promesse égalitaire,
26:35 notamment vis-à-vis des classes populaires,
26:37 donc il faut leur parler, il faut
26:39 être capable de
26:41 faire en sorte que les ouvriers, les employés
26:43 s'en sortent mieux, et que quand on ne fait pas ça,
26:45 forcément ça se passe moins bien, mais après vous faisiez référence
26:47 à Terra Nova qui proposait de substituer
26:49 la problématique sociale,
26:51 enfin la problématique identitaire
26:53 à une problématique sociale,
26:55 et qui est une vraie erreur, alors,
26:57 je ne suis pas sûr qu'en réalité,
26:59 le discours Terra Nova
27:01 ait eu un vrai impact chez les élus
27:03 de terrain, ou même au sein du Parti Socialiste,
27:05 il est beaucoup repris par les gens de droite qui disent
27:07 voilà ce qu'est devenu le Parti Socialiste,
27:09 c'était un rapport qui n'engageait que les rédacteurs de Terra Nova,
27:11 et je ne suis pas sûr que...
27:13 aux élections nationales, pas aux élections locales,
27:15 le Parti Socialiste
27:17 résiste plutôt bien, donc il n'y a pas
27:19 ce cynisme généralisé, si vous voulez.
27:21 - Le Parti Socialiste était à l'émission,
27:23 - Vous remuez le couteau dans la plaie André, c'est pas sympa.
27:25 - était les régions, était les départements,
27:27 était les mairies, bien sûr qu'il y en a.
27:29 On va parler de ça...
27:31 - On a perdu le pouvoir au niveau national,
27:33 c'est ce que je veux dire,
27:35 j'ai plein de collègues à qui j'aurai un peu hommage dans le bouquin,
27:37 et j'en profite pour le faire à l'antenne,
27:39 qui font un très bon travail localement,
27:41 tout en restant profondément socialiste.
27:43 C'est au niveau national où au bout d'un moment,
27:45 on a perdu notre souffle, notre énergie,
27:47 on s'est technocratisé et éloigné du peuple, c'est ça qui s'est passé.
27:49 - On a Jean-Claude André qui veut réagir,
27:51 ou poser une question à M. le maire.
27:53 Bonjour Jean-Claude.
27:55 - Oui, M. Berckloff, bonjour.
27:57 M. le maire de Sarcelles, bonjour.
27:59 Déjà, je ne vous connais pas,
28:01 et je connais un petit peu Sarcelles,
28:03 mais je voulais vous dire félicitations,
28:05 parce que c'est pas évident.
28:07 Alors, j'avais une question, voire deux, à vous poser.
28:09 - Allez-y.
28:11 - Comment faites-vous ?
28:13 Alors, j'avais dit à votre standardiste,
28:15 Paris n'est pas la France,
28:17 et Sarcelles, j'ai l'impression en vous entendant,
28:19 c'est une commune plaisante et idéale.
28:21 Bon, je plaisante un peu,
28:23 mais je voulais vous poser la question.
28:25 - Allez-y.
28:27 - Comment faites-vous, M. le maire,
28:29 pour avoir cette osmose,
28:31 et cette réunion,
28:33 et vous l'avez dit vous-même,
28:35 dans votre pays socio-professionnel et ethnique,
28:37 alors la question est simple,
28:39 est-ce que vous avez su garder dans votre ville
28:41 de vrais contacts,
28:43 une vraie présence, je dirais,
28:45 du pouvoir public ?
28:47 Je parle de la poche, je parle d'autre chose.
28:49 - Le service public, oui.
28:51 - Le service public, pardon.
28:53 Et est-ce qu'au niveau des associations,
28:55 je le pense, est-ce que vous avez effectivement
28:57 quand même un droit de regard ?
28:59 - Sur les associations ?
29:01 - Sur les associations,
29:03 parce que je sais que dans certaines villes,
29:05 les associations sont
29:07 plus ou moins importantes,
29:09 elles représentent plus ou moins.
29:11 - Je comprends Jean-Claude,
29:13 on va demander à Patricada
29:15 de répondre, donc effectivement, l'osmose
29:17 et les associations.
29:19 - Oui, tout à fait. Alors, vous dites
29:21 qu'il y a une commune idéale, etc., et j'ai pas cette prétention,
29:23 tout ne va pas bien, on est dans une ville pauvre,
29:25 mais il y a plein de choses à faire,
29:27 il y a une vraie énergie, et il faut tirer la ville
29:29 vers le haut. Il faut effectivement
29:31 rester proche des gens, c'est ce que je dis souvent,
29:33 il faut rester proche des gens, proche du tissu associatif,
29:35 travailler avec eux,
29:37 et en même temps le faire avec des principes qui sont clairs.
29:39 Vous voyez, souvent on souffre
29:41 de l'un ou de l'autre, des manques,
29:43 c'est-à-dire, on est proche des gens, mais finalement,
29:45 on abandonne tous les principes, allez, je lis,
29:47 manifester samedi
29:49 en disant, pour la baïa
29:51 ou contre l'interdiction de la baïa, c'est absurde,
29:53 c'est anti-républicain impossible.
29:55 On peut être proche des gens sans leur dire
29:57 qu'ils ont raison quand ils ont tort.
29:59 - Vous ne faites pas du racolage électoral ?
30:01 - Non, vraiment pas.
30:03 Et en même temps,
30:05 les principes sont fondamentaux,
30:07 et il faut le faire avec la pédagogie,
30:09 en restant proche des gens, du tissu associatif.
30:11 On a voté ça avant
30:13 qu'il y ait une transformation législative,
30:15 une charte de la laïcité
30:17 et des valeurs de la République appliquées
30:19 à toutes les associations, qui parfois ont une dimension communautaire.
30:21 Tant que c'est de l'affinitaire,
30:23 que les gens se retrouvent entre eux, ils ont besoin
30:25 de préserver une partie de leur culture d'origine, pas de problème.
30:27 Toujours garder une ouverture vers les autres.
30:29 On a un très grand forum associatif
30:31 en début d'année, dans lequel
30:33 j'ai fait en sorte qu'il y ait vraiment tout le monde,
30:35 de façon à ce qu'il y ait des échanges, de l'interaction.
30:37 Et ce qu'on dit aussi, c'est que
30:39 il faut contribuer à un projet
30:41 d'intérêt général. On a son association,
30:43 ses membres, très bien, son champ d'action,
30:45 mais on est aussi partie prenante d'un plus grand projet
30:47 municipal. Et ça aussi, ça crée du bien.
30:49 - Justement, vous avez quand même, en tant que maire,
30:51 beaucoup de pression d'associations
30:53 qui veulent des subventions, qui veulent ceci.
30:55 C'est quoi le tri ? C'est les valeurs de la République ?
30:57 - Oui, c'est les valeurs de la République, absolument.
30:59 C'est les sommes qui doivent correspondre aussi
31:01 à la qualité des projets qui sont présentés.
31:03 Oui, tout à fait.
31:05 Et ce que je leur dis aussi, c'est la capacité
31:07 à contribuer à l'intérêt général,
31:09 à ne pas s'enfermer.
31:11 Et effectivement,
31:13 si on a une association qui va s'écarter
31:15 des principes de la République, on va lui expliquer
31:17 que ce n'est pas possible. - Ou qui essaye de faire
31:19 un intégrisme sous le masque de telle ou telle chose,
31:21 ou autre chose. - Ça peut arriver, oui, tout à fait.
31:23 - Il faut être vigilant, pas faire de procès d'intention
31:25 aux gens, mais toujours être vigilant sur ce qu'ils font,
31:27 en particulier avec de l'argent public.
31:29 - Tout à fait. - Merci, Jean-Claude.
31:31 - Merci, Jean-Claude, pour votre question. On va se retrouver dans un instant
31:33 au 0826 300 300.
31:35 Nous serons en direct avec Samy. A tout de suite sur Sud Radio.
31:37 - Bonjour, Samy. - Bonjour, André.
31:39 Bonjour, bonjour, monsieur le maire.
31:41 Merci beaucoup de me donner la parole.
31:43 Je voudrais tout d'abord, rapidement,
31:45 remercier le maire de Sarcelles,
31:47 même si je ne suis pas de Sarcelles,
31:49 mais le féliciter quand même pour le travail formidable
31:51 qu'il a fait. Il faut reconnaître les choses.
31:53 Et je ne suis pas partie prenante,
31:55 je ne suis pas de Sarcelles, mais j'ai beaucoup d'amis
31:57 qui sont là-bas et je connais un peu le
31:59 Sarcelles, donc le travail, il est quand même
32:01 formidable, malgré les difficultés.
32:03 - Oui, vous avez des partisans.
32:05 - Ah, c'est bien.
32:07 - L'équilibre à tenir là-bas,
32:09 il n'est pas facile. Je ferme la parenthèse.
32:11 En fait, moi, je voudrais
32:13 donner juste une analyse à ce moment.
32:15 [SILENCE]
32:21 - Ça coûte encore plus cher, ça, à l'arrivée,
32:23 que si vous prévoyez les choses avant.
32:25 Et c'est vrai que c'est un des grands problèmes de notre temps.
32:27 Et pour faire le lien avec ce que je raconte dans le livre
32:29 "Et une ville comme Sarcelles ou comme d'autres", c'est que
32:31 les villes les plus pauvres
32:33 où vous avez les populations les plus
32:35 fragiles, sont souvent celles qui payent le plus
32:37 lourd tribut à l'arrivée. Parce que quand le
32:39 pouvoir d'achat, il baisse et qu'il n'est déjà pas très élevé chez vous,
32:41 forcément, c'est pire. Sur la crise
32:43 sanitaire, on avait des populations avec une
32:45 précarité en termes de santé, qui ont été
32:47 impactées de façon plus importante
32:49 qu'ailleurs, des familles nombreuses, etc.
32:51 Donc, nous, on les vit au premier rang,
32:53 ces crises, et on regrette l'époque, même si
32:55 je ne suis pas nostalgique de tout, loin de là,
32:57 où l'État était capable d'avoir une vraie stratégie
32:59 industrielle, comme de,
33:01 sur les grands sujets régaliens, être
33:03 capable d'organiser la France, plutôt que
33:05 de la subir. - Et qu'ils ne déléguaient pas tout leur pouvoir
33:07 à des conseils en communication
33:09 ou en gestion. - Absolument.
33:11 - Donc, on revient au facteur humain.
33:13 - Aussi, on revient au facteur humain.
33:15 Absolument, et puis on revient,
33:17 entre le global et le local, c'est ce que j'essaie d'expliquer,
33:19 c'est que le monde qui s'est
33:21 beaucoup libéralisé, comme ça,
33:23 a aussi créé beaucoup d'inégalités, des grands groupes qui ont
33:25 très bien gagné leur vie, des gens qui
33:27 se sont précarisés, et que les gens qui sont précarisés,
33:29 ils habitent tous au même endroit. Alors, dans les
33:31 banlieues, mais je pense aussi au périurbain, une partie
33:33 du rural, il ne faut pas opposer...
33:35 Absolument, il ne faut pas opposer ces parties
33:37 populaires de la France, et pour revenir à une de vos
33:39 questions, la gauche arrivera à revenir au pouvoir
33:41 le jour où elle réussira l'alliance
33:43 entre ces
33:45 différentes franges populaires
33:47 de la population, qui ont quasiment tout
33:49 en commun, même si elles ne se connaissent pas,
33:51 elles ne se côtoient pas suffisamment.
33:53 - Donc, rappelez que le quartier populaire, c'est pas seulement
33:55 la Seine-Saint-Denis, mais aussi la Creuse.
33:57 - Absolument. - Il faut le rappeler. En tout cas,
33:59 vous, vous avez réussi quelque chose,
34:01 je crois, vraiment, en disant votre livre,
34:03 c'est "Penser globalement, agir localement".
34:05 C'est René Dubos.
34:07 - Merci beaucoup, c'est ce que j'essaye de faire.
34:09 Un grand merci à vous. André,
34:11 j'aimerais vous offrir un t-shirt,
34:13 parce que je vois que vous faites la promotion de vos invités.
34:15 Donc, vous aurez un t-shirt
34:17 de Sarcelles dans pas longtemps, si ça
34:19 ne vous embête pas. - Et je le porte. - Avec grand plaisir.
34:21 Merci beaucoup. - Merci beaucoup, Patrick,
34:23 d'avoir été avec nous. Je rappelle que vous êtes maire de Sarcelles,
34:25 et que ce livre est disponible, "Nos racines fraternelles,
34:27 comment les villes-monde préfigurent la France de demain".
34:29 C'est aux éditions Philippe Ré. C'est disponible
34:31 en librairie, allez tous l'acheter.

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