• l’année dernière
Xerfi Canal a reçu le Colonel Rémy Nollet, Chef du département de la prospective et de l’innovation, Direction Générale de la Gendarmerie Nationale, pour parler des actions et décisions face à la mort.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Rémi Nollet.
00:09 Bonjour.
00:10 Colonel Rémi Nollet, vous êtes chef du département de la prospective et de l'innovation au
00:15 service Transformation de la Gendarmerie Nationale.
00:17 Vous publiez, édition du Rocher, Face à la mort, le témoignage inédit d'un gendarme,
00:23 succession d'histoires que vous nous contez de moments où vous avez été confronté
00:28 à la question de la mort.
00:29 Le directeur général de la Gendarmerie Nationale, le général Rodriguez, cite La Rochefoucauld
00:34 « Seules deux choses ne peuvent se regarder en face, le soleil et la mort.
00:39 »
00:40 Tout est dit.
00:41 C'est un impensé largement dans le domaine du management.
00:42 C'est là que votre témoignage est précieux.
00:45 Vous, vous nous l'exposez, vous mettez à nu dans cet ouvrage, y compris sur une dimension
00:50 personnelle.
00:51 J'ai envie de vous poser cette question.
00:53 Quels enseignements vous tirez des paradoxes que l'on rencontre quand on est confronté
01:01 à la question de la mort, quand la mort est une hypothèse de travail ? Bref, quand il
01:04 faut agir, décider, manager face à la mort ?
01:08 La première chose que j'ai envie de dire, c'est que quand on est dans l'action,
01:15 quand on doit décider dans un contexte typiquement d'une découverte de cadavre, une enquête
01:24 judiciaire où on a un mort, l'action nous protège des émotions.
01:28 Et quand on est dans l'action, quand on est dans une enquête, on mène un combat
01:32 a posteriori pour protéger la victime qu'on a face à nous.
01:35 On le fait pour la société, on le fait pour elle aussi.
01:37 De ce fait, j'en ai reparlé plusieurs fois avec certains enquêteurs qui sont cités
01:44 dans le livre, y compris un que j'ai recontacté en écrivant un des chapitres.
01:48 Plus on est dans l'action, plus on est protégé.
01:51 Et quand on est par exemple sur la découverte du cadavre de ce jeune homme de 20 ans qui
01:58 a reçu une balle de chasse alors qu'il venait de partir pour une randonnée en montagne,
02:04 notre premier réflexe c'est qu'il faut qu'on prouve les circonstances du tir.
02:10 Et donc, les techniciens d'investigation criminelle font des recherches avec un détecteur
02:13 de métaux, on l'imagine dans les pentes, dans la forêt, autour du chemin.
02:17 On met en place un quadrillage de la zone et on finit par retrouver la douille.
02:22 Et donc, on arrive à positionner le tireur par rapport à la victime et donc on arrive
02:25 à prouver les circonstances du tir de façon très précise.
02:28 Et pendant tous ces moments-là, on est dans le combat, on est dans l'action et là,
02:31 on n'a pas le temps de laisser parler nos émotions.
02:33 Mais en tant que manager, il faut en tirer deux choses.
02:38 La première chose, c'est qu'il y a des gens autour de la scène qui sont peut-être
02:45 plus passifs.
02:46 Typiquement, c'est le militaire Durand qui est le dernier arrivé à la brigade et qui,
02:51 lui, est au bouclage et qui va interdire aux passants d'arriver sur la zone où on fait
02:56 nos constatations.
02:57 Mais en fait, il va être témoin de tout et il va être complètement passif.
02:59 Donc, lui, il va être moins protégé que nous.
03:01 Il aura peut-être besoin plus qu'un autre de ce débriefing émotionnel après au retour
03:05 à l'unité.
03:06 Et l'autre chose, c'est que nous-mêmes, en tant que chef, dans certaines circonstances,
03:10 on peut être beaucoup dans l'action, en tant que chef ou en tant que directeur d'enquête,
03:15 par exemple.
03:16 Et il y a des fois où on est concerné parce que la situation nous rappelle une situation
03:23 personnelle, parce que c'était un proche, c'était un gendarme, c'était quelqu'un
03:28 qu'on connaissait par ailleurs, parce qu'on est gendarmes aussi dans notre territoire.
03:31 Et il ne faut pas oublier qu'on peut avoir besoin, nous-mêmes, de faire notre deuil
03:37 à un moment donné, de gérer ce qu'on a peut-être ressenti ou plutôt qu'on n'a
03:43 pas ressenti, les émotions qu'on a emmagasinées sans les ressentir.
03:46 Ça peut être le cas quand on perd un proche et qu'on est soi-même dans l'organisation
03:50 très logistique, des obsèques, de prévenir tout le monde.
03:54 Je l'évoque à un moment donné dans un chapitre plus personnel.
03:56 Au moment où je suis dans l'action, je n'écoute pas mes émotions.
04:02 Mais si c'est un deuil qui me concerne, il faut que je fasse ce travail de deuil à
04:08 un moment ou à l'autre.
04:09 Et il faut se méfier de ça.
04:10 Face à la mort, le témoignage inédit d'un gendarme, c'est extrêmement touchant, extrêmement
04:18 humain.
04:19 C'est un autre regard aussi sur la gendarmerie nationale, puisque être gendarme, c'est
04:24 savoir qu'on risque tous les jours, on risque sa vie.
04:28 Merci, colonel Rémy Nollet.
04:31 Merci beaucoup.
04:32 [Musique]

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