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Depuis décembre 2019, le pacte vert européen ou Green Deal vise à concrétiser les engagements de l’Union européenne et atteindre la neutralité carbone en 2050. Des promesses tenues ? Des efforts à faire ? Des changements à venir avec la nouvelle composition du Parlement ? Caroline François-Marsal, responsable Europe, Réseau Action Climat et Frédéric Delloye, président d’Anaik, analysent ces enjeux dans le débat RSE.

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Transcription
00:00Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06Générique
00:12L'avenir du Green Deal, le pacte vert européen, voilà le thème de notre débat avec Caroline François-Marsal. Bonjour.
00:19Bienvenue. Vous êtes responsable Europe du réseau Action Climat.
00:22Frédéric Deloy, bonjour. Bonjour. Le président d'ANAIC. Allez, quelques questions de présentation rapide. Le réseau Action Climat, en quelques mots.
00:30Oui, c'est une fédération de 27 organisations françaises de la société civile. Donc, on coordonne et de 10 associations locales.
00:37Et on lutte ensemble contre les causes du dérèglement climatique en influençant les pouvoirs publics et en produisant de l'expertise sur les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique.
00:49ANAIC, quel est votre métier ? Alors, ANAIC, c'est 50 ans d'existence, une entreprise que je dirige depuis 26 ans. Le métier, c'est la conception et la fabrication de cadeaux et coffrets promotionnels.
01:00On est sur deux marchés. Deux tiers de notre chiffre d'affaires, c'est le marché de la beauté. Et un tiers, c'est le marché de la distribution. Et on est présent dans 5 pays.
01:08On réalise un peu plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et vous êtes bicorps depuis 2022. C'est ça ? Donc, ça veut dire que c'est tous les 3 ans.
01:15Donc, vous êtes en train de préparer le prochain examen en quelque sorte ? Absolument. Vous espérez progresser ? Oui, oui, on est persuadés, oui.
01:23Bon. Donc, ça, c'est un vrai engagement. Le Green Deal, ce pacte vert européen. Peut-être, on peut rappeler son ambition pour commencer, Caroline-François Marsal ?
01:31Oui. C'est en fait une feuille de route qui a été proposée par la Commission européenne en 2019 pour atteindre la neutralité climatique en 2050 en Europe.
01:40Donc, ça veut dire pour que les pays de l'Union européenne n'émettent pas plus de CO2 qu'ils en absorbent. Et avec cette feuille de route, du coup, dirigée sur la neutralité climatique,
01:49on a tout un tas d'initiatives, de textes, de lois qui viennent transformer les différents secteurs de l'économie, donc l'énergie, les transports, l'alimentation, l'agriculture, etc.
02:00Et donc, ça positionnait – je suis à l'imparfait, même si on va espérer que ça continue – l'Europe comme, finalement, le continent le plus ambitieux en la matière ? On peut dire ça ?
02:09À l'époque, oui. En 2019, l'UE était le premier groupe politique, on va dire, à se positionner sur cet objectif de neutralité climatique.
02:18Vous avez signé, Frédéric Deloy, avec 300 dirigeants et alumnis de grandes écoles, une tribune dans les Échos, un engagement pour le pacte vert.
02:27Ce que vous nous dites aujourd'hui, il y a un risque. Il est remis en question.
02:31Oui. En tout cas, nous, en 3 jours, il y a eu 450 signataires, ce qui est quand même assez marquant.
02:39Et en fait, ces jeunes diplômés ou anciens diplômés qui regardent l'avenir se disent qu'il y a des préoccupations sur le climat.
02:48Et en fait, l'idée est de dire qu'il ne faut pas s'arrêter maintenant. On a appris au niveau de l'Europe un avantage concurrentiel évident.
02:56C'est un avantage concurrentiel.
02:58En tout cas, l'avantage de cette CRD, de mon point de vue en tant que dirigeant d'entreprise, c'est que ça nous donne de la méthodologie, ça nous donne un cadre.
03:07Et nous, on saisit l'opportunité de ce cadre pour discuter avec toutes nos parties prenantes.
03:12Et de là jaillit un alignement avec nos différents partenaires, jaillit de l'innovation.
03:18Et donc, c'est dans ce sens où la réglementation, c'est quelque chose qui s'impose à nous.
03:23Donc ne freinons pas. Au contraire, saisissons toutes les opportunités pour créer de la valeur grâce à la réglementation.
03:31Parce que, Caroline François-Marsal, il y a un mouvement pour quoi ? Revoir, freiner, interrompre ce bilan extra-financier,
03:40on en parle quasiment tous les jours dans notre émission, qui s'impose étape par étape à toutes les entreprises européennes ?
03:46Alors oui, donc ça, c'est une partie du pacte vert qui adresse la question du reporting non financier et financier des entreprises.
03:53Et effectivement, en fait, ce qu'on observe depuis quelques mois, avant les dernières élections européennes de juin,
03:58c'est qu'il y a pas mal d'initiatives de velléité de certains groupes politiques et de certains États de défaire ce qui a été adopté
04:05pendant les cinq ans de la précédente mandature, et donc du pacte vert.
04:09C'est le cas sur la CSRD actuellement, avec notamment des déclarations en France de ralentir la transposition de ce texte.
04:17C'est le cas, par exemple, à Bruxelles, avec des velléités d'aller contre le règlement sur la lutte contre la déforestation importée,
04:25qui devait interdire la vente sur notre marché intérieur de produits comme le caoutchouc, le café, etc., issus de cette déforestation.
04:31Et du coup, on est en train, en fait, de décranter tout un tas de victoires obtenues précédemment.
04:36– Vous avez commencé à l'aborder, Frédéric Deloy, mais à quel point cette CSRD, ce bilan extra-financier,
04:42c'est un levier de transformation pour vous ?
04:45– Alors, je vais prendre un exemple qui date de cette semaine.
04:51Nous avions constaté, si on regarde nos émissions de gaz à effet de serre sur le Scope 3,
04:57qui concernent vraiment principalement notre activité, puisque nous, nous concevons,
05:01nous faisons fabriquer en Chine principalement, et nous importons.
05:05On constate que dans le Scope 3, on a trois commandes qui représentent 15% des émissions de fret,
05:14donc trois commandes en fret aérien.
05:16Donc, ça engage une discussion avec nos clients, et on avait un client,
05:21on a constaté un client qui avait l'habitude de toujours pratiquer et de demander du fret aérien.
05:27On a engagé cette semaine une discussion avec une posture qui consistait à dire à notre client,
05:31écoutez, voilà, nous, on est engagé sur une trajectoire émissions de gaz à effet de serre,
05:36conformément aux accords de Paris, donc on ne peut plus pratiquer comme ça.
05:40Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble ?
05:42Et donc, on a réussi à construire avec notre client un aménagement de sa planification,
05:47et donc on va l'accompagner pour éviter et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
05:53Et je pense qu'en tant que fournisseur, je suis extrêmement fier que mes collaborateurs
05:58aient cette posture vis-à-vis de nos clients.
06:02Et je trouve que l'énorme avantage pour l'entreprise, c'est qu'on crée la valeur immatérielle,
06:07non financière, et on discute avec nos clients d'autres choses que de prix.
06:11Alors, cette CSRD, on va rester là-dessus, parce qu'on peut quand même se dire qu'on peut la simplifier.
06:17Bon, on va y venir.
06:19Mais il y a un autre élément, Caroline François-Marsal, que je trouve intéressant,
06:22c'est si on l'interrompt, c'est une prime à ceux qui n'ont rien fait.
06:26Vous voyez ce que je veux dire ?
06:28Le message envoyé était quand même, à mon avis, assez calamiteux. Qu'est-ce que vous en pensez ?
06:32Oui, tout à fait. En fait, le problème de ce qui se passe, c'est que l'Union européenne
06:35avait annoncé une ambition très claire, avec un cap très clair, avec une échéance en 2030
06:40de réduire nos émissions de 55% de gaz à effet de serre, et en 2050 d'atteindre la neutralité climatique.
06:46Et là, les discours, en fait, les décisions politiques sont brouillées à Bruxelles,
06:52et du coup, ça apporte de l'incertitude, de l'instabilité aux entreprises,
06:56qui, pour celles qui ont commencé à se transformer en particulier, est très dommageable, en fait.
07:02Oui, 800 pages, quand même.
07:04Oui, on peut dire que c'est extrêmement complexe, on est d'accord.
07:07Après, moi, je fais confiance aux entreprises leaders.
07:11D'ailleurs, l'enjeu essentiel pour nous, en tant qu'entreprise, petite entreprise ou de taille intermédiaire,
07:19c'est le recueil de la data. Et donc, je pense que c'est le frein principal,
07:23où, là, les entreprises vont dire, j'ai autre chose à faire, le contexte économique n'est pas favorable,
07:27je n'ai pas les ressources, ça coûte cher, etc.
07:31Moi, je fais confiance aux législateurs dans l'application des textes.
07:36Mais, personnellement, je pense que, compte tenu des enjeux,
07:40il ne faut pas sanctionner les entreprises qui sont avancées,
07:42il faut maintenir et communiquer nos convictions,
07:46et c'est certaines entreprises leaders qui vont se mettre en mouvement,
07:49certains groupes leaders qui vont emmener tout leur écosystème,
07:53qui fait qu'on va pouvoir commencer à transformer notre économie,
07:56ou accélérer dans la transformation de notre économie,
07:59créer de la valeur en Europe, à contrario d'autres continents
08:03qui, eux, ne sont pas suffisamment raccordés à ces préoccupations climatiques.
08:09Je vais vous poser la même question à tous les deux.
08:11Je commence avec vous, Frédéric Deloye.
08:12Quand on voit que les patrons de Total Energy et d'EDF disent que
08:17les lourdeurs réglementaires freinent les investissements en France
08:20et plombent les efforts de réindustrialisation et de décarbonation,
08:24vous dites quoi ? Il faut les entendre ? Ils ont en partie raison ?
08:29Je dis que ces deux entreprises, ces deux patrons d'entreprise,
08:32ont une vision beaucoup plus globale que la mienne,
08:36et ont une capacité avec leur comité exécutif
08:41à intégrer les différents composants dans les stratégies de leurs entreprises.
08:46C'est plus facile pour eux que pour une entreprise comme la vôtre ?
08:48Absolument, mais d'autre part, je pense que leur responsabilité,
08:54compte tenu du fait qu'ils ont plus de moyens,
08:57qu'ils ont une vision beaucoup plus globale,
09:00leur responsabilité n'est pas d'opposer les choses,
09:03mais au contraire, d'intégrer ces investissements-là
09:07et ne pas opposer tel investissement par rapport à tel autre.
09:11Vous savez, quand j'ai démarré dans ma carrière,
09:14on ne parlait pas de digital, on ne parlait pas de RSE,
09:17et je n'ai pas résisté à ça.
09:19Au contraire, j'ai voulu saisir les opportunités
09:21pour faire progresser et avancer mon entreprise.
09:24Je pense que la responsabilité d'un grand groupe,
09:26c'est de regarder l'avenir, c'est de construire l'avenir,
09:29non pas seulement de son entreprise, mais aussi de la société.
09:34Quand ils disent ça, est-ce qu'ils participent au mouvement
09:38qui consiste à dire « appuyons sur le frein »
09:41par rapport à l'ambition du Green Deal au niveau européen,
09:44ou est-ce qu'ils ont quand même,
09:45et d'ailleurs les deux ne sont pas totalement antinomiques,
09:48en partie raison, c'est-à-dire qu'il y a peut-être
09:50une surtransposition de normes, un peu trop de complexité
09:53dans les normes environnementales imposées.
09:55Votre avis ?
09:56En fait, ça pose vraiment le débat de la valeur ajoutée
09:58de la norme environnementale européenne.
10:01Je pense qu'il faut vraiment aborder ce débat rationnellement
10:04et en regardant les faits.
10:05On entend beaucoup aujourd'hui que la norme environnementale,
10:08c'est un problème pour la compétitivité européenne,
10:10pour justement la force des entreprises en Europe.
10:14Si on regarde un petit peu les chiffres,
10:16on voit par exemple que la Commission européenne
10:18a constaté que la politique environnementale
10:20représente seulement 1% de la charge administrative
10:23des entreprises en Europe.
10:25Donc ce n'est pas forcément l'aspect à pointer uniquement.
10:29Et par ailleurs, il faut aussi comprendre
10:31que ces normes environnementales, certes,
10:33il y a un enjeu de mise en oeuvre qui est clair.
10:35Il y a une difficulté des États, des territoires,
10:37des entreprises à mettre en oeuvre.
10:38Et l'Union européenne peut être là pour les accompagner davantage,
10:41pour améliorer la mise en oeuvre sur le terrain.
10:46Mais il faut aussi voir que les législations environnementales,
10:49elles sont là pour une raison.
10:50C'est aussi pour protéger les entreprises au long terme.
10:53Puisque si on prend par exemple les coûts liés
10:56aux catastrophes climatiques ces dix dernières années,
10:58on voit qu'on est à 26 milliards d'euros par an annuellement.
11:02Donc il faut bien prendre tout ce qu'apporte cette norme
11:09et pas seulement pointer la difficulté du reporting.
11:13Dernière question.
11:14En cas assez politique, les élections européennes,
11:16elles ont abouti, on en sort avec un Parlement,
11:20avec un axe de gravité un peu plus vers la droite,
11:23avec des partis d'extrême droite, nationalistes, populistes,
11:27qui sont souvent climato-sceptiques ou qui en disent appuyant sur le frein,
11:31on ne peut pas faire comme si ces électeurs européens n'avaient pas voté ?
11:34Vous voyez ce que je veux dire, Frédéric Deloy ?
11:36Je comprends très bien.
11:37Moi, en fait, en dirigeant cette entreprise avec mon équipe,
11:40je me concentre avec mes parties prenantes,
11:44mes fournisseurs, mes collaborateurs, mes clients,
11:47sur ce que nous on maîtrise.
11:50On est, vous l'avez rappelé tout à l'heure,
11:52on est une entreprise bicorp,
11:53on est entreprise à mission depuis 2020.
11:55Donc, en fait, on a vraiment inscrit dans notre projet d'entreprise
11:58et dans les statuts de nos entreprises
11:59comment nous voulons nous servir de notre activité
12:01pour contribuer au bien commun, la planète et les personnes.
12:04Et donc, dans cet environnement brouillé que vous décrivez,
12:09il y a des tensions.
12:11Je connais dans notre activité ces tensions
12:13sur les différents continents où on opère.
12:16Et en fait, on a toujours réussi à traverser,
12:18à nous adapter, à être agile en gardant le cap.
12:21Moi, ce que je dis et ce que je souhaite,
12:24c'est qu'on garde le cap,
12:26parce que le monde actuel, qui est tellement bouleversé,
12:30a besoin d'un cap clair.
12:32Et je pense qu'au niveau de l'Europe,
12:33il faut qu'on garde ce cap, cette direction,
12:35mais qu'après on soit assez souple et tolérant
12:38dans la mise en œuvre,
12:39parce que compte tenu de toutes ces contraintes,
12:41effectivement, il faut qu'on soit tolérant
12:44sur le fait que telle entreprise n'a pas pu produire
12:46son rapport de durabilité à temps ou quoi.
12:48Merci beaucoup.
12:49Et ça repose la question de l'acceptabilité,
12:51évidemment, de cette transformation.
12:53Merci à tous les deux.
12:54C'était très intéressant de vous avoir
12:55sur le plateau de BeSmart for Change.
12:57On passe à notre rubrique Startup tout de suite.

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