• il y a 18 heures
Faire accepter la transition écologique paraît essentiel, mais la rendre désirable pourrait être encore plus efficace. Pour répondre à cet enjeu, des acteurs de la communication et du divertissement créent de nouveaux récits et imaginaires qui démontrent les bienfaits des transformations à engager en faveur de la planète.

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00:00Comment inventer de nouveaux imaginaires pour accélérer et accompagner la transition ? C'est le thème de notre débat avec Marguerite Laborde, bonjour.
00:15Bonjour Thomas.
00:16Bienvenue, vous êtes copilote du parcours Nouveaux Imaginaires à la Convention des entreprises pour le climat.
00:21Et Valérie Doussinaud, bonjour.
00:22Bonjour Thomas.
00:23Fondatrice de l'agence Nikita, on va commencer même si on a fait beaucoup d'émissions en partenariat avec la Convention des entreprises pour le climat.
00:30C'est quoi Marguerite Laborde ?
00:32La Convention des entreprises pour le climat, c'est un collectif de dirigeants qui prouve qu'on peut faire du business différemment dans le respect des limites planétaires et dans le respect du vivant.
00:42La première session a eu lieu en 2021 avec un parcours national et multisectoriel qui depuis a eu des petits frères et des petites sœurs, des conventions des entreprises pour le climat territorial, régional.
00:55Et puis plus récemment, des conventions des entreprises pour le climat thématiques qui s'adressent à des écosystèmes business qui ont un effet de levier assez puissant sur le reste de l'économie.
01:06Si on les fait bouger, le reste de l'économie va bouger plus rapidement. On a eu la CEC Consulting, la CEC du monde financier et donc aujourd'hui cette CEC des nouveaux imaginaires.
01:15Alors pourquoi cette CEC des nouveaux imaginaires ?
01:18C'est quoi le parcours d'ailleurs ? C'est un parcours particulier, spécifique j'imagine ?
01:22Oui, c'est un parcours qui s'adresse aux créateurs, producteurs et diffuseurs de récits. Parce qu'en fait, on a constaté que le constat des limites planétaires et des enjeux auxquels on va faire face, il est de plus en plus partagé.
01:35La connaissance avance, même si on a des vents contraires qui soufflent fort.
01:40Il y en a quelques-uns, mais pas seulement aux Etats-Unis.
01:44Exactement. Mais on n'a pas de passage à l'action collective. Pourquoi ? Parce qu'on estime que les récits ont une responsabilité énorme là-dedans, notamment à travers le triangle médias, informations, publicités.
01:58On a identifié vraiment trois problèmes. Le premier, c'est celui avec des médias, c'est celui de la couverture.
02:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui, en termes de couverture des sujets climatiques dans les médias, ça représente 1 à 3% des sujets évoqués.
02:11Et puis la biodiversité, on n'en parle même pas.
02:14Le deuxième problème, c'est celui de la publicité. Aujourd'hui, c'est plutôt un problème volumique.
02:19C'est-à-dire qu'aujourd'hui, vous comme moi, on est exposés par jour à entre 4 000 à 10 000 messages publicitaires qui sont souvent pour des produits nocifs, voire climaticides.
02:30On peut partir à l'about du monde pour 500 euros. On peut aller faire ses courses et être livré en 15 minutes.
02:38Donc ça, c'est des modes de vie qui ne sont pas soutenables, ni pour notre planète, ni pour nous d'ailleurs.
02:44Et puis le troisième problème, c'est celui de la fiction, donc les films, les séries.
02:48Aujourd'hui, ces enjeux sont parfois abordés, mais ils sont souvent pris sous l'angle de la dystopie.
02:54Donc on va jouer sur le registre de la peur, en fait, même si on prend des films qui, par exemple, abordent ce sujet comme Don't Look Up ou Le Monde Après Nous.
03:03En fait, c'est vraiment le levier de la peur qui est utilisé. Et ce levier, ce n'est pas un moteur pour passer à l'action pour tout le monde.
03:10– Sinon, ça aurait marché depuis longtemps, parce que c'est le premier levier qui a été activé.
03:13Je veux bien que vous nous présentiez, avant de nous dire ce que vous apporte ce parcours, Valérie Doussinaud, que vous nous présentiez l'agence Nikita.
03:19– Alors l'agence Nikita est une agence qui a plus de 30 ans et qui travaille pour les marques sur le long terme,
03:26pour les transformer et accompagne des plateformes de marques jusqu'à la production de contenus et jusqu'à la performance des contenus.
03:32Donc nous faisons parler les marques, en fait.
03:35– Et justement, vos clients, ces marques, elles sont conscientes, elles commencent à être conscientes de cette obligation, presque, d'inventer de nouveaux imaginaires ?
03:46– Alors, pas vraiment. C'est-à-dire que ce qu'on a fait au sein de l'agence, c'est qu'on a créé des personas.
03:52C'est-à-dire qu'on a identifié quelle était la maturité, finalement, par rapport à ces sujets, la maturité de nos clients.
03:58Donc on adresse chacun des clients de façon différente pour les faire bouger.
04:03En tous les cas, nous, ce qu'on cherche, c'est les faire bouger et les faire prendre conscience qu'il y a des récits qui ne sont plus tenables.
04:11Alors, je vais prendre un exemple pour être… – Oui, allons-y.
04:14– C'est, par exemple, pour une enseigne de jardinage qui, évidemment, a un plan d'action commercial.
04:21Est-ce qu'on ne peut pas changer son plan d'action et n'être pas tout le temps dans la société de consommation,
04:26mais peut-être dans une communication d'usage ?
04:30Un exemple, au lieu de faire une communication pour faire son jardin en printemps, faire une opération sur SOS plantes.
04:39Comment prendre soin des plantes ? Comment les sauver ?
04:42Et donc on va passer d'une logique volumique, je vends des tas de produits, à une logique servicielle.
04:48Et donc c'est d'aller vers cette société d'usage. C'est comme ça qu'on accompagne les clients, en fait.
04:55– Alors, qu'est-ce que vous avez trouvé dans ce parcours des nouveaux imaginaires proposés
04:59par la Convention des entreprises pour le climat ?
05:02Qu'est-ce qui vous manquait, en quelque sorte ?
05:04– Alors, première chose, c'est de ne pas être seul.
05:06Et ça, c'est énorme, parce qu'en fait, c'est de retrouver des compagnons de route
05:12qui ont vraiment envie de changer les récits.
05:14Parce qu'on est très conscient que nous avons un pouvoir énorme, un pouvoir de grande responsabilité.
05:22Ça, on a quand même réussi à faire le lien entre fumer, c'est la liberté, après-guerre.
05:28Donc ça veut dire qu'on est capable de changer les imaginaires.
05:31Et moi, j'aime bien raconter ce que c'est qu'un nouveau récit.
05:33Un nouveau récit, c'est une histoire positive qui crée du désir pour aller vers un monde plus juste,
05:40donc l'équité sociale, plus durable par rapport aux limites planétaires,
05:44mais aussi plus joyeux, où les gens s'épanouissent.
05:49– Mais ce n'est pas seulement, Marguerite Laborde, un changement de communication.
05:55Dans ce que vous nous décrivez, c'est souvent un changement de modèle économique.
05:59D'ailleurs, c'est ce que la Convention des entreprises pour le climat porte,
06:03et c'est ce qui était passionnant.
06:05Il y avait à la fois ce que vous décrivez, c'est-à-dire ne pas se sentir seul,
06:08pouvoir discuter avec d'autres chefs d'entreprise ou cadres dirigeants.
06:13Et puis, il y a une feuille de route, c'est ce qui est vraiment intéressant à la CEC.
06:17C'est un engagement sur une feuille de route pour changer les choses.
06:20– Absolument, et dans le cadre de notre CEC, on a vraiment travaillé sur les deux dimensions,
06:24c'est-à-dire celle des contenus et des récits, et celle des modèles d'affaires,
06:27parce qu'en fait, les deux sont liés.
06:29C'est-à-dire que, si je prends un exemple des agences de publicité,
06:33en tant qu'agence de publicité, si je gagne de l'argent en faisant des publicités
06:37pour des produits climaticides comme des SUV,
06:40ça va être beaucoup plus difficile d'aller changer les récits que je produis
06:46en challengeant mes clients si je suis le seul.
06:48Alors que dès lors qu'on crée un collectif et cette dynamique collective qu'on fait
06:53en mettant ces acteurs dans la même salle, ça permet de sortir du dilemme du prisonnier
06:57en n'étant pas le seul à faire le premier pas,
07:00ou si mes concurrents ne bougent pas, je ne bouge pas.
07:03Là, on crée cette dynamique en jouant sur les contenus
07:07à travers le prisme des modèles d'affaires,
07:09parce qu'on n'est pas uniquement sur des bons sentiments,
07:12on parle vraiment de business en fait.
07:14On parle de business, il suffit de voir par exemple
07:16la rétractation du marché du bio, marché alimentaire,
07:20et à un moment où les consommateurs envoient un message.
07:22Et donc même si on a plein de bonnes volontés,
07:24même si on est en train d'essayer de changer son modèle,
07:27si les consommateurs ne suivent pas, la transition s'arrête, net.
07:32C'est pour ça qu'on a identifié plusieurs ingrédients clés
07:35pour engager à passer à l'action.
07:37On se l'est dit tout à l'heure, le registre de la peur,
07:40ce n'est pas celui qui fonctionne le mieux.
07:42Comment on l'a identifié d'abord ?
07:44Je pourrais vous en citer trois.
07:46Je vous interromps parce que je vous entendais parler des SUV.
07:49Je suis d'accord avec vous, il y a une forme d'absurdité
07:51à continuer de rouler en SUV,
07:53et puis peut-être aussi de concevoir des SUV 100% électriques
07:56qui pèsent de plus en plus lourd.
07:58Sauf qu'il y a un moment où il y a énormément de Français
08:00qui ne peuvent pas s'en passer, une voiture,
08:02et qu'il n'y a pas l'offre de transport en commun suffisante.
08:06Je ne vais pas vous refaire tout l'argumentaire.
08:08Et puis il y a surtout ceux qui veulent continuer de rouler en voiture.
08:11Vous voyez ce que je veux dire.
08:13Et derrière, il y a des entreprises avec des milliers de salariés.
08:16C'est plutôt un modèle fort en France et en Europe.
08:20Il y a tous ces enjeux en même temps à faire rentrer dans l'équation.
08:23C'est très compliqué.
08:25Est-ce que le nouvel imaginaire peut y suffire ?
08:27Le nouvel imaginaire est nécessaire, mais pas suffisant, c'est sûr.
08:31Évidemment qu'on pourra avoir besoin d'être appuyé aussi par le législateur.
08:38C'est important pour faire accélérer les changements d'usage et de comportement.
08:41C'est très clair.
08:43Dans les acteurs qu'on a mis dans la salle,
08:45on a plutôt traité le sujet des imaginaires et des nouveaux récits.
08:48Mais là, il y a aussi des leviers d'accélération qui sont super importants.
08:52Notamment, par exemple, celui de la co-construction.
08:54Vous disiez que les utilisateurs ne sont pas tous prêts à changer.
08:58Mais c'est précisément pour ça qu'il est hyper important
09:01d'aller co-construire avec ses audiences les récits
09:03en fonction des leviers qui vont eux les embarquer.
09:06Tout le monde n'a pas les mêmes problématiques dans sa vie quotidienne.
09:09On ne peut pas parler à X et à Y de la même façon.
09:12C'est précisément l'apport d'associations comme Parlons Climat
09:15qui ont permis de montrer ça.
09:17Donc c'est important d'aller co-construire aussi ces récits avec ses audiences.
09:20Parce que Jeep, par exemple, passe à l'électrique en Europe,
09:24mais aux États-Unis, no way ! Ils n'y pensent même pas.
09:27Parce qu'ils savent que les Jeepers aux États-Unis,
09:29jamais ils n'achèteront une voiture électrique.
09:31Il y a là, j'imagine, dans la discussion avec vos clients,
09:34avec les marques que vous accompagnez,
09:36une question qui est la rapidité du changement.
09:39À quel moment on se dit, je peux faire basculer mon modèle,
09:42effectivement, de la possession à l'usage, par exemple.
09:46C'est un vrai enjeu, sans perdre mes clients
09:49et donc finalement mettre en péril la pérennité de l'entreprise.
09:53La vitesse de la transition, vous voyez ce que je veux dire ?
09:56La vitesse, effectivement, on n'en est pas maître.
09:58D'ailleurs, ce que je trouve très bien dans la Convention
10:01des entreprises pour le climat sur les nouveaux imaginaires,
10:04c'est qu'en fait, on se dit que plus on sera nombreux,
10:07les acteurs, à pousser des nouveaux récits,
10:10plus la bascule culturelle se fera.
10:12Et c'est ce tipping point dont on parle qui se fera.
10:15Mais pour répondre à votre question, particulièrement sur le rythme,
10:20c'est qu'en tous les cas, on se donne comme règle
10:23de toujours avoir des alternatives.
10:25Une alternative, oui, j'ai besoin de la voiture,
10:27mais qu'est-ce que tu me proposes comme autre alternative ?
10:30Oui, je veux acheter des vêtements pour mes enfants,
10:33mais si je les loue ou si je le prends en seconde main, ça existe.
10:37Et en fait, la bascule, on ne sait pas exactement quand elle va se faire,
10:41mais si on raconte bien l'histoire de qu'est-ce que ça apporte de plus
10:45de louer ou de mutualiser.
10:49Et en fait, il y a François Gémen du GIEC qui dit,
10:53fort de son expérience, qui dit,
10:55c'est clair qu'on ne change pas les comportements
10:58en disant alerte au climat, en étant négatif.
11:01Ça, il l'a expérimenté lui-même pendant des années.
11:03Et puis malheureusement, on le voit à chaque catastrophe climatique.
11:06Ce ne sont pas elles qui suffisent à changer les comportements.
11:09Ça paralyse, enfin, il y a plein.
11:10On dit qu'étudier les comportements ne sont pas les...
11:12Bon, ce qui est plus...
11:14Je vais prendre l'exemple de la rénovation énergétique.
11:16En fait, il ne faut pas dire, c'est bien pour le climat.
11:18Ce n'est pas ça.
11:19Ou le bio, c'est bien pour le climat.
11:20En fait, il faut parler aux gens.
11:22Et les gens, quand on va leur dire,
11:25la rénovation énergétique va vous apporter du confort
11:30ou vous allez gagner de l'argent sur votre facture,
11:34là, on leur parle.
11:36C'est tous ces leviers-là.
11:38Et c'est pour ça qu'à la CEC Nouveaux Imaginaires,
11:41on a expérimenté la coopération,
11:44et on croit beaucoup à l'effet volume et coopération,
11:47et de changer de modèle aussi nous-mêmes,
11:49de passer de la compétition,
11:51notre modèle de société,
11:54à la coopétition ou à la coopération.
11:58Et donc, on a monté un collectif
12:00qui s'appelle la coalition des...
12:02Enfin, c'est une coalition d'agences
12:04qui va des cabinets d'études
12:06jusqu'à des producteurs de contenu,
12:08des agences de com, de RP.
12:10Pour qu'il y ait un effet de masse, en quelque sorte.
12:12Pour qu'il y ait un effet de masse.
12:13Je comprends.
12:14Et que, globalement, on se soutienne,
12:16parce que ce n'est pas facile comme enjeu,
12:18qu'on se soutienne,
12:20quand on va voir un annonceur, une marque,
12:23qu'on dise, est-ce que...
12:25Finalement, de mutualiser nos idées,
12:28et surtout, de les alimenter avec des chiffres,
12:31et avec des choses, peut-être,
12:32qui viennent même des neurosciences.
12:33C'est-à-dire, qu'est-ce qui fait
12:34que je change de comportement.
12:36Parce que c'est ça qu'on veut, finalement.
12:38Dernier mot, il nous reste 40 secondes,
12:39il faut aller vite.
12:40Sur, justement, ces engagements,
12:41ces feuilles de route,
12:42c'était très clair pour moi
12:43quand on parlait CEC classique.
12:45Là, sur cette thématique-là,
12:47c'est quoi l'engagement ?
12:48Vous venez de commencer à répondre.
12:49Là, on demande aux participants aussi
12:51de nous remettre une feuille de route,
12:53qui va adresser à la fois leur modèle d'affaires
12:55et les contenus et les récits qu'ils produisent,
12:57pour les revoir en profondeur,
13:00en montrant qu'on peut adresser le sujet des récits
13:05que si on prend aussi celui du sujet des modèles d'affaires.
13:08Parce que le récit, finalement,
13:10le plus absolu à revoir,
13:12c'est celui de l'entreprise en elle-même.
13:14C'est de se dire qu'on ne recherche pas
13:17une entreprise surperformante avant tout,
13:19mais une entreprise robuste
13:20qui va pouvoir s'adapter au contexte qui arrive,
13:22parce qu'on est vraiment dans le sujet
13:24de la pérennité des business.
13:26Merci beaucoup.
13:27Merci à toutes les deux.
13:28Et à bientôt sur BeSmart for Change.
13:30On passe tout de suite à notre rubrique
13:32Prêt pour l'impact.

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