Pour Erwan Balanant, auteur d’une loi adoptée en février 2022 qui a créé un délit de harcèlement scolaire, "l'idée de remettre la parole de l'enfant au centre", est une bonne chose, mais il faudra les moyens pour le faire.
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00:00 Le 18-20, France Info, Jean-François Aquiline.
00:04 Bonsoir à vous Erwann Balanant.
00:06 Bonsoir.
00:07 Ces annonces du gouvernement en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, ça va suffire ?
00:12 Ça va suffire, je ne sais pas, mais en tout cas on se lance dans un long marathon parce que c'est quelque chose qu'on ne va pas résoudre d'un coup de baguette magique.
00:20 Mais en tout cas les annonces vont dans le bon sens avec un choc, un choc, un électro-choc.
00:25 L'idée de remettre la parole de l'enfant au centre, ça c'est quelque chose d'important parce qu'on avait un déficit d'accompagnement.
00:32 Et l'autre point qui est un vrai changement, c'est l'idée que notre école doit aussi être l'école de l'empathie, l'école de l'écoute des différences et l'école du vivre ensemble.
00:42 Donc ça c'est un vrai changement parce que c'est ça le point principal de la question.
00:48 Mais Erwann Balanant, ça a été rappelé à l'origine de cette loi du 2 mars 2022 qui vise à combattre le harcèlement scolaire,
00:56 qui a créé un délit de harcèlement qui pourrait être puni jusqu'à 10 années de prison en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime.
01:03 Il y a eu hélas combien de Nicolas Poissy entre temps. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui ça se déclenche alors qu'il y a eu cette loi ?
01:10 Il y a quand même plus d'un an quand même.
01:12 Oui, mais c'est plus d'un an, vous savez, les délais d'application, tout ça, et c'est long.
01:17 Et cette loi, en réalité, on parle beaucoup du délit pénal, mais à côté, il y avait d'autres articles très importants qui sont aujourd'hui les bases de ce qui vient d'être annoncé,
01:29 c'est-à-dire les bases juridiques de ce qui est annoncé aujourd'hui sont la déclinaison de la loi.
01:37 Mais il fallait un peu de temps, peut-être qu'on aurait pu aller plus vite, mais franchement, là, on a un changement de paradigme, un changement d'échelle.
01:46 Et j'espère que tout ça, on aura aussi les moyens pour le faire, mais ça, on pourra peut-être en discuter.
01:51 Justement, la saisie systématique du procureur en cas de signalement, il va falloir que la justice suive. Elle est déjà engorgée, la justice.
01:57 Oui, mais ça, c'est quand on arrive sur la judiciarisation, c'est déjà les cas les plus graves.
02:03 Le sujet du harcèlement scolaire, c'est d'abord la prévention, l'accompagnement des victimes et je le redis, cette école de l'empathie.
02:11 La formation de tous les acteurs de la communauté éducative d'ici la fin du quinquennat, il y a 853 700 profs en France.
02:20 Et puis, il n'y a pas que les profs qui sont concernés. Il y a aussi les colonies, le système sportif, le monde sportif, le monde de l'accompagnement de la petite enfance.
02:28 C'est pour ça que vous parlez de marathon.
02:30 C'est exactement pour ça que je dis, c'est une politique publique qui va être longue et qui va demander de l'endurance.
02:38 Et il faut s'engager.
02:40 C'est maintenant parce que si on ne s'engageait pas maintenant, on prenait encore du retard.
02:44 Mais par exemple, pour citer la loi, c'est l'article 5 de ma loi qui donne des obligations de formation à toutes les personnes qui sont en lien avec le milieu scolaire et le milieu de l'enfance.
02:55 Et donc, maintenant, c'est effectivement un travail titanesque.
03:01 Comment vous les voyez, Erwann Balanant, ces cours d'empathie ?
03:05 Pour moi, les cours d'empathie, c'est un des points essentiels de ce plan.
03:10 C'est de faire de notre école l'école où on apprend à côté des savoirs fondamentaux.
03:15 On apprend aussi à vivre ensemble, à vivre avec son camarade qui est différent, qui est un peu plus gros, un peu plus maigre, qui est parfois d'une origine différente, qui a une religion différente.
03:28 Et ça, c'est quelque chose qui manquait dans notre école.
03:31 Moi, je crois beaucoup, par exemple, à l'idée qu'on doit valoriser le travail ensemble, c'est à dire des groupes d'enfants qui vont travailler ensemble sur un sujet.
03:39 Et la note, ça ne sera pas chacun sa note, ça sera une note commune.
03:42 Ça, c'est des exemples de ce que je vois comme l'école de l'empathie.
03:46 Et l'école de l'empathie, c'est aussi, je crois, et ça peut connecter à des sujets qui sont des sujets d'adultes.
03:51 C'est aussi rappeler ce que c'est notre contrat social, ce que c'est la vie ensemble, ce que sont nos institutions.
03:59 C'est de l'éducation civique, je vous rappelle.
04:01 Exactement, exactement.
04:03 Moi, j'appelle ça...
04:04 Ça existait avant, ça.
04:05 J'appelle ça, cette école de l'empathie, il faut la connecter à la vie citoyenne.
04:09 Erwann Balanant, l'électrochoc a commencé, a dit Gabriel Attal, la peur doit changer de camp.
04:16 Il y a aussi, on va dire, un volet coercitif, punitif dans ce qui est mis en place.
04:24 La peur doit changer de camp.
04:25 Alors, il y a deux choses.
04:26 Il y a peut-être parfois des sanctions mieux comprises par les victimes et les familles, parce qu'aujourd'hui, souvent, les familles ont l'impression que la punition n'a pas été suffisante.
04:37 Mais moi, je ne crois pas aux répressifs.
04:40 Quand on dit la peur doit changer de camp, c'est aussi que l'enfant qui est victime ne doit pas avoir peur de le dire.
04:46 Ceux qui le harcèlent doivent avoir peur.
04:48 Exactement.
04:49 Et surtout, au-delà d'avoir peur, c'est que par cette école de l'empathie, on va apprendre à nos enfants de tout simplement bien se comporter ensemble.
04:57 C'est ça, le sujet.
04:58 Et quand on fera dans l'école et quand on aura tous ces enfants qui auront eu cette chance d'avoir ces cours d'empathie à l'école.
05:04 Moi, j'ose espérer que peut-être que dans la vie des adultes, ça ira mieux aussi.
05:09 Vous avez une idée de l'ampleur du phénomène, pour ne pas dire du fléau.
05:12 Ça, c'est un sujet.
05:13 Gabriel Attal, le même, parle de multiplication par trois des témoignages, etc.
05:16 Exactement. Ça, c'est un sujet sur lequel je crois qu'il faut qu'on ait une grande étude de ce qu'on appelle les grandes études de victimation.
05:22 Parce qu'il n'y a pas pour l'instant, il n'y a pas d'audit.
05:23 Non, elle date un peu.
05:25 C'est un peu vieux, c'est un peu ancien.
05:26 Ça date presque de 10 ans.
05:28 Les derniers chiffres consolidés.
05:30 Et donc, le fait de pouvoir aussi avoir ces grilles d'évaluation et d'auto-évaluation par les enfants,
05:36 ça va aussi permettre de travailler sur l'ampleur du phénomène.
05:40 Parce que connaître l'ampleur du phénomène d'un point de vue qualitatif et d'un point de vue quantitatif,
05:45 ça permet aussi d'adapter les plans de prévention.
05:48 Parce qu'il y a différents types de harcèlement et on ne les connaît pas tout à fait tous bien.
05:53 Et donc, moi, je suis vraiment pour qu'on ait un grand plan de victimation.
05:57 Et ce que j'aimerais bien, c'est qu'on ait un baromètre annuel aussi du harcèlement scolaire.
06:02 Savoir si ça descend, si ça diminue, pour adapter nos politiques publiques.
06:06 Je l'ai dit en introduction, il n'y a pas de solution miracle.
06:10 C'est juste l'engagement des adultes vis-à-vis de nos enfants.
06:13 Et c'est aujourd'hui un peu un acte 1, cette conférence de presse.
06:17 Dernier mot, il aura fallu un drame terrible et sa médiatisation, le suicide de Nicolas Poissy, pour que tout le monde se réveille.
06:25 Des drames, il y en a eu beaucoup. Et des drames, il y en a eu depuis longtemps.
06:28 - Il y en a beaucoup ? - Oui.
06:29 Et le drame du harcèlement, c'est le drame absolu de ces enfants qui décident de quitter notre monde.
06:38 Mais c'est aussi le drame de tous ces enfants qui vont perdre confiance en eux,
06:42 perdre confiance en leurs camarades, perdre confiance en l'institution et en réalité, perdre confiance en la société.
06:47 Et c'est ça la réalité aussi du fléau du harcèlement scolaire.
06:50 - Il fallait réagir. Merci Erwann Balanant, député modem du Finistère.
06:54 Auteur de cette loi qui a créé un délit de harcèlement scolaire, vous connaissez le sujet.
06:57 Merci d'avoir répondu aux questions de France Info.