DROIT À LAVORTEMENT - 3 questions à Ghada Hatem
À l'occasion de la Journée internationale pour le droit à l'avortement, Jérôme Florin et Marina Giraudeau reçoivent Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne franco-libanaise, responsable de la "Maison des femmes" à Saint-Denis.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 28 septembre 2023 avec Jérôme Florin et Marina Giraudeau.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 28 septembre 2023 avec Jérôme Florin et Marina Giraudeau.
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00:02 RTL
00:05 Les trois questions du petit matin. Ce jeudi est la journée mondiale de défense d'un droit acquis bien souvent de haute lutte par les femmes.
00:12 En France c'était il y a près d'un demi-siècle.
00:14 Je veux parler du droit à l'avortement et on peut dire qu'il est pleinement
00:18 utilisé en France puisque le nombre d'IVG est au plus haut depuis 30 ans.
00:22 Bonjour Radha Hatem.
00:25 Bonjour. Merci d'être avec nous sur RTL. Vous êtes gynécologue, vous dirigez la maison des femmes à Saint-Denis, une unité hospitalière
00:32 ouverte en 2016 qui accueille les les victimes de violences.
00:35 Ces avortements sont au plus haut aujourd'hui. Pourquoi ? Comment vous l'expliquez avec ce que vous voyez au quotidien ?
00:42 Je pense que les explications sont clairement multifactorielles parce que quand on regarde attentivement les chiffres de l'adresse,
00:51 on voit que c'est stable chez les très jeunes, que ça augmente surtout entre la tranche 20-29
00:58 mais que l'augmentation la plus massive se passe dans les dom-toms.
01:03 Alors on peut imaginer que c'est un rebond après les années Covid.
01:09 On peut imaginer qu'il y a du désamour pour la contraception orale, ça on le voit tous les jours en consultation.
01:15 Pour la pilule ?
01:17 Oui, pour la pilule. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui la pilule a très très mauvaise presse.
01:22 Ce sont des hormones, c'est artificiel.
01:26 Alors que les femmes qui ont milité pour avoir accès à la pilule,
01:30 elles ce qu'elles voyaient de formidable c'était enfin une sexualité sans risque de grossesse,
01:35 aujourd'hui on met plus l'accent sur les effets secondaires de la pilule, il y en a,
01:40 mais ils ne sont pas aussi importants que ce que les jeunes pensent.
01:45 Et pourtant elles ont décidé que c'était pas bien.
01:47 Et ce qu'on observe aussi et qui va corréler cette hypothèse, c'est que la vente de contraception d'urgence
01:55 augmente. Donc ça veut dire je ne prends pas la pilule mais quand je me mets en danger
01:59 je prends la pilule d'urgence, qu'on appelle plus vulgairement la pilule du lendemain.
02:04 Et cette pilule n'est pas 100% efficace. Donc je pense que toutes ces raisons là, et puis on ne peut pas nier que chez les jeunes,
02:11 et notamment dans cette tranche 20-29, il y a une éco-anxiété,
02:15 il y a une anxiété du lendemain, il y a la peur de s'engager,
02:19 il y a la peur de s'engager dans quelque chose d'aussi impliquant qu'un enfant.
02:24 Et enfin peut-être, nous savons qu'un tiers des IVG sont motivés par de la violence dans le couple.
02:30 Peut-être qu'aujourd'hui les jeunes filles identifient plus rapidement
02:34 le fait qu'elles soient dans un couple toxique,
02:37 alors qu'avant elles se disaient "c'est de l'amour, ça va s'arranger, bébé va tout réparer".
02:41 Et peut-être que là elles prennent cette décision, et ça, ça serait une très bonne nouvelle.
02:45 - Justement quel est le profil de ces femmes qui viennent vous voir à la maison des femmes à Saint-Denis ?
02:51 Ce sont des femmes cassées, violentées ?
02:53 - Nous avons tous les profils parce que nous...
02:56 - Les femmes qui viennent se faire avorter, pardon, je précise ma question.
02:59 - J'ai bien compris.
03:00 Nous avons, vous ne l'avez pas précisé, mais la maison des femmes intègre un centre de santé sexuelle et d'IVG.
03:05 Donc nous recevons des femmes de partout,
03:09 parce que c'est un droit auquel nous tenons énormément,
03:12 et nous nous sommes organisées pour que les femmes aient un accès ultra rapide à l'IVG.
03:15 C'est insupportable pour une femme qui a décidé d'avorter, qui est très claire dans ses choix,
03:20 de s'entendre dire "le prochain rendez-vous c'est dans 15 jours et l'avortement sera fait dans trois semaines".
03:25 Ce sont trois semaines cauchemardesques,
03:27 et donc nous, nous avons tout le temps des rendez-vous disponibles pour accueillir ces femmes le plus vite possible,
03:34 ce qui fait que nous avons toutes les catégories socio-professionnelles,
03:37 toutes les origines, même les femmes viennent d'assez loin parfois.
03:41 - Et ce sont des femmes qui ont l'air perdues la plupart du temps ?
03:44 - Certaines oui, d'autres non, d'autres simplement disent voilà...
03:48 Alors il y a quelque chose quand même qu'il faut souligner.
03:52 Les femmes disent "les gynéco que j'ai appelé ne prennent plus de nouvelles patientes", et ça c'est quand même un frein.
03:57 Ou alors "mon gynéco m'a dit qu'il ne faisait pas ça",
04:01 et ça c'est aussi très embêtant parce que même si on ne fait pas ça,
04:05 la moindre des choses c'est de recevoir une patiente, de lui prescrire les premiers examens, les conseils, l'orienter,
04:11 même si on ne veut pas se commettre à cet acte qui pour certains médecins reste encore malheureusement répréhensible.
04:18 - Oui, et le gynécologue n'est pas obligé de faire un avortement ?
04:22 - Non, mais il est obligé de recevoir la dame, il est obligé de lui donner des explications et de l'orienter.
04:28 Mais c'est vrai, vous avez raison, je ne l'ai pas dit, la clause de conscience,
04:32 les médecins qui préféraient ne pas le faire,
04:35 augmente un peu et ça c'est désastreux.
04:38 - Radha Hathem, je le rappelais, c'est la journée mondiale de défense de l'IVG,
04:42 est-ce qu'il faut inscrire aujourd'hui ce droit dans la Constitution ?
04:46 C'est un peu la tarte à la crème, on pose la question depuis des mois et des mois,
04:49 mais Emmanuel Macron l'a promis en mars dernier lors d'une journée en hommage à Gisèle Halimi.
04:54 Où en est-on et faut-il inscrire ce droit dans la Constitution selon vous ?
05:00 - Les promesses n'engagent que ceux qui les font.
05:02 Ce serait symboliquement très joli, très intéressant.
05:06 Pour autant, si un soignant ne veut pas pratiquer l'IVG,
05:12 qu'elle soit inscrite ou pas dans la Constitution,
05:14 ça ne changera rien à la problématique très concrète des femmes.
05:18 - Mais c'est un droit fragile ou pas ?
05:19 - Il faut de l'accès.
05:21 Comment ? Oui, c'est un droit fragile.
05:22 Mais on le voit bien, dès qu'on demande par exemple un allongement du délai,
05:27 on assiste à des débats, mais d'un patriarcat nauséabond à l'Assemblée nationale.
05:33 Et on se dit "ah oui, c'est pas que l'augmentation du délai qui fait problème,
05:37 c'est l'IVG elle-même qui fait encore et toujours problème".
05:40 - Encore aujourd'hui.
05:41 Merci beaucoup Radha Hatem, gynécologue et vous dirigez,
05:45 je le rappelle, la maison des femmes à Saint-Denis.
05:47 Merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous ce matin sur RTL.
05:50 Bonne journée.
05:51 - Bonne journée à vous.
05:54 Retrouvez cette interview sur RTL.fr
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