Guillaume Pitron : "Pour rouler en voiture électrique il va falloir creuser"

  • l’année dernière
Hier à Paris, les représentants de 47 pays consommateurs et producteurs-se sont réunis pour le premier sommet consacré aux "métaux critiques" Guillaume Pitron, journaliste auteur de La guerre des métaux rares, la face cachée de la transition énergétique et numérique (Editions Les liens qui libèrent)

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00:00 France Inter, Alibaboo, Marion Lourd, le 6/9.
00:08 Et le premier invité de cette matinale, Marion Lourd, il est journaliste et auteur d'un
00:12 livre sur la guerre des métaux rares.
00:14 Sous-titre « La face cachée de la transition énergétique et numérique ». Ces métaux
00:18 rares sont l'avenir et aussi le carburant de notre transition écologique.
00:21 Le cuivre pour les éoliennes, le lithium, le cobalt, le nickel pour les batteries.
00:25 47 pays consommateurs et producteurs se réunissaient hier soir à Paris pour un premier sommet
00:30 inédit sur ce sujet.
00:32 Bonjour Guillaume Pitron.
00:33 Bonjour.
00:34 Qu'est-ce qu'ils s'est dit lors de ce sommet ?
00:35 D'abord ils ont constaté, 47 pays, qu'ils sont dépendants de la Chine pour une bonne
00:39 partie de leurs approvisionnements et qu'il y a un risque que la transition énergétique
00:42 ne se fasse pas ou pas au rythme espéré parce que la matière première n'est pas suffisamment
00:47 disponible.
00:48 La Chine est partout sur ces marchés-là et elle conserve la matière pour elle-même.
00:52 Après ils se sont dit comment est-ce qu'on va diversifier nos approvisionnements ?
00:55 Donc en allant signer des partenariats avec d'autres pays producteurs.
00:59 Comment est-ce qu'on va développer le recyclage ?
01:00 On va récupérer la matière dite secondaire qui sort de ces recycleurs plus que la matière
01:05 primaire qui sort de la mine.
01:06 Ça va permettre de diversifier aussi les appros.
01:08 Comment est-ce qu'on va rendre les marchés plus transparents ?
01:10 Les approvisionnements.
01:11 Les approvisionnements.
01:12 Vous avez raison.
01:13 Comment est-ce qu'on va rendre les marchés plus transparents ?
01:15 Parce qu'il y a des manipulations de marché dont on soupçonne la Chine de manipuler
01:20 les marchés de certains métaux.
01:21 Tout cela pour en fait fluidifier la demande, l'offre, la faire mieux rencontrer la demande,
01:30 accélérer la production minière.
01:32 On n'a pas le choix parce que les besoins pour la transition énergétique dans toutes
01:35 ces matières que vous avez mentionnées sont absolument énormes.
01:38 Si je vous écoute, là on a posé les enjeux mais il n'y a pas eu de décision prise.
01:40 Non.
01:41 Alors en fait tout le monde a déclaré, a fait des déclarations.
01:44 L'Union africaine par exemple, l'Afrique, a dit on veut davantage raffiner le minerai
01:49 chez nous parce qu'on ne veut pas juste vendre la matière brute pas cher.
01:52 On veut tirer de la valeur ajoutée pour créer des emplois chez nous.
01:55 Les latino-américains ont dit la même chose.
01:57 Les américains ont dit on a un problème de défense, de souveraineté sur nos industries
02:01 de défense parce que ces mêmes métaux servent pour le F-35, l'équivalent du Rafale, mais
02:05 également les missiles de haute précision et ainsi de suite.
02:08 Donc nous on a besoin d'être indépendant de la Chine par rapport à ces sujets de sécurité
02:11 nationale.
02:12 L'Europe arrive avec son CRM Act, son Critical Raw Matters Act.
02:16 C'est un plan de la Commission européenne pour développer notamment la mine, le raffinage
02:20 sur le territoire européen.
02:21 Donc elle est arrivée avec cette envie de raffiner sur son territoire.
02:25 Mais l'Australie lui a dit oui mais moi le lithium que je te donne, j'ai pas envie qu'il
02:28 soit raffiné chez toi, j'ai envie de le raffiner chez moi.
02:31 Donc il y a tous ces enjeux, ces désirs qui vont être exprimés, ces souhaits, ces objectifs
02:38 qui ne sont pas forcément cohérents les uns avec les autres.
02:40 Et donc ça a été davantage une grande discussion pour savoir qui pense quoi.
02:45 Et la Chine n'a rien dit parce qu'elle n'était pas là.
02:47 Elle n'était pas là et on n'a jamais prononcé le nom de la Chine, figurez-vous,
02:49 alors qu'en fait c'était l'éléphant dans la pièce.
02:51 Et un sommet comme ça sans la Chine, ça sert à quoi finalement ?
02:55 En fait ça sert à contourner la Chine.
02:58 Symboliquement c'est important quand même qu'un tel sommet ait pu se tenir car ces
03:01 métaux on en a réellement besoin, je le disais tout à l'heure.
03:04 Pourquoi ? Est-ce qu'on dit qu'ils sont critiques ?
03:06 Ils sont critiques parce qu'il y a un risque de pénurie d'approvisionnement au continu
03:09 de la production qui est concentrée entre les mains de quelques pays.
03:12 Ça ne veut pas dire que tout le lithium se trouve en Australie qui est le premier producteur
03:15 mondial, ça ne veut pas dire que tout le cobalt se trouve au Congo-Kinshasa qui est le premier
03:19 producteur mondial de cobalt, ça ne veut pas dire que toutes les terres rares, une
03:23 famille de métaux rares se trouve en Chine.
03:25 Mais ça veut dire que comme c'est polluant et que nous occidentaux on a envie de rouler
03:29 en voiture électrique propre, n'est-ce pas ?
03:30 On a délégué.
03:31 On a délocalisé la production et la pollution.
03:34 Et puis un jour on se réveille, on se retrouve le 28 septembre à Paris et on se dit mais
03:38 en fait ce sont d'autres pays qui produisent.
03:40 Plus nous, c'est une espèce d'op-ep sous stéroïdes ces métaux critiques, c'est-à-dire
03:44 que c'est très concentré la production.
03:46 Des pays produisent 50, 60, 70, 80% de la production mondiale et du coup ils sont critiques
03:50 parce qu'il y a un risque de pénurie d'approvisionnement.
03:52 C'est un pays dit "j'arrête de produire" ou "j'arrête d'exporter" parce que je suis
03:56 fâché avec un autre pays par exemple.
03:58 Donc vous le dites, nous Européens nous sommes dépendants de la Chine, de l'Australie,
04:02 de la RDC pour différents types de métaux.
04:04 On peut sortir de cette dépendance ?
04:06 Alors on peut sortir un si on produit chez nous.
04:10 Bonjour les débats à l'Assemblée Nationale.
04:12 Alors il y a des gisements, on en a trouvé dans l'Allier en Bretagne, des gisements de
04:16 lithium notamment.
04:17 Il y a un projet d'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier en 2027-2028 par un
04:21 groupe français qui s'appelle Imeris.
04:22 On va voir s'ils vont réussir à ouvrir une mine.
04:25 C'est plutôt bien parti mais il faut aussi que les Français, moi consommateur, j'accepte
04:31 de dire que quand je roule dans une voiture électrique, il va falloir creuser plus profondément,
04:35 y compris dans mon jardin.
04:36 Donc il va y avoir un vrai débat mais bon en tout cas la mine est une solution.
04:39 On peut la regarder dans les océans, il y a des nodules polymétalliques riches de métaux
04:43 au fond du Pacifique mais ça crée des enjeux évidemment sociaux, des débats très agités.
04:48 On peut accélérer le recyclage, il va falloir recycler davantage mais ça ne suffira pas.
04:52 En fait le vrai sujet, il faudrait qu'on arrête de rouler dans des SUV électriques.
04:56 Il faudrait qu'on divise le poids des véhicules de 30-40%.
04:59 Il faudrait un gros malus écologique sur les véhicules électriques parce que ça fera
05:03 baisser d'autant notre consommation de métaux et donc notre dépendance à la Chine.
05:08 Ce que vous dites c'est que l'empreinte écologique, même si elle pourrait être
05:11 moins pire si j'ose dire, chez nous qu'en Chine ou en RDC, elle va exister quand même,
05:16 même sur notre territoire.
05:17 Quelqu'un doit payer le déjeuner comme disent les économistes.
05:21 Le déjeuner n'est jamais gratuit, quelqu'un le paye quelque part.
05:24 Et la mondialisation nous a offert cette formidable illusion que finalement nous avions que les
05:28 avantages sans les inconvénients.
05:30 On pouvait avoir la transition verte sans les coûts écologiques, sans les coûts économiques,
05:34 c'est-à-dire la dépendance à la Chine aujourd'hui qui est la nouvelle Arabie Saoudite des métaux
05:36 critiques et sans les risques géopolitiques qui l'accompagnent.
05:40 Simplement aujourd'hui on se rend compte que les limites de cette mondialisation, et
05:45 oui effectivement on se rend compte qu'il n'y a pas de déjeuner gratuit.
05:47 Alors il y a la question du bilan écologique et la question du prix.
05:51 Ces métaux ils sont rares, si on continue comme ça, ça va aussi nous coûter très
05:55 cher ?
05:56 Alors en fait tout dépend de la tension entre l'offre et la demande.
05:58 Vous avez des cycles en fait dans lesquels il y a des cycles, des marchés où il n'y
06:03 a pas assez d'offres par rapport à la demande, les prix augmentent et puis on relance massivement
06:07 la production minière mais ça met du temps.
06:09 Il y a un décalage de 5, 10, 15 ans le temps d'ouvrir les mines et puis à ce moment-là
06:12 l'offre devient supérieure et le prix rechute.
06:14 Donc en fait c'est une évolution permanente en fonction des prix du marché.
06:18 Mais oui peut-être qu'un monde plus vert sera un monde plus cher.
06:20 Guillaume Pitron, auteur de "La guerre des métaux rares", la face cachée de la transition
06:24 énergétique et numérique aux éditions des Liens qui libère.
06:26 Merci d'être venu sur France Inter.
06:27 Merci à tous les deux.

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