L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 22 Novembre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 22 Novembre 2023)
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00:00 * Les Matins de France Culture, Guillaume Erner*
00:06 Radio France organise une journée spéciale consacrée à l'information à l'occasion
00:11 du festival Média En Seine qui se tient aujourd'hui dans cette maison de la radio.
00:17 Et à cette occasion, je reçois ma camérade Géraldine Mühlmann.
00:22 Bonjour.
00:23 Bonjour Guillaume Erner.
00:24 Vous publiez pour les faits aux éditions Les Belles Lettres.
00:26 On vous connaît à France Culture bien sûr parce que vous animez avec Philosophie à
00:32 10h l'émission de Philosophie.
00:34 Mais moi c'est à l'autre Géraldine Mühlmann que je souhaite parler.
00:38 C'est la raison pour laquelle je vous ai invité parce que vous poursuivez une œuvre
00:41 originale sur le journalisme.
00:44 C'est pour ainsi dire le troisième livre que vous consacrez à ce qu'on pourrait
00:48 appeler une histoire, une philosophie et peut-être même une épistémologie du journalisme.
00:52 C'est-à-dire une manière d'essayer de comprendre, de problématiser la manière
00:55 dont se fait, dont se construit le journalisme.
00:59 Et je dois dire que c'est une œuvre assez rare puisque finalement il y a très peu d'ouvrages
01:04 théoriques consacrés au journalisme.
01:07 Géraldine Mühlmann, il faut tout d'abord nous dire ce qu'est un fait avec le regard
01:12 du philosophe et de la politiste que vous êtes.
01:14 Oui, c'est la notion de fait qui était le problème que je souhaitais aborder dans
01:21 ce livre.
01:22 Mes travaux sur le journalisme ont exploré vraiment cette histoire qui est souvent peu
01:27 travaillée en France.
01:28 Là, il s'agit d'un livre écrit plus de 15 ans après ses travaux et qui essaye
01:33 de faire un diagnostic, il est vrai, assez inquiet de notre espace public dans lequel
01:37 je crois que la notion de fait se porte mal.
01:39 C'est un ouvrage, disons, plus d'intervention et qui pose le problème plus large du témoin
01:45 au-delà de la question du journaliste et du reporter.
01:48 Même si ceux-ci sont un des enjeux fondamentaux.
01:53 Un fait, pour moi, mais j'essaie de le montrer, est d'abord sensible.
01:57 Même les faits statistiques qui sont construits bien sûr, mais le fait que des faits soient
02:02 construits n'enlève rien à leur importance et au fait que quelque chose en eux s'impose.
02:07 Les faits statistiques eux-mêmes ont besoin de données sensibles.
02:11 Le fait, c'est d'abord le témoin qui l'établit par ses sens.
02:15 Et en effet, la question se pose ensuite du partage de cette sensation.
02:21 Et c'est ce problème, celui du partage du sensible qui m'occupe beaucoup et qui
02:25 a beaucoup occupé l'histoire du reportage.
02:28 Et aussi la philosophie.
02:30 On découvre par exemple qu'Anna Arendt s'est intéressée à ce qu'elle appelait
02:35 la matière factuelle.
02:36 Oui, dans un très beau texte, Vérité politique, qu'on peut lire dans le volume intitulé
02:41 en français "La crise de la culture".
02:44 Arendt distingue les vérités de fait et les vérités rationnelles.
02:48 Elle dit, et je crois qu'elle a terriblement raison, que les vérités de fait sont bien
02:51 plus fragiles que les vérités rationnelles.
02:54 Dans les deux cas, quelque chose s'impose.
02:56 Dans les deux cas, quelque chose est construit par un dispositif rationnel ou corporel.
03:01 Deux et deux font quatre.
03:03 C'est une construction logique, mais qui s'impose.
03:07 Et bien un fait sensible s'impose aussi, mais par une texture, par une matière.
03:12 C'est ce qu'elle dit et le problème, c'est que c'est très manipulable, que
03:16 ça peut susciter beaucoup de défiance.
03:18 C'était manipulé par un tas de régimes politiques.
03:20 Les gens disparaissaient sur les photos en Union soviétique régulièrement.
03:23 Aujourd'hui, le problème n'est pas seulement les pouvoirs.
03:27 Je crois qu'au-delà de son analyse de l'époque, nous avons un manque d'habitude,
03:34 vraiment d'expérience des faits.
03:37 Tel temps d'images circulent.
03:38 Nous ne savons plus bien comment elles sont sourcées.
03:41 Nous bavardons beaucoup, nous avons beaucoup de conversations.
03:44 C'est même incroyable, géant la conversation que nous menons sur les réseaux sociaux.
03:49 Mais le récit, qui pour moi est la forme d'énoncer de la factualité, est rare,
03:56 exige de l'attention.
03:57 La place des récits se fait plus petite.
04:00 La place des reportages existe encore heureusement, y compris sur des chaînes d'info comme
04:06 LCI ou BFM.
04:07 Il y a tout un univers de discours et de jugement qui fait que l'important, on a l'impression,
04:12 est moins ce qui se passe que ce qu'il faut en juger.
04:15 Vous rappelez un épisode qui est hélas à nouveau notre quotidien, celui du conflit
04:22 au Proche-Orient.
04:23 Vous montrez à quel point la notion de fait est en réalité minamment problématique,
04:28 Géraldine Mühlmann.
04:29 Vous évoquez une série que Marc Kravets avait consacrée au conflit israélo-palestinien.
04:35 C'était sur l'antenne de France Culture, mais c'était pendant l'été 2006.
04:39 Vous dites à quel point cette série, qui était évidemment conçue pour être équilibrée
04:45 et pluraliste, aboutissait finalement à une problématique.
04:50 Comment faire pour parler d'une réalité alors que finalement il est compliqué de
04:55 s'accorder sur une réalité commune ?
04:57 Oui, c'est une série exceptionnelle où tous les grands témoins et acteurs côté
05:01 palestinien et côté israélien racontaient d'où ils venaient et comment ils vivaient
05:07 ce conflit.
05:08 Ce qui était terrible, c'est qu'ils ne parlaient pas des mêmes faits.
05:11 Chacun avait son histoire, son vécu.
05:13 Par exemple, la Nakba, l'exode palestinien, qui est une réalité, était extrêmement
05:19 présente chez les témoins et acteurs côté palestinien.
05:23 La Shoah était très présente comme arrière-plan pour beaucoup d'acteurs et de témoins israéliens.
05:29 On avait l'impression qu'il était difficile pour chacun d'avoir en tête les faits essentiels
05:35 pour l'autre.
05:36 A chacun ses faits.
05:37 Le problème du « A chacun ses faits », il nous guette tout le temps, surtout sur des
05:41 conflits très sensibles.
05:42 Ce que je déplore, et c'est la raison pour laquelle j'ai écrit ce livre, c'est qu'aujourd'hui
05:47 le « A chacun ses faits » devient une petite musique théorique que tout le monde fait
05:53 jouer comme si oser dire qu'il y a un monde commun avec des faits communs, avec un noyau
05:58 sensible que nous pouvons partager.
06:00 Comptez les morts, comme disait très justement Catherine Dutu, avec des journalistes dans
06:06 une pluralité capables de discuter sur le terrain, de voir, de sentir et d'établir
06:12 un chiffre, ce qui est quand même extrêmement important.
06:14 Ça c'est quelque chose qui est possible, qu'on peut partager, on peut avoir confiance.
06:19 Aujourd'hui, il y a cette petite musique qui est « Mais pas du tout, A chacun ses
06:23 faits », « La réalité n'est pas la même » pour chaque courant d'opinion.
06:28 Et cette petite musique est délétère pour notre monde commun.
06:32 Et vous parliez d'une réflexion inquiète sur le journalisme Géraldine Mühlmann.
06:36 Est-ce qu'il y a d'étonnant ? Alors c'est moins étonnant parce qu'on y baigne,
06:40 mais au fond, lorsque l'on pose la question comme vous le faites dans votre livre « Pour
06:45 les faits aux éditions Les Belles Lettres », on se rend compte à quel point c'est
06:47 vertigineux.
06:48 C'est finalement notre époque qui est une époque, pour ce qui concerne la France,
06:52 une époque démocratique où la notion de fait est aujourd'hui la plus malmenée.
06:57 Elle est extrêmement malmenée par justement cette petite théorie peu élaborée du « A
07:06 chacun ses faits ». Et puis elle tient au fait que partout, aussi bien sur des médias
07:13 traditionnels que sur les réseaux sociaux, prévaut un discours, un jugement des humeurs
07:19 avec des petites bulles d'opinions qui se constituent, qui ont beaucoup de mal à se
07:24 référer à ce que Max Weber appelait l'effet désagréable ou inconfortable pour ses opinions.
07:29 Qu'est-ce que c'est un fait inconfortable pour le sociologue Weber ?
07:32 Pour Weber, évidemment que nous regardons le monde à chacun avec nos valeurs.
07:36 Et par exemple dans un conflit comme celui au Moyen-Orient, nous avons parfois des sensibilités
07:42 prédominantes, un attachement à un de ces deux camps.
07:46 Mais ça ne doit pas, si on est un chercheur, parce que c'est la question du « savant »
07:50 que pose Weber, mais c'est la question du journaliste, c'est la question à mon avis
07:54 du témoin qui essaye d'être impartial.
07:56 Il se pose le problème de la capacité à saisir par ses sens, y compris un certain
08:04 nombre de faits qui ne vont pas dans le sens de notre opinion.
08:07 On a l'impression que cet effort aujourd'hui apparaît à plein de gens complètement vain.
08:11 Sur des réseaux sociaux, on parle des faits qui nous intéressent.
08:14 Les désagréables ou les inconfortables sont mis de côté.
08:17 Je pense que la question de l'impartialité, dès qu'on l'avance, on passe pour un affreux
08:23 positiviste.
08:24 Ce n'est pas du tout l'objectif de mon livre.
08:25 Je pense que c'est quelque chose comme un travail sur soi d'un témoin, d'un reporter,
08:31 sans sortir d'une perspective singulière, d'aucun, dirais-je, subjectif.
08:36 Je n'ai aucun problème à reconnaître cela.
08:38 Mais ce travail qui permet d'essayer d'avoir un corps et des sensations partageables,
08:44 les plus universels possibles.
08:46 D'abord, on méconnaît à quel point l'histoire du journalisme a posé ce problème.
08:50 Et deuxièmement, on est dans un moment qui a des doutes affreux, plein d'ignorance
08:56 d'ailleurs, sur la capacité que nous avons à partager du sensible.
08:59 Justement, Géraldine Mühlmann, si nous vivons à une époque comme le pense Weber, qui est
09:06 un sociologue pessimiste sur la condition même de la modernité, si nous vivons à
09:11 une époque avec des conflits de valeurs impossibles à résoudre, puisque ce sont des valeurs
09:15 et pas des faits, est-ce qu'une information universelle est encore possible ?
09:20 Il faut se battre pour, d'où le « pour les faits », qui n'est pas, encore une fois,
09:26 une longue recherche sur le journalisme.
09:28 J'ai fait ce travail il y a longtemps, c'était une intervention.
09:31 Et je voudrais dire à quel point Weber, plus d'un siècle avant notre époque, a été
09:36 par son pessimisme terriblement lucide.
09:38 Il disait que de toute façon, l'époque du savant, des savants, des témoins partiaux,
09:42 des chercheurs, étaient en train de se tarir.
09:45 Il pensait que c'était le retour ou le resurgissement des chefs et des prophètes.
09:50 On se retrouve dans une vingtaine de minutes.
09:52 Géraldine Mühlmann, pour les faits, c'est le livre que vous consacrez à notre profession,
09:57 celle de journaliste aux belles lettres.
10:00 Vous serez rejointe par Anna Colin-Lebedev, spécialiste de l'Ukraine, maîtresse de
10:04 conférences, et on évoquera justement ces faits par temps de guerre.
10:08 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
10:15 Pour parler de cette fabrique de l'information, nous sommes donc en compagnie de Jean Lemarie,
10:21 mon camarade qui donne son billet politique chaque jour dans les matins.
10:25 Géraldine Mühlmann, autre camarade qui officie à 10h avec Philosophie, mais qui poursuit
10:31 aussi une œuvre originale de philosophie, d'épistémologie du journalisme.
10:37 Et vous publiez pour les faits aux éditions des belles lettres.
10:47 Et puis nous accueillons Anna Colin-Lebedev.
10:49 Bonjour, vous êtes maîtresse de conférences à Paris-Nanterre, vous êtes spécialiste
10:54 de l'Ukraine, on vous doit notamment cet ouvrage « Jamais frère » aux éditions
10:58 du Seuil.
10:59 Et nous, journalistes, nous vous avons beaucoup utilisé, si vous me passez l'expression,
11:05 Anna Colin-Lebedev, vous assadisez car depuis le conflit ukrainien, vous avez été de nombreuses
11:12 matinales, de nombreux plateaux.
11:14 J'ai presque envie de vous demander, qu'est-ce que ça a suscité en vous ?
11:17 En réalité, ce que ça a surtout provoqué, c'est une transformation profonde du contenu
11:23 de mon métier.
11:24 Jean Lemarie venait d'évoquer, d'analyser la question de prendre la parole à chaud
11:30 pour les politiques, en fait, prendre la parole à chaud pour les chercheurs.
11:33 La question se pose aussi, bien évidemment, et je dirais que j'ai été sollicité pour
11:40 faire un travail qui est différent du travail qui est celui du chercheur au quotidien.
11:45 Vous voyez, Guillaume, vous venez de me présenter comme spécialiste de l'Ukraine.
11:49 En réalité, spécialiste de l'Ukraine est un qualificatif qui ne va pas exister dans
11:54 le monde académique.
11:55 Vous voyez, je suis spécialiste des mouvements sociaux, je suis spécialiste de l'engagement
11:58 combattant, mais on ne peut pas être spécialiste d'un pays.
12:00 Ça recouvre en réalité un mode de travail et un champ de compétences qui est un petit
12:04 peu différent.
12:05 Là, mon travail en avant, mon travail ordinaire, consistait à produire un corpus de données
12:11 pour répondre à une question précise, pour ensuite mettre en concept la société.
12:16 Désormais, en fait, depuis le début de la guerre, je suis engagée davantage dans un
12:20 travail de veille très large qui consiste à aller bien au-delà de son champ de compétences
12:24 pour tenter d'apporter un éclairage et d'enrichir le récit sur le social qui est
12:30 celui des médias.
12:31 Et les journalistes, vous les trouvez comment ? Je me souviens par exemple d'une émission
12:34 qu'on avait consacrée à l'Ukraine, c'était juste avant le début de la guerre.
12:37 Vous m'aviez dit "je suis très pessimiste".
12:40 La guerre n'avait pas encore été déclarée et je crains hélas que l'effet postérieur
12:45 vous ait donné raison.
12:47 Je vous sentais agacée par certaines de mes questions parce que celles-ci étaient probablement
12:52 naïves quand dites peut-être que ces questions n'étaient pas les bonnes.
12:56 Mais justement, j'aimerais savoir ce que vous pensez des questions de journalistes.
12:59 Je trouve que les journalistes depuis le début de cette guerre ont fait un travail extraordinaire.
13:03 Vous n'étiez pas obligé de dire ça.
13:04 Et qui est déjà, mais je ne suis pas, je sais que je parle sous la contrainte, je ne
13:09 vais pas me faire inviter si je dis trop de mal des journalistes, mais surtout un travail
13:13 extraordinaire de formation, d'appropriation du sujet ukrainien, une volonté de rentrer
13:18 dans des, y compris de manière sensible comme l'évoquait Géraldine Mühlmann tout
13:23 à l'heure, dans la compréhension du tissu social qui est celui de l'Ukraine, alors
13:28 un peu moins dans le tissu social qui est celui de la Russie, ça c'est une autre
13:31 question.
13:32 Donc je pense que j'ai trouvé que c'était un très beau travail.
13:34 Je suis très frappée par ce que dit là Anna Collin-Lebedev.
13:38 Je parle du tableau que vous dressez de nos collègues.
13:42 Parce que je me mets avec vous, je suis fondamentalement une chercheuse, une université, c'est ma
13:47 famille, je dois énormément de choses aux études, presque tout, aux études supérieures.
13:52 J'ai toujours gardé ma charge d'universitaire, quitte à la réduire légèrement à chaque
13:58 fois que j'ai eu des responsabilités dans les médias et même là avec une quotidienne
14:01 radio je continue d'être prof et chercheuse.
14:03 Mais je voudrais dire que c'est vrai que la recherche académique passe par un corpus
14:08 limité et qu'on ne peut pas parler sur tout et de tout.
14:12 Mais en même temps l'idée que des savants pour parler, comme Weber par exemple, ne puissent
14:19 pas s'engager avec leur éthique professionnelle, leur rapport rigoureux aux faits sur des questions
14:25 présentes me paraît un vrai problème.
14:28 On ne peut pas rester dans notre précaré.
14:30 Marc Bloch était spécialiste du Moyen-Âge.
14:33 Du Moyen-Âge.
14:34 Et il a vu ce qu'a été la mobilisation et le contexte politique et militaire dans
14:40 la guerre d'abord de 1914-1918 et en 1940 il assiste à une défaite.
14:45 Il a fait une analyse avec des éléments factuels, sensibles, extraordinaires et c'est
14:49 bien parce qu'il a été un grand historien.
14:51 Je crois que c'est très important de dire ça.
14:53 La guerre entre chercheur et journaliste, moi j'ai passé ma vie à lutter contre cela.
14:58 Il y a une tradition américaine qui ne met pas les clivages de manière aussi ferme.
15:03 Robert Park qui a été journaliste et fondateur, un des fondateurs de l'école de sociologie
15:09 de Chicago, disait qu'un sociologue c'est un super reporter.
15:12 Il y a des gens qui pensent cette continuité.
15:15 Je crois que c'est très important.
15:16 Qu'est-ce que vous en pensez Anna Colin-Lébedef ? Est-ce que vous vivez comme une super journaliste,
15:22 comme quelqu'un qui produirait de la connaissance à partir de faits qu'apportent les journalistes ?
15:27 Les journalistes sont extrêmement précieux à notre travail.
15:30 Non seulement parce qu'effectivement, de manière très pratique, ils vont sur des
15:36 terrains où on ne peut pas aller, on ne va pas sur la zone de front.
15:39 Ils vont nous rapporter des informations auxquelles on fait confiance grâce à la méthode qui
15:44 est la leur et à ce que l'on sait en fait des conditions de leur travail.
15:48 Mais les journalistes vont aussi être, et pour moi c'est très très important, une
15:51 sorte d'éclairage des questions que l'on pose.
15:53 La grande différence entre le reporter et le journaliste, ce n'est pas tant les méthodes.
15:59 Parce qu'au fond, quand on est sur le terrain, on fait la même chose.
16:01 On observe, on interroge des gens, on va avoir un travail documentaire.
16:06 L'ensemble des éléments du travail de sociologue se retrouvent chez les journalistes, mais
16:09 c'est le type de questions que l'on va poser.
16:11 Et puis, l'ancienneté et la présence sur le terrain, c'est un peu ça qui va faire
16:16 la différence.
16:17 Et moi, les questions que posent les journalistes vont toujours m'interroger, vont toujours
16:22 renverser un peu la manière dont je prends mes sujets et donc être une nourriture intellectuelle
16:27 absolument indispensable pour avancer.
16:28 - Jean-Yves Mary.
16:29 - À la base de tout ça, et j'y pense en vous écoutant toutes les deux, il y a ce
16:33 qu'on peut appeler, c'est ainsi que vous l'appelez Géraldine dans votre livre, pour
16:36 les faits, il y a ce qu'on appelle le récit d'abord.
16:39 Le récit opéré par des journalistes, le récit opéré aussi peut-être par des chercheurs
16:42 quand ils peuvent aller sur le terrain, le récit qui précède tout discours.
16:47 Est-ce que les faits, les faits eux-mêmes, le récit des faits, ont beaucoup souffert
16:53 dans cette période très troublée que nous vivons ?
16:55 - Alors, en quelque sorte, en théorie et en pratique, Géraldine Mühlmann.
16:59 - Moi, je pense que la question du récit est fondamentale.
17:03 On peut discuter longtemps.
17:04 Il y a évidemment des récits de propagande aussi, mais je me réfère à la distinction
17:10 de Gérard Genette entre récit et discours.
17:13 - Qui était un prof de littérature.
17:15 - De langage et de la parole, et des usages de la parole.
17:19 Et oui, je pense que le discours et la conversation notamment qui est du discours tend à noyer
17:25 la factualité dans nos humeurs.
17:27 Et c'est bien normal, c'est le discours de l'amitié, c'est le régime de parole, disons,
17:33 c'est même un peu celui que nous avons ici.
17:35 C'est le sel de nos vies aussi nos conversations.
17:37 Mais le temps du récit, avec un développement factuel, précis, avec des choix, certes,
17:43 qui essayent d'être transmis à d'autres pour dire que c'est pertinent de raconter
17:47 de cette façon, qu'on y a bien réfléchi et qu'on essaye de faire partager cette factualité
17:52 par tout le monde, c'est fondamental.
17:54 Il faut prendre un peu de temps.
17:56 On parle de la guerre en Russie.
17:58 J'ai écrit dans mon dernier chapitre, j'ai relayé l'extraordinaire reportage de Maureen
18:03 Mercier de la radio télé suisse qui a eu deux fois le prix Bailleux du reportage de
18:09 guerre.
18:10 Et la première fois, c'est ce que je raconte, elle interroge une femme qui a été violée
18:15 à Butcha, une ukrainienne, pendant quinze jours par des hommes en meute, tous les jours
18:22 pour protéger son adolescente pour qu'elle ne soit pas violée.
18:25 Il faut du temps, c'est du terrain.
18:27 Mais je pense que, vous voyez, bien sûr, tous les chercheurs ne peuvent pas faire cela.
18:30 Mais qu'ils aient cette sensibilité, qu'ils lisent les récits des journalistes, qu'ils
18:34 soient très bien informés me paraît essentiel.
18:36 Anna Collin, LBDF.
18:38 Effectivement, le discours journalistique et le discours académique sont deux formes
18:42 de récits sur le social qui cherchent à donner du sens au social.
18:46 Et vous voyez, l'intitulé de cette émission, telle qu'elle était annoncée, par exemple,
18:51 sur Twitter, était "Au commencement étaient les faits".
18:53 À mon sens, dans cette histoire, au commencement, il y a la méthode.
18:55 Il y a la méthode qui permet de se dire que la lecture du social que l'on propose va
19:01 obéir à une certaine rigueur, à certaines règles de production de savoirs qui vont
19:05 être différentes pour les journalistes et les chercheurs.
19:07 Mais c'est ça qui fait que ce discours peut être discuté, peut être repris.
19:13 On peut lui faire confiance dans une certaine mesure pour éclairer ce qui se passe.
19:18 Mais alors en ce moment, par exemple, Anna Collin, LBDF, il y a une forme de conviction
19:26 dans l'air du temps que l'Ukraine serait dans une position difficile, que finalement,
19:31 l'avantage qu'elle aurait pu avoir il y a quelques mois est en train de s'estomper
19:36 largement, que la Russie serait en passe de gagner la guerre et que par conséquent, toute
19:45 tentative de prolonger cette guerre serait de l'acharnement, vous qui êtes spécialiste
19:51 de l'Ukraine.
19:52 Comment percevez-vous ce type de récits, cette variation de récits ?
19:57 Ce que moi, j'ai l'impression d'observer aujourd'hui dans les récits sur la guerre,
20:02 c'est une espèce d'enlisement du récit, un caractère répétitif en boucle d'un
20:09 nombre d'éléments limités, comme la situation sur le front, effectivement, les avancées
20:12 des uns et des autres, ou encore la question des livraisons d'armes, ou encore la question
20:17 internationale.
20:18 Et ça me paraît avoir un lien, alors peut-être pas complètement dominant, mais on met un
20:21 lien avec le type d'acteurs qui sont capables et qui sont amenés à produire une analyse
20:28 sur ce qui se passe en Ukraine.
20:29 Aujourd'hui, sur le terrain ukrainien, vous avez une masse d'acteurs différents.
20:33 Vous avez les journalistes, mais vous avez aussi les représentants d'organisations
20:36 internationales, d'organisations non-gouvernementales, de gouvernements, de think-tanks, de centres
20:43 d'analyse sur les questions militaires.
20:45 Il y a un groupe d'acteurs côté français qui n'a pas le droit d'aller sur le terrain
20:50 aujourd'hui, ce sont les chercheurs.
20:51 Les chercheurs sont interdits de terrain pour des raisons de sécurité par notre ministère
20:55 de tutelle, alors que tous les autres acteurs y vont.
20:57 Et à mon sens, ça a un impact.
20:59 Ça a un impact à court terme et à long terme.
21:01 À court terme, parce qu'un certain nombre de questions ne sont pas posées, un certain
21:04 nombre d'observations ne sont pas faites, une mise en contexte n'est pas possible parce
21:08 qu'on n'est pas sur le terrain.
21:09 Et à long terme, parce que cette interdiction pèse sur nous, mais nous on se débrouille.
21:13 J'étais sur le terrain en mois de juin, j'espère que mes tutelles ne m'écoutent
21:17 pas, c'était mes vacances.
21:18 On va dire ça comme ça.
21:20 Vous vous en voudrez, vous vous rendez compte où on est arrivé.
21:22 Mais surtout, ce que nous on arrive à contourner, aussi parce qu'on connaît le terrain tellement
21:27 bien que même de loin on arrive à saisir des choses, les jeunes, les jeunes chercheurs,
21:31 les doctorants, les post-doctorants.
21:32 Toutes les recherches qui ne seront pas faites sur l'Ukraine et sur la Russie dans les années
21:36 qui viennent vont appauvrir encore plus notre connaissance de la guerre.
21:40 Jean Lemarie, allez voir, allez voir pour comprendre, pour raconter, pour faire partager
21:44 un récit.
21:45 Mais l'étape suivante pour que ce récit soit effectivement partagé, et je reviens
21:49 à la politique, c'est la confiance.
21:50 Ça suppose la confiance, la confiance de ceux qui écoutent, qui veulent bien croire
21:55 la chercheuse, qui veulent bien croire le ou la journaliste qui est allé sur le terrain.
21:58 Et il me semble que cette confiance-là fait défaut, souvent en ce moment, y compris
22:03 s'agissant de l'Ukraine.
22:04 Vous évoquiez Géraldine, le drame de Boucha, évidemment.
22:07 Je n'ai pas oublié des commentaires, non seulement en Russie, mais aussi en France,
22:12 émettant les plus grands doutes sur la réalité de ce qui s'était passé à Boucha et sur
22:16 l'ampleur des massacres.
22:17 Qu'est-ce que vous en pensez Géraldine Mühlmann ?
22:18 Il faut que les chercheurs, bien sûr quand ils ne peuvent pas aller sur le terrain, et
22:24 d'ailleurs je le déplore, parce qu'il n'y a aucune raison, et je déplore surtout
22:27 ce que vous venez de dire Anna Colin-Lébedev, c'est qu'en plus ce soit mal vu, semble-t-il,
22:32 de certaines autorités tutelles universitaires.
22:34 Alors là, je ne comprends pas ce qui arrive.
22:36 Je pense que les chercheurs et les journalistes ont des méthodes en commun, même s'il y
22:42 a, c'est indéniable, des différences d'approche de la factualité.
22:46 Et puis surtout, la grande question des sciences humaines, c'est la causalité.
22:49 C'est très très difficile d'établir des causes, mais les journalistes le savent
22:52 très bien aussi.
22:53 Par exemple, ce que vous avez donné Jean Lémarie, comme exemple, le fait divers, si
22:58 j'ose m'exprimer ainsi, du meurtre de cet enfant, les causes exactes, c'est encore
23:04 flou, la justice travaille doucement, même si elle travaille sans doute très efficacement,
23:08 et les politiques, eux, ont déjà les causes, bien sûr, avant tout le monde.
23:12 Mais il faut aussi que les journalistes, quand ils vont sur le terrain, connaissent
23:15 les problèmes des chercheurs, posent les bonnes questions, mettent leurs yeux, leurs
23:19 oreilles, leur peau, si j'ose dire, aux questions qui sont centrales et que les chercheurs
23:23 connaissent depuis des années sur ces terrains-là.
23:25 Le problème de la confiance, il est toujours là.
23:29 Nous n'avons jamais à faire confiance d'emblée à n'importe quel témoin.
23:33 Il est évident que nous devons mettre une pression pour que les témoins soient les
23:37 plus fiables possibles.
23:38 Mais c'est précisément en travaillant tous ensemble, en ayant ce rapport à la factualité
23:44 qui essaye de mettre en œuvre le modèle qu'au XVIIIe siècle, les Lumières écossaises
23:49 appelaient par exemple le modèle de l'observateur impartial.
23:52 C'est en essayant de travailler sur soi, sur son rapport au fait, que la confiance
23:57 se retissera, même si, je ne le nierai pas, je suis extraordinairement pessimiste, en
24:01 raison de la haine, maintenant, dans laquelle est tenue la profession journalistique.
24:07 Mais Anna Colin-Lébedev, je me dis que finalement, vous aviez un avantage par rapport à nous,
24:12 puisque vous êtes spécialiste du monde soviétique, je dis les choses de manière un peu schématique.
24:18 Alors, les infox, le fait de nier les vérités évidentes, le fait de réécrire l'histoire
24:24 parce que certains faits inconfortables doivent être cachés, tout ça, ça fait partie de
24:29 l'histoire même de l'Union soviétique ?
24:31 Oui, tout à fait, mais je dirais que ça, c'est la longue confrontation au terrain
24:38 vous permet d'identifier relativement vite les acteurs à qui vous pouvez, la parole
24:43 à laquelle vous pouvez faire confiance et celle à laquelle vous ne pouvez pas faire
24:45 confiance, mais aussi, je dirais, d'être capable de creuser plus loin, d'observer
24:52 au-delà des informations qui sortent et qu'en fait, il faut s'interroger sur la raison
24:56 pourquoi tel ou tel événement, tout d'un coup, se met à faire l'actualité.
25:00 Nous, on travaille sur la banalité du monde social, et c'est en fait l'ordinaire du
25:04 social et la comparaison de l'événement à l'ordinaire qui nous permet de donner
25:08 un sens et d'avoir une crédibilité dans le sens que l'on donne.
25:11 Alors ça, c'est la production de faits, si j'ose dire, mais de l'autre côté,
25:15 la manière dont on peut nier les faits, les redouter, ce que Géraldine Mühlmann raconte
25:21 dans son livre "Pour les faits, comment vous, vous l'avez vécu ?" quand on dit par exemple
25:24 "il n'y a jamais eu de bombardement soviétique" ou bien "les Ukrainiens sont des nazis".
25:29 Eh bien, ma foi, moi, je le traite de manière tout à fait classique, c'est-à-dire que
25:33 je me réfère à des travaux produits selon des critères académiques qui permettent
25:38 de le réfuter.
25:39 Mais cette question de la confiance, moi, je me la pose à chaque instant dans cette
25:43 guerre, c'est-à-dire à quelles conditions est-ce que ma parole reste crédible ? Et
25:47 pour moi, l'élément central, et là je serai peut-être un petit peu en désaccord
25:50 avec vous Géraldine, c'est qu'à partir du moment où je me mets à avoir une position,
25:54 j'ai bien évidemment une position civique dans ce conflit, j'ai une position personnelle
25:57 dans ce conflit, mais si je me mets à la mobiliser, quelle est la frontière entre
26:01 mon discours compétent en tant que chercheur spécialiste de sujet et mon opinion personnelle
26:06 en tant que citoyenne ? C'est vraiment la frontière que je cherche à ne pas franchir
26:10 pour garder de la crédibilité à l'égard de chacun.
26:12 Oui, c'est aussi l'expression de votre courage.
26:14 Moi, je trouve ça formidable que vous osiez transgresser cette espèce de frontière que
26:20 vous évoquez trop rigide, qui fait que les chercheurs, surtout en France, voient mal
26:25 les journalistes, alors qu'en fait nous travaillons ensemble même si nous faisons
26:28 des choses différentes, et je vous trouve extraordinairement courageuse, y compris
26:33 dans le fait d'être à ce point modeste.
26:35 Les grands journalistes sont modestes, ils savent qu'ils ne voient jamais tout.
26:38 Géraldine Mühlmann, comment percevez-vous aussi l'autre conflit qui est un conflit
26:44 où là aussi les questions de pluralisme, d'équilibre se posent peut-être même de
26:49 manière encore plus décuplée ? Je parle bien sûr du conflit israélo-palestinien.
26:54 Est-ce que par exemple, faire du journalisme, produire un journalisme qui soit perçu comme
26:59 étant pluraliste, objectif, etc., ce n'est pas encore plus difficile sur ce conflit-là ?
27:05 C'est extrêmement difficile, d'autant que les journalistes, comme l'a extrêmement
27:09 bien dit Catherine Dutu tout à l'heure dans sa revue internationale, Revue de Presse,
27:14 n'ont pas accès librement au territoire de Gaza.
27:17 Et donc les chiffres, prenons ce point factuel, élémentaire, le nombre de morts, le nombre
27:24 de corps, c'est très long et il faut vraiment compter, faire très attention.
27:29 On ne peut pas mener ce travail de manière tout à fait libre et pluraliste en mettant
27:35 en jeu, justement, éviter les erreurs à Gaza comme on le fait pour l'instant, comme
27:43 on l'a fait pour le 7 octobre par exemple.
27:45 Ce qui est très important, ça renvoie à cette modestie que j'évoquais, même quand
27:51 on est… l'émotion est une chose qu'il ne faut pas craindre.
27:54 Le blocage émotionnel qui fait que les gens ont un déni, vous avez des gens en Cisjordanie
27:59 qui disent que le 7 octobre n'a jamais eu lieu, qu'à l'inverse vous avez des gens
28:02 très très engagés derrière Israël qui disent que c'est civil qu'on tue, ce n'est
28:07 pas à Gaza, c'est juste normal puisque le Hamas est dans les civils.
28:10 Les blocages émotionnels sont beaucoup plus graves, à mon avis, que les émotions.
28:14 Mais les émotions doivent être travaillées.
28:16 Et il y a eu un moment émotionnel indéniable quand on a ouvert le kibbous de Kfar Aza,
28:23 vous le savez, tout d'un coup quelqu'un, on ne sait pas bien comment c'est sorti,
28:26 ça fait partie des énigmes, a dit qu'il y a eu 40 bébés assassinés, même décapités.
28:30 Et puis en fait les journalistes qui étaient présents, qui ont fait la première visite
28:34 avec les soldats, ont bien compris qu'il n'y avait pas un charnier d'enfants là,
28:38 40 bébés décapités.
28:39 Il y a eu sur l'ensemble des kibbous des gens décapités, il y a eu des jeunes assassinés,
28:45 mais il n'y a pas eu un charnier là de 40 personnes.
28:47 C'est extrêmement important qu'on puisse corriger quelque chose de cette sorte.
28:52 Et c'est pourquoi la liberté d'accès au terrain avec des journalistes qui les
28:57 uns et les autres se surveillent, parlent ensemble et ainsi créent cette confiance
29:02 si dure à obtenir, tout ça est essentiel pour qu'on ne se mette pas à délirer chacun
29:07 dans son monde et dans son monde d'émotions.
29:09 Comment vivez-vous Anna Colin-Lebedef, le fait qu'un conflit ait presque éclipsé
29:14 l'autre, la manière aussi, parce que vous êtes aussi une citoyenne, et donc vous voyez
29:20 la manière dont ce conflit, le conflit israélo-palestinien est aujourd'hui relaté dans la presse,
29:28 dans les médias, votre regard ?
29:29 Je pense qu'il y a des logiques médiatiques qui sont tout à fait normales et compréhensibles
29:35 et je n'irai pas critiquer les journalistes pour le fait de se reporter sur ce conflit
29:42 dans sa phase aiguë.
29:44 Et vous voyez qu'on est déjà là en train de reparler de l'Ukraine, c'est-à-dire
29:48 qu'on la réintègre dans le débat.
29:50 La difficulté, ça va être précisément de faire sens pour nous dans un monde de plus
29:54 en plus conflictuel et de plus en plus complexe.
29:56 Mais justement, est-ce que pour vous il y a une filiation, une solidarité, enfin bref,
30:02 entre ce qui se passe au Proche-Orient et ce qui se passe entre l'Ukraine et la Russie ?
30:06 C'est une question très compliquée et là je pense que justement il nous faudrait
30:10 le temps, le recul et la réflexion pour y arriver.
30:14 J'en discutais avec des journalistes ukrainiens extraordinaires l'autre jour qui disaient
30:20 qu'en fait toute comparaison aujourd'hui serait trop rapide et nous piégerait en fait
30:25 dans des analogies qu'on n'est pas en mesure encore de tracer.
30:30 Donc pour l'instant, vous voyez, analysons ce qui est analysable mais réfléchissons
30:36 aussi à la différence d'approche que pourra apporter un temps un peu plus long, un recul,
30:40 un peu de tenue en fait avant d'aborder cette question.
30:44 Un mot de conclusion Géraldine Mühlmann ?
30:46 Je suis inquiète mais je suis déterminée à faire valoir, non pas comme on me le dit
30:53 trop souvent, les journalistes professionnels en l'état.
30:57 Je pense qu'il y en a beaucoup qui sont encore très bons contrairement à ce que
31:02 dit la haine généralisée mais la question n'est pas les journalistes tels qu'ils
31:07 sont, ce sont les idéaux du journaliste.
31:09 Si aujourd'hui il y avait une détestation des journalistes parce qu'ils feraient mal
31:13 leur boulot et que d'autres personnes avec leur téléphone portable, avec leur jambe
31:17 et avec leur sensation allaient nous livrer avec un travail sur leurs émotions, venaient
31:22 nous livrer le monde sensible mieux que les professionnels, je serais ravie.
31:25 Mon problème c'est que ces idéaux qui ne sont que des idéaux, des horizons, l'impartialité,
31:31 le souci de partager le sensible, ce n'est pas facile.
31:33 Je ne supporte pas l'idée qu'on est perdu d'avance, le « à chacun ses faits »,
31:38 les certitudes beaucoup trop courtes qui sont en train d'envahir notre espace public.
31:43 On le retrouve dans votre ouvrage « Pour les faits » Géraldine Mühlmann, c'est
31:47 aux éditions des Belles Lettres.
31:49 Vous allez préparer votre émission avec Philosophie à 10 heures, de quoi sera-t-il ?
31:54 Figurez-vous qu'on va parler de Max Weber aujourd'hui.
31:56 Comment la société pèse-t-elle sur les individus ? C'est notre épisode Weber.
32:00 Anna Colin, les BDF, merci d'avoir été avec nous.
32:04 Jamais frère, c'est l'ouvrage que vous avez publié aux éditions du Seuil.