• l’année dernière
Havas a publié la 5ème édition de son observatoire commerce : 41 % des consommateurs ont changé de supermarché sur une année, motivés par les changements de prix. La progression des parts de marché de Leclerc est particulièrement élevée. Vincent Mayet, directeur de Havas Commerce, analyse ces mouvements.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Donc c'est avec Vincent Maillet qu'on va voir tout ça.
00:09 Salut Vincent, fondateur de Avas Commerce, c'est ça ? Voilà.
00:14 Et donc c'est toi qui réalises l'Observatoire du Commerce, cinquième Observatoire du Commerce.
00:21 Alors j'allais dire, il date un peu et en même temps, ce qu'on va voir là nous met,
00:26 je pense, en pleine actualité.
00:27 C'est-à-dire qu'il date un peu parce que c'est au printemps dernier que tu as fait l'ensemble de tes enquêtes.
00:30 C'est au mois de juin, effectivement, et on a reposé les questions pendant l'été,
00:33 après les émeutes, pour tout te dire.
00:37 Et finalement les émeutes ?
00:39 Non, on a posé une question purement économique, moi je ne suis pas là pour...
00:43 On n'est plus dedans quoi.
00:45 Non, non, non, la question était en fait, après les émeutes,
00:49 la question était de votre point de vue, est-ce que les émeutes étaient plutôt des émeutes économiques ?
00:55 Il y avait deux ou trois questions et en fait la réponse était que une grande partie des Français répondait
00:59 que leur conviction c'était qu'effectivement c'était en partie des émeutes économiques.
01:03 Alors est-ce que c'est une lecture ?
01:04 Ouais.
01:05 Toujours pareil.
01:06 On aime, on n'aime pas.
01:07 Parlons-nous de...
01:08 Sinon c'est bien, l'étude date du mois de juin.
01:11 Bon, je vais rentrer dans le dur, c'est le truc, j'en parlais en somme mère,
01:15 donc on va y aller tout de suite parce que, moi j'ai trouvé le chiffre très spectaculaire,
01:18 tu vas me dire s'il l'est tant que ça, donc on va voir la slide.
01:21 41%, donc taux de chèrene d'une certaine manière dans la grande distribution,
01:26 tu connaissais ça chez les opérateurs télécom, j'ai pas l'impression qu'on connaissait ça dans la grande distribution.
01:31 41%, donc on le voit là, 41% des consommateurs ont changé de supermarché sur quoi ?
01:38 Sur les six derniers mois ou sur une année, c'est ça à peu près ?
01:41 Ouais.
01:42 Le chiffre est spectaculaire, on est d'accord ?
01:44 Alors, il faut savoir quand même que les Français ont toujours, en matière d'alimentaire,
01:48 ils ont plusieurs choix, ils ont plusieurs enseignes, deux ou trois enseignes.
01:52 Donc c'est…
01:54 On peut la laisser encore un petit peu longtemps ?
01:56 Ils sont globalement multi-enseignes les Français, y compris en alimentaire.
01:59 Oui mais ils restent fidèles à leur multi-enseigne, voilà.
02:02 Ils restent fidèles à ce qui est…
02:03 Ça dépend de ce que tu achètes, je comprends bien.
02:05 Bien sûr, ça c'est clair, mais là, 41% effectivement c'est un taux qui est très important.
02:10 Qui est très important parce qu'on voit bien que d'abord, et bon c'est le prix qui préside en fait à ce changement.
02:15 On va y aller, motivé par la guerre des prix.
02:17 Et effectivement, on est dans une…
02:19 C'est pour ça que les enseignes communiquent pas mal sur le sujet,
02:21 c'est pour ça qu'elles prennent très à cœur le débat du prix et du pouvoir d'achat.
02:25 C'est qu'elles sentent bien qu'il y a quand même des choses à perdre.
02:27 Et alors dans ces mouvements-là, ce qui est assez impressionnant de regarder notamment l'évolution des parts de marché,
02:32 c'est que là aujourd'hui on a des progressions de parts de marché, notamment de Leclerc, qui sont monstrueuses.
02:36 Il a gagné quasiment deux points en quasiment six mois,
02:40 qui est à l'échelle du marché de l'alimentaire en France, c'est beaucoup.
02:44 C'est phénoménal.
02:45 C'est beaucoup, beaucoup d'argent.
02:47 Donc effectivement, il y a un vrai mouvement qui est…
02:51 Il le doit à quoi, Vincent ?
02:53 Alors c'est Nielsen qui nous le dit davantage, que d'ailleurs c'est pas ton job, toi, c'est plus le job de Nielsen.
02:58 Il le doit effectivement à une vérité, on va le dire comme ça, sur les prix,
03:05 discutée par ses concurrents sur tel ou tel segment, peu importe.
03:11 Mais il le doit en fait à une continuité de communication depuis 50 ans.
03:19 Oui, depuis la création.
03:21 Les premiers combats, c'est le père avec son fils, c'est contre Bruxelles,
03:27 pour avoir le droit de vendre l'essence à prix coûtant, comme quoi, ça date pas d'hier, c'est 76 ! 76 !
03:34 D'ailleurs ce qui est intéressant, c'est qu'on voit que les cinq anciennes qui sont les plus plébiscitées par les Français dans l'étude,
03:40 sur l'image-prix ou l'intention de fréquenter, c'est les anciennes qui ont été les plus constantes sur leur message et leur positionnement.
03:51 Soit sur le prix, soit avec des vrais engagements.
03:54 Super U par exemple, qui fait partie des cinq enseignes, a un engagement local de lien avec le terroir,
04:00 de lien avec les producteurs, etc. Donc on voit bien qu'il y a une volonté de s'inscrire, une volonté d'ancrage.
04:06 Et pareil, ça fait partie des anciennes qui communiquent chaque année sur ce positionnement et donc ça finit par payer.
04:13 Mais Leclerc, honnêtement, c'est au-delà de toutes les attentats.
04:16 Leclerc en plus a vraiment un modèle, d'ailleurs on parle de défense du pouvoir d'achat, Leclerc a vraiment un modèle de repli.
04:23 C'est-à-dire que quand vous avez des problèmes de pouvoir d'achat, vous allez chez Leclerc, vous vous sentez protégé par Leclerc.
04:28 On va dire que d'autres enseignes que je ne vais pas citer là, sont plutôt des enseignes où on a tendance à dépenser
04:33 parce que très orienté non alimentaire, etc. On a un peu le sentiment quand on y va qu'on est tenté, donc on a du choix, donc on est en...
04:42 - Enseigne plaisir ! - Un peu, enseigne plaisir, un peu, on est dans une forme d'abondance et on a envie de consommer.
04:48 - Oui, c'est le très bon équilibre parce que tu dis très bien dans l'étude que Lidl par exemple, très bonne image, positionnement pris, aucun problème,
04:56 mais souffre quand même à la marge de l'étroitesse de ses gammes.
05:00 - Oui, parce que... Alors, il faut savoir que c'est très latin comme comportement, c'est-à-dire vous prenez l'Italie, l'Espagne, la France,
05:09 les modèles d'e-scoon jusqu'ici ont toujours été quand même relativement limités. Juste il y a encore 2-3 ans, on disait que le discount c'était 7 à 8% de parts de marché,
05:16 globalement sur un marché alimentaire et rarement plus. Là, on voit bien que la stratégie de Lidl, l'arrivée d'Aldi, Action qui est en train d'exploser les compteurs en France,
05:26 c'est juste hallucinant, c'est l'enseigne préférée des Français là, en 2023.
05:29 - Là, aujourd'hui ? - Oui, c'est l'enseigne préférée des Français.
05:32 - Qui prend la place de qui ? Decathlon ? - Je crois que c'était Decathlon, c'est juste impressionnant. Action, on les voit très peu.
05:40 - Gardons ça, on en reparlera après, parce que c'est un sujet où tu as quand même une masse de contradictions dans le discours des consommateurs que nous sommes.
05:47 On le verra avec Action, ce sera une très bonne analyse.
05:49 - Mais donc, juste pour revenir, on s'aperçoit qu'effectivement, toutes les enseignes qui ont bien travaillé leur image et qui se sont inscrites dans la durée fonctionnent d'abord.
05:58 Et puis, effectivement, Leclerc, c'est juste impressionnant par cette capacité à s'engager et à proposer toujours, à prendre l'initiative aussi.
06:08 Il y a une prime aussi à l'initiative, je trouve, parce qu'il y a plein d'enseignes qui pourraient prendre aussi une initiative.
06:13 - Tu sais, je l'ai raconté dix fois, d'ailleurs, la première fois, je m'étais fait engueuler parce que tu n'as pas le droit de raconter ça.
06:17 Mais maintenant que je l'ai raconté dix fois, je peux continuer à le raconter.
06:19 J'ai eu la chance d'animer une convention des centres Leclerc.
06:22 Là, tu comprends la force du modèle. Tu comprends la détermination des gars. Tu comprends la violence des débats en interne sur 10 ou 20 centimes.
06:33 Tu vois comment est traité le gars qui s'est un peu laissé aller et qui a dépassé la référence de prix Leclerc, obligatoire et tout, l'amende qu'il prend, machin.
06:44 - Bien sûr. Après, c'est... - C'est des commandos, les gars. C'est des commandos.
06:48 - C'est vital. Alors, en plus, comme vous savez, autant d'années, vous avez construit votre notoriété sur le prix.
06:53 Le jour où vous lâchez le prix, vous êtes mort. Donc, ils n'ont pas le choix.
06:56 - Mais surtout, les autres ne te laissent pas faire. - Bien sûr.
06:58 - Et c'est ça. Tu as un flingue sur la tempe. Tu lâches sur le point. Mais tu sautes. Tu sautes automatique.
07:02 - Ah oui. Ça, de toute façon, ce n'est pas une secte. Mais il y a une philosophie. Il faut la dire.
07:07 - Non, non, non, non. Voilà. C'est une détermination absolue. C'est ce que je dis. Commandos.
07:09 - Et c'est ça qui, en général, c'est ça qui fait que l'enseigne est consistante.
07:12 Mais quand vous regardez des gens comme Lidl ou même Action, quand vous discutez avec le patron d'Action, ce que j'ai fait il n'y a pas longtemps,
07:18 vous voyez que derrière, il y a une philosophie qui est totalement orientée vers l'agilité, les frais superflus, etc.
07:25 - Oui. Mais alors la différence entre Action et Leclerc. Mais allons-y sur Action parce que c'est une bonne image de quand même la contradiction totale,
07:35 les injonctions contradictoires des consommateurs qui d'un côté veulent qu'on soit sensible au développement durable
07:46 et qui d'un autre côté vont aller... Action, c'est quoi ? C'est une succursale chinoise. Voilà. Point à la ligne. Massive.
07:53 Massive succursale chinoise de produits qui vont avoir une espérance de vie ultra réduite, qui seront impossibles à réparer et jetés massivement.
08:01 C'est compliqué pour les commerçants quand même d'arbitrer là. Qu'est-ce que vous voulez les gars ? Vous voulez de la Chine et des t-shirts à 2 euros ?
08:09 Ou vous voulez qu'on vous essaye de vous faire un truc un peu... - C'est très compliqué. Et ce qui est assez étonnant, je trouve, c'est que malgré la demande de prix
08:16 et donc les injonctions très fortes sur "on veut retrouver du pouvoir d'achat", malgré tout, la demande de souveraineté alimentaire,
08:23 la demande des médaillons producteurs est toujours là. - C'est ce qu'il faut.
08:27 - C'est ce qu'on dit, c'est qu'entre le citoyen et le consommateur, c'est encore le consommateur qui gagne.
08:32 - Voilà. Et qui pulvérise le citoyen à plat de couture. Il ne faut pas dire qu'il gagne légèrement. Ce n'est pas 3-2 la fin du match, c'est 8-0.
08:38 - On est d'accord. - Oui, bien sûr. On est d'accord.
08:41 - Après, ça veut dire aussi... - Non mais ça relativise énormément. Vincent, c'est très très important, je trouve, ce que tu nous as porté là.
08:46 Parce que ça relativise énormément l'ensemble des discours qu'on peut avoir en ce moment.
08:49 Et je pense qu'on n'est peut-être pas les mieux placés tous les deux pour parler de ça. Parce que je pense qu'aussi, il y a des gens, aujourd'hui,
08:55 qui finissent des mois très compliqués. Et je pense qu'il y a une grande partie de ces gens-là qui, en fait, n'ont pas d'autre choix, aujourd'hui,
09:04 que de faire des économies sur des sujets machin. - Aucun problème avec ça. À deux exceptions près, c'est 20-25, peut-être 30% de la population.
09:13 Il en reste 70. - Oui, c'est au moins les quarts. - Voilà. Et ensuite, tu as quand même la capacité d'adapter ton discours. C'est tout.
09:19 Mais alors, juste pour... Ça tourne très très vite. Un truc que tu m'as apporté, qui est passionnant, on va finir avec là-dessus.
09:27 En fait, la lutte contre l'inflation devient une dimension RSE pour les consommateurs.
09:33 - Oui. Alors ça, c'est mon camarade Yves Delphra, du CSA, avec lequel on a travaillé pour faire l'étude, qui a raison, d'ailleurs.
09:39 Et quand il a vu... On discutait tous les deux. On échangeait sur l'étude pour voir un peu qu'est-ce qu'il y avait derrière ces chiffres.
09:46 Donc moi, un expert du commerce et lui, un expert des études. Et à un moment donné, il dit : « Tu te rends compte un peu l'ampleur de la demande ? ».
09:52 C'est-à-dire qu'on voit que le prix est de très très loin la demande principale des Français. Et il a raison, parce qu'on parle beaucoup de RSE.
09:59 Bon, nous, en tant que consultant, souvent, on a un peu l'impression qu'on fait du clean washing. On lui dit voilà, il faudrait raconter ça pour qu'on ait l'air un peu bien, etc., etc.
10:06 Il a raison de dire finalement que le prix devrait être un enjeu RSE. Un enjeu... Alors, c'est peut-être pas le prix, c'est le pouvoir d'achat au sens large.
10:12 C'est-à-dire permettre aux gens de se déplacer, de consommer, d'avoir une vie à peu près décente. Et je pense que toutes les entreprises sont plus ou moins, je trouve, aussi responsables de ça.
10:21 Donc c'est pas... On n'est pas là avec Yves Delphra, à dire « Ouais, on veut machin ».
10:26 - Non, mais c'est vachement intéressant. - On dit... On est quand même dans une situation...
10:28 Et moi, j'ai fait une présentation il n'y a pas très longtemps à l'Auditorium d'Avaz devant une parterre de distributeurs, il y a une centaine de personnes.
10:34 Je leur ai dit « On est dans le dur ». Et c'est vrai qu'on est dans le dur. C'est-à-dire qu'en 5 observatoires, je n'avais jamais vu les Français dans cet état, moi.
10:41 Et donc, en fait, il faut trouver des solutions. Et donc, il faut en faire une priorité. Et du coup, la priorité au sens RSE du terme des entreprises, je trouve qu'elle est bien tombée.
10:49 - Et c'est sans doute pour ça... Je suis assez d'accord avec Emmanuel Combes du Conseil de la concurrence. On a évacué très, très vite le sujet vente à perte.
10:56 Tout le monde... C'est pas possible, on ne peut pas aller là-dedans et tout parce qu'on s'est dit on ouvre une boîte de Pandore.
11:02 Mais il y avait peut-être quelque chose à creuser quand même sur ce sujet-là. Ce sera ton prochain observatoire.
11:07 - Il faut savoir que le vente à perte a laissé des... Je crois que c'est en Hollande où il y avait toute une vague de vente à perte qui avait tué des enseignes.
11:12 - Oui, mais ça se gère. Le Conseil de la concurrence est là pour gérer ça. - Oui, oui, mais on est assez inquiets.
11:17 - La grande distribution aussi doit tuer des enseignes. La vie économique tue. La vie tue. Voilà.
11:22 - En tout cas, le débat a été évacué avec une vitesse folle. C'est tout ce qu'a écrit Emmanuel Combes.
11:32 - Je suis d'accord. Mais pour des raisons qui étaient... Moi, j'ai trouvé que l'argumentation était entendable.
11:37 Le fait de dire "écoutez, de toute façon, si on vend à perte, on va se rattraper ailleurs et finalement le consommateur va finir par payer".
11:43 - Non, il va arbitrer. Bon. Vincent, merci pour tout. - Merci pour ton avis.
11:48 - Merci à vous de nous avoir suivis. Et puis on se retrouve la semaine prochaine sur Bsmart.
11:53 [Musique]

Recommandations