Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Allez 8h51, Emmanuel Ducrox, c'est l'heure de votre chronique en absurdi.
00:04 Hier à Cournon, près de Clermont-Ferrand, c'est ouvert à le sommet de l'élevage.
00:07 Si vous êtes dans le bovin, c'est the place to be.
00:10 Mais l'ambiance est assez morose cette année à Cournon.
00:13 Le ministère de l'Agriculture a annoncé hier un important plan de soutien pour le secteur.
00:17 Qu'est-ce qui se passe ?
00:17 - Oui, ça va de mal en pis pour ce secteur de l'élevage bovin français.
00:20 Que ce soit pour les cheptels destinés à la viande, on dit les vaches alétantes,
00:23 ou pour le cheptel destiné à la production laitière, les effectifs sont en chute libre.
00:27 À fin 2022, on comptait 17 millions de vaches en France, un nombre en baisse constante depuis 2015.
00:33 12,5% en moins sur 7 ans.
00:36 Il faut retenir ce chiffre.
00:37 En 30 ans, un quart des vaches alées françaises ont tout simplement disparu.
00:41 - Mais pourquoi ?
00:42 - Bien, le secteur traverse une crise économique, morale.
00:45 Il subit des attaques sociales constantes qui rendent difficile à supporter un métier exigeant
00:49 avec des rémunérations parmi les plus basses du monde agricole.
00:53 Les éleveurs ont aussi dû affronter une flambée des coûts de production depuis 3 ans.
00:56 Transport, énergie, alimentation, tout est plus cher.
00:59 D'autant que les accidents climatiques ont bouleversé le modèle économique des élevages français
01:03 ces quelques dernières années.
01:04 Ce sont des petits élevages au regard de ce qui se passe ailleurs dans le monde
01:07 et ils reposent essentiellement sur l'herbe et sur le fourrage qui est produit dans les fermes.
01:12 Résultat, les éleveurs raccrochent, fatigués de manger de la vache enragée.
01:16 - En plus, le bovin émet du CO2, il est donc mal vu.
01:19 Est-ce que ce n'est pas finalement une bonne nouvelle pour le climat
01:22 qu'on ait de moins en moins de vaches en France ?
01:23 - Ça, c'est un raccourci séduisant, mais c'est absolument faux.
01:26 Il faut penser aussi aux conséquences économiques et écologiques du non-élevage.
01:30 Ce que personne ne fait, exactement comme on ne l'a pas fait quand on a délocalisé notre industrie.
01:35 D'abord, plus d'élevage, ça veut dire des prairies, sur lesquelles l'élevage repose en France,
01:39 qui disparaissent et qui sont remplacées par rien.
01:42 Parce que les trois quarts de nos prairies sont incultivables, elles deviennent des taillies.
01:45 Or, ces prairies, ce sont des puits à carbone, ce sont des structurations de paysages
01:49 et c'est aussi une gestion de l'eau à laquelle il faut dire bye bye.
01:52 Et puis, la décapitalisation du cheptel, ça ne s'accompagne pas de la même baisse de la consommation du lait et de la viande,
01:58 qui ont même tendance à remonter un peu en France.
02:01 La balance commerciale pour le lait, c'est rode, alors que c'était un de nos points forts.
02:04 Et pour la viande bovine, c'est la bérésina.
02:06 Le déficit commercial de la France en matière de viande a doublé en 2022.
02:11 Ce qu'on ne produit plus, on l'importe.
02:12 23% en plus en un an pour les importations.
02:15 Notre principal fournisseur, ce sont les Pays-Bas,
02:17 pas réputés du tout pour leur modèle d'agriculture durable.
02:20 - Mais quoi, ça veut dire que la France n'est pas plus vertueuse lorsqu'elle fait fondre ses élevages ?
02:26 - Non, elle est tout simplement en train de procéder à une délocalisation.
02:28 Elle se contente de sous-traiter ses émissions de gaz à effet de serre, loin du cœur.
02:33 Et c'est même pire que ça.
02:34 En fait, elle aggrave les émissions de gaz à effet de serre dues à l'élevage.
02:38 Les chiffres de la FAO sont éloquents, il faut les garder en tête.
02:41 L'élevage bovin à la française, et socialement à l'herbe, je le rappelle,
02:44 ça produit 15,6 kilos d'équivalent carbone par kilo de viande.
02:48 C'est 27 kilos pour la moyenne mondiale, 135 kilos pour la viande brésilienne.
02:53 Réduire l'élevage vertueux ici pour le compenser par un élevage qui l'est beaucoup moins ailleurs,
02:58 c'est une idée vachement bête.
03:00 - Signature Emmanuel Ducrox, merci beaucoup.