Gestion : face à l’ampleur des enjeux, soutenir la diversité des traditions de recherche [Grégor Bouville]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Grégor Bouville, professeur des universités à l'IAE Lyon school of management, pour parler de la diversité des traditions de recherche en gestion.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Grégor Bouville.
00:09 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11 Grégor Bouville, vous êtes professeur des universités à l'IAE de l'Université
00:14 de Lyon.
00:15 Oui, c'est bien cela.
00:16 Grégor Bouville, Les dimensions oubliées de la gestion, mélange en l'honneur de
00:20 Jean-François Chandlat, ouvrage que vous avez coordonné avec El-Hayssi, Université
00:25 Paris-Dauphine, publié au Press Universitaire de Laval.
00:28 Les dimensions oubliées de la gestion, c'était l'ouvrage fondateur, entre guillemets, de
00:32 Jean-François Chandlat, qui tout de suite nous prenait le contre-pied d'une vision
00:38 un peu atrophiée et avait une forme de colère contre une certaine représentation de l'humain
00:45 dans l'organisation.
00:46 Alors oui, il l'avait en fait, Jean-François, c'est important de rappeler aussi son parcours.
00:53 Il a effectué une thèse à l'Université de Montréal en sociologie de la santé, et
01:02 donc qui portait sur le stress au travail et la production sociale de la maladie.
01:09 Et donc ses premiers sujets de recherche ont porté sur les questions de stress, de santé
01:13 au travail, qui sont présents dans notre ouvrage et dans son ouvrage qui avait marqué…
01:19 Et qui ont pris une ampleur absolument incroyable.
01:22 Donc dans les années 90, c'était encore un sujet un peu marginal, et finalement qui
01:26 a pris une ampleur du fait aussi de la dégradation, enfin il y a des facteurs objectifs qui expliquent
01:32 cette montée en puissance de la santé au travail.
01:34 Dégradation des conditions de travail, intensification du travail, développement des open spaces,
01:39 enfin c'est un autre sujet.
01:42 Mais donc cette partie…
01:44 Enfin, dans notre ouvrage, on a dédié quelques chapitres à cette question, en faisant parler
01:51 des collègues éminents sur le sujet, tel qu'Emmanuel à bord de Chatillon, qui propose
01:58 une thèse originale montrant que finalement la souffrance des individus s'origine dans
02:04 la disparition des organisations.
02:05 Ou Christophe Dejour, qui va lui retracer un peu les tensions entre psychodynamie du
02:13 travail et sciences de gestion.
02:15 Il retrace tout ce long historique, puisque Jean-François Chandlat a aussi beaucoup interagi
02:22 avec Christophe Dejour, donc Christophe Dejour reprend tout ce parcours historique.
02:28 C'est une des grandes lignes de défense de Jean-François Chandlat, c'est qu'il
02:33 faut de la diversité, il faut de la pluralité, du pluridisciplinaire, il faut une anthropologie
02:39 élargie même, comme il le propose aujourd'hui, avec notamment des inspirations en Amérique
02:43 du Sud ou dans la francophonie française.
02:46 C'est un point aussi très important, c'est-à-dire qu'il a toujours voulu contrer cet hégémonisme
02:52 américain et il a eu beaucoup d'influence en Amérique du Sud, donc il y a un certain
02:58 nombre de chapitres qui sont écrits par des collègues sud-américains, qui montrent
03:02 l'influence de sa pensée en Amérique du Sud, ce qui montre aussi l'importance qu'il
03:08 avait dans le champ des études organisationnelles, mais qui montre aussi qu'un champ critique
03:15 s'est développé propre à l'Amérique du Sud, qui a développé toute une pensée
03:19 et Jean-François Chandlat a aussi cherché à faire connaître ces études critiques
03:25 organisationnelles venant d'Amérique du Sud, Brésil, Argentine, donc ça c'était
03:31 très important.
03:32 Aujourd'hui, la question de la « soumission » au monde anglo-saxon est un peu dans toutes
03:38 les têtes dans le domaine de la recherche, et évidemment ça crée beaucoup de débats,
03:42 notamment en sciences humaines et sociales.
03:43 Finalement, qu'est-ce qu'on retire de ces mélanges pour alimenter cette réflexion
03:48 sur cette nécessité de s'émanciper un peu ? J'ai en tête aussi toute la question
03:53 de l'IA et de toutes les transformations que nous vivons actuellement.
03:57 Alors, on ne va pas sur le sujet de l'IA, mais je pense que c'est un ouvrage qui peut
04:04 paraître fondamental pour les praticiens et les chercheurs en gestion qui veulent un
04:10 petit peu retrouver un peu les sources qui vont alimenter les sciences de gestion.
04:14 Jean-François Chandlat a toujours été un grand défenseur de la lecture des classiques
04:21 en sciences sociales, donc c'est aussi un ouvrage qui est destiné aux doctorants en
04:27 sciences de gestion, qui veulent un petit peu s'initier au sujet, mais aussi aux praticiens.
04:32 L'idée de cet ouvrage, c'est de montrer toute l'importance aussi de l'interdisciplinarité.
04:38 Il faut rappeler que, finalement, Jean-François Chandlat a traversé plusieurs disciplines,
04:45 de la sociologie un peu empruntée à la psychologie, à l'anthropologie bien sûr, puis aux sciences
04:50 de gestion.
04:51 Donc, c'est ces messages-là aussi qu'on a cherché à faire passer au travers de cet
04:59 ouvrage.
05:00 Il y avait une citation d'un auteur qui est cher à Jean-François Chandlat, qui était
05:06 de Marcel Mauss, et qui, pour moi, illustrait parfaitement cette recherche d'interdisciplinarité.
05:12 Je vais reprendre cette belle citation.
05:15 « Quand une science naturelle fait des progrès, elle ne les fait jamais que dans le sens du
05:20 concret et toujours dans le sens de l'inconnu.
05:23 Or, l'inconnu se trouve aux frontières des sciences, là où les professeurs se mangent
05:27 entre eux, comme dit Goethe, et c'est généralement dans ces domaines mal partagés que gisent
05:32 les problèmes d'urgence.
05:33 » Je trouvais que ça illustrait bien cette recherche et le parcours de Jean-François.
05:39 Très belle citation, très belle citation.
05:42 Et confidence, j'entendais Jean-François Chandlat, dans une conférence, dire qu'à
05:46 tout prendre, s'il ne devait en rester qu'un, ce serait Marcel Mauss.
05:50 Donc, voilà, une invitation à lire Marcel Mauss, évidemment, en tout cas à lire les
05:54 grands auteurs dans le texte, plutôt que de fuir, et là, message pour les jeunes collègues
05:59 aussi, dans le dernier article publié dans les revues, qu'elles soient d'élite ou
06:03 pas d'élite, comme on dit, comme parfois, malheureusement peut-être, on le pense, les
06:10 dimensions oubliées de la gestion mélangent en l'honneur de Jean-François Chandlat.
06:13 Merci Grégoire Bouville.
06:14 Merci Jean-Philippe.
06:15 Merci à vous.
06:21 [Générique de fin]

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