Il était l'ami, le complice de Jean-Pierre Elkabbach.. Alain Duhamel rend hommage au journaliste décédé mardi 3 octobre à l'âge de 83 ans, et revient sur son immense parcours.
Regardez L'invité de RTL Soir du 04 octobre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Julia Cellier, Marion Calais et Cyprien Signy.
00:07 RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:09 Allez RTL bonsoir on continue, on s'occupe de vous jusqu'à 20h et ce soir notre invité événement est un journaliste politique que vous connaissez
00:17 parfaitement chers auditeurs. Bonsoir Alain Duhamel. Bonsoir. Merci d'être avec nous pour
00:22 témoigner ce soir vous étiez l'ami, le complice de Jean-Pierre Elkabach, monstre sacré du journalisme pour citer Emmanuel Macron.
00:29 Jean-Pierre Elkabach qui nous a quitté hier à l'âge de 86 ans. Il a marqué l'histoire de la télévision, tout le monde a en tête
00:36 certains de ses moments d'affrontement avec des personnalités politiques. Alain Duhamel vous dites que Jean-Pierre Elkabach a été
00:44 obsédé par la mort quasiment toute sa vie. Il avait c'est vrai perdu son papa très jeune à l'âge de 12 ans seulement.
00:49 Exactement et ça l'avait évidemment marqué sur toutes les conditions dans lesquelles ça s'était passé
00:54 et la question de la mort était un sujet qui l'a occupé toute sa vie. Moi j'ai le
00:59 souvenir par exemple de promenade à la campagne avec François Mitterrand, Jean-Pierre et moi.
01:05 François Mitterrand et Jean-Pierre se précipitaient d'abord dans une église pour l'esthétique
01:09 et ensuite ils passaient trois quarts d'heure dans le cimetière. Moi je faisais le pied de grue à l'entrée en attendant que
01:15 ils aient
01:18 considéré que c'était suffisant mais c'est une question qui l'occupait beaucoup oui bien sûr. Alain Duhamel moi j'ai eu la chance de
01:24 l'observer le matin Jean-Pierre Elkabas, jeune journaliste que j'étais, j'avais été marqué par
01:29 son envie, sa soif, sa gourmandise malgré des décennies d'interview.
01:34 Il était insatiable pour l'actualité, pour cet exercice de l'interview ?
01:39 C'était certainement d'abord le meilleur interviewer, ça à mes yeux il n'y a jamais eu aucun doute,
01:44 mais c'était aussi le plus accrocheur et le plus offensif.
01:50 Il était accrocheur parce qu'il était capable de passer des nuits blanches pour décrocher une interview à l'aube, il était vraiment bien le seul à faire ça.
01:56 Et d'autre part il avait quand il voulait
01:58 obtenir une interview d'un chef d'état étranger qui était réticent parce que pourquoi parler à un journaliste français etc
02:05 il était capable de mener une stratégie d'une année pour progressivement
02:08 gagner la confiance et finir par arracher son interview. Il ne renonçait jamais à obtenir interview et dès qu'il avait une interview
02:18 il passait à l'offensive. Et une fois qu'il avait l'interview il y avait ce style unique, ce style Jean-Pierre Elkabbach
02:24 avec une première question parfois déroutante, 2015 Marine Le Pen en faisait les frais, archive.
02:29 Bonjour Marine Le Pen, vous n'avez pas honte ?
02:32 Pardon ?
02:33 Vous n'avez pas honte ?
02:34 Honte de quoi ?
02:35 Vous n'avez pas de regrets ?
02:36 C'était juste après les attentats de Paris, la patronne du FN à l'époque n'avait pas manifesté dans la capitale mais à Bocaire.
02:42 Il avait pris des cours de théâtre dans sa jeunesse, il avait un certain sens de la mise en scène, on l'entend
02:47 n'est-ce pas Alain Duhamel ?
02:49 Surtout il avait une nature dramatique, il avait
02:51 une psychologie dramatique et quand il était quelque part il dramatisait le climat. Non seulement il
02:58 électrisait mais il le dramatisait, moi j'ai vu ça cent fois dans des émissions. On parlait paisiblement, je devisais avec un
03:06 invité, il arrivait et
03:09 immédiatement on était dans du Wagner.
03:12 Il plombait l'ambiance.
03:15 En 1977 en duo justement, vous avez tous les deux en quelque sorte
03:20 révolutionné le journalisme à la télé avec "Carte sur table", Giscard, Chirac, Mitterrand, Thatcher, vous faisiez l'actualité mais on imagine que
03:27 préparer les interviews à deux c'était pas toujours facile, vous aviez en plus deux styles
03:33 différents, vous vous êtes chamaillés parfois ?
03:36 Oui bien sûr qu'on s'est chamaillés.
03:38 On se mettait d'accord sur l'invité, ça oui, mais ensuite
03:43 sur les questions
03:45 on y passait des heures mais on bataillait ferme et quelques fois pendant les émissions
03:51 les téléspectateurs ne s'en apercevaient pas mais nous oui et quelques fois d'ailleurs l'invité aussi
03:56 il y en a un qui posait une question qui énervait beaucoup l'autre.
04:00 Alors ça arrivait.
04:02 Et alors justement on évoquait "Carte sur table", il y a des échanges mythiques avec Georges Marchais, "Archives".
04:06 Ça fait 20 fois que je discute avec vous, vous pouvez pas parler...
04:10 Vous n'en parliez pas comme ça ?
04:12 Vous n'arrivez pas à vous mettre dans votre petite tête que moi aussi j'ai un cerveau.
04:16 On parlait de mise en scène Alain Duhamel, est-ce que vous-même vous étiez parfois un peu au spectacle comme lors de ces affrontements
04:22 avec Georges Marchais ?
04:24 Disons que ça c'était surtout vrai avec Georges Marchais, c'était différent avec les autres.
04:28 Tous les deux étaient des stars
04:30 heureux d'être des stars et donc ils avaient une sorte de... à la fois c'était un
04:37 duel ouvert et en même temps c'était un plaisir qu'ils prenaient tous les deux.
04:43 D'ailleurs quand l'émission était finie, je ne dis pas qu'ils tombaient dans les bras l'un de l'autre.
04:46 Mais ils commentaient ce qui s'était passé de façon très apaisée, très différente du pivot qu'il y avait pendant l'émission.
04:54 Pour terminer Alain Duhamel, il y a évidemment une interview à laquelle on pense tout de suite quand on évoque Jean-Pierre Elkabach.
04:59 C'est celle de François Mitterrand en 1994.
05:01 Alors au bout de son existence fatigué et il a les mains jointes pendant cette interview qui est compliquée.
05:08 Il est interrogé sur la résistance, sur Vichy.
05:11 Jean-Pierre Elkabach ne lâche rien au moment d'évoquer la trajectoire personnelle du président de la République à ce moment de l'histoire.
05:18 Et pourtant vous allez après à Vichy ?
05:20 Oui.
05:21 Et pourquoi alors qu'il y a le gouvernement de capitulation, qu'il y a eu les lois anti-juifs, vous allez à Vichy ?
05:27 Pourquoi vous n'allez pas à Londres ?
05:28 Vous me dites que les lois anti-juifs...
05:30 Il s'agissait des lois anti-juives.
05:32 Il s'agissait des lois anti-juives, ce qui ne corrige rien, en effet.
05:36 Et ne pardonne rien.
05:38 C'était une législation contre les juifs étrangers.
05:40 Donc j'ignorais tout.
05:42 Car dans tout ce que je vois, dans tous les commentaires qui sont faits,
05:46 on oublie toujours que pendant toute cette période-là, j'étais prisonnier en Allemagne.
05:51 Alain Duhamel, vous dites que cet entretien pour Jean-Pierre Elkabach, c'était l'entretien de sa vie.
05:55 Oui, absolument.
05:57 C'était quelque chose... d'abord, il a mis très très longtemps à convaincre François Mitterrand, ce qui se comprend d'ailleurs.
06:03 Et chacun des deux, c'est très rare dans une interview, et c'est pour ça que c'était une interview...
06:08 François Mitterrand allait mourir quelques mois après, et le savait, et on le voyait.
06:14 C'était une interview où chacun des deux allait au bout de sa vérité.
06:19 Et ces deux vérités étaient nettement antagonistes.
06:22 Jean-Pierre Elkabach voulait démontrer la réprobation qu'il avait vis-à-vis de François Mitterrand,
06:30 et François Mitterrand voulait démontrer qu'il n'avait rien fait qui provoque de la réprobation.
06:37 Donc, ils défendaient des points de vue totalement opposés.
06:41 Mais moi, ça m'avait frappé à la fois par l'intensité du dialogue, et pour le coup, la dramaturgie qui était vraiment visible,
06:47 mais surtout par contradiction avec les dizaines de fois où on avait vu ensemble François Mitterrand,
06:54 et où François Mitterrand et Jean-Pierre blaguaient ensemble, parlaient des heures...
06:59 Donc, ils avaient appris à bien s'entendre.
07:03 Mais ce jour-là, ça a été un épilogue de théâtre.
07:10 Merci Alain Duhamel pour ce témoignage ce soir sur RTL.
07:13 Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions de RTL. Bonsoir.
07:16 Merci.
07:18 RTL, bonsoir.
07:19 Avec quelques secondes de pause, et l'émission continue avec Alex Bizorek et sa bise en conférence.
07:24 Au mieux d'Alex.
07:25 On va parler d'un chanteur, Emmanuel Macron.
07:27 Bien sûr.
07:28 Et puis RTL Inside.
07:30 Un reporter RTL se lance dans l'éradication des punaises de lit.
07:33 On vous explique les méthodes.
07:34 Et puis à 18h40, Cédric Doumbé, la star du MMA dont le monde entier parle depuis ce week-end,
07:39 sera avec nous. Entretien passionnant à suivre.
07:41 RTE.
07:43 Merci à tous !