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Dans le cadre de l’Année du documentaire 2023, la Scam, ARTE et le CNC vous proposent ce troisième volet de la série de rencontres « Le Documentaire : matière à penser » qui s'est déroulé à Paris, le 27 septembre 2023.

« Raconter avec les images des autres »
Le documentaire est l’une des seules formes d’œuvre à utiliser ce que l’on appelle « les archives ». Qu’advient-il quand un auteur une autrice s’approprie des images captées par d’autres, professionnels ou amateurs – telles les images d’archives institutionnelles ou privées, images de famille ou trouvées (found footage) – pour tisser un autre récit ?

Entre preuve, trace, ou écran de projection, « les images des autres » contiennent la possibilité de revisiter un événement, renouveler le regard, interroger la façon dont l’histoire a été dite, faire revivre le hors champ et incarner ce qui a été invisibilisé.

Programme
- 11h00 : Introduction par Réjane Hamus-Vallée, professeure des Universités, directrice de l’UFR Sciences de l’Homme et de la Société
- 11h30 : Dialogue entre la réalisatrice Mila Turajlić et la philosophe Marie-Josée Mondzain, animé par Rasha Salti
- 14h30 : Étude de cas "L’histoire oubliée des femmes au foyer" avec la réalisatrice Michèle Dominici, la productrice Juliette Guigon et la monteuse Nathalie Amsellem, modérée par Camille Ménager
- 16h30 : Table ronde animée par Alice Leroy avec Eleonore Weber - réalisatrice de "Il n’y aura plus de nuit", Alain Kassanda - réalisateur de "Colette et Justin – Une histoire congolaise" et Sylvie Lindeperg - historienne, autrice de "Nuremberg, la bataille des images"
Transcription
00:00:00 -On a pas de questions ?
00:00:01 -Non.
00:00:02 -On a pas de questions ?
00:00:03 -Non.
00:00:05 -On a pas de questions ?
00:00:06 -Non.
00:00:07 -On a pas de questions ?
00:00:08 -Non.
00:00:09 -On a pas de questions ?
00:00:11 -Non.
00:00:12 -On a pas de questions ?
00:00:13 -Non.
00:00:14 -On a pas de questions ?
00:00:15 -Non.
00:00:17 -On a pas de questions ?
00:00:18 -Non.
00:00:19 -On a pas de questions ?
00:00:20 -Non.
00:00:21 -On a pas de questions ?
00:00:23 -Non.
00:00:24 -On a pas de questions ?
00:00:25 -Non.
00:00:26 -On a pas de questions ?
00:00:27 -Non.
00:00:29 -En tout cas, votre présence montre à quel point,
00:00:33 quand on commence à réfléchir à nos pratiques,
00:00:35 ça attire du monde et on s'en félicite
00:00:37 puisque, pour ceux qui n'étaient pas là ce matin,
00:00:39 tout petit rappel,
00:00:40 cette série de documentaires "Matière à penser"
00:00:44 s'inscrit dans le cadre de l'année du documentaire.
00:00:47 Elle-même, née d'une idée un petit peu folle au FIPADOK,
00:00:51 il y a deux ans, quand Philippe Bachmann,
00:00:52 directeur de la Cinémathèque du Documentaire,
00:00:55 nous soumet cette idée à Fabrice Puchot, ici présent,
00:00:58 et moi.
00:00:59 Et donc, peu à peu, ça a fait son chemin
00:01:02 puisque Rima Abdoulmalak, ministre de la Culture,
00:01:05 avec le CNC, avec la Cinémathèque du Documentaire,
00:01:07 avec la SCAM,
00:01:09 et ici, aujourd'hui,
00:01:10 et pour cette série de "Matière à penser" avec Arte,
00:01:13 eh bien, on essaie de multiplier les opérations
00:01:16 de promotion du documentaire en cette année du documentaire.
00:01:19 On repasse pas la bande-annonce, je crois, Christina.
00:01:22 Non, pas...
00:01:23 On la repassera tout à l'heure, si besoin.
00:01:25 Enfin, on verra bien.
00:01:27 Juste vous dire deux petites choses
00:01:28 avant de laisser la parole à Camille Ménager,
00:01:32 réalisatrice ici présente.
00:01:35 Camille a été la plus jeune,
00:01:37 je le redis à chaque fois, ça sera bientôt plus vrai,
00:01:39 donc profites-en, Camille,
00:01:41 la plus jeune administratrice à rentrer au conseil d'administration
00:01:44 de la SCAM, à moins de 40 ans,
00:01:46 et femme moins de 40 ans,
00:01:47 on était très contents, à la SCAM, d'avoir Camille parmi nous.
00:01:51 Bref, Camille fait aussi des films
00:01:53 et elle a accepté d'animer cette table ronde.
00:01:57 Donc, je te laisserai présenter nos amis invités.
00:02:01 Juste vous dire deux petites choses
00:02:03 qui me sont venues comme ça ce matin.
00:02:06 D'abord, Christina Campodonico et Anne-Sophie Le Goff
00:02:09 qui s'occupent avec Odile Delacroix,
00:02:11 je crois que j'ai cité tout le monde, j'oublie personne.
00:02:13 Racha, j'ai oublié personne.
00:02:15 Je crois que j'ai oublié personne.
00:02:17 Anne Autume du CNC, évidemment.
00:02:20 Bref, les chevilles ouvrières de ces journées,
00:02:25 elles sont les chevilles ouvrières de ces journées.
00:02:27 Et Christina me disait ce matin que Tiffen Martineau-Lagarde
00:02:31 de la BNF était ici parmi nous.
00:02:33 Je ne la connais pas, je suis désolé.
00:02:35 Je ne sais pas si elle est encore là.
00:02:37 Peut-être.
00:02:39 -Elle est dans les parages. -Dans les parages.
00:02:42 Non, Tiffen faisait remarquer à Christina
00:02:45 qu'il y a un fonds énorme d'archives à la BNF
00:02:48 qui était totalement inexploité.
00:02:49 Comme parmi vous, il y a des praticiens,
00:02:51 il faut parfois penser à la BNF, pas seulement INA,
00:02:54 parce qu'il y a des fonds un peu comme ça
00:02:56 auxquels on ne pense pas spontanément.
00:02:58 Et de ce point de vue, à la SCAM,
00:03:00 nous finançons une mission sur plusieurs années
00:03:03 de Serge Vialet.
00:03:04 J'imagine que ça dira quelque chose à un certain nombre d'entre vous
00:03:07 et d'entre nous. Serge Vialet a créé "Mystère d'archives",
00:03:10 qui a été une émission phare d'Arte pendant des années.
00:03:13 Et Serge recense en ce moment, pour nous, enfin avec nous,
00:03:17 tous les fonds d'archives existants, disponibles dans le monde,
00:03:20 avec un référencement, évidemment, une sorte d'inventaire,
00:03:24 et puis également des fiches.
00:03:25 Enfin, on va imaginer des...
00:03:28 On va essayer de faire ça de manière la plus exhaustive possible,
00:03:32 avec des chiffres également en ce qui concerne
00:03:34 la cession des droits, etc.
00:03:36 Donc c'est un gros chantier, mais qui devrait aboutir
00:03:39 un peu après que celui de la maison SCAM,
00:03:41 parce que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
00:03:43 Et puis après, je vous laisse la parole.
00:03:45 Si nous sommes ici, et merci le CNC,
00:03:47 c'est que la SCAM est en travaux pour un an,
00:03:49 mais on récupère une très belle SCAM
00:03:50 avec 1 000 m² de Maison des auteurs d'ici quelques mois.
00:03:54 Camille, à toi.
00:03:55 -Merci.
00:03:57 Je te laisse le temps de descendre, Rémi.
00:04:02 Que tu...
00:04:03 Alors, qu'arrive-t-il quand on s'empare des images
00:04:10 qu'on n'a pas tournées nous-mêmes pour faire des films ?
00:04:13 C'est ce dont on va parler maintenant,
00:04:14 avec une étude de cas à un film d'histoire.
00:04:17 Alors, moi, j'avais pensé au départ, oui,
00:04:19 ça concerne évidemment que les films d'histoire,
00:04:21 mais en fait, pas du tout.
00:04:22 Il y a plein de contre-exemples récents.
00:04:25 Ne croyez surtout pas que je hurle, par exemple, de Frank Beauvais,
00:04:28 ou les films de Stefano Savona, par exemple.
00:04:31 Ce ne sont pas forcément des films d'histoire.
00:04:32 En l'occurrence, là, c'en est un.
00:04:34 "L'histoire oubliée des femmes au foyer",
00:04:36 réalisé par Michelle Dominici, qui est à ma gauche.
00:04:39 Salut, Michelle.
00:04:40 Alors, j'ai des petites fiches pour raconter ce que tu fais,
00:04:43 mais tu travailles des films depuis 20 ans.
00:04:47 Tes films sont très différents, mais ils interrogent, je crois,
00:04:49 si on cherche quelques points communs,
00:04:50 les questions de lutte et de transmission,
00:04:52 et d'images aussi, je trouve.
00:04:54 Notamment "Une grande histoire des pionnières du féminisme"
00:04:59 en Angleterre, un film sur Nadar, le premier des photographes.
00:05:02 Des portraits de femmes aussi,
00:05:03 mais pas des portraits biographiques plan-plan,
00:05:06 mais bien des regards contemporains que tu poses
00:05:09 sur Simone Signoret, par exemple,
00:05:11 ou plus récemment sur Marilyn Monroe,
00:05:13 avec "Devenir Marilyn".
00:05:14 Et récemment, tu viens, pour Arte à nouveau,
00:05:17 de terminer un film sur Catherine Bigelow.
00:05:20 Juliette Guigon, productrice, qui a produit ce film,
00:05:25 chez Squawk, anciennement chez Quark.
00:05:29 J'ai lu dans une petite présentation que tu totalises,
00:05:34 tu totalises avec la stéléstructure,
00:05:36 22 étoiles de la Scam.
00:05:37 Ça me paraît assez génial.
00:05:39 Donc, bravo.
00:05:43 Bon, notamment, et il est très remarqué récemment,
00:05:45 "Il faut ramener Albert", de Michael Zumstein,
00:05:48 "Papa s'en va" de Pauline Horowitz.
00:05:51 Et plus avant, "La sociologue et l'ourson",
00:05:54 je le cite parce que j'aime tellement ce film,
00:05:56 d'Étienne Chailloux et Mathias Théry.
00:05:59 Salut, Juliette.
00:06:01 Le film a été monté par Nathalie Amselem,
00:06:04 qui est chef-monteuse, réalisatrice,
00:06:05 qui a travaillé sur une cinquantaine de documentaires
00:06:08 et pas mal de films d'archives.
00:06:10 Je pense à celui de Virginie Lénard sur "Ce qu'ils savaient",
00:06:13 "Les alliés face à la Shoah",
00:06:14 et également des portraits.
00:06:16 Vous aviez déjà d'ailleurs travaillé toutes les deux
00:06:18 sur quel film ?
00:06:20 "Simon Signoret", voilà.
00:06:22 Et "Marine", bien sûr, évidemment, "Devenir Marine".
00:06:25 Voilà, et l'autre cheville ouvrière de ce film,
00:06:28 c'est Christine Loiseau, documentaliste,
00:06:30 qui n'a pas pu être avec nous,
00:06:32 mais dont on va parler du travail,
00:06:33 puisque on parle d'archives,
00:06:35 donc on va parler des documentalistes, évidemment,
00:06:38 car souvent, on n'en parle pas.
00:06:40 Alors faisons-le.
00:06:41 Est-ce que tu veux nous parler un peu de la genèse du film
00:06:44 et après, on montre le début ?
00:06:46 -En fait, ce n'est pas une genèse très savante,
00:06:54 c'est simplement qu'un jour,
00:06:56 j'ai eu le titre du film qui m'est venu,
00:06:58 qui n'est pas celui qu'on a choisi au final,
00:07:01 qui était "La merveilleuse et tragique histoire
00:07:04 des femmes au foyer".
00:07:05 Il m'est venu pour des raisons très personnelles,
00:07:07 liées à l'expérience de ma propre mère.
00:07:10 Et une fois que j'ai eu ce titre en tête,
00:07:12 je me suis demandé
00:07:13 quel film, ça pouvait faire un titre pareil.
00:07:17 Et assez benoîtement,
00:07:20 je suis allée sur Google
00:07:23 faire des recherches premières, comme ça,
00:07:26 pour voir qui s'était intéressé au sujet.
00:07:28 Et là, je me suis rendue compte
00:07:30 que personne ne s'était intéressé au sujet.
00:07:32 Et c'est ce "personne" qui s'est intéressé au sujet
00:07:35 qui a défini tout le reste, finalement.
00:07:39 Parce que d'abord,
00:07:40 première réaction était une réaction de tristesse,
00:07:43 de contrariété.
00:07:44 Mais en fait, après, je me suis dit,
00:07:46 tiens, c'est intéressant,
00:07:47 c'est l'occasion d'occuper un espace vide
00:07:49 et de l'occuper de leur point de vue.
00:07:51 Donc, je suis allée dans un lieu
00:07:56 que je recommande à tout le monde
00:07:57 qui travaille sur l'histoire, la mémoire,
00:08:00 qui s'appelle l'Association pour l'autobiographie,
00:08:03 qui est une association qui a été créée
00:08:05 par un professeur d'université il y a longtemps
00:08:07 et qui s'est dit qu'il n'y avait pas de raison
00:08:08 que seuls les gens très connus, très célèbres, très puissants
00:08:15 aient droit à leur biographie
00:08:17 et qu'il allait collecter les autobiographies des inconnus,
00:08:20 de nous autres.
00:08:23 Et il a commencé ça à la fin des années 90.
00:08:26 Et aujourd'hui, il y a 4000 référencements
00:08:28 qui sont tous indexés, très bien indexés.
00:08:31 Il y a toutes sortes de choses.
00:08:33 Il y a des journaux intimes,
00:08:34 il y a des mémoires, il y a des correspondances.
00:08:38 Il y a toutes sortes de textes liés à l'intime et à l'anonymat.
00:08:42 Voilà.
00:08:43 Donc, je suis allée là-bas en me disant
00:08:44 que j'allais trouver plein de choses.
00:08:46 Et sur les 4000 entrées, il y en avait 18
00:08:49 qui étaient faites par des femmes au foyer.
00:08:51 Et comme rien n'est...
00:08:54 parce qu'ils n'ont pas les moyens,
00:08:55 rien n'est numérisé, je suis allée sur place,
00:08:58 c'était en bérieau, en budget, dans l'un.
00:09:00 Et là, j'ai commencé à lire et c'était incroyable.
00:09:06 Ça devrait être au bac, tous ces textes.
00:09:09 Et voilà.
00:09:12 Et à partir de ces textes, ensuite,
00:09:13 le film a commencé à trouver sa matière première.
00:09:19 - Je vous propose de regarder le début
00:09:21 histoire de savoir un peu de quoi on parle.
00:09:35 Sur de vieilles bobines de films,
00:09:36 j'ai retrouvé la trace du mariage de mes parents.
00:09:38 Un jour heureux,
00:09:41 deux jeunes gens au seuil de leur vie
00:09:44 et ma mère pleine de joie et de promesses.
00:09:47 Pourtant, quand bien plus tard elle a écrit ses mémoires,
00:09:55 son récit s'arrêtait cette année-là, en 1960.
00:09:59 Quand je lui ai demandé pourquoi,
00:10:05 elle m'a répondu
00:10:06 "Après, ce n'est plus intéressant."
00:10:10 Elle était devenue femme au foyer.
00:10:16 Comme prima, tu me donnes tant de joie
00:10:23 Que personne ne m'en donne comme toi
00:10:30 C'est ta bouche qui m'apporte ma joie de vivre
00:10:37 Et ma chance, c'est de vivre rien que pour toi
00:10:43 Que m'importe si tu m'aimes moins que moi
00:10:49 Moi je t'aime comme on n'aime qu'une fois
00:10:56 Et je reste prisonnière, prisonnière
00:11:02 Et je reste prisonnière, prisonnière
00:11:06 Il n'y avait donc rien dans le journal de ma mère.
00:11:23 Rien de sa vie d'après.
00:11:25 Un silence assourdissant.
00:11:30 L'image de cette condition de femme au foyer,
00:11:32 si discrète et invisible, à force d'être ordinaire,
00:11:36 partagée pourtant par des millions de femmes après-guerre.
00:11:40 Des femmes, invitées à retourner à leurs fourneaux,
00:11:49 pour laisser la place aux héros, aux soldats,
00:11:52 aux prisonniers revenus travailler,
00:11:54 et sommées de procréer pour la nation.
00:11:59 L'injonction se dissimule habilement derrière le conte de fée
00:12:02 de la merveilleuse vie de femme au foyer.
00:12:05 Mais quand vient le temps de vivre cette fable,
00:12:10 c'est une autre histoire.
00:12:12 La réalité, je l'ai retrouvée dans le secret de quelques journaux intimes,
00:12:22 tenus par des femmes tout au long de la société.
00:12:26 Tenues par des femmes tout au long de la seconde moitié du XXe siècle.
00:12:29 Grâce aux détails de leur vie, de leur joie, de leur peine,
00:12:38 posés sur des images amateurs,
00:12:40 voici racontées par elles-mêmes,
00:12:43 l'histoire oubliée des femmes au foyer.
00:12:47 (Musique)
00:12:49 (Applaudissements)
00:12:56 - Juliette, quel était ton premier réflexe, toi,
00:13:03 quand Michel t'a parlé du...
00:13:06 - Eh oui !
00:13:08 Michel, je me souviens, il m'a appelée.
00:13:10 Je crois qu'on sortait du confinement, on y était encore, je ne sais plus.
00:13:15 Donc, j'avais un rapport particulier à...
00:13:18 J'ai une grand-mère qui était femme au foyer,
00:13:21 mais là, en sortie de confinement, le sujet me parlait hyper fortement.
00:13:25 Et donc, j'étais à la maison, il me raconte ça,
00:13:30 et donc, moi, je m'emballe très, très vite,
00:13:32 et je raconte à mon associé, qui est homme, Patrick Vinocourt,
00:13:36 et lui, il me dit "Bah, non, euh, je vois pas bien."
00:13:43 Et donc, j'ai pensé que c'était la première fois
00:13:45 qu'on avait un problème de haute trahison.
00:13:47 Et puis, on a commencé, et Michel est arrivé avec cet endroit incroyable,
00:13:55 que j'aurais adoré qu'on garde que pour nous,
00:13:58 qu'on dise à personne que ça existe, cet endroit du musée des journaux intimes.
00:14:04 Et là, ça prenait forme très, très vite.
00:14:07 - Nathalie, pareil, ta première rencontre,
00:14:12 avec le film "En Devenir".
00:14:13 - Alors, moi, ça m'a parlé tout de suite,
00:14:15 parce que ma mère était femme au foyer,
00:14:17 donc, moi, je l'ai vécu en tant que fille, comme Michel,
00:14:22 et du coup, je trouvais que ça a été très important, effectivement,
00:14:26 de leur donner la parole, et ma mère disait,
00:14:29 comme la mère de Michel, que ça n'y était pas intéressant.
00:14:32 Donc, voilà.
00:14:34 Donc, il y a aussi des petits éléments qui se sont glissés de mon expérience
00:14:40 avec ma mère dans le film, de temps en temps.
00:14:42 - J'ai l'impression que si on pose la question à tout le monde,
00:14:45 on va tous avoir une mère ou une grand-mère concernée.
00:14:47 En tout cas, ça va rappeler aux uns, aux unes et aux autres.
00:14:50 - Ce qui est amusant, c'est que quand Michel, elle, nous a parlé de son projet,
00:14:55 je me suis dit, ah, mais je suis...
00:14:57 J'ai une amie historienne du féminisme, très importante.
00:15:01 Je vais l'appeler, parce que je suis sûre qu'il y a plein de choses à lire, etc.
00:15:06 Et je l'ai appelée, et je lui ai écrit un mail,
00:15:09 et non seulement elle m'a dit, non, il n'y a rien.
00:15:12 Et en plus, j'ai pas senti... J'ai senti qu'elle était un peu piquée.
00:15:16 De tout d'un coup réaliser qu'il n'y avait rien.
00:15:20 Rien du tout. Pas d'écrit.
00:15:22 Et Michel, je lui disais, c'est pas possible, cherche encore.
00:15:26 Et non, il n'y avait rien.
00:15:28 - J'ai expérimenté l'histoire des mères, et sur les mères non plus,
00:15:32 il n'y avait pas grand-chose, on est con.
00:15:34 Mais je connaissais en période où je suis allée, dans leur petite...
00:15:38 Je pense qu'on est peut-être les deux seules personnes à connaître cet endroit.
00:15:41 En béryon, mais tu es allée dans leur réserve, là.
00:15:45 Effectivement, ils font un travail très important.
00:15:50 On va parler davantage d'images que de textes,
00:15:52 mais quand même, pour terminer sur l'APA, l'Association pour l'autobiographie.
00:15:56 Tu as utilisé cette matière, de quelle façon ?
00:16:00 C'est-à-dire, quelle était ta mécanique,
00:16:03 et en quoi, ensuite, elle a enclenché la mécanique de réflexion sur la narration, sur les images ?
00:16:08 - Je vais poursuivre l'histoire de la genèse du projet,
00:16:12 parce que, en fait, quand je suis partie lire les textes,
00:16:16 je n'avais aucune idée de ce que j'allais y trouver.
00:16:19 Et ce qui m'a sauté aux yeux, c'était un petit échantillon, je rappelle,
00:16:23 c'était donc 18 textes.
00:16:25 Quand je dis "texte", il y avait une dame qui avait écrit un cahier par an,
00:16:29 pendant 26 ans, donc c'était parfois des boîtes entières.
00:16:33 Mais ils avaient une structure commune,
00:16:36 c'est-à-dire qu'ils commençaient tous un peu de la même manière.
00:16:39 Il y avait des étapes communes dans toutes ces vies,
00:16:42 il y avait des thématiques communes.
00:16:44 Et très vite, je me suis dit que j'allais ne garder que ce qu'il y avait de commun.
00:16:48 Tout ce qui était singulier, j'allais le laisser de côté.
00:16:51 Et donc, à partir de là, j'ai commencé à tout lire, à sélectionner,
00:16:58 et à rapporter à Paris des pages et des pages entières de récits.
00:17:05 Que j'ai ensuite, ce qui fait beaucoup rire Juliette,
00:17:10 organisé en cartes, avec des codes couleurs,
00:17:14 pour le déconstruire et le reconstruire en thématiques générales.
00:17:26 - Oui, alors ensuite, il fallait penser images.
00:17:29 Parfois, notamment en film d'histoire, quand on veut raconter quelque chose,
00:17:33 on cherche les images, on se dit ou alors on s'entend dire,
00:17:36 mais il n'y a pas d'image, comme si c'était un problème, le manque d'image.
00:17:40 On pourrait simplement se dire, il y a une absence d'image,
00:17:42 et plutôt interroger ça, de façon un peu positive ou constructive.
00:17:46 Qu'est-ce que tu t'es dit ? Est-ce que tu avais des évidences de départ
00:17:49 sur les images que tu allais utiliser ?
00:17:52 Et aussi, je me demandais, il n'y a pas d'entretien dans le film,
00:17:55 est-ce que c'était une évidence de départ de ne pas tourner toi-même ?
00:17:58 - Alors, la première évidence, c'est que l'image que j'avais,
00:18:02 et qui me revenait aussi aux oreilles quand je parlais du projet aux autres,
00:18:05 c'était l'image fantasmée.
00:18:08 C'est-à-dire que le réflexe le plus fréquent, c'était,
00:18:11 ah, tu vas nous montrer des images du salon des arménagers, là, qu'on rigole,
00:18:16 tu vas nous montrer des images de telle fiction, etc.
00:18:20 Et en fait, aucune de ces images ne ressemblait au texte que j'avais lu.
00:18:24 Donc, je voyais le gouffre qui existait entre la parole générale
00:18:32 et puis l'expérience intime.
00:18:35 Et donc, il est assez vite devenu évident pour moi
00:18:38 que je travaillerais avec des contre-archives,
00:18:42 pour reprendre une expression qu'on a entendue ce matin,
00:18:45 et non pas avec l'archive, en fait, les fonds qu'on utilise en règle générale,
00:18:51 ils sont recensés par la SCAM, mais ils ne sont pas si nombreux que ça,
00:18:54 et on se tourne, nous autres réalisateurs, spontanément vers un certain nombre de fonds,
00:18:59 qui sont ceux des télévisions, le plus souvent,
00:19:02 donc des organes d'information.
00:19:05 Et là, je me rendais compte que les organes d'information avaient trahi ces femmes.
00:19:10 Ils en avaient fait des caricatures, le plus souvent.
00:19:14 Et donc, il était hors de question que je m'appuie sur des images
00:19:18 qui donnaient une fausse image de leur expérience.
00:19:24 Donc très vite, c'était hors de question.
00:19:27 Et le choix s'est porté sur les images de famille,
00:19:33 parce que c'est un film, pour moi, c'est plus un film de mémoire que d'histoire,
00:19:39 je ne me prétends pas historienne, et je n'ai pas travaillé assez longtemps sur le sujet
00:19:43 pour qualifier ce film d'histoire, même s'il rentre dans une case, etc.
00:19:47 Pour moi, c'est un film de mémoire, et c'est aussi un film de mémoire
00:19:50 parce que c'est un film politique, c'est une démarche politique de ma part,
00:19:54 et je voulais toucher les hommes en particulier,
00:19:59 avec une matière qui a une force incroyable.
00:20:06 Et l'image amateur a une puissance démente.
00:20:11 Elle nous touche au-delà de ce qu'elle montre.
00:20:15 J'ai toujours pas percé le secret, mais c'est vrai que dès qu'on voit cette espèce de grain,
00:20:20 dès qu'on voit ces images qui bougent, qui flottent un peu, ces cadrages, ces lumières, etc.,
00:20:26 on est touché, on est touché déraisonnablement.
00:20:30 Et j'avais envie de déstabiliser le spectateur et la spectatrice
00:20:37 pour pouvoir déposer de la politique très loin, très loin dans l'intime.
00:20:44 Voilà, c'est comme ça que je me suis tournée vers des images amateurs.
00:20:48 Ça a marché parce que justement, le premier visionnage, on était Patrick et moi aux premiers,
00:20:56 et toutes les trois on regardait, et il y avait Patrick, et lui il était effondré en larmes.
00:21:03 C'était la preuve par l'exercice.
00:21:08 Donc on pourrait faire une espèce de distinction entre l'image professionnelle, d'un côté,
00:21:14 et l'image amateur de l'autre.
00:21:16 Jérôme Prieur, que tout le monde connaît, qui aime infiniment l'image amateur,
00:21:22 parle de vestiges, de l'indicible et de l'invisible.
00:21:25 Ce sont des images sur lesquelles on ne porte pas le même regard
00:21:29 que quand on s'intéresse à des images professionnelles, qu'il s'agisse, voilà,
00:21:34 de la Montbatté, des actualités, les programmes de l'INA, etc.
00:21:38 Comment on peut la qualifier d'image amateur ?
00:21:43 Toi Nathalie, peut-être qu'il y a, évidemment, on va parler de tout le travail des recherches,
00:21:47 mais qu'il y a d'expérience vue beaucoup et d'image amateur et d'image professionnelle.
00:21:54 Qu'est-ce qu'elles t'évoquent, les deux types d'images, est-ce que tu les regardes différemment par exemple ?
00:22:00 Oui, je pense que ce que tu disais Michel, c'est qu'elles sont vraiment source d'émotion.
00:22:05 Et je pense que cette émotion, elle vient aussi de la personne qui filme.
00:22:10 Quand on filme un proche, on n'a pas la même émotion, on n'a pas le même regard
00:22:14 que quand on tourne des actualités ou quand on filme pour une mémoire historique.
00:22:21 Donc je pense que c'est ça aussi, c'est l'attachement de la personne qui filme à son sujet.
00:22:28 C'est vrai que quand on parle beaucoup au moment du tournage, de l'écriture du dossier,
00:22:34 de l'intention du réalisateur, dans les archives amateurs,
00:22:39 moi j'ai le sentiment de travailler avec des partenaires ou des co-réalisateurs,
00:22:44 parce qu'on sent l'intention aussi.
00:22:47 Et c'est ce double travail de l'intention de la réalisatrice et de l'intention du filmeur
00:22:55 qui se joignent et c'est cet effet là qui est assez fascinant.
00:23:00 Une sorte de passage de relais, tu dirais ?
00:23:03 Oui, parce que je trouve que dans ces scènes, par exemple, quand Michelle sélectionne un mari,
00:23:09 parce que c'était beaucoup les maris qui filmaient tout ce qu'on voit dans le film,
00:23:14 on perçoit parfaitement l'intention de l'homme derrière la caméra
00:23:19 qui est en train de filmer ce très beau jardin avec ce rosier au fond.
00:23:24 Et puis on le sent en train de dire à sa femme "mets-toi là, renifle la rose".
00:23:28 Et donc on sent ce contentement, cette envie de montrer des images du bonheur.
00:23:35 Et cette intention là, on l'aperçoit.
00:23:39 Et Michelle, elle, elle voit en plus, avec Nathalie, elle voit tout d'un coup
00:23:44 un espèce de regard un peu vague à l'âme de la femme,
00:23:48 qu'un ras-le-bol de poser dans ce fond de jardin.
00:23:52 Et tout ça, elle l'attrape en fait.
00:23:55 Alors on va regarder un autre extrait, avant de parler des images.
00:23:59 C'est le numéro 3, puisqu'on a déjà passé le 2, mais on ne va pas le montrer.
00:24:04 [Bruit de moteur de voiture]
00:24:08 [Cris de joie]
00:24:16 [Musique]
00:24:20 [Rires]
00:24:31 [Musique]
00:24:34 22 novembre 1963,
00:24:44 complètement bouleversée par l'assassinat du président Kennedy.
00:24:48 J'ai 37 ans aujourd'hui.
00:24:51 Drôle de journée d'anniversaire.
00:24:54 Tout le monde est un peu KO, mais nous soufflons quand même les bougies.
00:25:00 [Rires]
00:25:02 Je me dis que j'ai de la chance.
00:25:04 Nous ne manquons de rien.
00:25:06 Nous nous trouvons bien dans notre maison.
00:25:08 Franck est en forme, ravi de sa nouvelle voiture,
00:25:12 et assez présent en ce moment.
00:25:14 Il s'occupe bien des enfants.
00:25:17 Avec lui, les bandes dessinées, les jeux dans le jardin, les couches propres.
00:25:23 [Bruit de bébé]
00:25:25 Pour moi, les couches sales, les tables de multiplication,
00:25:29 et les verbes irréguliers.
00:25:31 À croire que dans ce monde, les femmes ont tiré la mauvaise carte.
00:25:36 Alors on dit souvent que toutes les images amateurs se ressemblent.
00:25:42 Raconte un peu à quoi ça ressemble.
00:25:44 Là, vous avez vu, dans cet extrait, il y a une image qui est la seule qu'on ait trouvée,
00:25:51 c'est un enfant qui pleure.
00:25:53 L'histoire de la recherche des images amateurs,
00:25:57 je veux rendre hommage à Christine Loiseau qui a fait un travail extraordinaire.
00:25:59 Elle a fait la tournée de toutes les cinémathèques régionales.
00:26:02 On avait évidemment travaillé en amont ensemble pour identifier les images dont on avait besoin.
00:26:10 Et je lui avais demandé des enfants qui pleurent, des enfants qui rient,
00:26:15 des femmes qui font la vaisselle,
00:26:17 et donc des mariages.
00:26:20 Elle est revenue avec 70 heures de mariage, très bien,
00:26:25 et deux minutes de vaisselle, et un enfant qui pleure.
00:26:28 Et donc je lui dis "Christine, ça ne va pas, il faut que tu recommences".
00:26:32 Elle me dit "Là, je te promets, on travaille depuis très longtemps ensemble".
00:26:36 Elle me dit "Il n'y a pas".
00:26:38 Et en fait, c'est hyper intéressant parce que que ce soit avec un caméscope,
00:26:44 ou que ce soit avec un téléphone portable,
00:26:46 nous autres filmons toujours les mêmes choses.
00:26:49 On filme le dimanche, on ne filme pas le lundi.
00:26:53 On ne filme pas l'anniversaire, on ne filme pas la rentrée des classes.
00:26:55 On filme la joie, on ne filme pas les enfants qui pleurent.
00:26:59 On filme les vacances, on filme le premier enfant,
00:27:02 parce que le deuxième et le troisième, ce n'est plus une nouveauté.
00:27:05 On les filme petits, adolescents.
00:27:07 Autre image unique, c'est les enfants qui tournent, qui courent comme ça.
00:27:12 Parce que je lui disais "Mais trouve-moi des ados, ils vont grandir les enfants dans le film.
00:27:16 Trouve-moi des images d'ados".
00:27:18 Elle me dit "Je ne trouve pas, je n'ai pas d'images d'ados".
00:27:21 Donc c'est assez intéressant de voir qu'on ne sait filmer,
00:27:25 nous amateurs, que le bonheur.
00:27:28 Et le reste, le commun, le banal, et la tristesse, moins encore,
00:27:32 on ne la filme pas.
00:27:34 Et ça a été la difficulté du film, c'est-à-dire de trouver malgré tout,
00:27:38 là-dedans, des moments, toutes sortes d'émotions,
00:27:42 et pas seulement cette espèce de joie infligée.
00:27:45 Et comme disait Juliette, avec Nathalie,
00:27:50 on repérait à un moment donné une femme qui avait l'air un peu moins satisfaite
00:27:56 que son mari, vous voulez nous le faire croire.
00:27:58 Parce que oui, ce n'est pas beaucoup d'hommes qui filment les images amateurs,
00:28:02 ce sont que les hommes.
00:28:04 Il n'y avait que des hommes.
00:28:06 Pareil, j'avais dit à Christine "Trouve-moi des femmes", elle me dit "Il n'y en a pas".
00:28:10 Il y en avait une à la Cinémathèque de Savoie, mais qui était agricultrice.
00:28:15 Donc ça ne fonctionnait pas.
00:28:18 Mais sinon, il n'y en avait aucune.
00:28:20 Toutes les images sont tournées par des hommes.
00:28:22 Et c'est très intéressant, parce que du coup, ils sont absents du film.
00:28:25 D'une certaine manière, ils sont très présents,
00:28:29 mais en même temps, à l'image, on les voit très peu.
00:28:32 Et ça avait un sens par rapport à l'histoire qu'on racontait,
00:28:36 puisqu'ils sont absents à la journée, quand les femmes sont à la maison.
00:28:40 - Alors, combien d'heures de rush ?
00:28:44 Un peu de cuisine, de montage ?
00:28:47 - J'ai dû visionner en amont, 300, 400 heures, un truc assez phénoménal.
00:28:55 Et ensuite, j'avais fait un tri, je ne sais pas, 120 ?
00:29:02 Quelque chose comme ça, 120 heures.
00:29:05 - Pour l'avoir fait aussi, c'est un peu de l'hypnose, je trouve, de regarder.
00:29:12 Mais c'est aussi un plaisir.
00:29:15 C'est particulier de travailler une matière qu'on n'a pas nous-mêmes filmée.
00:29:19 - Je vais dire quelque chose d'un peu personnel,
00:29:24 mais j'ai perdu ma mère juste avant de commencer ce film.
00:29:29 L'idée m'était venue d'elle.
00:29:31 Et donc, j'ai fait mon deuil face à ces images.
00:29:35 Et c'est une très belle façon de faire un deuil.
00:29:40 Parce que tous ces gens sont partis.
00:29:44 Tous sont moins seuls.
00:29:45 Et elles prennent une force...
00:29:50 Tout à l'heure, on a utilisé le mot "sacré", qui me gêne un peu.
00:29:57 Mais elles prennent une force métaphysique.
00:30:03 Donc oui, je me suis laissée absorber pendant trois mois par ces images.
00:30:12 Et il y a quelque chose de très pratique, c'est qu'elles sont mal indexées
00:30:15 par rapport aux images professionnelles, qui sont extrêmement bien indexées.
00:30:18 Elles sont mal indexées.
00:30:20 Christine, qui me connaît bien, me disait "bon, je t'ai trouvé un mariage,
00:30:24 mais comme je te connais, je te mets les 45 minutes,
00:30:26 parce que vers la fin, ils vont au ski, peut-être qu'il y a un truc qui va t'intéresser".
00:30:30 Et effectivement, en regardant tout, c'est comme ça que j'ai trouvé des plans.
00:30:34 Il y a un plan, notamment, quand une femme se douche derrière une vitre en verre frappé.
00:30:41 Et on dirait un tableau.
00:30:45 C'est le plus beau plan du film.
00:30:47 C'est le plus beau plan. Avec Nathalie, on était là. Ce plan-là sera dans le film.
00:30:51 On n'en parle pas, on le regarde alors. C'est l'extrait numéro 4.
00:30:54 La commandante des suffragettes, elle le revendique d'ailleurs,
00:30:58 la première délibération se situe sur le plan sexuel.
00:31:03 Cette nuit, j'ai refait encore le même rêve.
00:31:06 Cette nuit, j'ai refait encore le même rêve.
00:31:09 Cette nuit, j'ai refait encore le même rêve.
00:31:13 Cette nuit, j'ai refait encore le même rêve.
00:31:40 Un rêve très troublant.
00:31:42 Un rêve si précis, si déchirant, que je me réveille en larmes.
00:31:47 Je suis jeune et je pars avec Marc.
00:32:07 J'ai bien mis cinq minutes à récupérer mes esprits,
00:32:10 regrettant l'espace d'un instant que ces gestes n'aient pas été faits,
00:32:14 ces mots n'aient pas été dits.
00:32:17 Mais pour moi, ce n'est pas permis. Ce n'est pas possible.
00:32:24 C'est trop tard.
00:32:27 Je me suis fait chier.
00:32:29 Je me suis fait chier.
00:32:32 Je me suis fait chier.
00:32:35 Je me suis fait chier.
00:32:38 Je me suis fait chier.
00:32:41 Je me suis fait chier.
00:32:44 Je me suis fait chier.
00:32:47 Je me suis fait chier.
00:32:50 Je me suis fait chier.
00:32:54 Et je vois une lointaine silhouette, pathétique et crispée, qui s'estompe.
00:32:59 C'est mon ancien moi que je ne rejoindrai plus jamais.
00:33:05 Je viens de passer une quinzaine abominable.
00:33:11 Le mot n'est pas excessif.
00:33:14 Comme me l'a confirmé le médecin, je refais bel et bien un épisode de dépression,
00:33:21 me dégoûtant, ne pouvant imaginer vivre ainsi jusqu'à la fin.
00:33:25 Je me suis fait chier.
00:33:27 Je me suis fait chier.
00:33:30 Je me suis fait chier.
00:33:33 Je me suis fait chier.
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00:51:48 - Plusieurs choses me viennent à l'esprit.
00:51:50 Déjà les photographies, Nathalie, tu n'avais pas le même regard,
00:51:54 non c'était toi Michel, sur l'image animée que sur l'image fixe.
00:51:58 - En fait, on s'est servi avec Nathalie des...
00:52:01 En fait, le temps des photos, il est un peu composé comme une chanson.
00:52:06 Ce film, il y a des refrains, il y a des ruptures comme ça.
00:52:11 Et le moment où je prends la parole, il est sur des photos.
00:52:16 On a choisi à chaque fois des regards caméra qui interpellent.
00:52:20 Et tout d'un coup, on entend les choses différemment à ce moment-là
00:52:25 parce qu'on les regarde, ces femmes, et on est...
00:52:28 Moi, en tout cas, l'effet que ça me fait, c'est que je me plonge dans leur intériorité
00:52:32 et en écho à ce que ma voix dit de leur situation.
00:52:37 Et c'était important de faire ces pauses-là régulières.
00:52:40 C'était un peu difficile à composer parce qu'on avait peur que ce soit
00:52:45 ennuyeux. On a eu des grands moments de doute sur le tempo.
00:52:51 Mais c'est un peu installé comme une évidence assez vite.
00:52:56 - Oui, puis c'est surtout le moment où, toi, tu peux aussi faire passer des idées politiques.
00:53:01 Et moi, ce que j'ai trouvé très intéressant avec ce film, c'est que
00:53:05 tu m'as fait comprendre que l'intime, en fait, c'était lié au politique.
00:53:12 Et ça ressort très bien, je pense, dans ces plages de photos.
00:53:15 Et ce que je voulais juste rajouter sur les photos, c'est que ça vient d'Anonymous Project.
00:53:21 C'est quelqu'un qui collecte les photos amateurs depuis plusieurs années,
00:53:27 qui en a des milliers. Et on parlait tout à l'heure de l'œil du filmeur.
00:53:32 Là, il y a l'œil du photographe. Et ce que j'ai trouvé intéressant,
00:53:35 cet été, il y a eu une exposition Martin Parr, Anonymous Project.
00:53:40 Et en fait, on se rend compte que si on regarde avec suffisamment d'émotion et d'intérêt,
00:53:45 l'œil du photographe rejoint l'œil de l'amateur.
00:53:49 - On a vu là dans l'extrait, on les appelait les images professionnelles, au début de la conversation.
00:53:59 Vous avez évidemment beaucoup travaillé aussi, le film étant en majorité constitué d'images d'amateurs,
00:54:05 mais aussi un petit peu d'images professionnelles.
00:54:08 C'était important de les mettre en contrepoint quelque part ?
00:54:11 - En fait, je voulais essayer de montrer comment l'histoire nous affecte.
00:54:17 Quand l'histoire est racontée dans le documentaire, souvent, on est à Paris, à Moscou, à New York,
00:54:26 et puis on nous raconte l'histoire de Churchill ou je ne sais.
00:54:30 Et nous, nous faisons aussi l'histoire à Limoges, à Saint-Alban-lès, à je ne sais où.
00:54:38 Et la grande histoire, elle rentre chez nous par la télévision, par la radio.
00:54:46 Et j'avais envie de... c'est une conversation qu'on a eue assez tôt,
00:54:50 il fallait effectivement qu'il y ait des espèces de repères chronologiques,
00:54:55 parce que le film commence dans les années 50 et se termine dans les années 80.
00:54:59 Donc il fallait qu'il y ait une progression comme ça.
00:55:02 Et je voulais que la progression de la grande histoire se fasse comme nous, nous l'expérimentons dans nos vies.
00:55:08 C'est-à-dire à travers la télévision, la radio, le journal intime, quand elle dit "Aujourd'hui, JFK est mort".
00:55:16 Donc je voulais qu'elle ait sa place, mais sa place dans leur vie à elle.
00:55:21 Donc c'est pour ça qu'on voit l'image dans le poste.
00:55:26 Et c'était très important pour nous à chaque fois d'installer ces extraits-là comme des contrechamps
00:55:32 de ce que ces femmes faisaient chez elles, en l'occurrence, regarder la télévision ou quand elles écoutent la radio, etc.
00:55:40 - L'une comme l'autre, quand on a parlé de montage, parce qu'après tout le temps qu'on a évoqué
00:55:50 de la collecte d'images, du déruchage, de la découverte des images,
00:55:55 des interrogations sur qui les films, etc.
00:55:57 vient celui de la création que vous faites à partir de ce matériau existant.
00:56:02 Il y a évidemment toujours la question qui nous traverse, notamment dans les films d'histoire,
00:56:08 de sortir de la posture de l'auteur, de l'autrice qui fait un récit et qui vient l'illustrer
00:56:15 avec tout un tas d'images faciles à trouver maintenant, vu tout le travail qu'ont fait les cinémathèques,
00:56:21 qu'elles soient privées ou que ce soit l'inagome, etc.
00:56:24 Vous m'avez toutes les deux parlé de l'importance de monter, de chercher à remonter des séquences.
00:56:28 Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ça ? Comment vous avez opéré ?
00:56:32 - Alors là, c'est partie de la volonté de Michel de monter ce film comme une fiction,
00:56:37 avec des séquences, un début, une fin.
00:56:41 Et donc en fait, on s'est dit, c'est pas grave que ça soit du noir et blanc, de la couleur, on mélange tout.
00:56:49 Et on prend quelqu'un, par exemple, qu'on a vu dans la scène du début sur le mariage,
00:56:54 la mariée se fait enlever, après elle voit une voiture qui part, la mariée à l'intérieur de la voiture,
00:57:01 donc tout ça c'est des archives différentes.
00:57:04 Et l'idée c'était de construire un récit à partir de ces archives différentes,
00:57:09 que ce soit en couleur ou en noir et blanc.
00:57:12 - En fait, l'idée c'est de reconstituer des moments.
00:57:16 Parce qu'en fait, une vie quotidienne, elle est faite de moments.
00:57:19 Et donc je voulais pas qu'on illustre les propos de ces femmes,
00:57:23 je voulais qu'on expérimente la vie de ces femmes.
00:57:26 Et donc c'était important que...
00:57:29 Par exemple, l'extrait qu'on vient de voir, on arrive chez quelqu'un qui est en train de passer l'aspirateur.
00:57:37 Et elle parle d'autre chose.
00:57:39 Elle raconte comment son fils, Philippe, lui a fait une crise le matin avant d'aller au collège.
00:57:45 Et je ne voulais surtout pas...
00:57:47 Moi j'étouffe un peu parfois dans les films où il n'y a pas d'espace entre le texte et l'image.
00:57:56 En tant que spectatrice, j'aime bien qu'il y ait un espace entre ces deux choses-là,
00:58:02 pour que moi je puisse y rentrer et y fabriquer quelque chose.
00:58:06 La réflexion, des souvenirs, je ne sais.
00:58:10 Et donc là pour moi, chaque étape du film, c'était des moments.
00:58:16 Il y avait le moment où elle fait le ménage, le moment où elle se marie, le moment où elle fait la vaisselle.
00:58:22 Et on essayait, avec cette matière foisonnante, de reconstituer ce moment avec des chants, des contrechants.
00:58:31 C'était assez jouissif.
00:58:33 On cherchait le chat par exemple au début, elle est en train de faire la vaisselle, elle se retourne.
00:58:39 J'imagine que dans l'archive d'origine, elle se retourne parce que son mari l'a appelée.
00:58:43 Et nous on a mis un chat parce que dans la réalité d'une femme au foyer, elle est seule à ce moment-là.
00:58:48 Lui il est au travail.
00:58:50 À ce moment-là on a mis un chat.
00:58:52 L'idée c'était de reconstituer des moments surtout.
00:58:58 Je suis très attachée aux moments.
00:59:00 -Tout le film, ton idée fixe c'était d'échapper à chaque instant à l'illustration.
00:59:05 -Ah oui.
00:59:08 -C'est possible de le faire complètement ça ?
00:59:09 Parce qu'on n'a pas tous envie de le faire mais qu'on le fait quand même un peu.
00:59:12 -Alors moi j'ai une telle allergie que...
00:59:15 La pauvre Nathalie d'ailleurs elle le sait, elle dit "non !"
00:59:19 Oui c'est possible.
00:59:22 Oui c'est possible, c'est plus compliqué, c'est plus dur, ça prend plus de temps, ça fait des journées plus longues.
00:59:30 Mais c'est possible.
00:59:36 -Est-ce que vous aviez toujours à chaque fois la bonne image ?
00:59:39 Ou alors il a fallu faire une croix sur certaines idées ?
00:59:42 -Alors non, j'ai l'impression qu'on n'a pas...
00:59:46 Je me souviens le passage sur l'amant, ce qu'on a vu là.
00:59:50 Quand j'ai vu dans les journaux intimes des femmes qui racontaient leurs histoires, ou leurs non-histoires le plus souvent,
00:59:59 parce que c'est compliqué d'avoir un amant quand on ne sort pas de la maison ou quasiment pas.
01:00:05 Et je me souviens en lire ça, il me dit "il faudrait absolument que ce soit dans le film ça,
01:00:11 c'est important de dire qu'elles avaient des envies sexuelles, sentimentales etc."
01:00:16 Et je me dis "mais comment illustrer ça sans avoir... comment on illustrait ça ?"
01:00:22 Et puis je me souviens je crois que je t'avais envoyé un SMS et à toi aussi je t'avais envoyé des captures,
01:00:27 parce que quand je suis tombée sur les images de lui et elle,
01:00:32 lui qui remonte ses petits biscottos et tout, elle qui se marre, je me suis dit "ça sera ça en fait."
01:00:37 Et là typiquement on n'est pas dans l'illustration, mais tout le monde comprend ce qui se passe entre lui et elle.
01:00:43 Il était magnifique ce film, c'était le monsieur qui remonte sa chemise, ses manches,
01:00:51 il filmait beaucoup, c'était un passionné, il faisait partie d'un club.
01:00:57 On a utilisé pas mal d'extraits de ses films, et celui-là était magnifique avec la lumière rasante du soir.
01:01:04 Et donc j'ai envoyé tout de suite, j'ai dit "bon je crois que cette scène-là, on a les images."
01:01:12 - Est-ce que le fait que ce soit justement des images amateurs, crée une sorte de liberté d'utilisation
01:01:19 qu'on ne prendrait pas s'il s'agit d'images professionnelles ?
01:01:22 Par exemple pour recréer une séquence ou quelque chose ?
01:01:26 - Non, ça c'est le parti pris.
01:01:27 - On peut tricher aussi avec des images d'autres fonds ?
01:01:31 - De toute façon on triche toujours.
01:01:33 Donc là en fait, le parti pris était radical dès le début, c'est ce que disait Juette.
01:01:39 Dès le début on annonce la couleur, on prend personne en défaut, et on explique que c'est le mentir vrai.
01:01:50 Notre honnêteté elle se situe dans la justesse, elle se situe dans la fidélité aux textes qui ont été écrits,
01:02:02 et à la mémoire de ces femmes.
01:02:05 Après, de toute façon, notre métier c'est une part de mensonge.
01:02:12 Donc le parti pris radical de dire "Allez, de toute façon on veut parler de ces femmes d'un point de vue générique,
01:02:22 donc nous allons utiliser ces archives d'une manière générique, comme un alphabet en fait."
01:02:28 Mais j'envisage tout à fait un jour de prendre des images professionnelles,
01:02:36 et d'avoir le même parti pris pour une raison ou autre évidemment,
01:02:40 rien n'est impossible à partir du moment où le parti pris est honnête, respectueux,
01:02:46 et est une forme la plus justement traduite du propos.
01:02:54 - C'est vrai que dans les archives, pour les films historiques, où on cite des événements particuliers,
01:03:01 on n'a pas cette liberté là, mais on est obligé de mettre des archives qui correspondent à un événement qu'on cite, etc.
01:03:09 Mais là c'est vrai qu'on n'est pas du tout dans ce cadre-là.
01:03:12 C'est aussi ce qui est fabuleux dans ce film, et dans les archives amateurs,
01:03:20 c'est qu'on peut aussi laisser place à l'imaginaire.
01:03:23 - Vous l'avez fait aussi pour Simone Seigneuret, vous prenez des archives de fiction,
01:03:28 et ça raconte tout ce qu'on voit dans les productions de portraits d'acteurs, d'actrices, réalisateurs, réalisatrices.
01:03:38 Des films qui sont entièrement faits avec des fictions, des chefs-d'oeuvre, où tout est retravaillé.
01:03:46 C'est une autre expérience, on l'a fait ensemble, de passer de Simone Seigneuret travailler avec les films de Baker,
01:03:54 puis travailler avec les amateurs.
01:03:56 Moi, bizarrement, je me sens bien plus confortable dans les films à travailler la matière amateur.
01:04:02 J'ai l'impression d'être avec les gens avec qui je travaille habituellement, les filmeurs.
01:04:07 Et quand on utilise les films de fiction, j'ai l'impression d'être un peu en contrebande.
01:04:12 Parce que tout d'un coup, cette question de l'intention qu'on voit dans l'image amateur de la personne qui filme,
01:04:21 ajoutée à l'intention de Michel, j'ai l'impression que ça fait partie de la même famille.
01:04:26 Quand on utilise un plan d'un chef-d'oeuvre pour illustrer un état de la biographie,
01:04:35 tout de suite c'est un peu plus complexe.
01:04:37 Sauf qu'on n'a pas illustré.
01:04:39 Je sais, mais c'était tout l'ambition.
01:04:44 Mais c'est quand même le film de quelqu'un d'autre.
01:04:47 Et là, je trouve que pour le coup, la question se pose tout le temps.
01:04:51 Parce qu'on est tout le temps sur la brèche de ne pas se retrouver à montrer Simone Seigneuret
01:04:56 qui prend un verre de whisky et dire qu'elle est alcoolo.
01:04:59 Parce que ça, ce n'est pas possible de travailler comme ça.
01:05:04 C'est cette question-là qui est tout le temps beaucoup plus posée.
01:05:06 Alors que c'est beaucoup plus intuitif et naturel dans le film amateur.
01:05:09 Pour autant, la personne qui filme, même amateur, il n'y a pas de matériau brut.
01:05:15 Elle est forcément là pour une raison, elle cadre cette façon pour une raison.
01:05:19 C'est pour ça que je dis qu'on sent son intention et que j'aime bien sentir l'intention qui converge vers celle de Michel.
01:05:25 Est-ce qu'on regarde un autre extrait ? On peut ?
01:05:33 On va regarder le numéro 7.
01:05:34 Mars 1953.
01:05:36 Midi, actualité.
01:05:38 Aujourd'hui, la moitié d'envoie est souveraine.
01:05:40 100 millions d'habitants acclamaient tous les ans sur la place rouge, Joseph Stalin est mort.
01:05:45 Le chef du plus vaste empire.
01:05:47 Parole pour moi, est-ce que vous avez envisagé que la femme pourrait gagner la vie du ménage
01:05:53 et que l'homme resterait à la maison ?
01:05:56 Disons que par nature, la femme est mieux faite pour être au foyer.
01:06:02 Mon mari a trouvé un poste à Brittany.
01:06:17 C'est une petite maison, un petit village.
01:06:22 Mon mari a trouvé un poste à Brittany.
01:06:24 C'est une nouvelle vie qui commence, loin de mon enfance.
01:06:28 Nous emménageons dans un petit appartement de la rue Camille Claudel.
01:06:35 Nous n'avons pas grand chose, enfin si, tous les magnifiques cadeaux de la liste de mariage.
01:06:43 Mais aucun meuble, à part mon lit bien étroit de jeunes filles.
01:06:47 Nous allons donc à la fois recommander un baillu, une table et quatre chaises pour la salle à manger.
01:06:57 J'apprends à découvrir ma ville d'adoption.
01:07:04 Mon mari, la seule personne que je connais, est maintenant absent toute la journée.
01:07:10 Les heures sont longues jusqu'à son retour.
01:07:16 Nous n'avons pas le téléphone et pour appeler mes parents ou tante Liliane, je descends à la cabine.
01:07:24 Cette nouvelle vie est très différente de ma vie d'avant.
01:07:29 Mais près de Georges, je suis tellement heureuse.
01:07:33 Et l'arrivée prochaine d'un bébé estompe un peu ce mal-être que je ressens.
01:07:39 Je voulais juste rajouter, tout à l'heure on a parlé du temps et en fait nous, je trouve en documentaire, on a la matière la plus belle, c'est le temps.
01:07:48 En fiction, ils ont l'imagination.
01:07:50 Mais nous, c'est ça qui séduit, je pense, beaucoup et qui touche beaucoup.
01:07:54 Et le mélange de toutes ces archives, de toutes ces images, de toutes ces images,
01:08:02 de tous ces moments qui sont là, c'est ce qui nous fait penser à la vie.
01:08:08 Et c'est ce qui nous fait penser à la vie.
01:08:11 Et le mélange de toutes ces archives, cette espèce de patchwork qu'on s'est permis au montage, c'était aussi tous ces temps.
01:08:22 Ça nous disait que ça ne s'est pas passé en 1986, que ça s'est diffusé sur une période longue.
01:08:31 Et c'est un beau médium du monde avec le documentaire parce que notre matière première, c'est le temps.
01:08:34 Et la fiction, il grimpe, c'est moche, ça ne marche pas.
01:08:38 Peut-être qu'avec l'intelligence artificielle, ça sera mieux, je n'en sais rien.
01:08:41 Mais pour l'instant, nous, on a un truc qui a une puissance dingue.
01:08:45 Notre matière première, c'est ça.
01:08:47 C'est le réel, mais le temps, c'est le présent, mais c'est aussi hier.
01:08:52 Et ça, c'est vertigineux.
01:09:00 - Les images ne sont pas dans le format d'origine.
01:09:03 Vous avez retaillé dedans.
01:09:05 Alors, est-ce qu'on peut faire ça ?
01:09:07 - Alors...
01:09:09 - Je vais vous laisser.
01:09:11 - Il y a plein de choses sur lesquelles on a triché.
01:09:14 On a triché là-dessus, on a triché sur le son aussi.
01:09:16 Alors, ça, c'était pareil.
01:09:21 Je crois que sur le son, Juliette, elle avait des réserves.
01:09:25 Je crois que j'ai le souvenir d'une conversation qu'on avait eue à propos du son.
01:09:30 Parce qu'effectivement, on a habillé le film,
01:09:32 tous ces films à peu près, où la grande majorité étaient muets.
01:09:36 Mais encore une fois, mon intention, c'était d'en faire un film de mémoire
01:09:42 et un film politique dans lequel on expérimenterait la vie de ces femmes.
01:09:49 Et donc, pour que l'expérience soit complète,
01:09:52 j'ai souhaité faire du design sonore.
01:09:57 Alors, il n'est pas complet.
01:09:59 On a joué sur certains éléments, on n'a pas voulu en rajouter des tonnes.
01:10:04 Et puis aussi, être plein cadre.
01:10:08 Que rien ne nous distrait de la respiration, du moment, de l'aspirateur,
01:10:15 de la Jacque Citron, enfin bref, tous ces trucs hyper importants, pour moi.
01:10:19 Et donc, ce choix a été très rapidement fait, dès le début.
01:10:26 - Oui, et puis c'était aussi dans un souci d'uniformité,
01:10:29 parce qu'on avait des formats différents,
01:10:31 donc pour garder vraiment un plein cadre tout le temps,
01:10:34 pour ne pas être perturbés par des changements de format.
01:10:38 - Mais du coup, vous apposez une sorte de deuxième regard,
01:10:45 un regard vraiment de fabricant sur l'image qui existe déjà.
01:10:48 - Ah oui, c'est devenu une matière.
01:10:52 On a essayé de ne pas lui faire dire le contraire de ce qu'elle racontait à l'origine.
01:10:59 Je pense qu'on a été honnête de ce point de vue-là.
01:11:03 Mais une fois qu'elle se situait bien dans le sens de ce qu'elle voulait dire à l'origine
01:11:09 et de ce que nous, on cherchait à dire,
01:11:11 elle est devenue effectivement une matière parmi d'autres,
01:11:17 pour monter ce moment justement à la manière d'une fiction,
01:11:21 avec des champs, des contre-champs, la constitution d'un espace.
01:11:24 Et là, on allait chercher l'image pour fabriquer cet espace.
01:11:30 - On recadre encore, enfin avec des images actuelles.
01:11:34 Maintenant, je sais que j'avais produit un film qui s'appelle
01:11:38 "L'héroïque cinématographe sur les chefs opérateurs de guerre 14"
01:11:41 de Laurent Veyret et Agnès de Sassy.
01:11:45 Et la question, c'était les images.
01:11:48 Donc on travaillait dessus.
01:11:50 Quand à un moment a été évoqué l'idée de recadrer en 16/9,
01:11:55 ça a été problématique, donc on ne l'a pas fait.
01:11:58 Et donc c'était tout un débat, cette fameuse question de retoucher ou pas, de recadrer.
01:12:04 Et c'est en train de s'inverser, je vois bien, parce que là, en ce moment,
01:12:08 sur des choix de caméras où il y a des chefs op, ou réalisateurs,
01:12:11 qui disent "non mais je veux celle-là, parce que je peux recadrer dedans".
01:12:14 Et ça devient un argument inverse.
01:12:17 Donc tu recadres dans des images tournées aujourd'hui.
01:12:21 Oui, on tourne en 4K, on recadre dedans.
01:12:25 Alors, je regarde juste l'heure, parce que je nous vois.
01:12:31 Je vous pose une dernière question, puis on va peut-être permettre un échange avec notre assistance.
01:12:36 Est-ce que vous avez eu des surprises les unes et les autres dans l'ensemble de cette aventure filmique ?
01:12:43 Moi, je crois que c'est surtout la qualité des images amateurs.
01:12:46 Moi, j'ai été assez bluffée par la qualité des images.
01:12:50 Et par l'émotion, effectivement, qu'elles dégageaient.
01:12:54 Moi, c'est surtout la réception du film qui m'a surprise.
01:13:00 En fait, c'est les femmes qu'on a croisées.
01:13:05 Les hommes, moi, surtout, dans les projections.
01:13:10 C'est très prolixe de parler de soi en permanence, de se souvenir.
01:13:14 Et tout d'un coup, il y en avait qui étaient très troublés d'être troublés de le réaliser maintenant.
01:13:23 Et il y avait des gens qui sortaient un petit peu hallucinés de se dire "mais j'avais pas pensé, j'avais pas vu".
01:13:31 Et de revisiter rétrospectivement leur vie.
01:13:34 La vie de leur mère, de leur grand-mère, etc.
01:13:38 C'était impressionnant de voir cette émotion-là.
01:13:41 Et puis, du côté des femmes, de voir des vieilles dames touchées.
01:13:49 Parce que, tout d'un coup, ça m'est arrivé plein de fois que des vieilles dames viennent à la fin et disent "c'est ma vie".
01:14:04 Parce que pour moi, l'enjeu, c'était la justesse.
01:14:08 Forcément, ces retours-là sont pour moi extrêmement précieux.
01:14:13 - Alors, est-ce qu'il y a des questions ?
01:14:18 - Bonjour, j'avais une question.
01:14:31 C'est un film de mémoire et pas un film d'histoire.
01:14:34 Et pourtant, il y a un énorme travail sur des sources, qui est un travail d'historien.
01:14:38 Il y a un travail de recomposer des trous à partir de ces sources, qui est une histoire qui est oubliée.
01:14:42 Donc pour moi, il y a vraiment un vrai travail d'historien, une vraie démarche historique.
01:14:46 Du coup, je voulais vous demander quelle est pour vous la différence entre histoire et mémoire ?
01:14:50 Parce que moi, je trouve que c'est plus un film d'histoire qu'un film de mémoire.
01:14:53 - Alors, je dis ça parce qu'en fait, pour moi, la différence, c'est le travail.
01:14:59 Pour moi, un livre d'histoire sur le sujet, ce serait le travail d'une thèse de nombreuses années, etc.
01:15:11 Moi, je n'y ai consacré qu'une année, finalement.
01:15:14 Donc c'est pour ça que je dis ça.
01:15:17 Et puis, je n'ai pas une démarche scientifique non plus.
01:15:22 C'est-à-dire que je m'appuie sur un nombre assez restreint de journaux intimes.
01:15:27 Donc voilà, c'est simplement pour ça.
01:15:30 Et c'est aussi pour ça que je tenais à ouvrir le film avec le souvenir de mes parents.
01:15:37 Parce que je voulais justement exprimer la subjectivité d'entrée.
01:15:47 Et ne pas prétendre à une exhaustivité quelconque.
01:15:52 J'espère que le travail d'histoire va venir maintenant.
01:15:56 Ce que l'on souhaite, c'est que ce film donne envie à de jeunes étudiants ou de jeunes étudiantes
01:16:00 d'explorer ce moment de l'histoire des femmes.
01:16:04 Pour moi, il y a eu la révolution féministe, la deuxième, celle du vote,
01:16:09 dans la première moitié du XXe siècle, dirons-nous.
01:16:13 En gros, ça dépend des pays.
01:16:15 Et puis, la troisième révolution féministe qui a lieu dans les années 70.
01:16:22 Entre les deux, les Trente Glorieuses, on estime qu'il ne s'est rien passé.
01:16:26 Or, pour moi, ces femmes-là, elles sont le chénon manquant entre ces deux révolutions.
01:16:32 Et il y a tout un travail historique à faire.
01:16:36 J'espère que le film donnera à quelqu'un envie de le faire.
01:16:40 - Bonjour.
01:16:43 Il y a dans votre documentaire la réflexion d'un commentateur,
01:16:51 "débarrassez-vous de votre air faussement..."
01:16:56 Je ne me souviens plus exactement.
01:17:03 - Apprêté ou emprunté, quelque chose comme ça.
01:17:06 - De votre air faussement ménager.
01:17:08 "Débarrassez-vous de votre air faussement ménager."
01:17:14 Et je me demandais, si vous étiez demandé à ce moment-là,
01:17:19 si vous étiez d'un cynisme un peu pernicieux,
01:17:21 ou alors d'une ignorance, je veux dire, flagrante,
01:17:26 de ce que la femme ressent quand son mari la filme,
01:17:31 alors qu'elle fait la vaisselle.
01:17:34 - Alors, cet extrait-là, il était très important pour moi
01:17:41 de faire ressentir le sexisme de l'époque.
01:17:46 En fait, je l'ai appris avec Simone Signoret,
01:17:50 quand on a travaillé sur Simone Signoret.
01:17:52 Quand j'ai commencé à bosser sur Simone Signoret,
01:17:57 j'ai écouté plein d'archives,
01:18:00 et j'étais hallucinée par les questions.
01:18:03 Et je me suis dit, quand on fait un documentaire biographique,
01:18:07 on enlève les questions, formellement, c'est une espèce de réflexe,
01:18:11 on enlève les questions, on garde les réponses,
01:18:14 on ne se rend pas compte face à quoi se situent les questions.
01:18:17 Et là, du coup, depuis ce film-là, quand je parle d'histoire,
01:18:21 surtout d'histoire des femmes,
01:18:23 j'ai toujours le souci de reconstituer le contexte sexiste de l'époque.
01:18:29 Donc, c'était important, on avait fait une sélection
01:18:33 dans les archives de l'INA, de moments sexistes.
01:18:36 Alors, on n'en a pas mis trop, parce qu'aujourd'hui,
01:18:39 on a l'impression que c'est une caricature,
01:18:42 mais en fait, c'était l'ère du temps,
01:18:44 et c'est ce avec quoi elle devait vivre.
01:18:48 Donc, on a assaisonné, avec un peu de vinaigre,
01:18:54 le film comme ça, avec quelques moments sexistes,
01:18:58 qui font rire aujourd'hui, mais qui étaient une banalité à l'époque.
01:19:02 Donc, voilà comment ces choix ont été faits.
01:19:05 Et j'espère qu'on ne voit pas ça comme la faute d'un homme,
01:19:11 mais comme un moment dans l'histoire qui n'était pas...
01:19:15 Il y a quelqu'un un jour qui m'avait dit,
01:19:17 parce qu'il y a un présentateur télé aussi, qu'on n'a pas vu là,
01:19:20 mais qui est assez...
01:19:22 Et quelqu'un m'a dit "quel con celui-là".
01:19:25 Non, j'espère que les gens ne se disent pas "quel con celui-là",
01:19:30 mais que plutôt se disent "quelle époque c'était".
01:19:34 - Ce qui est intéressant, c'est qu'on l'entend, nous, aujourd'hui,
01:19:40 et qu'elle l'entende, elle, à l'époque.
01:19:41 C'est-à-dire que tu as dans le même extrait,
01:19:43 on a les deux lectures temporelles qui s'opèrent un peu au même moment.
01:19:47 - Rémi Lénet ?
01:19:51 - Une question de Françoise de La Ciotat.
01:19:53 Les connaisseurs de La Ciotat reconnaîtront sans doute Françoise Romand, j'imagine,
01:19:56 qui a une question un petit peu en marge, c'est un pas de côté,
01:19:59 mais sur les choix musicaux du film.
01:20:01 Et puis après, j'ai une deuxième question.
01:20:03 - Alors la musique, en fait, je me suis fait plaisir sur la musique.
01:20:09 Je me suis dit, il faut une musique accessible aussi,
01:20:12 parce que ces femmes, qu'est-ce qu'elles font ?
01:20:14 Elles écoutent la radio, elles écoutent la musique populaire.
01:20:17 Donc je voulais vraiment une musique de film accessible, comme ça.
01:20:23 Et je travaille depuis très longtemps avec quelqu'un qui s'appelle Emmanuel Delétan,
01:20:26 qui est éditeur, on se connaît très bien.
01:20:29 Et donc je suis allée le voir et je lui ai dit, écoute,
01:20:33 dans mes rêves les plus fous pour ce film,
01:20:37 je voulais quelqu'un qui puisse me composer des chansons,
01:20:41 parce que je veux des chansons.
01:20:43 Et alors, si possible en italien, parce que l'italien,
01:20:47 c'est le marketing de l'amour.
01:20:50 Donc en gros, c'est la promesse de tout va être beau, etc.
01:20:54 Et c'est ce qu'elles écoutent.
01:20:57 C'est pour ça qu'il y a Dalida au début, on vend le truc.
01:21:00 Ce qui se passe après, on ne chante plus, mais au début.
01:21:03 Et donc je voulais cette espèce de truc-là.
01:21:06 Et ça tombe bien, je travaille avec un groupe qui s'appelle "Les Festi Antonacci",
01:21:10 deux Italiens, je te les fais rencontrer.
01:21:13 Et c'était un régal, ils étaient extraordinaires.
01:21:17 Ils étaient d'abord très bons et en plus très drôles.
01:21:21 Donc on s'est vraiment régalé.
01:21:23 Ils étaient là, je suis dans le confinement, je vois très bien ce qu'elles vivent.
01:21:28 Je vis la même chose, j'ai un petit-fille, j'ai un petit-fille,
01:21:31 je vis la même chose, je vois très, très bien, je comprends.
01:21:35 Ils ont fait des chansons, moi je les trouve vraiment...
01:21:38 Je les écoute en faisant le ménage, moi, maintenant, ces chansons.
01:21:41 Donc voilà.
01:21:45 En tout cas, Michel, tout ce qu'on voit de votre film,
01:21:49 ça touche, c'est formidable, et la manière dont vous en parlez,
01:21:52 que les choses soient très claires, mais je vais me faire un tout petit poil
01:21:54 l'avocat du diable derrière, c'était pour...
01:21:56 On disait, on triche toujours, évidemment on triche toujours.
01:21:59 Mais jusqu'à quel point on a le droit de tricher avec des images comme ça,
01:22:03 qu'on va piocher dans l'intimité, puisque c'est quand même...
01:22:05 La femme sous sa douche, le type, après tout, qu'on désigne comme un amant,
01:22:09 peut-être que, je ne sais pas, il est homosexuel,
01:22:11 ou il dirait "mais jamais je pourrais avoir une aventure avec cette femme-là".
01:22:14 Qu'est-ce qui nous autorise, nous, à utiliser les images des autres
01:22:18 pour notre propos, pour nourrir notre propos ?
01:22:20 C'est quoi le garde-fou ?
01:22:22 Parce que quand on filme des gens, il y a leur droit à l'image.
01:22:24 Ils disent "non, Coco, ça, je ne veux pas que ça passe".
01:22:26 Ou "Cocotte", pardon.
01:22:28 Et là, il y a quelque chose, quand même, qui est un peu sensible, je dirais.
01:22:32 Une limite sensible.
01:22:33 - Je suis d'accord.
01:22:35 Je suis d'accord et je n'ai pas une réponse forcément claire.
01:22:39 Moi, ce qui m'a donné l'autorisation, c'est le fait que ces images ont été
01:22:45 déposées dans des lieux publics, avec une autorisation d'usage a priori.
01:22:54 Ça, c'est la première étape.
01:22:56 La deuxième étape, c'est qu'ensuite, les cinémathèques de région
01:23:01 vérifient aussi l'usage qu'on en fait.
01:23:03 Évidemment.
01:23:05 Ils n'autoriseraient pas.
01:23:07 Ils ont confiance dans le lien avec la documentaliste, Christine.
01:23:13 Ils sont au courant du projet.
01:23:15 Alors, effectivement, ils ne voient pas le film avant qu'il soit diffusé.
01:23:20 Mais quand même, il y a quelques gardes-fous au préalable.
01:23:24 Mais effectivement, c'est le gars qui relève ses manches,
01:23:29 et c'est sans doute pas sa maîtresse, c'est sans doute sa femme,
01:23:32 ou sa future femme, je ne sais.
01:23:34 Il y a effectivement une liberté que j'ai prise,
01:23:43 dont on peut débattre volontiers.
01:23:47 Je n'ai pas une réponse nette là-dessus.
01:23:50 - Le premier élément de réponse, c'est la possibilité d'en disposer.
01:23:54 C'est déjà une réponse, je crois.
01:23:56 - Oui.
01:23:57 - Oui, alors, je crois que j'ai deux questions.
01:24:07 D'abord, est-ce que c'était dépressif pour vous ?
01:24:10 Est-ce que vous étiez déprimée à lire ces lettres,
01:24:14 à voir ces images et à être dans cet univers-là ?
01:24:18 Et l'autre question, c'est aussi par rapport aux images.
01:24:24 Vous avez parlé d'une dame à qui vous avez demandé
01:24:26 si vous pouviez utiliser les courriers de sa mère.
01:24:29 Donc, est-ce que vous avez demandé des autorisations à tout le monde ?
01:24:34 Puisqu'en même temps, vous dites qu'ils les ont déposées dans les cinémathèques.
01:24:38 Est-ce qu'il fallait des autorisations ?
01:24:40 Est-ce qu'il fallait acheter aussi les archives ?
01:24:42 Est-ce qu'il y avait un coût ?
01:24:44 Et est-ce que vous vous êtes mis en contact avec tous ces gens-là,
01:24:49 comme avec la dame pour les cartons de sa mère ?
01:24:52 Première question de dépression.
01:24:53 Ok, première question de dépression.
01:24:56 Non.
01:24:58 C'était très joyeux parce qu'on avait l'impression de découvrir un trésor,
01:25:06 de rendre hommage, de donner à voir,
01:25:10 de découvrir qu'on allait partager.
01:25:13 Au contraire, j'ai l'impression qu'on n'arrêtait pas de s'appeler en disant
01:25:17 "Ah, j'ai vu un nouveau truc, elle est là, Françoise, Anna".
01:25:21 Il y avait des noms, donc au contraire, moi je suis antidépressif au possible.
01:25:25 Oui, c'était très joyeux.
01:25:27 Et puis en plus, avec la musique qui était hyper joyeuse,
01:25:30 donc ça c'était vraiment bien.
01:25:32 Et puis juste pour revenir sur sa question des archives,
01:25:35 il y a aussi l'idée d'utiliser ces archives
01:25:39 et de les faire revivre un peu ces gens à l'image.
01:25:43 On se disait "Ah ben lui, il a dû avoir cette vie-là".
01:25:45 On se racontait aussi nous, notre propre histoire par rapport à eux,
01:25:48 et puis ils revivaient sur l'écran.
01:25:50 Donc finalement, c'est aussi, je pense,
01:25:52 leur rendre un hommage d'utiliser leurs archives.
01:25:55 - Oui, c'est vrai, il y avait ça aussi.
01:25:57 On passait du temps à faire ça, à se dire que du coup,
01:26:00 ils n'allaient pas dormir dans un carton
01:26:02 et qu'ils allaient ressusciter l'espace d'un film.
01:26:06 Donc sur la dépression, voilà la réponse.
01:26:08 Et puis sur les archives et les autorisations,
01:26:11 il faut distinguer les images et les textes.
01:26:15 Pour les images, on n'a pas besoin de demander l'autorisation
01:26:19 quand elles sont déposées dans les cinémathèques régionales.
01:26:21 Les propriétaires de ces images signent une décharge
01:26:26 comme quoi elles peuvent être utilisées.
01:26:28 - Ils libèrent leurs droits.
01:26:30 - Ils libèrent leurs droits.
01:26:32 Ce qu'on paye, je crois que ce sont que des frais techniques
01:26:34 et d'entretien pour les cinémathèques.
01:26:36 Ils ne reçoivent même pas d'argent après.
01:26:38 Et dans les 1 000 euros dont parlait Juliette tout à l'heure,
01:26:41 les 1 000 euros à la minute, à peu près, ça va de 700 à 1 000,
01:26:45 je crois, un truc comme ça.
01:26:48 Après pour les textes, l'association pour autobiographie,
01:26:50 elle demande à ce qu'on contacte toutes les personnes
01:26:54 qui ont écrit ou leurs descendants.
01:26:57 Donc on l'a fait à chaque fois et on a eu l'autorisation à chaque fois.
01:27:01 - Bonjour.
01:27:07 Moi, ce n'est pas vraiment une question, c'est plutôt une réflexion.
01:27:09 Vous dites que c'est l'histoire oubliée des femmes.
01:27:13 Il y a une grande partie qui a été occultée
01:27:15 dans l'histoire des femmes au foyer.
01:27:17 Est-ce que vous pensez qu'on pourrait dire
01:27:18 que c'est quand la société n'est pas tout à fait à l'aise
01:27:21 avec ce qui s'est passé et comment on a occulté leur histoire
01:27:25 et qu'il y a un lien avec encore le présent aujourd'hui
01:27:29 comme c'est encore maintenant la vie de certaines femmes ?
01:27:32 Est-ce que c'est aussi pour ça que justement,
01:27:34 on n'est pas encore tellement intéressé,
01:27:36 on n'en a pas encore assez parlé ?
01:27:38 Et est-ce que vous pensez que c'est seulement encore avec du recul
01:27:42 et quand il y aura une plus grande évolution encore
01:27:44 qu'on pourra porter un regard encore plus clair
01:27:46 et qu'on pourra porter un regard encore plus objectif ?
01:27:49 Objectif, oui.
01:27:51 Historique.
01:27:53 Alors en fait, ça c'est ma modeste analyse,
01:27:57 mais elles pâtissent d'une double punition les femmes au foyer.
01:28:03 C'est-à-dire qu'elles étaient invisibles dans la société dans laquelle elles ont…
01:28:06 Parce qu'en fait, je me suis consacrée à la deuxième moitié du XXe siècle.
01:28:11 Il existe des femmes au foyer aujourd'hui,
01:28:13 mais aujourd'hui c'est un choix.
01:28:15 Enfin, dans une large mesure, c'est un choix.
01:28:17 A l'époque, c'était un destin.
01:28:19 On vendait ça aux femmes en leur disant, c'est ça, le…
01:28:22 l'acmé, le truc, le plus dingue que tu puisses vivre,
01:28:26 c'est d'être femme au foyer.
01:28:28 Enfin, le plus beau destin de femme, c'est celui-ci.
01:28:30 On leur a vendu ça à l'époque et c'était très dur de s'en dégager.
01:28:33 Aujourd'hui, on est femme au foyer par intermittence.
01:28:35 On est femme au foyer parce qu'on est au chômage
01:28:37 ou parce qu'on veut s'occuper de ses enfants à un moment donné.
01:28:39 Enfin bref, on peut rentrer et sortir de ce rôle-là.
01:28:42 Pour moi, c'est autre chose.
01:28:44 Ce qui m'intéressait, c'était le destin.
01:28:45 Et à l'époque, elles étaient donc invisibles,
01:28:50 sauf dans leur rôle caricaturé.
01:28:54 Et elles étaient aussi invisibles aux yeux des féministes
01:28:57 parce qu'elles étaient les adversaires politiques des féministes.
01:28:59 Donc les féministes…
01:29:01 Il y en a une quand même, pas la moindre, Simone de Beauvoir,
01:29:04 qui en parle dans le deuxième sexe.
01:29:07 Il y a Betty Friedan.
01:29:12 Il y a quand même quelques ouvrages,
01:29:14 mais on les compte sur les doigts d'une main.
01:29:16 Mais sinon, les féministes, les femmes au foyer,
01:29:20 c'était l'adversaire politique.
01:29:22 Elles étaient conservatrices.
01:29:24 Je pense que pendant les années 70-80,
01:29:27 elles n'ont pas tellement intéressé pour cette raison-là.
01:29:30 Comment ?
01:29:32 Ça dépend de leur milieu d'origine, là, aux féministes.
01:29:36 Mais oui, ça pouvait être leur mère en plus.
01:29:40 Le temps passant, effectivement, ça va peut-être libérer des choses.
01:29:44 Et puis, il y a le phénomène qui se passe aujourd'hui,
01:29:47 c'est-à-dire le renversement des récits.
01:29:49 C'est ça dont elles bénéficient aussi.
01:29:51 À un moment donné, on se rend compte qu'il n'y a pas qu'un seul récit
01:29:56 qui en a plein et qu'il faut aller les chercher.
01:29:59 Donc, oui, j'ai l'espoir que…
01:30:02 Je compte beaucoup sur la génération qui vient
01:30:05 pour aller creuser ça un peu.
01:30:07 - Je trouve ça très intéressant et j'ai hâte de voir le film.
01:30:15 Vous avez beaucoup de chance d'avoir eu accès à ces sources originales et rares.
01:30:21 Et en fait, vous faites vraiment un travail d'historienne
01:30:26 parce que vous partez de sources et vous les interprétez.
01:30:31 Vous faites de l'histoire, non pas avec des mots,
01:30:33 en écrivant un livre, mais avec un film.
01:30:36 Du coup, ça m'interroge par rapport à la légitimité historique du film.
01:30:42 C'est-à-dire, est-ce que le cadre dans lequel vous situez votre fond et votre champ…
01:30:48 Vous avez parlé de la deuxième moitié du…
01:30:51 Finalement, vous avez un cadre assez précis, mais est-ce qu'il est suffisamment défini ?
01:30:55 Est-ce que vous avez…
01:30:57 Même si vous avez appelé une historienne et qu'elle a dit qu'il n'y avait rien eu de fait,
01:31:01 est-ce que vous avez eu envie de faire valider
01:31:04 de creuser avec des historiens dont c'est le métier,
01:31:07 qui travaillent sur l'histoire de la société, l'histoire contemporaine, l'histoire des mentalités,
01:31:11 pour voir si ce que vous ressentiez instinctivement en tant que réalisatrice d'un film d'histoire,
01:31:16 ça rejoignait finalement l'analyse qui était proposée par les historiens ?
01:31:23 Vous voyez ce que je veux dire ?
01:31:25 - Oui, oui. Alors, j'ai effectivement beaucoup lu ce qui existait
01:31:32 et j'ai rencontré la seule femme en France qui a écrit un livre vraiment proprement
01:31:38 sur l'histoire des femmes au foyer qui s'appelle "Le travail et la vertu".
01:31:41 C'est une femme, c'était sa thèse dans les années 60,
01:31:45 après elle a fait une orientation complètement différente.
01:31:48 Et voilà, on a beaucoup échangé ensemble.
01:31:52 Mais non, je ne suis pas allée me faire valider mes intuitions.
01:31:59 Je les ai travaillées dans le cadre de lectures
01:32:03 et je me suis beaucoup effectivement inspirée de Beauvoir, de Betty Friedan.
01:32:09 - On pense à Michel Perrault peut-être ?
01:32:12 - Oui, mais sur les femmes au foyer ?
01:32:14 - Peut-être que je me trompe, mais peut-être qu'il manque de données, c'est simplement ça.
01:32:19 Il faut des chiffres pour passer à l'étape supérieure.
01:32:21 - Je ne sais pas, mais en tout cas, sur le sujet précis, sur les femmes, bien sûr qu'il y a plein de choses.
01:32:27 Sur les femmes au travail, il y a beaucoup de choses.
01:32:29 Sur les mères, il y a quelque chose.
01:32:31 Mais sur les femmes au foyer, il n'y a rien.
01:32:34 Ce ne sont pas les mères au foyer, c'est les femmes au foyer.
01:32:38 Elles sont mères parfois, enfin souvent, le plus souvent,
01:32:41 mais c'était les femmes au foyer qui m'intéressaient.
01:32:44 Et vraiment, c'est un angle mort.
01:32:48 - Mais puisque finalement, quand vous en parlez, il y a un champ qui se précise,
01:32:54 c'est bourgeoise, c'est une époque, les années 50, jusqu'à là.
01:32:59 Vous avez parlé des révolutions féministes, donc avant la révolution des années 70.
01:33:05 Donc finalement, vous êtes sur une image de la France qui n'est pas celle d'aujourd'hui multiculturelle.
01:33:12 Il y a quand même un champ assez précis qui est défini.
01:33:15 - Oui.
01:33:17 - Est-ce que vous, enfin je n'ai pas vu le film, mais est-ce que vous définissez clairement ce champ ?
01:33:23 - Dès le début, je veux justement donner le cadre dans lequel vous avez pris la liberté de monter ces archives.
01:33:32 - C'est pour ça que c'est important de le voir, parce qu'elle explique bien comment on sort de l'industrialisation,
01:33:38 comment on arrive aux bourgeois qui sont contents de pouvoir offrir une vie au foyer.
01:33:44 Et donc tout le cadre est précisé.
01:33:46 - Après, c'est un film, ce n'est pas une thèse.
01:33:50 Vous en parliez un peu de bienne narration tout à l'heure, c'est justement par les textes et les images choisies qu'elle construit sa vision.
01:33:56 Elle ne fait pas intervenir, je parlais de données tout à l'heure, elle ne fait pas intervenir de données là-dessus.
01:34:02 - Oui, mais je veux dire que par rapport à la communauté des historiens qui consacre souvent à un sujet toute une vie d'enquête, de recherche, de réflexion,
01:34:14 même en échangeant à l'échelon international, c'est vrai que quand on s'appuie sur le médium télévisuel, on a accès à un immense public.
01:34:25 Donc on fait un travail peut-être de vulgarisation scientifique.
01:34:29 Et donc pour moi, il me semble important quand on fait de l'histoire ou quand on fait un film pour art et science sur une approche scientifique,
01:34:39 de voir en tête cette généalogie de la pensée aussi et la validation du travail des historiens.
01:34:47 - Alors la généalogie, je suis d'accord, la validation pas forcément.
01:34:50 - Non pas forcément, mais disons un accompagnement.
01:34:53 - Oui, mais ça c'est... De toute façon la rigueur pour moi c'est l'acte premier, c'est l'exigence première,
01:35:04 on est les seuls, dans la salle de montage, on est deux pour protéger le spectateur. On peut faire ce qu'on veut.
01:35:09 Donc cette rigueur-là, elle est là. Après la validation c'est encore autre chose.
01:35:15 J'ai travaillé avec des historiennes sur d'autres sujets, mais là, ce qui m'importait, c'était la voix des femmes au foyer.
01:35:25 C'est pas une thèse sur les femmes au foyer, c'est une expression de leur expérience. C'est une synthèse de leur récit à elles.
01:35:34 C'est ça qui m'intéresse. C'est pour une fois, c'est elles qui sont intelligentes. On n'est pas intelligents à leur place.
01:35:41 - Non bien sûr, mais l'histoire contemporaine elle est partie maintenant dans cette direction-là,
01:35:46 Martine Sonnet avec Atelier 62 qui reprend l'autobiographie de son grand-père.
01:35:53 Donc il y a entre la fiction, le documentaire et l'approche historique "scientifique" dans l'histoire collective.
01:36:00 On n'est plus dans les grands événements, les grandes personnes.
01:36:05 Finalement, le médium télévisuel, c'est un enrichissement formel de la façon dont on fait de l'histoire aujourd'hui.
01:36:17 C'est vrai que c'est un enjeu très fort parce que la télévision amène une idée ou une réflexion à être vue par un très grand nombre de téléspectateurs.
01:36:28 - Absolument.
01:36:30 - C'était juste une intervention rapide suite à ce que tu... Bonjour Michel, bonjour tout le monde.
01:36:42 - Très intéressante effectivement sur un passage de l'histoire.
01:36:47 Et ce qui était intéressant aujourd'hui c'est de voir, et donc il y a plusieurs papiers aujourd'hui qui disent que le paradigme a changé.
01:36:53 Les femmes peuvent aujourd'hui être plus autonomes, mais aujourd'hui justement elles disparaissent complètement des photos.
01:36:59 C'est elles qui prennent les photos.
01:37:01 Et que le bonheur c'est de voir leurs hommes s'occuper de leurs enfants à un moment donné, justement la poussette, le machin, quand ça va bien.
01:37:10 Et en fait une femme a fait une radiocopie des photos et de voir que les femmes disparaissaient du champ de l'image.
01:37:16 - Très intéressant.
01:37:18 - C'était une discussion de voir quand elles apparaissent, elles sont sous l'œil de l'homme et contraintes.
01:37:24 Et quand elles ne sont pas là c'est pour donner la part belle aux hommes.
01:37:27 Et en tout cas c'est ce qui apparaît un peu plus aujourd'hui.
01:37:29 On en discutait un petit peu ici, on en a un petit peu dans ce cas-là.
01:37:33 C'était pour partager en tous les cas une évolution de l'image de la femme.
01:37:38 - De toute façon l'étude de l'image est intéressante pour ce qu'elle montre et pour ce qu'elle ne montre pas.
01:37:42 Donc on peut toujours tourner autour.
01:37:44 - Bonjour, juste une question, je rechange de thématique à propos de raconter avec les images des autres.
01:37:51 Ce que vous faites dans le film, que je trouvais vraiment remarquable, c'est que non seulement vous racontez avec les images des autres,
01:37:56 mais vous le faites en plus avec des fragments d'histoire.
01:37:58 Vous l'avez dit tout à l'heure, le principal enjeu narratif c'était de trouver le tronçon.
01:38:04 J'aimerais que vous disiez peut-être un mot de plus, savoir à quel moment vous avez compris
01:38:08 quelle allait être l'histoire que, non pas ces images, non pas ces récits écrits,
01:38:12 non pas ces éléments historiques, mais l'histoire que vous, vous allez raconter.
01:38:16 Et à quel moment ça s'est produit, en préparation, au montage ?
01:38:19 - Alors ça s'est fait en deux temps.
01:38:21 Il y a un temps avant le montage et puis il y a eu un temps énorme au montage.
01:38:25 Avant le montage en fait, en lisant les récits, je me suis rendu compte qu'ils avaient tous en commun un certain nombre d'étapes.
01:38:33 Par exemple, la rencontre était toujours heureuse, puisqu'on est au XXe siècle, c'est des mariages d'amour.
01:38:37 Donc la rencontre était toujours magnifique.
01:38:39 Il y avait un tout petit e-drop au moment de l'emménagement, parce qu'en général ces femmes,
01:38:43 elles quittaient leur village d'enfance et elles suivaient leur mari là où ils travaillaient.
01:38:47 Donc elles se retrouvaient seules, toute la journée.
01:38:50 Et ça c'était commun, je découvrais ça.
01:38:53 Ensuite, le premier enfant merveille, superbe, deuxième, troisième,
01:38:58 et enfin, à un moment donné, elle se perdait complètement quand les enfants avaient 8-10 ans.
01:39:03 Et ce qui était dingue, c'est que je retrouvais les mêmes étapes dans toutes les vies.
01:39:08 Le mot "dépression" arrivait, ou "déprime", ça dépendait.
01:39:12 Donc toutes ces choses que je voyais se répéter, je les ai notées, j'ai structuré mon récit chronologique comme ça.
01:39:21 Je suis arrivée forte de ma structure en montage,
01:39:27 et je me suis dit "ça y est, on n'a plus qu'à s'amuser, tu vas voir".
01:39:30 Alors ça s'est absolument pas passé comme ça, évidemment.
01:39:34 On a commencé, et puis après il y a les images qui décident.
01:39:40 Elles imposent un tempo, elles imposent des enchaînements, elles imposent une réponse.
01:39:46 J'avais décidé qu'on allait parler des tâches ménagères à tel endroit,
01:39:53 et puis non, le film a décidé autrement.
01:39:56 Et c'est assez douloureux, on le dit en souriant, parce qu'on est perdus.
01:40:00 On se remet en question, on se dit "est-ce qu'on a tout foiré ?"
01:40:05 Et puis non, il faut trouver la musique.
01:40:08 Il faut trouver la musique, et ça, mon Dieu, c'est compliqué.
01:40:12 Donc ça, ça a été la deuxième partie, peut-être que Nathalie veut dire...
01:40:17 Une dernière question, Isabelle ?
01:40:24 - En fait, vous venez d'y répondre en partie, merci Émeric de l'avoir posé.
01:40:29 Mais je ne l'aurais pas posé exactement de la même manière.
01:40:31 C'était très intéressant de vous entendre, merci beaucoup.
01:40:34 On a très envie de voir votre film, bien sûr.
01:40:36 Je voulais revenir sur la manière dont vous aviez fabriqué ce film,
01:40:40 parce qu'au début, vous avez parlé de thématiques que vous aviez identifiées dans les écrits.
01:40:44 Et en fait, je voulais vous poser la question, quelles étaient ces thématiques ?
01:40:47 Je suppose qu'on les devine dans le film.
01:40:51 Vous venez d'y répondre, la rencontre, le mariage, le premier enfant, les travaux ménagers, etc.
01:40:55 L'amant, au fil de la discussion, on a pu en deviner certaines.
01:40:58 Mais vous venez en partie de répondre, je voulais vous dire, c'est facile avec les textes.
01:41:02 On définit facilement des thématiques.
01:41:05 Mais après, avec les images, comment les thématiques que vous aviez décidées
01:41:09 se sont retrouvées percutées par les images qui disaient toujours autre chose ?
01:41:14 Enfin, la thématique écrite, elle est écrite, il y a les mots.
01:41:19 Et puis les images, elles disent plein de trucs en plus.
01:41:21 Il y a même des images qui ont créé des séquences qui n'étaient pas prévues.
01:41:25 Il y a une image notamment, où on voit une femme qui part en courant,
01:41:30 qui nous a complètement émue, cette image.
01:41:35 Et puis il y avait un bout de texte qui correspondait à ça.
01:41:40 Et moi, ce passage m'émeut encore aujourd'hui, à chaque fois.
01:41:47 Et voilà comment la séquence est née.
01:41:50 Ce qui est aussi, c'est que tu arrives avec toutes tes petites fiches,
01:41:54 avec tous les thèmes, avec tous les extraits,
01:41:56 et en fait, il n'y avait rien de figé complètement au départ.
01:41:59 Et ça s'est construit en même temps, l'image et le texte,
01:42:03 avec des choses qui pouvaient correspondre et parler entre elles.
01:42:08 On essayait plein de choses aussi.
01:42:11 Et puis parfois, moi j'avais rêvé des trucs,
01:42:15 je me disais, j'avais monté des séquences entières,
01:42:18 et puis ça marchait.
01:42:20 Enfin, on essayait, puis ça ne marchait pas.
01:42:22 Et c'est une mauvaise journée, là je raconte ça en rigolant,
01:42:24 mais on est là, la journée est foutue, on est déçus,
01:42:28 il faut se remettre de cette déception, retrouver une autre idée.
01:42:34 Et puis alors, t'as pas d'idée, moi non plus, on n'est pas rendus.
01:42:39 C'est pour ça que ça s'est fait à la fois de manière assez construite
01:42:46 et complètement inspirée par les images,
01:42:49 la musique aussi que nous envoyaient les garçons.
01:42:54 - Le temps passe très vite, je me dois de clore cette session.
01:43:00 Merci beaucoup à toutes les trois.
01:43:07 Je vous invite à voir le film qui est très beau.
01:43:09 - Les films qui sont disponibles jusqu'à vendredi sur la plateforme d'Arte,
01:43:15 les films auxquels il est fait référence ici.
01:43:19 Je vais vous dire qu'on va s'interrompre un petit quart d'heure, histoire de respirer,
01:43:23 et puis on va retrouver ensuite Alain Cassandat, ici présent,
01:43:26 Sylvie Lindebergh, ici présente, et Léonore Weber, que j'ai vu passer,
01:43:32 d'ici un petit quart d'heure, c'est ça Odile ?
01:43:36 - Les films ne sont pas disponibles sur la plateforme Arte.tv,
01:43:39 mais sur le lien qui vous avait été envoyé après votre inscription.
01:43:43 Mais c'était très bien quand même.
01:43:46 - Merci beaucoup.
01:43:49 - Merci Odile.
01:43:50 - Merci Odile.
01:43:51 - Merci Odile.
01:43:52 - Merci Odile.
01:43:53 - Merci Odile.
01:43:54 - Merci Odile.
01:43:55 - Merci Odile.
01:43:56 [SILENCE]

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