• l’année dernière
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 4 octobre 2023 : le comédien Romain Duris. Il est à l'affiche du film : "Le Règne animal" de Thomas Cailley sorti le 4 octobre 2023

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Bonjour Romain Duris. - Bonjour.
00:01 - Vous êtes l'un des acteurs les plus sollicités du cinéma français.
00:04 Votre première apparition a eu lieu dans le film "Pérille jeune".
00:06 C'était en 94.
00:08 Puis vous êtes devenu l'un des acteurs fétiches de Cédric Lapiche
00:10 avec sept films tournés ensemble.
00:12 Il vous a même érigé en héros dans la trilogie "L'auberge espagnole".
00:15 Depuis, le chemin parcouru vous a permis de toucher à tout
00:18 et de vous essayer à la comédie, à l'horreur, à l'historique,
00:21 à la romance, au drame et maintenant au fantastique.
00:24 Aujourd'hui sort le film "Le règne animal" de Thomas Caillet.
00:27 Le film raconte comment un père et son fils, Émile,
00:30 se lancent ensemble sur le chemin de la vie avec des hommes et des femmes
00:33 qui se transforment en animaux et tentent de survivre
00:35 et donc de trouver leur place.
00:37 C'est une belle métaphore pour mettre l'accent sur le rejet de l'autre,
00:40 sur la différence.
00:41 La différence est-elle définitivement une force, Romain Duris ?
00:44 - J'en suis sûr et à travers ce film,
00:47 je l'ai vécu vraiment en un temps réduit
00:51 parce que c'était sur trois, quatre mois.
00:52 Et franchement, le personnage que j'incarne à la fin,
00:57 il était beaucoup plus rempli, plus heureux.
01:00 Je le sentais vraiment, quoi,
01:02 qu'au début du film où il est plus en inquiétude et dans la suspicion,
01:07 parce qu'il y a de la menace partout.
01:08 Mais donc, ouais, avec la différence, on est plus rempli,
01:12 on est plus riche, on est plus...
01:15 C'est sûr.
01:17 - Ça veut dire que quand on accepte ta différence, on est plus fort ?
01:20 - Ouais, moi, je suis sûr de ça.
01:22 - Je trouve qu'il y a une intensité dans ce rôle, Romain Duris,
01:24 qui montre encore une autre facette et un autre visage de vous.
01:27 Est-ce que vous l'avez ressenti, ça ?
01:28 - J'ai tellement aimé le scénario, j'ai tellement aimé Thomas Cahiers,
01:33 de par ce qu'il avait fait et comment il me parlait de son film
01:36 et de l'intelligence du propos, etc.,
01:38 que j'ai essayé d'être le plus disponible possible, si vous voulez.
01:41 J'ai essayé d'être le plus...
01:42 de me réduire le plus pour donner plus de place au personnage
01:47 et de pouvoir offrir à Thomas tout ce dont il aurait besoin.
01:50 Donc, ouais, c'est plus dans une optique comme ça,
01:54 plutôt que dans un style en me disant
01:55 "Tiens, c'est un style de film un peu fantastique,
01:57 donc je vais plus jouer sur ce style."
01:59 Non, il fallait être complètement plein et complètement...
02:03 enfin, vide pour être plein, quoi.
02:06 - Le film démarre sur cette phrase "Quelle époque",
02:09 enfin, c'est deux mots,
02:11 "Dans quelle époque vivons-nous finalement, Romain Duris ?"
02:13 C'est la question qu'on se pose.
02:15 - Vous voulez que je réponde à ça ?
02:17 C'est une époque qui est magique en même temps, je veux dire.
02:20 Je dis en même temps, par rapport, c'est vrai, au chaos,
02:23 parfois, surtout ressenti dans certaines grandes villes,
02:27 mais c'est une époque où on se parle, quoi.
02:31 Enfin, moi, j'ai l'impression, on communique.
02:33 Donc, évidemment, ça éclabousse, mais il vaut mieux...
02:36 Enfin, je sais pas, on vient d'un moment où j'ai l'impression,
02:39 sans faire de généralité,
02:41 où les choses étaient plus intérieures et plus complexes,
02:44 il y avait beaucoup de nœuds.
02:45 Là, tout sort, quoi.
02:47 C'est quand même des points positifs.
02:50 Voilà, après, du coup, on se rend compte du travail à faire.
02:54 - Ce film, il relance finalement le débat sur l'humanité,
02:56 la place des animaux, la place de la vie, la place de l'autre, finalement.
03:00 Est-ce que c'était pas ça aussi, le sens de ce film ?
03:02 Ce qui vous a plu dans ce scénario ?
03:04 - C'est clair, on a parlé de la différence.
03:06 Moi, quand j'ai lu le scénario, il m'a bouleversé,
03:09 parce que ça venait juste après cette période qu'on a tous traversée,
03:12 le Covid, le confinement.
03:14 Et voilà, j'étais chez moi, j'ai ouvert ce scénario, je l'ai fini.
03:17 Je me suis dit, c'est fou, quoi.
03:18 C'est comme si Thomas Caillé se permettait d'imaginer
03:23 comment les jeunes, surtout entre 10 et 20 ans, ont vécu ce passage-là.
03:27 Et là, ce scénario, il montre ça.
03:30 Comment d'un coup, la nature pourrait reprendre ses droits ?
03:31 Comment ce serait plus un virus, mais juste des transformations
03:36 qui feraient que la nature et les animaux s'empareraient de nous ?
03:40 Je veux dire, on sortait d'un moment où il y avait des troupeaux de sangliers
03:43 dans les grandes villes qui erraient.
03:44 Et là, d'un coup, ce film-là, c'est l'étape d'après, quoi.
03:47 C'est comment le sanglier, il rentre chez vous.
03:50 Donc, j'ai trouvé ça...
03:52 Enfin, j'étais bouleversé.
03:53 J'étais bouleversé d'observer les jeunes qui met en scène,
03:56 qui ont 15, 16, 17 ans, et comment ils vivent ça.
04:00 Comment ils ont peur des transformations.
04:04 Comment ils s'adaptent beaucoup mieux que parfois certains adultes
04:06 qui prennent, eux, des décisions hasardeuses.
04:09 Et comment ça fait un monde, quoi.
04:10 Et ce film avait tout ça.
04:12 Et en plus, la dimension paternelle d'un père, c'est vrai,
04:16 qui essaye de protéger son fils au départ,
04:19 et puis qui va grandir à ses côtés
04:22 parce que son fils ne va pas être exactement comme il l'attendait.
04:25 Et au final, son fils va exister et sortira de l'emprise
04:30 du paterne, ouais, de paternelle, quoi.
04:34 Donc, il y avait quand même plein d'endroits,
04:37 plein de dimensions, plein d'émotions,
04:41 déjà dans le scénario, quoi.
04:43 - Cet enfant, ça aurait pu être vous,
04:46 vous rêviez à quoi à son âge, alors ?
04:48 - J'étais sûr de rien, mais moi,
04:50 j'étais plutôt attiré par le dessin, la peinture, la musique.
04:56 J'avais du mal à imaginer,
04:59 enfin, à avoir le culot de penser que je pourrais être filmé, quoi.
05:03 Je pense que j'étais acteur malgré moi,
05:05 parce que j'ai toujours fait le con, en fait.
05:07 Je ne sais pas si acteur, c'est faire le con,
05:09 mais en tout cas, il y a une façon de se mettre en scène un peu.
05:11 J'étais ouvert, en tout cas, sur plein de choses, je pense.
05:14 - En même temps, le dessin, c'est aussi ce qui vous permet
05:17 de vous aérer.
05:18 Ça continue, entre deux tournages.
05:20 On a l'impression que vous avez besoin
05:22 que ça se remplisse tout le temps,
05:24 qu'il n'y ait pas de moment de pause, finalement.
05:25 - S'aérer ou de me reconnecter à une échelle plus concrète de vie.
05:32 C'est vrai, plus solitaire, plus dans...
05:37 Ouais, je ne sais pas, c'est comme si c'était une activité plus...
05:40 Ouais, acteur, c'est...
05:43 On s'envole, quoi, vraiment.
05:44 Je veux dire, enchaîner des tournages et tout,
05:47 je ne sais pas si c'est d'ailleurs très sain,
05:49 parce qu'on part loin, je pense,
05:51 géographiquement et à l'intérieur.
05:53 Donc, le dessin, ça me permet de revenir à quelque chose de...
05:59 Je ne sais pas, peut-être plus moi.
06:03 - Il y a les liens familiaux qui sont au cœur de ce film aussi.
06:06 On l'a évoqué, entre ce père et ce fils.
06:09 Là, vous jouez le rôle du père.
06:12 Je voulais savoir ce que vous gardiez, finalement, de vos parents.
06:15 - Sûrement une liberté de penser, une liberté d'être, de la joie.
06:19 J'ai eu la chance de connaître la joie assez tôt.
06:23 On m'appelait Joie de vivre quand j'étais petit.
06:24 Donc, je pense que c'est une chance.
06:27 Voilà.
06:28 - Il y a effectivement cet enfant.
06:31 Alors, on ne va pas tout dévoiler parce que sinon,
06:33 on va dévoiler l'intrigue du film.
06:34 Mais évidemment, il n'évolue pas forcément comme son père l'aurait imaginé
06:39 ou comme il aurait pu lui souhaiter d'évoluer.
06:41 Et on se rend compte qu'en tant que parent, on pardonne beaucoup de choses à un enfant.
06:46 Est-ce que les liens du sang font que, effectivement, ça rend plus ou moins aveugle ?
06:50 - Je pense que l'amour permet, oui, comme vous dites, peut-être de...
06:54 Je ne sais pas si c'est pardonner ou mettre de côté,
06:56 mais moi, je me le dis tous les jours, en fait.
07:00 - C'est-à-dire ?
07:00 - Non, mais on a beau essayer d'établir certaines règles, etc.
07:04 Quand ça sort, ça va un peu sur le côté, bon, on peut faire le pas content,
07:11 mais c'est vrai qu'il y a toujours l'amour qui prend le dessus, j'ai l'impression.
07:15 - Il y a aussi une réflexion, finalement, sur la planète,
07:17 sur ce qu'on en fait avec la faune, la flore.
07:21 Êtes-vous inquiet ?
07:22 - C'est très inquiétant, bien sûr, mais c'est peut-être ce qui me pousse, moi,
07:26 à l'observer de plus en plus, à être bien, vivre avec elle.
07:31 Nous, on est dans des grandes villes, on est constamment en manque et en frustration.
07:37 Donc, il faut se battre, bien sûr, c'est notre rôle aujourd'hui.
07:41 - On met le doigt sur quelque chose de très fort,
07:42 c'est qu'on découvre que l'homme est aussi avant tout un animal lui-même,
07:47 parfois à sang froid, parfois à sang chaud.
07:50 Quand on parle de vous, on met en avant votre côté très animal.
07:53 Est-ce que vous y retrouvez là-dedans ?
07:55 - Ce que je pourrais imaginer de plus animal, ce serait l'instinct.
07:58 C'est, évidemment, à travers les rôles,
08:00 donc peut-être de préparer le plus en amont possible les personnages
08:04 et puis pour se laisser complètement instinctif sur le plateau
08:08 et par rapport aux demandes de certains réalisateurs.
08:11 On ne va pas parler de la mâchoire ou quoi, les trucs physiques, je ne saurais pas.
08:15 Non, parce qu'on me pose cette question,
08:17 si être plus animal, c'est compliqué.
08:19 Voilà, alors l'instinct, oui.
08:20 L'instinct, c'est vrai que...
08:22 Ah oui, oui, j'en ai conscience.
08:24 Beaucoup, beaucoup de choses passent par l'instinct.
08:27 - Il y a une grosse place occupée par la musique,
08:30 en tout cas par les sons, par les bruits.
08:32 Il y a eu un énorme travail qui a été fait autour de ce film aussi.
08:35 Est-ce que ça vous a plu aussi que la musique occupe une place
08:38 et devienne un personnage de ce film ?
08:39 - Oui, oui, moi, je pense que n'importe quelle musique induit un mouvement.
08:44 Donc la musique, ça colle au cinéma, c'est clair, ça habite les images.
08:48 La musique et le son, il y a plein de sons dans ce film.
08:52 Des sons animaux, des sons entre l'humain et l'animal.
08:58 Il y a eu un travail vraiment de sonorité pour certains acteurs.
09:02 Sans dévoiler le film, il y a un acteur qui joue un oiseau,
09:04 qui du coup parle en oiseau.
09:07 C'était complètement fou de sentir qu'il parlait plus dans l'inspiration
09:12 plutôt que dans l'expiration.
09:14 Donc c'était assez magique à observer.
09:16 Bref, la musique, ah oui, c'est...
09:21 C'est un élément qui fait partie du film, clairement.
09:25 - Il y a beaucoup de réalisateurs qui ont eu confiance en vous
09:29 avant même que vous ayez confiance en vous, au moment du reste.
09:31 Est-ce qu'aujourd'hui, vous avez pris conscience que
09:34 vous étiez effectivement fait pour ça et que
09:37 vous prenez plus de temps pour profiter de ça ?
09:40 De ce qu'on vous a transmis ?
09:41 Je pense à Patrice Chéreau, par exemple, qui vous a beaucoup aidé,
09:44 beaucoup indiqué plusieurs chemins, d'ailleurs.
09:47 - C'est vrai, au départ, on m'a proposé des personnages
09:49 que je faisais peut-être plus spontanément, avec instinct.
09:53 Et puis ensuite, c'est évident que pour se renouveler,
09:56 pour travailler des différentes personnalités,
10:00 on passe par le travail.
10:01 Chaque fois que je joue, je pense à ce que m'a inculqué Patrice.
10:05 Mais en même temps, j'ai du mal à le retransmettre
10:09 parce que je n'ai pas envie de le vulgariser, vous voyez ce que je veux dire.
10:11 Donc c'est des sensations, c'est comment habiter chaque mouvement.
10:16 Avec Patrice, on a fait un travail au théâtre,
10:18 donc tout était très étudié, très...
10:21 Donc il m'apprenait chaque jour à renouveler l'intention,
10:26 l'intention du geste, l'intention d'une émotion, d'une parole.
10:31 Donc c'est vrai qu'en ça, ça nous pénètre,
10:35 et puis, enfin, me pénètre, et puis du coup, je m'en sers à chaque fois.
10:40 Mais j'aime, pour laisser la fameuse place à cet instinct dont on parlait,
10:45 j'aime que ça ne devienne jamais une méthode.
10:49 J'aime que ça puisse être un peu magique, ce métier, un peu sans règles.
10:58 Donc j'ai tout ça à l'intérieur de moi,
11:02 mais c'est pour ça que je serais bien incapable de donner des cours, je pense,
11:05 d'essayer de transmettre la passion du jeu.
11:09 Je trouve ça très compliqué parce que parfois, c'est bien qu'il n'y ait pas de mots,
11:14 que ça reste des sensations très personnelles pour chacun.
11:17 - 12 des films dans lesquels vous avez joué ont dépassé le million d'entrées.
11:23 Vous avez tourné avec les plus grands, un clapis,
11:26 Olivier Dahan, Patrice Chéreau, Tony Gateliff, on les a cités.
11:28 Comment voyez-vous cette carrière qui a débuté il y a presque 30 ans déjà ?
11:32 - J'essaie de ne pas la voir.
11:34 J'avoue que je ne sais pas si ça m'apporte...
11:37 Enfin, je suis très heureux, en tout cas, ça, je le sais.
11:40 Je suis très heureux, j'en profite.
11:43 Je suis conscient que je fais un métier que j'aime et qui se renouvelle à chaque fois.
11:47 Mais c'est ça, c'est que je pense que je repars vraiment de zéro à chaque fois.
11:52 Même au point de parfois me dire, de rentrer dans certains tracks
11:55 que plein d'acteurs peuvent ressentir et d'essayer de me rassurer en regardant derrière.
12:01 Mais bon, j'aime bien ce vertige de se dire, mais au fait, c'est quoi là ?
12:09 C'est comment ?
12:11 Donc, je ne me retourne pas trop.
12:14 - Qu'est-ce qui vous fait douter ?
12:17 - D'aborder des scènes.
12:19 J'adore les plateaux où on a le temps d'explorer plein de façons différentes de raconter une scène.
12:27 Mais parfois, on n'a pas le temps.
12:28 Parfois, ça se passe peut-être un tout petit peu moins bien avec le réalisateur.
12:33 Parfois, enfin bref, le cinéma, c'est un métier d'obstacle.
12:37 Donc, il y a de la place pour le doute chaque soir en se disant,
12:40 mais au fait, on aura peut-être pu élaborer cette voie-là ou pas.
12:45 C'est un travail de l'instant.
12:46 Donc, tout ce qui est enregistré, il est passé.
12:49 Donc, il y a des films où il y a beaucoup de doutes.
12:52 Il y a des tournages où il y a beaucoup de doutes sur ce qu'on a bien fait d'imaginer ce moment-là comme ça.
12:57 - Vous dessinez, vous aimez raconter des histoires, Romain Duris ?
13:01 - Oui.
13:01 - Et l'écriture alors ?
13:04 - L'écriture, c'est tellement large.
13:07 J'ai écrit, j'ai eu des moments où j'écrivais des choses intimes.
13:11 Il faut arriver à recentrer les pensées pour une phrase.
13:16 C'est compliqué, je trouve.
13:19 Mais j'aimerais bien réaliser.
13:20 Donc, je me dis qu'il y a un moment, soit l'histoire va sortir de moi, soit je vais la lire.
13:25 Mais ça va passer par les mots.
13:28 - C'était ma question. À quand votre premier film ?
13:31 - Il faut que l'histoire soit tellement évidente.
13:35 Il faut que ce soit une question de vie ou de mort de réaliser un film.
13:37 Pour passer 4 ans dessus, pour embarquer tout le monde, c'est un culot énorme.
13:41 Donc, il faut que ce soit...
13:42 Je ne veux pas faire ça en dilettante ou juste parce que ça peut être marrant de diriger.
13:47 Je veux absolument que ça me ronge.
13:49 Donc, il faut que l'histoire me percute complètement.
13:52 Donc, ce n'est pas bien d'attendre.
13:55 Mais je veux dire, voilà.
13:58 Si ça doit venir, ça va bien venir.
14:01 J'ai de l'espoir.
14:02 - En tout cas, vous en avez envie.
14:04 - Oui, oui.
14:05 - Vous appelez Le Règne Animal. Ça sort aujourd'hui.
14:07 Merci beaucoup, Romain Duré, d'être passé dans le monde et l'auditeur France Info.

Recommandations