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Tous les matins, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son “Voyage en absurdie”, du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Les attaques du Hamas sur Israël, on a vu émerger en France chez les insoumis donc un nouveau dictionnaire.
00:04 Les mots, ils sont triturés et tordus jusqu'à ce qu'ils prennent un nouveau sens.
00:09 Et vous vous êtes livré à cet exercice de découverte de la novlangue insoumise ?
00:13 - Oui, j'ai commencé avec le lugubre mot russe de pogrom,
00:17 qui désigne dans presque toutes les langues les attaques antisémites
00:20 et les massacres perpétrés contre les communautés juives.
00:23 On a pu lire ce mot dans la presse ces derniers jours,
00:26 on a pu l'entendre dans la bouche de responsables politiques de tous bords
00:28 pour décrire les exactions du Hamas.
00:31 Mais alors pas chez les insoumis parce que personne ne l'emploie
00:33 ou en tout cas pas pour désigner un massacre de civils juifs.
00:36 Je l'ai par contre retrouvé sous la plume de la députée LFI Ersilia Soudé,
00:40 vice-présidente, je le rappelle, à contre-emploi
00:43 du groupe d'études sur l'antisémitisme à l'Assemblée.
00:45 Alors elle, elle ne l'utilise pas pour parler des civils assassinés en Israël,
00:48 elle n'a pas eu un mot pour eux ces derniers jours.
00:50 Ce terme, elle l'employait en avril dernier pour parler de l'évacuation légale
00:54 d'un camp de gens du voyage dans le Val d'Oise.
00:56 Voilà ce qu'est un pogrom à ses yeux,
00:59 comment l'horreur devient totalement banale.
01:01 - Autre mot dont le sens est modifié chez les insoumis,
01:04 c'est le mot "déportation".
01:05 - Oui, chez Ersilia Soudé, toujours elle,
01:07 déportation ne signifie pas transfert et internement dans un camp de concentration.
01:11 Non, ce mot, elle l'utilisait en décembre dernier pour parler de Salah Amouri,
01:14 un terroriste expulsé par Israël vers la France,
01:17 dont il est ressortissant après sa condamnation
01:20 pour le projet d'assassinat d'un rabat.
01:22 Et Ersilia Soudé, d'accueillir le déporté,
01:24 que nous appellerions tous un criminel expulsé à sa sortie de l'avion à Roissy.
01:28 - Autre mot, "lapidation".
01:30 - Oui, le mot aussi a changé de sens.
01:32 Pour nous tous, il désigne le fait de tuer à coups de pierre
01:34 un châtiment obscurantiste qui n'a plus guère cours
01:37 que contre les femmes en Afghanistan.
01:38 Eh bien, c'est le mot qu'a choisi d'employer Jean-Luc Mélenchon,
01:40 le chef des Insoumis, pour se victimiser du traitement médiatique
01:44 dont son parti fait l'objet après ses contorsions sémantiques de ces derniers jours.
01:48 Le choix des mots, le toc des sanglots.
01:50 - Alors, contorsion qui touche, évidemment, on en a beaucoup parlé ce matin,
01:53 le terme "terrorisme".
01:55 - Oui, c'est le mot qui arrache les lèvres des Insoumis.
01:57 Il fallait voir Mathilde Panne au mardi, devant un parterre de journalistes,
02:01 se fâcher et fuir pour ne pas avoir à le relier au Hamas.
02:04 Il faut voir Jean-Luc Mélenchon s'embrouiller,
02:06 maltraiter des concepts de droit international
02:09 pour expliquer pourquoi il faut appeler "crime de guerre"
02:11 les exactions du Hamas, un groupe terroriste.
02:14 - Si nous acceptions de caractériser comme terroristes une action de guerre,
02:21 nous la soustrayons au droit international.
02:25 Les deux seules organisations qui ont été montrées par l'ONU
02:29 comme organisation terroriste sont Al-Qaïda et Daesh.
02:34 - Bon, alors, évidemment, ça n'a ni queue ni tête, l'un n'empêche pas l'autre,
02:36 mais il ne faut fâcher personne quand on racole électoralement.
02:40 Terrorisme, ça reste inqualifiable dans à peu près toutes les têtes.
02:43 On ne peut pas laisser entendre que le chaland qu'on drague
02:46 soutiendrait une organisation terroriste.
02:49 Une guerre avec des dérapages, visiblement, ça reste plus acceptable,
02:53 plus respectable, c'est presque excusable.
02:55 - Dernier terme, le mot maladresse.
02:57 - L'adjectif maladroit qui ont été employés par la députée Hautin
03:01 et son camarade Emmerich Caron pour définir les réactions insoumises.
03:04 Ce que je viens de mentionner, tout ça n'est pas maladroit, c'est odieux.
03:07 Une langue où les mots graves deviennent bénins,
03:09 les mots bénins désignent des drames, c'est une langue totalitaire.
03:12 Comme disait Albert Camus, mal nommer un objet,
03:14 c'est ajouter au malheur de ce monde.
03:16 - Words make worlds.
03:18 - Les mots font le monde. C'est joli, hein ?
03:20 - Merci beaucoup Emmanuel Ducrox.
03:23 8h54 sur Europe 1.