Sur le terrain lors du quart de finale contre l'Angleterre, lors de la Coupe du monde 1991, Jean-Baptiste Lafond se remémore les souvenirs de ce match cruel pour le XV de France et se projette sur le match qui opposera les Bleus à l'Afrique du Sud dimanche (21 heures).
Un entretien mené par Richard Escot et filmé par Valentin Gouriou.
Un entretien mené par Richard Escot et filmé par Valentin Gouriou.
Category
🥇
SportTranscription
00:00 La France va jouer son quart de finale dimanche contre l'Afrique du Sud.
00:13 Je vais vous raconter mon quart de finale de coupe du monde contre l'Angleterre.
00:16 C'était le 19 octobre 1991.
00:19 Ce qui se passe, c'est cette coupe du monde, en fait, avec le recul, on s'aperçoit qu'il
00:34 y a eu trois matchs faciles.
00:36 La Roumanie, le Canada et les Fidji.
00:39 Le dernier match, c'était le Canada-Agen.
00:41 Et là, on gagne difficilement, péniblement, parce que c'était une équipe rugueuse.
00:48 Et le soir, il y a peut-être la plus grande soirée qu'il y a eu de ma vie, c'était
00:52 au Saint-Barth à Agen.
00:54 Je me demande si ce n'est pas là où on perd le quart de finale, parce qu'on a fait n'importe
00:57 quoi, parce qu'on était sous pression.
00:59 On ne sortait pas depuis trois semaines à un mois, donc on a complètement dégoupillé.
01:03 Donc c'est une très, très, très belle soirée.
01:06 Et après, on se retrouve le lundi à Clairefontaine.
01:09 Et là, il n'y a pas de télé.
01:10 Enfin, il y a une télé, deux chaînes.
01:13 Un téléphone, il y avait la queue, il faut des pièces et tout.
01:16 C'est l'enfer en bas de l'escalier.
01:18 Et la semaine était très, très longue, en fait.
01:20 Il y a des joueurs qui n'avaient pas joué, qui ont pas joué à cette Coupe du Monde.
01:28 Des joueurs comme Philippe Gimbert, qui faisait partie des trois Rapatouilles, ils n'ont pas
01:31 joué.
01:32 Donc les Glandes et tout.
01:33 Ils ont effectivement un risque de la composition d'équipe.
01:36 Et on se retrouve tous dans cette salle en bas.
01:41 Il y a donc Jean Trio et Daniel Dubroca, et annonce la composition d'équipe.
01:48 Moi, je suis derrière, peinard, parce que je sais que je vais jouer, donc je suis assez
01:52 décontracté.
01:53 J'ai mis des essais.
01:54 Et à côté de moi, il y a Philippe Gimbert, qui sait qu'il ne jouera pas, qu'il n'a pas
02:01 joué, qu'il ne jouera jamais, et qui a les pieds sur une chaise comme ça, qui est en
02:05 train de lire un bouquin.
02:06 Il lit un bouquin, un magazine.
02:08 Il n'en a rien à cirer, il regarde ça comme ça.
02:11 Et là, tout d'un coup, il y a annonce de la composition d'équipe.
02:14 Donc c'est Daniel Dubroca, qui est numéro 1, Hondards, numéro 2, Marocos, numéro 3,
02:21 Gimbert, numéro 4, machin, numéro 5, numéro 6, numéro 7.
02:25 Et là, entre-temps, je vois mon ami Gimbert qui pose le bouquin, qui ramène ses jambes.
02:32 Et Dubroca continue à égrener les noms de l'équipe.
02:37 Il est numéro 16, Gimbert, numéro 17.
02:40 Et là, il se passe une scène hallucinante.
02:43 Jean Triot, il prend le bras de Daniel Dubroca et il dit "je t'avais dit de répéter la
02:49 composition d'équipe devant la glace, je te l'avais dit ! Devant tout le monde."
02:54 Je me rappelle toujours quand Gimbert a posé son truc.
02:57 "Numéro 3, Gimbert."
02:58 Et là, imaginez, moi j'étais content pour lui, parce que c'était mon pote.
03:03 La paire de blondes après.
03:06 Il se passe deux jours et tout, donc il y a un peu de tension quand même, à cause
03:12 de ça et d'autres choses, surtout par rapport à ceux qui ne jouaient pas.
03:17 Mais Laurent Gabban m'a dit "mais c'est fabuleux, on joue à quart de finale, chez
03:21 nous, on ne peut pas perdre."
03:25 Le match se déroule au Parc des Princes.
03:29 On arrivait, le stade était vide.
03:31 On marchait un peu une heure avant.
03:34 On entendait quelques bruits dans les tribunes, des mecs qui gueulaient, mais personne.
03:38 Et on rentrait, et une heure plus tard, quand tu rentrais… En fait, la sortie sur le terrain,
03:44 elle était beaucoup plus impressionnante, émouvante et impactante à l'époque que
03:48 maintenant.
03:49 C'est un truc de fou d'arriver avec la lumière, comme ça.
03:52 L'Angleterre c'est possible parce qu'on perd de peu, trois mois avant, ou sept mois
04:02 avant pour le tournoi.
04:03 On a une bonne équipe, on est confiant, on a mis 35 points à tout le monde, même
04:06 si les équipes étaient faibles.
04:08 Il faut reconnaître qu'on est passé d'une étape de pleine, si je compare au Tour de
04:16 France, à une étape avec des cols de première catégorie.
04:20 Lobbyistes, le Tourmalet, le Mont Ventoux, tout ce que tu veux.
04:23 Et là, il y a un décalage.
04:25 Et on le sent dès le début.
04:27 Serge Blanco, la première chandelle, il se fait défoncer la gueule.
04:33 Ça passerait pas actuellement, il y aurait un carton jaune.
04:36 C'était limite.
04:37 Et qu'effectivement, ils avaient décidé de viser Serge Blanco, qui était la star
04:42 de l'équipe.
04:43 Il faut bien l'en connaître.
04:44 En plus, dernière année, il voulait bien terminer.
04:49 Comme tout le monde, on veut toujours bien terminer.
04:50 Malheureusement, on ne décide pas toujours comment on va terminer.
04:53 Le souvenir de ce match, c'est Marc Cession qui met un coup d'épaule d'entrée sur
05:04 le centre.
05:05 Il y a trois points déjà.
05:07 Déjà, la discipline.
05:09 Petit à petit, on a été indiscipliné.
05:12 On s'est fait dominer devant.
05:13 Et puis l'image que je garde, c'est une dernière action où la balle, elle sort.
05:18 Il y a un 2 contre 1 avec Serge.
05:19 Je sais que je vais marquer.
05:20 Je sais que je vais marquer.
05:21 Et puis, il y a Pascal Roland-Darcy qui se croit à la piscine municipale de Biarritz,
05:23 qui plonge.
05:24 Et l'arbitre… On ne prend pas une bornée sur ce match.
05:29 Mais on est quand même dominé dans la puissance, le physique, le paquet d'avant.
05:35 Ce match, c'était assez étouffant.
05:39 C'était un match assez heurté.
05:41 Si on le revoit, on sera déçu.
05:43 Ce n'est pas un match.
05:44 Ce n'est pas Barbarin Soul Black 73.
05:46 Donc, c'était un match tendu.
05:48 Un match tendu où tu es super déçu de perdre.
05:53 Tu es super déçu de perdre parce que cette Coupe du Monde, c'est la première en France.
05:58 On est très déçus.
06:00 J'ai passé la pire soirée de ma vie, personnellement.
06:03 En fait, l'Afrique du Sud, elle est surpuissante.
06:09 Mais quand je vois le match qu'ils ont fait contre les Tongiens, où ils ont 80 % des
06:14 ballons, je me demande s'ils ont quelque chose des fois dans la tronche.
06:18 Il y a quand même une inefficacité, une stérilité dans le jeu springbok qui me fait peur.
06:25 Ils ne peuvent pas avoir autant de ballons et gagner les matchs d'aussi peu.
06:33 Ils ne sont pas efficaces.
06:35 Nous, ce qui peut nous sauver, c'est que je pense qu'on est supérieur à l'Irlande
06:39 devant.
06:40 Et je pense que l'homme qui peut nous sauver, parce qu'il n'y aura pas beaucoup d'essais,
06:43 il y en a un pour moi, c'est Ramos.
06:45 Ramos, c'est l'assurance, je n'ai jamais vu un mec buter aussi bien.
06:49 Quand il loupe un but ou une pénalité, une transformation, c'est presque un miracle.
06:55 Donc, je pense que l'Afrique du Sud, sur la continuité, sur le déroulement, sur 80
07:00 minutes, on passera.
07:01 [Musique]