Virginie Dupont, vice-présidente de France Universités et présidente de l’Université Bretagne-Sud
Virginie Dupont, vice-présidente de France Universités et présidente de l’Université Bretagne-Sud pour parler de la précarité des étudiants en France est l'invitée du 13/14 jeudi 12 octobre.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-13-14/13h30-invite-de-13h-du-jeudi-12-octobre-2023-3924600
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00:00 Bonjour Virginie Dupont, vous êtes vice-présidente de France Université et présidente de l'Université
00:07 Bretagne Sud. Un peu plus de 10 000 étudiants sur les campus de Lorient, Vannes et Pontivy.
00:12 Nous allons parler ensemble de la précarité des étudiants et des étudiantes, de la difficulté
00:17 qu'ils ont à se loger. J'attends les questions des auditeurs de France Inter 0145 24 7000
00:23 ou via l'application France Inter.fr. Virginie Dupont, pour commencer, je voudrais
00:27 vous entendre sur l'écho que peut avoir dans nos facs la situation au Proche-Orient.
00:32 La ministre Sylvie Retailleau vous a écrit en début de semaine, à vous les présidents
00:36 d'université, en vous demandant d'être vigilant sur les actes antisémites, donc
00:40 commis contre de jeunes français de confession juive. Elle l'a fait car des incidents lui
00:44 étaient remontés. Est-ce que vous avez eu vous aussi ce type d'informations ? Est-ce
00:48 que vous avez vous aussi pu faire ce type de constat ?
00:50 Alors effectivement, déjà peut-être pour commencer, vous dire qu'effectivement, tout
00:55 ce qui s'est passé c'est vraiment intolérable, inadmissible, vraiment dramatique. Effectivement,
01:01 on a eu connaissance à France Université d'événements qui avaient pu se passer.
01:06 Notamment, c'est surtout des tags qui ont pu être visibles dans les universités.
01:11 Ils ont été immédiatement effacés puisque les présidents sont responsables. Juste pour
01:17 vous dire que nous avons d'ailleurs publié un communiqué de presse hier indiquant qu'il
01:23 n'y aura aucune tolérance au racisme et à l'antisémitisme, que les établissements
01:28 doivent être absolument exemplaires. Et donc c'est quelque chose que l'on porte très
01:33 fort.
01:34 Des tags, est-ce qu'on peut avoir une idée de l'ampleur ? Est-ce que ce sont quelques
01:38 universités ? Est-ce que c'est assez massif ?
01:40 Alors écoutez, dans les éléments, les informations que nous avons aujourd'hui, on a eu effectivement
01:46 des tags à Caen, à Poitiers, à Toulouse, mais c'était en dehors de l'université
01:56 du Mirail, c'était à côté et pas dans l'université. Et puis des banderoles également
02:01 qui ont été présentées sur les murs de l'université Rennes 2.
02:06 Des banderoles à caractère antisémite là encore. Est-ce que des étudiants ont été
02:10 pris à partie physiquement ou est-ce qu'on est resté sur des messages ?
02:14 Voilà, uniquement sur des messages, pour ce que j'en sais en tout cas. Et aujourd'hui,
02:19 des enquêtes sont en cours dans les établissements dans lesquels ça a lieu. Donc aujourd'hui,
02:24 on n'a pas plus d'informations que ça puisque ces événements sont très récents.
02:27 Est-ce qu'il y a eu des communications particulières dans les universités ou des messages qui
02:30 ont été transmis aux professeurs ?
02:32 Alors effectivement, comme je vous le disais, les présidents sont très responsables et
02:36 effectivement ils ont envoyé des messages vers leur communauté indiquant que la tolérance
02:43 aura la tolérance zéro. Juste pour vous dire quand même que l'université, ce n'est
02:48 pas un lieu particulièrement où on va trouver ces éléments de racisme et d'antisémitisme.
02:55 C'est l'image aussi de la société. Mais une fois encore, nous serons intransigeants.
03:00 Il y a quand même ce sondage qui a été publié il y a deux semaines. Sondage commandé par
03:08 l'Union des étudiants juifs de France, réalisé par l'entreprise IFOP. 237 étudiants
03:13 juifs sondés. C'est assez peu mais les résultats sont édifiants. 91% des personnes
03:18 interrogées disent avoir été victimes d'actes antisémites durant leurs études. Est-ce
03:22 que c'est un sujet l'antisémitisme à l'université selon vous ? Virginie Dupont,
03:26 c'est ce que laisse à penser cette étude ?
03:27 Alors écoutez, en tout cas, moi je ne connaissais pas cette étude mais toujours est-il que
03:32 comme je vous le disais juste avant, l'université c'est l'image de la société. Donc on
03:37 y trouve pas plus de manifestations antisémitistes et racistes qu'ailleurs. Et face à tous
03:43 ces discours qui pourraient être à la fois de haine, nous serons là pour agir à la
03:51 fois sur le volet pénal et sur le volet disciplinaire.
03:54 Il n'y a pas de sujet particulier autour des universités selon vous ?
03:56 Pas plus qu'ailleurs.
03:57 Je voudrais qu'on en vienne maintenant à la précarité, la pauvreté même de certains
04:03 de nos étudiants. C'est une préoccupation extrêmement forte depuis la rentrée. Beaucoup
04:08 de distributions alimentaires font le plein dans les facs. Est-ce que là encore c'est
04:11 un phénomène que vous avez pu vous constater ?
04:14 Alors effectivement, on constate la précarité qui augmente. Et la précarité surtout cette
04:22 année en fait, pas tant que ça. Pas de différence en tout cas sur le volet demande d'aide
04:28 sociale mais par contre bien plus grande précarité sur l'alimentaire.
04:33 Donc des étudiants qui ont du mal à manger ?
04:35 Des étudiants qui ont du mal à manger, bien qu'effectivement il existe quand même un
04:39 certain nombre de dispositifs puisque avec le CRUS on a le repas à 1 euro pour les étudiants
04:45 boursiers les plus précaires. Après le reste des repas pour les autres étudiants est à
04:49 3,30 euros. Mais pour autant effectivement ça ne suffit pas parce que déjà aussi il
04:54 n'y a pas forcément non plus des CRUS partout.
04:56 Les étudiants boursiers les plus précaires, ça représente à peu près combien d'étudiants
05:00 qui peuvent prétendre à ce repas à 1 euro ?
05:03 Alors si on regarde les étudiants boursiers c'est à peu près 36%. Donc si on rajoute
05:08 les précaires, écoutez, je ne vais pas vous dire de chiffre exact mais en tout cas, allez,
05:13 disons peut-être 40%, peut-être même plus. Je n'ai pas de chiffre exact à vous donner.
05:17 D'accord mais on est bien au-delà du tiers des étudiants puisque 36% sont boursiers.
05:21 On est bien au-delà du tiers des étudiants.
05:22 Et malgré cela, les étudiants ont du mal à se nourrir.
05:26 Exactement, ils ont du mal à se nourrir et pourtant l'université fait beaucoup puisqu'elle
05:32 donne des paniers alimentaires, elle a un certain nombre d'actions, elle a aussi des
05:37 associations qui réalisent de l'économie solidaire pour accompagner ces jeunes, des
05:41 partenariats aussi avec la banque alimentaire. Mais pour autant effectivement ce n'est
05:46 pas encore suffisant.
05:47 Dans les campus que vous dirigez, Virginie Dupont, il y a des zones plutôt urbaines
05:51 et puis il y a des zones plus rurales. Est-ce que vous voyez une différence dans la situation
05:54 des étudiants ?
05:55 Dans leur situation de précarité, effectivement, peut-être ce qui vient s'ajouter par rapport
06:01 aux zones urbaines, c'est que notamment ils doivent avoir une voiture et donc ils
06:05 vont avoir des consommations d'essence qui sont relativement importantes.
06:10 Dans les zones rurales vous voulez dire ?
06:11 Dans les zones plus rurales et qui viennent s'ajouter effectivement à leurs problématiques
06:16 alimentaires, ça c'est sûr.
06:18 Vous avez proposé il y a quelques semaines avec les autres présidents et présidentes
06:22 d'universités, puisque vous présidez l'université Bretagne Sud, la mise en place d'une allocation
06:26 d'études pour tous les étudiants.
06:29 En quoi pourrait-elle consister ? Est-ce que ce serait une bourse généralisée pour
06:34 tous les étudiants ?
06:35 Alors juste pour vous dire que c'est une tribune qui a été faite par 14 présidents
06:38 d'universités et donc pas l'ensemble des présidents d'universités ni France
06:42 Université.
06:43 Effectivement, on est bien conscient qu'il va falloir régler cette précarité.
06:49 Mais vous étiez associée à cette tribune ?
06:50 Absolument pas.
06:51 Donc on est tout à fait conscient que c'est quelque chose d'important et qu'il va
06:58 falloir agir pour la précarité.
06:59 Mais aujourd'hui, proposer un revenu universel aux étudiants sans avoir réglé la totalité
07:05 de la question de la précarité pour France Université, ça nous semble aujourd'hui
07:10 un peu prématuré.
07:11 Et ce système-là ne permettrait pas de régler la question de la précarité justement Virginie
07:16 Dupont ?
07:17 Et que ferait-on pour des jeunes qui ne sont aujourd'hui pas étudiants ?
07:21 Ça crée une inégalité entre étudiants et les autres.
07:26 C'est ça votre problème ?
07:27 Absolument, ça crée une inégalité et puis il faut aussi réfléchir plus longuement
07:31 sur le volet, comment ça se met en œuvre, sur l'impact financier.
07:36 Et ça aujourd'hui c'est encore trop tôt.
07:39 On ne sait pas encore justement.
07:40 On va aussi y travailler et c'est quelque chose sur lequel on n'a pas encore toutes
07:45 les réponses.
07:46 Pour se généraliser, ça c'est votre sentiment en tous les cas, mais que fait-on ? On ne
07:51 peut pas rester dans cette situation-là.
07:52 Alors avec France Université, au moment de nos propositions pour l'élection des
07:58 candidats à l'élection présidentielle, nous avions fait une proposition sur d'aller
08:03 effectivement regarder davantage ce qui se passe pour les étudiants qui sont décohabitants.
08:07 C'est-à-dire ceux qui doivent quitter leur famille, quitter leur logement familial pour
08:12 aller étudier.
08:13 Et les étudiants, ce sont les étudiants qui sont obligés de quitter leur famille
08:16 pour refaire leurs études.
08:17 Tout à fait, d'aller effectivement prendre un logement à un autre endroit que leur lieu
08:21 familial.
08:22 Donc une aide spécifique pour eux.
08:24 Voilà.
08:25 Et ça c'est quelque chose effectivement que l'on avait mis dans nos propositions
08:28 aux candidats à l'élection présidentielle.
08:30 On n'a pas encore complètement abouti sur le sujet, parce que comme je vous l'ai dit
08:34 juste un peu avant, il est relativement complexe puisqu'il faut regarder à la fois la fiscalité,
08:40 il faut regarder ce qui se passe par rapport aux autres aides.
08:43 Donc c'est quelque chose sur lequel nous souhaitons avancer.
08:45 Et ça, ça nous semblerait peut-être plus juste par rapport à des jeunes qui n'ont
08:50 peut-être pas le besoin d'avoir ce revenu universel.
08:52 Ça c'est la question du logement, elle est centrale pour les étudiants.
08:56 Aujourd'hui on a régulièrement sur l'antenne de France Inter des reportages où on nous
08:59 explique qu'il y a des étudiants qui dorment dans leur voiture ou qui sont obligés de
09:03 dormir au camping.
09:04 Ce qui n'est évidemment pas acceptable.
09:06 C'est carrément pas acceptable, effectivement.
09:09 Gros problématique sur les logements.
09:12 La problématique sur les logements, elle est tant sur l'offre que sur les prix.
09:17 Et effectivement, l'offre, elle ne va pas forcément être la même.
09:21 Et juste peut-être vous dire qu'effectivement, lorsque l'on habite dans des régions qui
09:26 sont plus touristiques…
09:27 C'est votre cas ?
09:28 Absolument, c'est notre cas.
09:30 Avec les plateformes locatives, elles prennent énormément de logements.
09:39 Donc des logements qui sont occupés partiellement et qui ne sont pas disponibles pour les étudiants.
09:44 Donc concrètement, puisque vous êtes présidente de l'université Bretagne Sud, donc Lorient,
09:50 Vannes, il y a des logements qui sont en ce moment vides, qui sont réservés pour des
09:56 touristes qui viendront peut-être dans quelques semaines ou qui ne viendront pas.
09:59 Et dans le même temps, des étudiants qui n'ont pas de logement.
10:01 Absolument.
10:02 Tout à fait.
10:03 C'est tout à fait ça.
10:05 Des étudiants qui se retrouvent aujourd'hui sans logement.
10:08 Et qui n'ont pas accès à ces logements qui sont réservables à la nuitée.
10:15 Et bien évidemment, ils ne peuvent pas y accéder.
10:17 Patrice Vergritte, le ministre du logement, a fait plusieurs propositions le week-end
10:21 dernier dans un entretien au journal Le Monde.
10:23 Il dit trois choses.
10:24 Il dit d'abord qu'il y a du foncier sur certains campus.
10:27 Sous-entendu, on peut construire.
10:29 Il dit aussi qu'on peut transformer des immeubles de bureaux vides en résidences
10:33 étudiantes.
10:34 Ça se fait très bien.
10:35 Et la troisième piste, il faut impliquer les bailleurs sociaux.
10:38 Parfois dans certaines communes, il y a de grands logements HLM qui sont vides.
10:41 On peut faire des colocations.
10:43 Que pensez-vous de ces pistes, Virginie ?
10:45 Sur les constructions sur les campus, c'est effectivement une opportunité.
10:51 C'est quelque chose qui pourrait être fait.
10:52 Mais pour cela, il faut être propriétaire de son foncier.
10:57 Ce qui est encore le cas que de peu d'universités.
11:00 Ce n'est pas votre cas ?
11:01 Ce n'est pas mon cas.
11:02 C'est le cas de 6 ou 8 universités aujourd'hui en France.
11:08 Donc, qui est propriétaire du foncier sur vos campus ?
11:12 Je vais vous en donner quelques-unes.
11:14 Poitiers, Bordeaux, Clermont-Ferrand.
11:16 Donc là, ces facs sont propriétaires ?
11:18 Elles sont propriétaires.
11:19 Si elles veulent, elles peuvent construire ?
11:20 Elles peuvent le faire.
11:22 Mais c'est des temps longs.
11:23 Puisqu'en étant propriétaires, il y a tout un tas de procédures à mettre en
11:29 oeuvre pour pouvoir le faire.
11:30 Et puis, ces établissements ont acquis ce qui s'appelle la dévolution de leur patrimoine.
11:36 Mais, comment vous dire, ce sont des temps longs.
11:40 Et puis, pour pouvoir le faire aussi, il faut des moyens, de l'argent.
11:45 Et autre chose aussi, ce qui est totalement inaccessible aujourd'hui à l'université,
11:50 c'est l'accès à l'emprunt qui facilite très bien la construction de ces résidences
11:56 étudiantes.
11:57 Vous ne pouvez pas emprunter ?
11:58 On ne peut pas emprunter.
11:59 On n'a pas le droit d'emprunter aujourd'hui.
12:01 C'est dans votre statut ?
12:02 C'est dans les… Voilà, les universités aujourd'hui n'ont pas le droit d'emprunter.
12:05 Question de Sylvain, ou témoignage de Haute-Savoie, auditeur de France Inter.
12:10 « Je suis propriétaire d'un immeuble, toujours sur la difficulté du logement.
12:12 J'ai 10 appartements pour étudiants.
12:15 Rien que sur l'année dernière, les charges et les taxes foncières ont doublé.
12:17 J'ai beau faire des efforts, je ne peux pas ne pas augmenter les loyers.
12:21 Est-ce qu'on peut trouver de l'accompagnement ? »
12:23 Là, c'est sur le parc privé, les prix augmentent.
12:25 Alors, peut-être trouver de l'accompagnement… En tout cas, l'université n'a pas la
12:32 possibilité de mettre les moyens.
12:36 Déjà, aujourd'hui, si on se place sur les moyens qu'elle a, c'est déjà extrêmement
12:41 compliqué.
12:42 Donc, l'université n'a pas la possibilité de mettre des moyens.
12:46 Les bourses sont un vrai sujet.
12:48 Et notamment, la réforme structurelle des bourses que l'on attend dans les années
12:53 à venir pourrait être une des solutions pour que les étudiants aient davantage de
12:58 moyens et puissent payer leur logement un peu plus cher.
13:01 Merci Virginie Dupond d'avoir accepté l'invitation de ce 13-14.
13:05 Je rappelle que vous êtes vice-présidente de France Université et présidente de l'Université