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A l'occasion du Mondial de l'Automobile qui se tient actuellement à Paris, Christophe Périllat directeur général de Valeo équipementier français aux 100 000 salariés est invité de France Inter pour parler électrification du secteur, concurrence chinoise et ses conséquences.

Plus d'infos : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-13-14/le-13-14-du-jeudi-17-octobre-2024-5070153

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00:00Bonjour Christophe Périllat, merci d'être avec nous dans ce 13-14, vous êtes le directeur général de l'équipementier automobile Valeo,
00:07l'un de nos principaux équipementiers auto, c'est-à-dire que vous fournissez aux constructeurs les composants pour fabriquer leurs véhicules.
00:13Près de 110 000 salariés à travers le monde, 14 000 en France, 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
00:20184 sites de production dont 23 dans notre pays et vous êtes présent en ce moment au Mondial de l'Auto à Paris.
00:28J'attends les questions des auditeurs d'Inter pour vous, 0145 24 7000, vous pouvez passer également via l'application France Inter.
00:35Christophe Périllat, les ventes de véhicules électriques plafonnent en France, leur prix à l'achat reste hors de portée pour beaucoup de Français
00:42et les constructeurs chinois se frottent les mains. Alors est-ce que l'Europe s'est trompée ?
00:46Est-ce que décider la borne de 2035 pour interdire la vente des véhicules thermiques ce n'était pas une énorme erreur ?
00:52Il faut fixer un cap, ce cap il est nécessaire pour les industriels parce qu'il faut beaucoup investir, il faut se préparer,
00:58il faut être sûr qu'on a une industrie qui est prête pour une échéance donnée donc il fallait fixer un cap, le cap il a été fixé.
01:04Mais est-ce que c'était la bonne date ?
01:05Il n'a pas été fixé tout à fait par hasard. J'entendais à votre bulletin météo des alertes rouges, des pluies d'Illivienne,
01:12de plus en plus de phénomènes violents. Il y a un sujet et ce sujet il faut le traiter.
01:17Il faut décarboner.
01:18Or la mobilité terrestre, donc tout ce qui roule c'est 18% des émissions de CO2 dans le monde.
01:23Donc il faut décarboner la mobilité. On a, nous, acteurs de cette industrie, de l'industrie automobile,
01:30on a une responsabilité considérable, celle de décarboner l'industrie. Et alors pourquoi 2035 ?
01:36Parce que 2050 c'est l'objectif d'une mobilité propre. Une voiture ça dure 15 ans, 2050 moins 15 ans ça fait 2035.
01:44Donc il faut arrêter en 2035 de mettre de nouvelles voitures thermiques dans le tuyau.
01:48Mais il y a des conséquences pour les salariés, pour les automobilistes.
01:53Est-ce que vos salariés, par exemple, ils ont les moyens aujourd'hui de s'acheter des véhicules électriques ?
01:59Alors nous on travaille beaucoup pour rendre le véhicule électrique abordable.
02:01Il y a plein de sujets sur le véhicule électrique. On est au début de l'histoire.
02:06Simplement il faut rendre le véhicule électrique plus performant et il faut le rendre moins cher.
02:1122 000 euros par exemple la Twingo électrique ?
02:14Oui mais c'est là où nous nous intervenons pour rendre les technologies du véhicule électrique moins onéreuses.
02:20C'est notre combat, c'est ce pourquoi nous sommes faits nous, équipementiers.
02:25Alors vous l'avez dit, il y a des secousses considérables qui traversent l'industrie automobile aujourd'hui.
02:32Il y a bien sûr cette transformation vers l'électrification.
02:35Il y a l'offensive chinoise de constructeurs et d'équipementiers en dehors de la Chine.
02:41Donc il y a deux transformations absolument colossales qui sont en face de nous, sur lesquelles nous nous mobilisons.
02:48Est-ce que vous allez lâcher du lait sur le thermique ? Vous demande Christophe de Gap.
02:51Parce que beaucoup de français, surtout ceux qui n'habitent pas en ville, n'ont pas de voiture électrique
02:55et ne comptent pas en acheter car ce n'est pas pratique pour eux et c'est trop cher, nous dit-il.
02:59Ce n'est pas une décision qui m'appartient, c'est une décision politique.
03:03Nous on se prépare à ce monde qui est un monde électrifié.
03:08On croit que c'est ce qui est nécessaire et donc on s'y prépare.
03:11Ça veut dire qu'on investit beaucoup.
03:12On a investi 9 milliards sur les 9 milliards d'euros de recherche, de développement, d'ingénierie sur les dix dernières années
03:22pour se préparer à ces nouvelles tendances de l'industrie automobile.
03:26Investissement et licenciement.
03:28Vous avez annoncé en janvier la suppression de 1150 postes à travers le monde.
03:33Et puis au mois de juillet, vous avez annoncé la fermeture de trois sites en France.
03:36Il y a mille emplois qui sont en jeu, à la SUZ sur Sarthe, à la Verrière dans les Yvelines,
03:40à Saint-Quentin-Falavier dans l'Isère.
03:41Vous allez aussi fermer votre usine de Montdeville près de Caen.
03:45Pourquoi avoir pris cette décision ?
03:47Ces sites, ils perdent de l'argent ?
03:48Alors techniquement, ce que vous dites n'est pas correct.
03:51On n'a pas annoncé de fermeture.
03:52On a annoncé qu'on entrerait dans un processus de recherche de repreneurs pour deux usines et un centre de R&D.
03:59Donc le centre de R&D, c'est la Verrière, vous l'avez cité.
04:02Les deux usines, c'est l'Ile-des-Beaux et la SUZ.
04:05Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que...
04:06S'il n'y a pas de repreneurs, qu'est-ce qui se passe ?
04:07Écoutez, on verra ça avec nos partenaires sociaux.
04:10On ne fera pas le dialogue social ici dans ce studio.
04:13Ils peuvent aussi nous écouter.
04:14Ils auront évidemment la primeur des conclusions de cette première phase, qui est une phase de recherche de repreneurs.
04:20Mais si vous voulez, l'emploi, c'est une conséquence.
04:25C'est la conséquence d'une activité industrielle et c'est la conséquence de deux transformations.
04:29On a une transformation vers l'électrique.
04:32Les conséquences sont connues.
04:33Ce n'est pas nous qui le disons.
04:34C'est la plateforme automobile, c'est la FIEF, qui est la Fédération des Équipements Entiers,
04:37qui dit qu'il y a un risque pour les salariés de la filière.
04:41Il y avait un reportage dans votre journal sur la filière.
04:43Ils ont manifesté ce matin à la Mondiale de l'Auto.
04:45Exactement, sur la filière automobile.
04:47Donc, on voit bien qu'il y a un sujet de filière.
04:49Et la filière dit quoi ?
04:50Elle dit qu'avec l'électrification, il y a un risque sur, on va dire, à peu près 20% des emplois.
04:58Et puis, il y a un autre...
04:58Parce qu'on a besoin de moins de monde ?
05:00Parce qu'il y a moins de pièces.
05:01Il y a moins de pièces à faire dans un véhicule électrique que dans un véhicule thermique ?
05:04Parce qu'il y a moins de pièces, absolument.
05:06Et en plus, ce ne sont pas les mêmes pièces.
05:09Et c'est pour ça que nous, on a mis énormément d'argent sur le sujet.
05:12On a d'ailleurs reconverti un certain nombre de sites français.
05:15Vous prenez le site qui est à Nogent-le-Retrou.
05:19Il faisait des climatiseurs.
05:21Il fait maintenant des capteurs du véhicule autonome.
05:24Vous prenez un site comme Avil dans le nord de la France.
05:27Il faisait des serrures et on l'a reconverti pour faire des produits d'hybridation.
05:31Donc, on a un certain nombre de succès dans la réorientation de nos sites industriels vers des produits futurs.
05:38Sur ces sites, est-ce que vous avez des propositions de repreneurs aujourd'hui ?
05:41Je reviens à ma réponse précédente.
05:47Ça intéresse des milliers de familles, évidemment.
05:49Absolument, on est une entreprise très responsable.
05:51On est une entreprise qui privilégie le dialogue social.
05:54Et ce dialogue social, on l'aura bien évidemment avec les représentants du personnel des sites concernés.
05:59Puisque vous parlez du dialogue social, les syndicats craignent d'autres annonces après le mondial de l'auto.
06:04Est-ce que vous pouvez, sur ce point, Christophe Périllat, les rassurer aujourd'hui ?
06:09Encore une fois, je voudrais prendre du recul.
06:15Il y a deux transformations essentielles.
06:18Il y en a une première qui est l'électrification.
06:20On en a parlé.
06:21Il y a des risques sur la filière qui sont absolument considérables.
06:25En même temps, il faut le faire.
06:26On est, je pense, à peu près tous d'accord pour dire ça.
06:30Et Valeo s'est particulièrement investi sur ces sujets.
06:34Mais il y a un autre risque dont je voudrais vraiment parler avec vous aujourd'hui,
06:38qui est le risque de cette compétition chinoise, c'est-à-dire des voitures chinoises qui arrivent avec 25% de prix en moins.
06:45Et là, je voulais lancer un cri d'alerte.
06:48C'est-à-dire que si vous regardez l'Europe, l'Europe de Valeo, celle de nos usines,
06:53et on connaît bien, vous savez, l'industrie automobile, elle compte tous les centimes.
06:56Donc, on connaît très, très bien les coûts de nos usines.
06:59On a 35 usines en Chine.
07:01On connaît très, très bien les coûts des usines en Chine que nous avons.
07:04Depuis le Covid, l'Europe a perdu 25% de compétitivité.
07:0725% de compétitivité.
07:10Vous avez sans doute lu...
07:11Et ça se dégrade ?
07:12Oui, vous avez sans doute lu la une des échos ce matin.
07:15Alerte rouge sur l'industrie, alerte rouge sur l'industrie.
07:18Le message, il est super clair.
07:19Le message, c'est l'Europe a perdu 25% de compétitivité.
07:23Pas l'Europe de Valeo contre la Chine de vélo.
07:25Non, l'Europe de manière générale. Pourquoi ?
07:27Parce qu'il y a eu de l'inflation.
07:28Il y a eu de l'inflation pendant 5 ans en Europe.
07:31Il n'y a pas eu d'inflation en Chine.
07:33Ce n'est pas corrigé par les devises.
07:35Donc, voilà, il y a un déficit aujourd'hui de compétitivité qui permet aux constructeurs chinois
07:40d'être beaucoup plus compétitifs que les constructeurs européens.
07:43Mais l'Union Européenne a décidé de porter à 35% les taxes qui touchent les véhicules électriques
07:47qui sont fabriqués en Chine.
07:50Au passage, les Allemands étaient contre.
07:52Est-ce que c'est pour vous, équipementiers automobiles, une bonne nouvelle ?
07:56Non, je pense que ce n'est pas la bonne solution.
07:58Et pourquoi ce n'est pas la bonne solution ?
07:59Parce que ça protège les constructeurs.
08:02Mais une voiture, c'est bien sûr l'assemblage de la voiture.
08:06Mais 75% du coût de la voiture, ce sont les équipementiers.
08:09C'est ce que j'appelle la filière, c'est-à-dire les équipementiers,
08:12le sous-traitant de l'équipementier, le sous-traitant du sous-traitant.
08:15Et ça irradie considérablement toute une filière.
08:20Donc, qu'est-ce qui va se passer dans votre scénario, Christophe Périllat ?
08:22Les constructeurs chinois vont s'installer en Europe ?
08:24Ils s'installent en Europe.
08:26Mais ils vont faire venir des pièces ?
08:27Mais ce que je voudrais, c'est qu'ils s'installent en Europe avec des pièces qui viennent d'Europe.
08:31Et c'est pour ça que je promeuve et que je lance un appel pour que la filière réussisse à faire entendre
08:40une voix commune qui est celle de réfléchir à un contenu régional minimum.
08:46Est-ce que c'est impossible ?
08:47C'est-à-dire un pourcentage dans les voitures de production de valeur locale.
08:52Et la valeur, c'est concrètement des pièces, c'est une somme de pièces.
08:56Est-ce que c'est impossible à faire ?
08:58Écoutez, l'Amérique du Nord l'a fait.
09:00Quand l'Amérique du Nord a renégocié ses accords de libre-échange entre le Mexique,
09:05les États-Unis et le Canada,
09:08ils ont imposé sur tous les véhicules qui sont vendus soit au Mexique, soit aux États-Unis, soit au Canada,
09:1575% de cette valeur régionalement.
09:20Et ça, je pense que ça doit nous guider et ça doit guider nos politiques pour prendre une décision qui protège la filière.
09:25Ça veut dire que l'Union Européenne a décidé de protéger ses constructeurs mais pas ses équipementiers automobiles, si je vous comprends bien ?
09:30À ce stade, c'est exactement la conclusion que je tire.
09:33Il fallait commencer par là, sans doute, parce que quand le constructeur est attaqué,
09:38s'il y a moins d'assemblage final en Europe, il y aura aussi besoin de moins d'équipementiers.
09:44Donc bien sûr qu'il fallait sans doute le faire, mais il faut regarder le problème de manière plus globale et il faut protéger l'ensemble de la filière.
09:49Ça veut dire que dans ce contexte-là, si rien ne change, vous envisagez de produire davantage en Chine,
09:56où il est plus intéressant, et vous venez de nous faire la démonstration, où il est plus intéressant de produire ?
10:00Et c'est pour ça que je suis devant vous.
10:02Parce qu'aujourd'hui, nous nous interdisons de le faire.
10:05Nous nous sommes interdits de le faire.
10:06C'est-à-dire qu'on a des usines en Chine, elles produisent pour la Chine.
10:09On a des usines en Europe, elles produisent pour l'Europe.
10:11Donc on a été une entreprise très citoyenne.
10:14On ne met pas de produits finis dans les bateaux.
10:15On ne déplace pas de pièces sur les mers.
10:18On produit localement Europe pour Europe, Chine pour Chine.
10:22Mais combien de temps serons-nous capables de résister aux demandes éventuelles d'aller produire en Chine pour l'Europe ?
10:29Donc là, il y a un vrai sujet fondamental pour l'industrie automobile, qu'on retrouve d'ailleurs probablement pour d'autres industries européennes qui sont en souffrance.
10:40Donc si on reste dans ce cadre-là, la crise va être dure et vous allez être contraint de supprimer encore davantage d'emplois.
10:46C'est ce que je comprends en filigrane, Christophe Ferrière.
10:48C'est un scénario.
10:50Le scénario que je défends, c'est un scénario où nous nous mobilisons.
10:53A la fois parce que Valeo met beaucoup d'argent sur l'électrification pour être prêt sur ces technologies d'avenir.
10:58Mais aussi en cherchant et en trouvant les moyens de protéger l'ensemble de la filière.
11:05Et en protégeant l'ensemble de la filière, on protégera évidemment Valeo.
11:08Marc nous appelle du département du Val-de-Marne. Bonjour Marc.
11:11Oui, bonjour François Saint-Eyre, votre invité.
11:14Je ne suis pas spécialiste, mais je m'intéresse au domaine du transport en général.
11:18Et à ce titre, j'ai lu sur Internet, dans des sites qui paraissent sérieux, qu'il y a actuellement des essais d'utilisation de l'hydrogène,
11:27mais directement dans les moteurs thermiques, notamment des camions et ainsi que des locomotives.
11:34Donc ne serait-il pas possible, si c'est viable, d'étendre cette utilisation ?
11:41Et peut-être que cela permettrait de maintenir des emplois dans la filière thermique.
11:47Merci Marc pour cette question. Christophe Périllat vous répond.
11:51D'abord, vous avez raison, oui, c'est une possibilité.
11:54Alors, on parle d'alternative à l'électrification à batterie, on parle d'hydrogène, on parle quelquefois de carburant synthétique.
12:01Il faut regarder l'équation globale, et c'est pour ça que nous, nous ne croyons pas à l'hydrogène, y compris dans la forme d'utilisation que vous venez de citer, monsieur.
12:09On n'y croit pas, on ne croit pas plus au carburant synthétique, parce que pour que la voiture fonctionne à l'hydrogène, y compris de la manière dont vous venez de l'expliquer,
12:19il faut fabriquer de l'hydrogène. Et pour fabriquer de l'hydrogène, il faut trois fois plus d'électricité que pour faire avancer un véhicule avec une batterie.
12:29Donc, il y a un besoin d'électricité qui serait trois fois supérieur si on fonctionne à l'hydrogène, et cinq fois supérieur si on fonctionne avec du carburant synthétique.
12:37Donc, nous ne voyons pas que ces technologies d'hydrogène ou ces technologies de carburant synthétique soient appropriées pour l'électrification de la flotte.
12:47Merci Christophe Périllat d'avoir répondu à nos auditeurs et à nos questions.
12:51Directeur général de l'équipementier automobile Valeo, 13h45 sur Inter.

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