• il y a 4 mois
Le 13/14 reçoit aujourd'hui lundi 1er juillet 2024, Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences des Universités en droit public et Mathieu Gallard, directeur d'études à Ipsos France pour analyser les résultats du premier tour des élections législatives anticipées.

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Transcription
00:00France Inter, le 13-14, Jérôme Cadet.
00:06La suite de notre édition spéciale après le premier tour hier de ces élections législatives 2024.
00:13Nous allons sillonner la France, nous arrêter dans quelques minutes à Lyon, berceau du macronisme,
00:18où nous verrons que les candidats de la majorité présidentielle ont vécu un dimanche extrêmement difficile.
00:24On dressera la carte également du département du Rhône, nous irons dans le département du Nord
00:28pour constater qu'une circonscription historiquement à gauche, celle de Fabien Roussel, communiste depuis 1962,
00:35est tombée dans l'escarcelle du Rassemblement National hier.
00:38Et puis nous irons à Nice et dans les Alpes-Maritimes, où Éric Ciotti, président DLR
00:43et qui a emmené une partie de sa famille politique avec lui vers le Rassemblement National,
00:46est en train peut-être de remporter son pari.
00:49Trois éclairages différents, vos appels évidemment, 0145 24 7000 ou via l'application France Inter.
00:56Et puis deux invités pour vous répondre, pour essayer de comprendre ce qui est en train de se jouer,
01:00essayer de se projeter aussi vers le second tour dimanche prochain.
01:04Anne-Charlène Bézina, bonjour, vous êtes constitutionnaliste, maîtresse de conférence en droit public à l'Université de Rouen et à Sciences Po.
01:10Je salue également Mathieu Gallard, bonjour, directeur d'études à l'Institut Ipsos,
01:15partenaire de Radio France tout au long de ses élections législatives.
01:19Mathieu Gallard, vous ne vous êtes pas trompé, vous ne vous étiez pas trompé dans les estimations avant ce premier tour.
01:24C'était le cas aussi, me semble-t-il, avant les élections européennes aussi.
01:30Qu'est-ce qu'on sait de plus sur le scénario qui va s'écrire ?
01:33Majorité absolue pour le Rassemblement National ou majorité relative ou bien majorité pour un autre bloc ?
01:39Qu'est-ce qu'on a appris à la faveur de ce scrutin d'hier, Mathieu Gallard ?
01:43Est-ce qu'il y a des scénarios qui ont le vent en poupe, j'ai envie de dire ?
01:47On a eu un bloc autour du Rassemblement National et de ses alliés, donc LR,
01:51qui effectivement a eu un premier tour d'élection législative qui était peut-être un petit peu décevant,
01:5533,4%, c'est un peu en deçà de ce qu'on estimait, on était plutôt autour de 35-36%,
02:00et ça a un impact en fait, parce qu'en fait pour les élections législatives,
02:03très vite les résultats nationaux ont un impact en termes de circonscription
02:07qui deviennent assez rapidement plus difficiles.
02:09Donc c'est vrai que là, ce qu'on imagine, c'est quand même une majorité absolue
02:14qui sera nettement plus difficile à obtenir pour le Rassemblement National,
02:17pas forcément impossible, mais il faudrait vraiment que les astres s'alignent pour le RN au second tour.
02:22Et donc là, on est quand même plutôt sur un scénario d'une majorité relative,
02:26la question étant totalement ouverte de savoir s'il s'agira d'une majorité relative très solide
02:31et finalement assez proche de la barre fatidique des 289 sièges,
02:35ou une majorité relative qui en serait très éloignée, 240, 230, 220 sièges,
02:40et où là, clairement, le parti, même avec ses alliés LR, ne serait pas en situation de gouverner.
02:46Et là, il y a vraiment une incertitude.
02:48Anne-Charlene Bézina, on peut rappeler la différence entre une majorité relative, même étroite, et une majorité absolue ?
02:54Oui, bien sûr, la majorité absolue, c'est les 289 sièges, c'est-à-dire la moitié de l'Assemblée Nationale.
03:00Alors quand vous avez cette moitié de l'Assemblée Nationale, la Ve République est ainsi faite
03:05que vous pouvez voter un budget, faire passer les lois de votre programme sans trop de difficultés.
03:10Le Premier ministre sera logiquement issu des rangs de ce groupe majoritaire
03:15et on va dire que les écritures constitutionnelles permettent une vie politique assez continue.
03:21La majorité relative, elle est moins évidente dans notre système institutionnel,
03:26bien que loin d'être impossible, même dès 1958 en réalité, le général de Gaulle a une majorité assez courte,
03:32mais il y a majorité relative et majorité relative.
03:35Vous avez par exemple la majorité relative d'Elisabeth Borne, qui est quand même assez loin des 289,
03:40et la majorité relative de Michel Rocard, qui est plutôt proche, où il arrive à trouver des alliances assez faciles.
03:46Ici, on a affaire à un groupe RN qui aura peut-être du mal à trouver des alliances,
03:51sauf si les LR partent en ordre dispersé.
03:54Et de ce fait, même quand on n'est pas forcément très loin des 289,
03:58se pose la question de savoir avec qui on gouverne.
04:01Le scénario que vous évoquiez d'une majorité assez lointaine, avec 220 ou 230 sièges,
04:06conduirait évidemment à une gouvernance assez difficile,
04:09parce que les oppositions sous la Ve République peuvent toujours se coaliser
04:13et arriver à faire tomber assez facilement le gouvernement.
04:17Donc on reviendrait à la IVe République.
04:19Mathieu Gallard, dans un scénario de majorité relative,
04:22est-ce que la gauche, le Nouveau Front Populaire, peut toujours aujourd'hui prétendre à une majorité relative ?
04:29Ça semble extrêmement compliqué.
04:31Il faudrait là encore vraiment que les reports soient extrêmement favorables à la gauche,
04:35qu'un front républicain se remette vraiment en place,
04:38mais de manière qu'on n'en a pas vu depuis des décennies,
04:41avec une force vraiment qui serait quasiment celle, peut-être pas de 2002,
04:45mais bon, quasiment, pour arriver à cette situation.
04:48Donc franchement, ça nous paraît extrêmement improbable.
04:51En revanche, malgré tout, ce qui est possible, c'est éventuellement d'avoir un rassemblement national,
04:56effectivement qui serait à un niveau, à une majorité toujours relative,
04:59mais très faible, mettons 220-230 sièges.
05:01Et on peut dans ce cas-là imaginer, c'est un peu l'espoir d'Emmanuel Macron peut-être,
05:05qu'un arc républicain, comme il l'appelle, qui irait peut-être du parti communiste jusqu'au républicain actuel,
05:13puisse gouverner.
05:14Mais ça paraît quand même assez lointain comme théorie,
05:18tant les différences entre ces partis sont énormes.
05:21Mais c'est vrai que si on se situe dans cette situation,
05:23on ne voit pas vraiment quelle majorité pourrait émerger,
05:26en tout cas, quelle majorité structurante et durable à l'Assemblée nationale.
05:30Vous parlez du camp présidentiel Mathieu Gallard.
05:33Intéressons-nous à l'un de ces bastions.
05:35Ce qui était l'un de ces bastions, c'est Lyon.
05:37On vous retrouve Paul Thillier.
05:38Bonjour Paul.
05:39Bonjour Jérôme.
05:40Bonjour à tous.
05:41Lyon, fièvre du macronisme.
05:42Depuis que l'ancien maire de Lyon, Gérard Collomb,
05:44avait fait allégeance et soutenu activement Emmanuel Macron dans sa conquête de l'Elysée en 2017.
05:50Ce qu'on a constaté hier, Paul, à Lyon et dans le département du Rhône,
05:53c'est la débâcle des candidats ensemble.
05:55Effectivement, c'est le premier grand enseignement de ce premier tour des législatives à Lyon et dans le Rhône.
06:00Si les huit députés sortant de la majorité présidentielle sont tous qualifiés au second tour,
06:05seuls deux sont en ballotage favorable.
06:08Partout ailleurs, c'est soit l'extrême droite, soit le nouveau front populaire qui arrive en tête.
06:12Et c'est un petit séisme, vous l'avez dit, parce que nous sommes ici en terre macronistes historiques.
06:17On se souvient, en 2017, c'est à Lyon qu'Emmanuel Macron lance sa campagne pour la présidentielle.
06:22Candidature appuyée par un poids lourd en politique, le maire de l'époque, Gérard Collomb,
06:26qui deviendra ensuite ministre de l'Intérieur, le Rhône aussi,
06:29où Emmanuel Macron réalisait un raz-de-marée aux législatives il y a sept ans.
06:33Onze circonscriptions remportées sur les quatorze du département sept ans plus tard.
06:37Donc la macronie pourrait bien ne récolter que des miettes.
06:40Si on s'intéresse uniquement à la ville de Lyon, la gauche, le nouveau front populaire, est en tête dans toutes les circonscriptions ?
06:45Oui, effectivement, le nouveau front populaire apparaît comme seul rempart au Rassemblement national.
06:50Ici, l'écologiste Marie-Charlotte Garin est réélu dès le premier tour dans sa circonscription.
06:55Dans les trois autres circonscriptions lyonnaises, c'est à chaque fois un candidat ou une candidate
07:00du nouveau front populaire qui caracole en tête.
07:02Et avec des scores importants, 49%, 38% ou 42% pour la candidate de l'Union de la gauche, Anaïs Béloissa Chérify,
07:10une proche de Jean-Luc Mélenchon, Lyon, qui penche nettement à gauche à l'issue de ce premier tour des législatives.
07:15Une ville, on le rappelle, dirigée par une municipalité écolo depuis maintenant quatre ans.
07:19Une ville et un département où, là aussi, on constate, Paul, une progression des candidats du Rassemblement national ?
07:25C'est une percée historique, Jérôme. Le Rassemblement national, qualifié dans onze circonscriptions, c'est du jamais vu.
07:30Rendez-vous compte, il y a deux ans, lors des précédentes législatives, aucun candidat du RN ne s'est tissé au second tour.
07:37Mieux, l'extrême droite est en tête dans quatre circonscriptions, des secteurs plutôt ruraux, plutôt populaires.
07:43Alors pour l'instant, rien n'est fait puisqu'à chaque fois, il s'agit de triangulaires et même d'une quadrangulaire.
07:48D'ailleurs, dans deux de ces circonscriptions, deux candidats ont annoncé se retirer pour faire barrage à l'extrême droite.
07:54Un candidat de gauche, mais aussi la députée sortante Renaissance, Sarah Tanzili.
07:59Elle se désiste au profit d'un candidat, la France insoumise.
08:03Alors que les macronistes sont pour l'instant divisés concernant ces triangulaires.
08:06Pour ce qui est des autres circonscriptions, on y verra certainement plus clair demain.
08:10Les différents partis ont jusqu'à 18 heures pour présenter leur candidature.
08:13Reste que le Rassemblement national réalise un score historique ici dans le Rhône.
08:17Merci Paul Thillier pour cet éclairage. Nous parlerons du Nord avec Thomas Snégarov dans quelques minutes.
08:23Mais d'abord avec vous Anne-Charlene Bézina, je voudrais qu'on explique un peu les mots qu'ont pu être employés à l'instant par Paul.
08:28Ballottage, triangulaire, quadrangulaire, quelles sont les règles qui font qu'on est qualifié pour le second tour ?
08:34Et qui expliquent toutes les discussions qui sont en train d'avoir lieu dans les états-majors politiques ?
08:40Alors notre code électoral prévoit que pour se maintenir au second tour, un candidat doit avoir obtenu 12,5% des inscrits.
08:51Avec le taux de participation record que nous avons eu, autour de 66% hier, les nombres de voix exprimées sont plus faciles à avoir.
09:01On a un ticket d'entrée au second tour aux alentours de 18% des voix exprimées, ce qui est assez facile.
09:07Donc on peut avoir 3 candidats, voire 4 candidats, qui se qualifient pour le second tour.
09:12Triangulaire, 3 candidats, ou quadrangulaire, 4 candidats.
09:15Sauf que politiquement, ça n'est pas toujours très opportun de se maintenir.
09:20Et donc c'est pour ça qu'on parle de ballottage favorable ou défavorable en fonction de qui peut obtenir ou non le siège.
09:26Et aujourd'hui ce sont tempêtes sous des centaines de crânes de potentiels candidats qui se demandent s'il est utile de se maintenir ou non.
09:35Et c'est là qu'on parle de la fameuse résurgence de ce front républicain.
09:39Quelles sont les consignes nationales qui sont données par les états-majors des partis ?
09:43Est-ce qu'on se maintient lorsqu'on est troisième ? Est-ce qu'on garde la triangulaire ou est-ce qu'on reste sur des duels ?
09:48Je précise quand même que près de 230 triangulaires concernent justement les 3 blocs.
09:53C'est-à-dire un membre de la gauche, un membre du centre, un membre de la droite.
09:57Et de ce fait, vous pouvez avoir des résultats très éparpillés.
10:01Au fond, on a presque un tour dans le tour des élections législatives demain soir quand on saura véritablement qui se désiste face à qui.
10:10On serait dans le deuxième tour en ce moment et le troisième aurait lieu dimanche prochain ?
10:12Complètement, puisqu'en fait ce qu'on va savoir c'est des estimations bien plus fines.
10:16Puisqu'évidemment quand vous retirez un candidat, rien n'est parfait.
10:20On ne peut absolument pas savoir si les électeurs vont suivre les consignes nationales.
10:24Mais quand vous retirez un candidat, vous allez quand même mécaniquement donner plus de chance à celui qui est en balottage favorable en deuxième position.
10:31Mathieu Gallard, plus il y a de triangulaires, plus c'est favorable au Rassemblement National et à ses alliés, les amis d'Éric Ciotti.
10:38Est-ce qu'on peut dire ça aussi simplement ?
10:40Alors on peut le dire néanmoins.
10:42C'est vrai que le simple fait que mécaniquement le Rassemblement National soit un peu plus bas que ce qu'on attendait, ça fait que cet avantage existe.
10:49Parce que de toute façon ça veut dire, les triangulaires, que globalement les équilibres du premier tour sont globalement préservés.
10:54Mais voilà, l'avantage du Rassemblement National, il est un peu moins fort qu'attendu.
10:58Donc voilà, il y a sûrement un avantage.
11:00C'est sûrement mieux pour le Rassemblement National de manière générale d'être dans une situation triangulaire.
11:07Mais néanmoins, ça va être quand même peut-être un peu plus complexe et il faut vraiment regarder circonscription par circonscription.
11:13Évidemment, un candidat du Rassemblement National qui arrive en troisième position dans une triangulaire, fondamentalement, son avantage il est quasiment nul.
11:20La question c'est d'être en première position ou en deuxième position proche du premier.
11:24Et là, ça devient une vraie possibilité.
11:26Vos questions 0145 24 7000, numéro composé par Éric.
11:30Bonjour Éric.
11:31Oui bonjour.
11:32Vous nous appelez de région parisienne et vous projetez peut-être sur l'après 7 juillet.
11:36Exactement, oui.
11:38Mon propos est lié à des comparaisons que je fais avec des démocraties proches de nous
11:45et qui ont montré aussi dans un passé récent les échecs et je dirais moins les scandales liés à des dirigeants qui, à mon avis, sont incompétents et voire dangereux.
11:57Donc je voulais poser la question aux socialistes qui sont à votre côté de vous.
12:02A savoir, est-ce qu'on peut comparer ou on peut envisager des gouvernances liées au succès du Rassemblement National avec ce qui s'est passé aux États-Unis avec Trump, au Brésil avec Bolsonaro,
12:17voire en Grande-Bretagne avec Boris Johnson qui ont mené des campagnes de mensonges, de calomnies, de démagogie et qui ont grandement fragilisé leur population et leur État.
12:31Personnellement, je pense que le Rassemblement National ne ferait pas plus ou pas moins, en tout cas serait pour moi identique à ce qui s'est passé dans ces pays et pourrait être un grave danger pour la France.
12:43Question à nos spécialistes. Merci Eric-Anne-Charlène Bézina.
12:46Ce qui s'est passé dans d'autres pays du monde, peut-il se passer en France, notamment vis-à-vis du respect de la Constitution, puisque vous en êtes une spécialiste ?
12:55Alors comparaison n'est pas raison. Évidemment, chaque population réagit à sa manière, à l'arrivée de gouvernements de type populiste, en tout cas dans leur discours.
13:05La question principale qu'on va se poser, c'est celle du respect des textes, si je comprends bien la question, ou en tout cas telle que moi je l'interprète.
13:13Et je crois que la Constitution est ainsi faite qu'elle présage des contre-pouvoirs, qu'elle en préserve.
13:19Le RN a un programme qui fonctionne beaucoup sur le principe de révision de la Constitution.
13:25Et il y a deux leviers qui ne sont pas possibles pour le RN en situation de cohabitation, c'est l'Elysée et donc le référendum, puisque c'est un pouvoir propre du Président,
13:35et la révision de la Constitution, puisqu'elle suppose l'accord du Sénat au même terme.
13:39Donc, a priori, beaucoup des mesures programmatiques seront bloquées par rapport à ces deux leviers qui n'existent pas.
13:45Et puis, il y a un conseil constitutionnel aussi, qui risque de ne pas forcément être en conformité avec beaucoup de mesures.
13:51Je pense notamment à la question du droit du sol, de la suppression de certaines allocations.
13:55Donc, il y a des garde-fous. Que certaines mesures d'ordre démagogique puissent passer, en tout cas, tout dépendra de leur style de gouvernance et de la liberté qu'on leur laisse de gouverner.
14:04Encore une fois, comme on l'a dit, c'est vrai qu'en système de majorité absolue, un gouvernement est assez libre.
14:09Reste encore la cohabitation, et le Président de la République, qui est à l'international, aura évidemment vocation à avoir son mot à dire.
14:17Même si on a vu que le match avait déjà débuté avec cette expression de Marine Le Pen la semaine dernière,
14:22expliquant que le chef des armées, c'était un titre honorifique pour le chef de l'État.
14:26Justement, je dois quand même préciser que ça n'est pas un titre honorifique.
14:29L'article 15 de notre Constitution est très clair à sa lecture.
14:32Et puis, imaginerait-on vraiment le général de Gaulle accepter un titre honorifique en termes de chef des armées, alors qu'il est directement à l'origine de la rédaction de la Ve République ?
14:40Replongeons-nous un peu dans l'histoire, et on verra que c'est un sucré salé assez original.
14:43Sur cette alternative, majorité relative ou absolue, Mathieu Gallard, est-ce que ça peut jouer dans la tête des électeurs ?
14:50On sort de deux années où il a été très difficile de faire passer des textes, et notamment à coup de 49-3.
14:56Est-ce qu'il peut y avoir un réflexe des électeurs de dire, au fond, il vaut mieux une majorité absolue ?
15:01Et donc allons vers le Rassemblement National, au moins les choses seront claires. Est-ce que ça peut jouer ça ?
15:06Je ne pense pas que c'est ce qui expliquerait une éventuelle majorité absolue pour le Rassemblement National.
15:10Ce qu'on voit dans les enquêtes d'opinion qu'on peut mener, et même si ça a quand même un peu diminué depuis 2022 et depuis la présence d'une majorité relative,
15:17c'est que les Français préfèrent une situation de majorité relative dans laquelle, en théorie, les partis devraient passer par du compromis, de la négociation,
15:26pour aboutir à des textes de loi qui seraient sans doute plus consensuels, plutôt qu'une situation de majorité absolue,
15:32dans laquelle finalement vous avez un parti qui peut décider seul, avec potentiellement un socle électoral qui va être extrêmement étroit.
15:39Finalement, là, si le RN obtient une majorité absolue, il le fera sur la base de 33% des électeurs au premier tour. 33% sur 67% en plus.
15:49Donc c'est vrai que les Français restent quand même relativement attachés.
15:52Ça s'est très souvent vu.
15:54On a vu des majorités absolues plus restreintes que celles-ci.
15:57Bien sûr, bien sûr, mais le mode de scrutin uninominal à deux tours est de ce point de vue-là assez particulier, on va dire,
16:03par rapport au mode de scrutin plus proportionnel de la plupart des démocraties européennes.
16:07Mais je pense que voilà, si le RN obtient cette majorité absolue, ça reste une possibilité.
16:15Ça ne sera pas parce que les électeurs se disent qu'il vaut mieux finalement de la stabilité,
16:19mais ça sera peut-être en revanche parce qu'ils craigneraient du chaos de la part des autres parties.
16:28Ce 13-14 est quasiment entièrement consacré à cette actualité politique.
16:32Nous avons donc coloré nos rendez-vous habituels, et notamment, c'est la France, grâce à l'expertise de lundi de Thomas Snégarov.
16:39Bonjour Thomas.
16:40Bonjour Jérôme.
16:41Nous allons parler histoire et géographie avec vous, en s'arrêtant dans la 20e circonscription du Nord,
16:47où il n'y aura pas de second tour, et c'est historique, puisque le candidat du RN, Guillaume Florequin,
16:51l'a emporté dès le premier tour, éliminant au passage Fabien Roussel, député sortant et secrétaire national du PCF.
16:59Oui, avant de faire de l'histoire, un peu de géographie.
17:02La 20e circonscription du Nord, c'est depuis le redécoupage de 1986,
17:06une circonscription centrée sur Saint-Amand-les-Eaux, Denain, qui en était le cœur,
17:10et depuis cette date, dans la 19e circonscription.
17:13Alors, si j'ai choisi de vous parler de cette fameuse 20e, aujourd'hui,
17:16c'est parce qu'il s'y est en effet passé quelque chose d'historique hier,
17:19avec la défaite du Parti communiste français, et qui plus est, vous l'avez dit, tout sont dirigeants,
17:23et ça, c'est une première depuis 1962, Jérôme.
17:27Alors, en 1988, tout de même, beaucoup pensaient déjà que le temps du communisme triomphant dans le Nord
17:33appartenait au passé.
17:34On revient cette année-là, François Mitterrand a tout juste été réélu président de la République,
17:38il vient de dissoudre l'Assemblée nationale, et les socialistes envoient dans cette circonscription
17:42une étoile montante et très médiatique pour la ravir aux communistes.
17:46Cet homme, c'est Bernard Kouchner, Bernard Kouchner qui n'a aucune attache dans la Mandinois,
17:51Saint-Amand, et il le reconnaît avec franchise sur France 3, Nord-Pas-de-Calais, le 26 mai 1988.
17:57On m'a demandé si je voulais me présenter à côté d'André Parent,
18:02dans une circonscription où, en effet, je ne connaissais pas grand monde et je ne connaissais pas les choses.
18:06Face au candidat de la majorité présidentielle, qui sur le papier part favori,
18:10le député sortant, Alain Boquet, 42 ans, un classique du parti communiste.
18:15Dans ce bastion rouge, le parti a beaucoup perdu de son influence ces dernières années.
18:19Le 24 avril dernier, André Lajoigny a fait moitié moins de voix que François Mitterrand.
18:23Mais ce bastion communiste, Thomas, va finalement résister en 1988.
18:28Mais oui, à l'issue du premier tour, où il est en seconde position, mais loin derrière,
18:32Bernard Kouchner se retire, permettant donc à Alain Boquet de demeurer député.
18:36Il conservera Alain Boquet la circonscription pendant 30 ans, jusqu'en 2017,
18:40où il passe le flambeau à Fabien Roussel, dont il est le suppléant d'ailleurs pour son premier mandat.
18:44Alain Boquet aujourd'hui est maire de Saint-Amand-les-Eaux,
18:47et il verra donc un député du RN dans une circonscription historiquement communiste.
18:51Oui, parce qu'avant Alain Boquet, il y eut Henri Fievé.
18:55Oui, et là c'est important, parce que c'est là où on mesure l'importance historique de ce qui s'est passé.
18:59Alain Fievé, vous ne le connaissez pas, mais c'est une immense figure du communisme historique du Nord.
19:06Il mène les grandes grèves dans les mines à Denins pendant le Front populaire, celui de 1936.
19:11Les grèves que la philosophe Simone Veil a qualifiées de la joie dans la foulée de la victoire de la gauche.
19:16Il est chargé de réorganiser le parti communiste clandestin et la résistance
19:20dans les arrondissements de Valenciennes et du Cambrai au début de la Seconde Guerre mondiale.
19:24Il va être arrêté par la Gestapo, il va parvenir à s'échapper, il poursuit son activité de résistant
19:29et à la fin de la guerre, il participe même à la libération de Denins.
19:33C'est lui, Henri Fievé, qui arrache la 20ème circonscription à la SFIO, donc aux socialistes, en 1962.
19:40Et on l'a vu, Thomas, avec Bernard Kouchner à l'instant.
19:42Longtemps, les communistes ont pensé, et peut-être à juste titre,
19:45que leurs principaux rivaux dans le Nord, c'étaient les socialistes.
19:48Oui, mais ce sont les élus du RN qui les chassent aujourd'hui de l'Assemblée nationale.
19:53Le signe d'une classe ouvrière qui est ici partie clairement de ce côté-ci de l'échiquier politique.
19:58Un clin d'œil à Mathieu Gallard, car c'est une étude de l'IPSOS que j'ai lue
20:01et qui a été menée il y a quelques jours et qui a montré que désormais 57%, 57% des ouvriers
20:08votent désormais pour le parti d'extrême droite dans une région aussi ouvrière que le Nord.
20:12Ça a un impact immédiat et direct.
20:15Et ça s'est traduit hier, dans la 20ème circonscription du Nord,
20:17par donc la défaite communiste, une première depuis 62 ans.
20:23Merci Thomas Snégaroff pour cet éclairage.
20:26Dans c'est la France, Mathieu Gallard, je me tourne vers vous.
20:29Le RN a quasiment triplé son score par rapport à 2022 en nombre d'électeurs.
20:36En nombre d'électeurs, en pourcentage, on n'est quand même pas sûr.
20:38Pas en pourcentage, mais on était à 4 millions d'électeurs, c'est ça ?
20:41Premier tour des législatives 2022, là on est à 9,3 millions,
20:46si on garde que le RN a un peu plus de 10 millions avec les alliés LR.
20:50Ma question est simple, d'où viennent ces nouveaux électeurs ?
20:52Est-ce qu'ils viennent de la gauche, comme le laisse à penser cet éclairage dans le Nord,
20:56ou bien est-ce qu'ils viennent de la droite ?
20:58Est-ce que ce sont d'ex-électeurs LR qui se tournent maintenant vers le RN ?
21:03Non, historiquement, ce qu'on voit effectivement, c'est que l'électorat du RN et précédemment du RN,
21:10en fait, il ne vient pas tant que ça de la gauche.
21:13Même si les cartes, quand on les superpose, peuvent laisser penser que c'est l'électorat communiste,
21:17notamment dans ces bastions ouvriers, qui se seraient déplacées rapidement vers le RN,
21:23en fait, ce qu'on a eu, c'est davantage un étiolement du vote communiste,
21:27avec tout simplement des générations qui ont été socialisées dans le communiste,
21:30qui peu à peu ont disparu, c'est le renouvellement générationnel,
21:33et puis des nouvelles générations qui, elles, en entrant dans le vote,
21:37ont directement voté pour le RN.
21:39Il y a évidemment une partie de cet électorat qui vient de la gauche,
21:42mais quand même, là, ces nouveaux électeurs, nous ce qu'on voit assez clairement,
21:46c'est qu'ils viennent soit de la droite, soit même du macronisme, ou de l'abstention.
21:51C'est quand même là que sont les principales réserves de voix
21:55qui ont permis au RN d'obtenir ce succès.
21:58Illustration de ce transfert de voix de LR de la droite vers le RN,
22:02ce qui s'est passé hier dans les Alpes-Maritimes,
22:05où se trouve le fief d'Eric Ciotti, c'est à Nice, où vous nous attendez Fabien Fourel.
22:08Bonjour Fabien !
22:09Bonjour à tous !
22:10France Bleue, Azur, quand on regarde les résultats d'hier,
22:13Fabien, on peut se dire que c'est un parti en passe d'être réussi,
22:16un pari en passe d'être réussi, au fond, pour Eric Ciotti ?
22:19Oui, pari réussi pour cette alliance négociée avec le RN,
22:23puisque les trois candidats ciottistes ayant rejoint le parti de Jordan Bardella
22:27sont soit élus, soit en ballotage très favorable.
22:29Bernard Schex, qui n'avait jamais été candidat aux législatives,
22:32a mis de longue date Eric Ciotti, était face à un député sortant horizon,
22:36Philippe Pradal, soutenu par le maire de Nice.
22:39Le ciottiste, arrivé en tête, récolte plus de 41% des voix.
22:43Autre ami du patron de LR, Christelle Dintorny, députée sortante et candidate Union des Droites,
22:48sur son affiche, le logo du RN n'a pas fait peur aux électeurs,
22:52elle est réélue dès le premier tour.
22:54Et puis Eric Ciotti se rassure en abordant le second tour, fort de 41% récolté au premier.
22:59Si l'on dézoome, le RN et ses alliés peuvent remporter les 9 circonscriptions
23:03que compte le département, même le visage de David Lysnard,
23:07l'éléant de la candidate de droite, dans la circonscription cannoise,
23:10n'a pas permis d'esquiver la vague de fond RN.
23:13Sa candidature est arrivée deuxième, derrière la candidate de Jordan Bardella.
23:17La droite républicaine en portait tout depuis près de 30 ans,
23:20le bleu azur s'est transformé hier soir en bleu marine.
23:23Le RN prospère sur les cendres de LR, titre par exemple Nice,
23:26matin le grand remplacement en quelque sorte des républicains.
23:29Et alors Fabien, que va faire le grand rival d'Eric Ciotti, le maire de Nice,
23:32Christian Estrosi, dont les candidats ont donc été devancés hier ?
23:36Eh bien hier soir, Jérôme, il entretenait le mystère.
23:38Si nous ne réagissons pas, le RN compterait entre 240 et 270 députés.
23:44Rien de bon ne peut en sortir, martelait le maire de la 5ème ville de France,
23:48dont on connaît l'inimitié qu'il entretient à l'égard d'Eric Ciotti.
23:51A l'instant, on a appris que son candidat, Philippe Radal, député sortant horizon,
23:55arrivé en 3ème position, va se désister, pour ne pas ajouter, je cite,
23:59de confusion et au bénéfice de la candidate PS, contre le ciottiste Bernard Schex.
24:04En revanche, dans la circonscription d'Eric Ciotti, alors que LFI est arrivé 2ème,
24:08le candidat ensemble, le poulain du maire, Greg Monetti, reste dans la course.
24:12Pour vous dire toute l'attention ici, une enquête est ouverte,
24:15après un coup de poing donné hier par un assesseur proche d'Eric Ciotti
24:18à un président du bureau de vote.
24:20Et l'on ne parle que de cette poussée du RN, y compris chez les binationaux.
24:24Dans un café en centre-ville ce matin, un franco-italien ouvrait le Corriere della Sera,
24:29avec en une, Francia l'avanzata della destra, la percée de la droite en France.
24:34Il me confiait qu'après avoir vu son pays basculer,
24:37c'est son autre nation de cœur qu'il regarde sombrer.
24:39Merci Fabien Fourel.
24:41France Bleu Azur pour cet éclairage en direct de Nice,
24:43avec les moyens techniques de Rémi Martinez.
24:45Anne-Charlene Bézina, réaction rapide.
24:47Les LR seront sûrement un pivot de la prochaine Assemblée Nationale,
24:52parce qu'ils n'ont pas donné de consignes de vote national,
24:55ni de zésistement,
24:57mais il faudra compter avec eux pour savoir où se fera la balance.
25:02Est-ce que les LR seront plutôt un renfort du fameux bloc centriste,
25:05ou plutôt un renfort d'un RN affaibli sans majorité absolue ?
25:08Autre question, il nous reste peu de temps.
25:10Je la prends dans ma voix d'Aziz, qui nous appelle de Vendée.
25:12Elle est pour vous Anne-Charlene Bézina.
25:14Que dit la Constitution dans ce cas-là quant au prérogatif présidentiel ?
25:17Si l'un des trois blocs n'arrive pas à réunir une majorité,
25:19est-ce qu'il y aura un blocage politique et pas de gouvernement ?
25:22Le seul article qui nous aidera, c'est l'article 8 de la Constitution,
25:26qui nous dit que le Président nomme le Premier Ministre.
25:29Donc c'est assez elliptique.
25:31On peut imaginer que si aucun des blocs n'a véritablement de légitimité,
25:35le Président accepte en effet de se mettre autour d'une table avec tous les blocs
25:39pour essayer de trouver une solution de sortie de crise.
25:41Je rappelle que la Belgique a vécu son gouvernement pendant un an.
25:45Il y a de toute façon une obligation de débloquer la situation,
25:48puisque 10 solutions sur 10 solutions ne vaut.
25:51Donc on devra garder cette Assemblée Nationale pendant un an,
25:54même si on change de Président de la République.
25:57Et puis la question de Nicolas qui nous appelle de Nantes,
25:59elle est pour vous Mathieu Galart.
26:00Je suis étonné car avec le discours des journalistes,
26:02on a l'impression que le FN a gagné, ce qui n'est pas le cas.
26:05Leur plafond de verre étant à 30% jusque-là.
26:07Est-ce qu'il y a un plafond de verre, Mathieu Galart, pour le Rassemblement National, toujours ?
26:12Le plafond de verre, il monte.
26:14Il y a de plus en plus d'élections.
26:15Le précédent record, c'était les élections régionales de 2015, 27,7.
26:19On a eu les élections européennes, 31,5.
26:21Et puis là, on a effectivement ces élections législatives,
26:24où certes avec les alliés LR, mais finalement ils étaient soutenus par le RN,
26:28on obtient 33,4.
26:30Donc voilà, après peut-être que cet auditeur voit le verre à moitié vide,
26:35et considère que finalement ça n'est pas beaucoup,
26:37mais ça représente un tiers de l'électorat néanmoins.
26:39Merci à tous les deux d'avoir participé à ce 13-14 spécial.
26:43Anne-Charlene Bézina, constitutionnaliste.
26:45Mathieu Galart, directeur d'études à l'Institut Ipsos,
26:48pionnière de France Inter pour ses législatives 2024,
26:51dont on reparle ce soir dans le 18-20 spécial autour de Fabienne Sintès.

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