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"Je donnerais tout ce que j’ai au monde (...) pour appeler à la réflexion, au calme. Je pense que c’est malheureusement le contraire qui est en train de se passer", a déploré Vincent Lindon, à l'affiche de la série de Xavier Giannoli "D'argent et de Sang" (Canal+).

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Transcription
00:00 Une invitée exceptionnelle ce matin dans le Grand Entretien, c'est l'un de nos grands
00:03 comédiens, son personnage mène la traque dans la série événement d'argent et de
00:08 sang réalisé par Xavier Giannoli et qui débarque sur Canal +.
00:12 L'histoire de l'arnaque du siècle, une escroquerie à la taxe carbone, des centaines
00:17 de millions d'euros détournés, une œuvre de fiction inspirée de faits réels, une
00:22 série qui se dévore d'une traite et avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur d'accueillir
00:26 Vincent Lindon.
00:27 Bonjour !
00:28 Et bienvenue, vous dialoguerez Vincent Lindon dans une dizaine de minutes avec les auditeurs
00:32 d'Inter, ils peuvent appeler au 01 45 24 7000 ou vous écrire sur l'application France
00:39 Inter.
00:40 Bravo, c'est l'un de vos grands rôles sans doute, l'un de vos plus grands rôles
00:45 d'une carrière qui est déjà riche et on va y revenir sur ce personnage que vous incarnez
00:50 et qui est extrêmement complexe, épais, dense.
00:53 Cette série d'argent et de sang, elle est traversée par ce qu'on appelle le ticum
00:58 olam.
00:59 Ticum olam, cette idée de réparer le monde, l'idée que certains sont là pour réparer
01:04 un monde que d'autres ont abîmé et c'est tristement, tristement d'actualité Vincent
01:09 Lindon.
01:10 Oui, aujourd'hui c'est un peu difficile ma position, je fais partie de la confrérie
01:16 du spectacle donc est-ce que je suis légitime pour parler de ça ? Mais ce n'est plus
01:20 la question que je me pose, je suis obligé de toute façon, on est obligé aujourd'hui
01:23 si on veut se conduire bien et d'une manière droite de dire ce que ça nous fait à l'intérieur
01:31 de nous, ce qu'on ressent.
01:33 Il y a eu tous les commentaires, des commentaires de politologues, de rabbins, d'humanistes,
01:39 de philosophes et je n'ai pas la prétention d'amener un regard nouveau ou du moins plus
01:43 affûté mais la première chose c'est évidemment la désolation, une tristesse profonde, bouleversante,
01:50 un choc comme moi je n'en ai pas vécu depuis que je suis né.
01:55 On entend des mots qui sont les pires de la langue française mais aussi les pires de
02:00 toutes les langues du monde comme égorger, décapiter, assassiner, massacre, horreur,
02:06 meurtre.
02:07 Comment réfléchir rationnellement devant l'irrationnel ? Quand on massacre des civils
02:15 des armées sans autre raison que parce qu'ils sont juifs, ça s'appelle un acte terroriste.
02:21 C'est du terrorisme.
02:23 Je sais qu'ici et là parfois il y a des gens qui ont du mal à prononcer ce mot, qui
02:28 font les fines bouches.
02:29 Qu'est-ce que ça vous a inspiré d'ailleurs que certains refusent d'employer ce mot ?
02:33 La France Insoumise notamment ?
02:36 Le dégoût, la bêtise et puis l'innomable.
02:43 On ne peut pas quand il se passe une chose comme ça sur la terre en revenir à un détail
02:49 de savoir si on va prononcer un mot ou pas.
02:51 Ça s'appelle du terrorisme.
02:53 Après le terrorisme c'est un acte guerrier, un acte guerrier qui est le pire ou un des
02:57 pires du monde.
02:58 Mais on ne peut pas sans arrêt tergiverser sur les choses et surtout je trouve ça irrespectueux
03:03 par rapport à ce qui s'est passé.
03:04 Il y a deux réflexions que je me fais et qui m'angoissent énormément.
03:08 Moi et beaucoup d'autres gens, tout le monde je pense.
03:11 C'est d'une part la douleur de voir qu'il y a une joie du monde arabe à certains endroits
03:18 et je me demande comment on peut se réjouir d'un assassinat.
03:21 Penser que le meurtre d'un adolescent soit une victoire et fait avancer la cause.
03:25 Et puis il y a aussi la répercussion de ce qui va se passer dans le monde, en Europe,
03:31 dans notre pays, en France, puisque je suis français forcément je suis beaucoup plus
03:34 près de ce qui se passe dans mon pays.
03:35 Et ça, ça vous inquiète la situation ?
03:37 Oui, il y a une communauté...
03:38 Oui, je suis très inquiet.
03:40 La communauté juillet musulmane et malheureusement je donnerai tout ce que j'ai au monde pour
03:46 avoir l'intelligence, le calme, le génie, j'en sais rien comme tous, de faire en sorte
03:52 d'appeler à la réflexion, au calme et je pense que c'est malheureusement le contraire
04:01 qui est en train de se passer.
04:02 J'ai entendu l'autre jour qu'il y avait déjà 150 actes antisémites.
04:07 Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête des humains ?
04:10 Vous vous sentez vous-même en insécurité aujourd'hui, l'ancien Vendan ?
04:16 Non, je ne me sens pas...
04:17 Je n'ai pas envie d'être égoïste comme ça.
04:20 Non, je ne me sens pas en insécurité, je ne pense pas à moi.
04:23 Je pense à tous les gens du monde, à tous les gens qui vivent en paix.
04:26 Et je me dis que c'est...
04:30 J'ai été élevé dans une vie où je pensais qu'avec la libération du langage, avec le
04:37 modernisme, avec le monde qui avance, je pensais que tous ces mots, tous ces horribles pensées
04:43 qui sont racisme, antisémitisme, homophobie, la violence faite aux femmes, aux enfants,
04:48 je pensais que ça allait en diminuant, que la courbe viendrait presque à s'éteindre
04:53 et c'est le contraire qui se passe.
04:54 Donc vous me disiez "le tikkun olam, réparer le monde".
04:57 J'ai l'impression qu'en réparant le monde, aujourd'hui on détruit le monde et c'est
05:02 vrai que ces réseaux sociaux qui sont un des cancers de la civilisation font que les
05:08 gens qui sont silencieux et cachés font plus de bruit et sont plus entendus que les gens
05:14 qui parlent à découvert et qui se dévoilent.
05:16 Qui ne parle pas ? Qui reste silencieux ?
05:20 Je vous dis les gens qui sont sur les réseaux, qui ont des surnoms qu'on ne connaît pas,
05:27 qui prolifèrent des insultes, des choses d'une violence épouvantable et qui font
05:32 qu'aujourd'hui la jeune génération qui passe leur vie sur ces appareils...
05:37 Moi je n'ai pas de réseaux sociaux et bien en face mais c'est vrai qu'à un moment
05:45 on est dans un monde de violence absolument incroyable.
05:49 Mais bon, là je ne dis que des banalités, je n'ai rien inventé dans cette interview.
05:55 Je suis juste bouleversé parce que c'est le déclin du monde.
06:02 Ce n'est pas des banalités, c'est fort de vous entendre dire votre émotion, votre
06:06 chagrin, votre tristesse.
06:08 Vous auriez pu exprimer de la colère par exemple.
06:10 Je viens d'essayer de dire que si j'avais un tant soit peu de pouvoir et de vision et
06:21 un cap à proposer aux gens, je proposerais la paix et le calme.
06:27 Donc je ne vais sûrement pas me mettre en colère.
06:28 Non, ce n'est pas ça mon premier sentiment, c'est la tristesse, c'est être bouleversé.
06:36 Mais comme tout le monde, je n'ai pas le monopole de la tristesse.
06:38 Ce qu'on vit en ce moment est une chose absolument...
06:44 C'est une déflagration, c'est bouleversant.
06:48 Et de savoir qu'on a des enfants tous à qui on lance dans ce monde.
06:54 Ce qui se passe en Israël, je crois que c'est la chose la plus violente que j'ai connue
07:00 puisque je n'étais pas né pendant la guerre.
07:02 Et le président de la République a fait un discours hier que vous n'avez pas vu,
07:06 mais il a invoqué l'unité de la nation face au risque d'importation du conflit que
07:10 vous semblez craindre aussi, Vincent Lindon.
07:13 Il fait interdire aussi les manifestations pro-palestiniennes.
07:16 Il faut aller jusque là ?
07:18 Je ne suis pas un homme politique, je ne sais pas ce qu'il faut faire ou pas faire.
07:24 Je suis un acteur de cinéma au départ.
07:27 Donc moi je suis sur les sentiments et sur le ressenti de ce que j'ai.
07:34 J'ai envie de dire à quel point j'apporte mon soutien à tous les parents, à toutes
07:42 les familles des victimes.
07:44 C'est un assassinat.
07:46 On ne peut pas d'abord tuer des gens sans aucune raison en général.
07:54 Mais quand il s'agit d'adolescents, d'enfants, de femmes enceintes, de kidnappings, c'est
07:58 l'horreur à son dernier degré.
08:00 Je vous dis tout à l'heure, je disais qu'on ne peut pas réfléchir rationnellement devant
08:06 l'irrationnel.
08:07 Je ne suis pas plus fort que les autres.
08:08 Pour l'instant, ce n'est pas ma fonction et je n'ai pas de conseil à donner aux gens.
08:13 Juste amener mon soutien, ma tristesse, ma désolation, mon angoisse du monde de demain
08:22 et me dire que tout ça, il y a un avachissement général de toutes les pensées, de toutes
08:29 les sociétés, de toutes les...
08:31 Plus personne ne se tient droit.
08:33 C'est terriblement pessimiste.
08:36 Oui, c'est très pessimiste.
08:37 C'est désespéré.
08:38 C'est désespéré et de l'espoir.
08:42 Mais c'est difficile aujourd'hui, ce matin, d'avoir de l'espoir quand j'entends Pierre
08:46 Aski qui raconte ce qu'il a raconté il y a deux minutes.
08:49 C'est compliqué.
08:50 Alors, on peut dire tout d'un coup non, mais j'ai beaucoup d'espoir, tout ça va s'arranger.
08:56 Mais on me prendrait pour un fou.
08:58 Une question qui va vous paraître naïve.
09:00 Comment se fait-il que ce qui se passe dans cette région du monde nous touche tous intimement,
09:04 que cette tragédie nous touche au plus profond d'entre nous ?
09:09 Tout simplement parce qu'avant d'être religieux, c'est humain.
09:11 Parce que c'est des êtres humains.
09:12 Parce que c'est des enfants, des morts.
09:16 Je ne vois pas qui ne serait pas touché par ça.
09:20 C'est d'ailleurs ça que je dénonçais tout à l'heure.
09:22 Je ne sais pas comment certaines personnes peuvent écrire des choses sur les réseaux
09:26 sociaux ou même ne pas prononcer le mot terrorisme.
09:29 C'est le B.A.B. de l'humanité, de l'humanisme et du bon sens.
09:37 Enfin, ça me paraît...
09:38 Voilà, je ne sais pas comment vous répondre autrement que...
09:41 Non, mais c'est très clair.
09:42 L'ex-ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi, a qualifié cette attaque terroriste
09:46 du Hamas comme résultant de la conjonction d'une organisation islamiste fanatique et
09:51 d'une politique israélienne imbécile.
09:54 Vous partagez son analyse, même si vous êtes un acteur malgré tout.
09:57 Je ne peux pas la partager, je viens de l'entendre pour la première fois.
09:59 Donc il faut me laisser deux minutes pour que ça incube.
10:02 Je vous dis, je n'ai pas les qualités pour prendre des risques et donner mon assentiment
10:09 à une pensée que vous venez de me donner il y a une demi-seconde.
10:12 Mais si je reviens demain matin et que j'ai le temps de me pencher sur le problème...
10:16 On ne reviendra peut-être pas demain, mais bientôt.
10:17 Non, mais je veux dire, c'est plus compliqué que ça.
10:20 Et malheureusement...
10:23 Oui, malheureusement.
10:25 Pardon ?
10:26 Malheureusement, je pense que c'est le mot.
10:29 Oui, malheureusement, c'est...
10:31 C'est pour ça que je laissais le silence, parce que c'était un mot très fort et qui
10:35 disait avec beaucoup de justesse ce que vous ressentez.
10:38 On va parler de cette série dans laquelle vous avez joué, dans laquelle vous avez magnifiquement
10:45 joué avec...
10:46 C'est la première fois que vous acceptez de jouer dans une série ?
10:49 Oui, c'est la première fois.
10:51 Et c'est pourtant l'un des personnages les plus épais de votre filmographie, avant de
10:55 prendre des questions d'auditeurs d'Inter qui sont nombreux à vouloir dialoguer avec
10:59 vous, Vincent Lindon.
11:00 Ce qui est fascinant, c'est de voir que Xavier Giavnoli a fait un boulot époustouflant
11:05 pour rendre accessible, compréhensible une arnaque, l'arnaque à la taxe carbone qui
11:11 est très, très compliquée, à travers votre personnage.
11:14 Et ce personnage, il est dément, il a une épaisseur folle.
11:17 C'est comme si en regardant la série, on regardait un film de 12 heures.
11:21 Aucun acteur, vous-même, vous n'arriveriez pas à transmettre toutes ces dimensions-là
11:29 d'une personne dans un film de deux heures ?
11:31 Alors, c'est pas la tarte, je vous le dis, de répondre aux questions à propos d'un
11:36 film.
11:37 Au départ, après ce qu'on vient de dire là, je me divise en deux.
11:42 Et il y a un autre Vincent qui regarde tout ça et qui se dit "mais mon beau vieux, sors
11:47 du studio, c'est pas grave, ça n'est que du cinéma, ça n'est qu'un film".
11:50 Mais en même temps, je vais vous répondre.
11:52 Oui, c'est un des plus beaux rôles qu'on m'ait offert.
11:56 Mais ce qui m'a touché le plus, c'est que le metteur en scène, vous avez déjà le
12:01 lit, pense à moi pour interpréter ce rôle.
12:04 Qui est un rôle d'une rectitude, c'est l'ordre et la morale, c'est le défenseur
12:10 de la République.
12:11 C'est un enquêteur qui se bat pour faire jaillir la vérité.
12:13 Oui, qui est à la recherche de la vérité, qui traque le mensonge, qui traque l'escroquerie,
12:19 qui traque la fraude.
12:20 Qui est à la recherche de l'escritor, qui traque les coupables.
12:21 Et le fait que Xaner Xanoli pense à moi immédiatement, je me dis que c'est ce que
12:27 je renvoie comme image, en tout cas un petit peu.
12:31 Donc ça, ça m'a fait énormément plaisir.
12:33 Parce qu'il y a cette dimension, Vincent Landon, mais il y a aussi la dimension, un
12:37 autre registre où vous êtes très émouvant, quand vous essayez de renouer le dialogue
12:41 avec une fille dont vous êtes éloigné.
12:43 Et puis il y a une question de réflexion identitaire, la religion.
12:48 La religion, elle est présente dans la série.
12:50 Et vous avez voulu vous emparer justement de cette question identitaire.
12:54 Être juif, s'éloigner de la religion et puis parler avec un rabbin, essayer de retrouver
13:00 son nez.
13:01 C'est un homme qui est en recherche sans arrêt.
13:03 Il est confronté à trois énormes dimensions.
13:09 L'une qui est l'enquête.
13:11 Il est obsessionnel, obsédé.
13:13 Il traque, mais vraiment il traque la bête jusqu'au bout.
13:16 Mais il a en face de lui sa jeune fille qui a des problèmes d'addiction colossaux.
13:23 Et c'est très intéressant de voir cet homme qui est si puissant au travail et si
13:29 démuni dans sa vie privée.
13:31 Et il y a cette recherche identitaire.
13:33 C'est un homme qui a une maman qui n'était pas juive et un père juif et qui veut comprendre
13:38 l'histoire de sa famille, ses parents pendant la guerre et qui donc est très sujet.
13:45 Il va voir un rabbin à la synagogue et il est en recherche de ça.
13:49 Donc il mène trois actions en même temps.
13:50 Et c'est de là où vient le...
13:54 Il parle du Tikkun Olam.
13:55 Ce personnage parle du Tikkun Olam qui est donc "Réparer le monde".
13:58 Je trouve une phrase extrêmement belle.
14:01 Je trouve que c'est très joli de dire "Réparer le monde".
14:04 Et c'est une chose très importante dans la religion juive.
14:07 Mais dans d'autres religions, ça s'appelle autrement.
14:10 Mais c'est le but de tout le monde.
14:13 C'est pour ça qu'aujourd'hui, c'est très bizarre d'être là pour parler de ce film
14:17 où il est question de réparer le monde au moment où des gens l'abîment et essayent
14:23 même de le détruire.
14:24 - Vous-même, ça vous est arrivé de vous éloigner de votre culture ?
14:29 - C'est-à-dire ?
14:30 - De la religion, de la croyance, puisque c'est une thématique qui traverse aussi cette fiction.
14:37 - J'ai un rapport très spécial avec la religion.
14:41 Je ne peux ni m'en rapprocher ni m'éloigner parce que c'est une chose que je regarde avec
14:46 beaucoup d'intérêt, mais plus intellectuellement que sensitivement.
14:52 Je n'ai jamais été quelqu'un de religieux et qui suit des règles et des rites.
14:59 Je suis quelqu'un qui aime m'intéresser aux religions, quelles qu'elles soient, mais
15:07 plus que d'en faire partie ou de les épouser sans arrêt dans ma vie de tous les jours.
15:16 - Question d'auditeurs d'Inter, et c'est le retour inévitable de cette question qui
15:23 se pose depuis l'attaque terroriste du Hamas contre Israël, c'est la question des Palestiniens.
15:29 Vous n'en avez pas parlé jusqu'à présent.
15:32 - Je vais en parler, puisque une question arrive.
15:35 - "Êtes-vous sensible aussi ?" vous demande Ernaud.
15:38 - Évidemment, comment voulez-vous que je ne sois pas sensible à d'autres enfants qui
15:43 sont privés d'eau, privés de manger, où les hôpitaux ne vont pas être fournis d'électricité
15:50 dans les heures qui suivent, et qui eux n'ont rien demandé et vont probablement périr
15:56 d'une autre manière, mais d'une manière absolument monstrueuse.
16:00 Oui, c'est l'horreur.
16:01 C'est les mots que je disais tout à l'heure.
16:04 C'est l'horreur.
16:05 Il n'y a pas d'autre mot que...
16:07 - Pardon, excusez-moi.
16:08 - Je vous en prie.
16:09 - Donc le siège de la bande de Gaza par l'armée israélienne en réponse à cette attaque
16:14 terroriste, ce n'est pas une bonne réponse.
16:16 - Mais comment voulez-vous que...
16:18 J'ai toujours, moi, pensé que la violence engendre la violence, et que malheureusement,
16:25 de plus en plus dans le monde d'aujourd'hui, on a remplacé la réflexion par la réaction.
16:30 Mais je me mets aussi à la place des israéliens.
16:34 Quand on subit une telle attaque, une telle horreur, un acte si violent, comment ne pas
16:40 avoir le réflexe instantané, surtout les israéliens qui sont connus pour être des
16:44 gens qui répondent extrêmement fort, œil pour œil, dent pour dent.
16:47 On peut être deux parties et les deux avoir raison.
16:51 - Oui.
16:52 - C'est ça l'irrationnel.
16:53 - C'est ça le paradoxe.
16:54 - C'est ça le paradoxe.
16:55 C'est que quand on se met à la place de l'un, évidemment, on est avec lui.
17:01 Quand on se met à la place des civils, je dis bien des civils, des gens qui ne sont
17:05 pour rien dans cette attaque, forcément que je suis obligé d'avoir de la compassion et
17:10 me dire que c'est épouvantable ce qu'on va leur faire subir.
17:13 Donc je ne sais pas si j'ai répondu à la question, mais quand on est quelqu'un de pacifiste
17:19 et qu'on a envie de paix et de calme et d'entente entre les êtres humains, on ne peut que déplorer
17:27 tout ce qui va faire du mal aux humains.
17:29 Donc là, maintenant, on va assister à une autre chose qui va être épouvantable à
17:33 regarder sans pouvoir intervenir.
17:35 Parce qu'en plus, nous ne pouvons pas intervenir.
17:38 Même si le président de la République a fait un discours que tout le monde qualifie
17:42 de formidable hier, et c'est le maximum qu'il puisse faire.
17:46 Ce sont des paroles.
17:47 Et c'est très bien d'appeler son peuple, les Français, à l'unité, évidemment.
17:53 Mais ce n'est pas la première fois qu'on appellera un peuple à l'unité et qu'il
17:57 ne respectera pas l'appel qu'on lui a fait.
17:59 On est en ligne avec Pascale.
18:01 Bonjour Pascale.
18:02 Bonjour.
18:03 Et bienvenue sur France Inter.
18:05 Vincent Lindon est avec nous, il vous écoute.
18:08 Bonjour.
18:09 Bonjour, merci de prendre mon interrogation.
18:12 Plus qu'une question, je suis assez émue de vous entendre ce matin.
18:15 De toute façon, je suis assez émue depuis lundi.
18:17 Donc, perso, moi j'étais au rassemblement lundi à l'appel d'Ycrif, je suis non-juive,
18:24 mais mon fils vit en Israël et est en train de se convertir, donc lui est en Israël.
18:28 Et moi, la question que j'avais pour Vincent Lindon, c'était de lui demander s'il
18:35 pensait que la vie en France, moi je n'ai pas d'autre pays, donc moi je suis… voilà,
18:41 ce serait encore possible.
18:43 Moi je suis très très pessimiste par ce que j'ai entendu, par ce que j'ai vu.
18:46 Au rassemblement, il y avait peu de non-juifs.
18:48 Et sur ce que dit la gauche, je vote à gauche, enfin je votais à gauche, et je suis très
18:54 pessimiste et je voulais savoir quel était son état d'esprit.
18:57 Alors je l'ai un peu compris là, mais quel était son état d'esprit ?
19:00 Merci Pascal.
19:01 Vincent Lindon, vous répondez.
19:02 Mon état d'esprit, avant tout, j'entends depuis longtemps, depuis ma jeunesse, des
19:10 gens se plaindre tout le temps en France.
19:12 On vit dans un très très très très beau pays, un grand pays, où il y a énormément
19:17 d'aides.
19:18 Il peut toujours y en avoir plus, évidemment, mais il y a beaucoup d'aides pour les démunis,
19:22 il y a beaucoup d'aides à plein de choses.
19:24 C'est un pays où l'hôpital marche bien, où la poste marche bien, où le… c'est
19:30 vraiment un grand pays la France.
19:32 Vous l'aimez la France ?
19:33 Bien sûr que j'aime la France.
19:35 Mais on est touché, comme tout le monde.
19:37 Je pense que si vous posez la question à un Anglais ce matin, il sera aussi démuni
19:41 que nous dans ce studio.
19:42 Un Allemand aussi, un Espagnol aussi, un Italien aussi.
19:45 Donc oui, on est inquiet pour l'Europe, mais c'est difficile que je vous réponde
19:50 à cette question.
19:51 En effet, j'ai commencé tout à l'heure en disant que j'étais très inquiet.
19:54 Mais je n'aime pas dire que je suis inquiet, parce que l'inquiétude amène de l'inquiétude.
20:00 Donc on va passer des moments extrêmement difficiles et psychologiques.
20:06 Et j'espère, pas plus que psychologiques, mais ça va être très tendu.
20:11 Mais…
20:12 Mais comment est-ce qu'on va faire ?
20:13 Mais je ne sais pas, je ne suis pas…
20:15 Non, non, mais…
20:16 Je ne suis pas ni ministre de l'Intérieur, ni président de la République, ni philosophe,
20:23 ni un homme qui est très très doué en géopolitique.
20:30 Je ne sais pas.
20:32 Pour l'instant, je n'ai pas plus de solution que de dire qu'il faut écouter ce qu'a
20:37 dit le président de la République, c'est-à-dire l'Union.
20:39 Mais c'est rare.
20:40 L'Union fait la force.
20:41 C'est rare.
20:42 Je me souviens d'ailleurs de votre discours quand vous étiez président du jury au Festival
20:45 de Cannes et que vous disiez justement "je n'ai pas la réponse".
20:48 Je n'ai pas la réponse, à part celle d'être acteur ou de jouer dans des films, de faire
20:55 mon métier et de m'y engager.
20:57 Je pensais malheureusement, j'avais fait une métaphore, mais qui était la mienne,
21:02 que le monde était un navire qui prenait l'eau et qui se remplissait par litres et
21:06 par litres et que nous on colmatait par des petites rustines.
21:09 Et que donc en fait, comme disait Albert Camus, ma génération sait très bien qu'elle
21:16 n'est pas vouée à refaire l'histoire et à refaire le monde pourvu qu'on arrive
21:19 à faire en sorte qu'il ne se défasse pas.
21:21 Mais ça va de plus en plus vite et avec nos petits bras c'est de plus en plus compliqué.
21:26 Bonjour Florence, bienvenue sur Inter.
21:29 Bonjour.
21:30 Oui, vous avez la parole.
21:32 Vincent Landon est avec nous en studio et il vous écoute.
21:35 Bonjour Vincent Landon, merci de votre intervention parce que ça m'a énormément touché sur
21:40 les événements en Israël et ce que vous avez qualifié de terrorisme.
21:44 En fait, ça répond à des questions que d'autres ne se posent pas vraiment.
21:47 Ma question est portée aussi sur votre rôle en tant qu'acteur.
21:52 Je vois que vous jouez dans de plus en plus de films engagés, voire politiques.
21:57 Et je voulais savoir ce qui motivait vos choix et si c'était votre façon à vous
22:02 de faire de la politique en passant par la fiction.
22:04 Alors, c'est une très bonne question.
22:06 Je ne sais pas, c'est probablement ça puisque vous le ressentez comme ça.
22:09 Mais donc c'est inconscient.
22:12 Mais ce qui est inconscient, à la fin devient conscient.
22:14 J'ai toujours voulu faire un métier.
22:18 J'ai été élevé par un père qui me disait "dans la vie, on est médecin ou rien".
22:22 C'était une métaphore.
22:24 Ça voulait dire dans la vie où on aide des gens, où on leur donne quelque chose,
22:30 où sinon ce n'est pas la peine d'être passé sur terre.
22:32 Alors où on est avocat et on défend une cause perdue et on évite à quelqu'un
22:36 qui devait prendre 20 ans et finalement il n'en prend que 5.
22:39 Où on est médecin et on sauve des gens, on les sauve avec la santé.
22:43 Où on est acteur ou actrice et on essaie d'amener un tout petit peu de rêve aux gens.
22:47 C'est ce que je fais.
22:48 Ou alors on essaie aussi de faire des films où les personnages vous parlent et où vous
22:54 avez une identification et vous pouvez vous dire "tiens lui, c'est moi" ou en tout cas
23:01 il me représente.
23:04 Donc c'est cette voie-là que j'ai choisie mais pas tout le temps.
23:07 Je fais d'autres films que ça mais c'est vrai que dans ce film, dans la série "Les
23:12 Viannelis d'argent et de sang", c'est ce que je fais.
23:15 Je suis cet homme qui va traquer l'escroquerie pour ramener de la justice et je pense que
23:24 c'est un vecteur qui va servir pour que les gens se disent "moi je ferai comme lui".
23:29 Voilà, si je pouvais faire comme lui, je ferai comme lui.
23:31 Et ça pourrait aller jusqu'à faire de la politique pour de vrai s'engager ?
23:33 J'en sais rien, c'est pas l'heure ce matin.
23:36 J'en sais rien.
23:37 Tout le monde peut faire de la politique visiblement aujourd'hui et malheureusement.
23:41 Non mais c'est vrai qu'on aurait demandé à un acteur il y a 35 ans "est-ce que vous
23:46 voulez faire de la politique ?"
23:47 Il y en a eu aux Etats-Unis ?
23:48 Oui, non mais je parle en France.
23:49 Personne n'aurait posé la question.
23:50 J'en sais rien.
23:51 Non, enfin, j'en suis pas là.
23:55 Les seuls engagements incontestables d'un artiste sont les œuvres auxquelles il prête
23:59 son concours.
24:00 C'est du Vincent Lindon.
24:02 Fermez les guillemets.
24:03 En tout cas, merci infiniment d'avoir été notre invité sur France Inter ce matin.
24:07 D'argent et de sang, la série est formidable, réalisée par Xavier Giannulli.
24:12 Elle nous interroge aussi sur le monde dans lequel nous vivons et sur d'autres problématiques
24:17 auxquelles nous devons faire face.
24:18 C'est à voir sur Canal+ à partir de lundi, à partir du 16 octobre.
24:23 Merci infiniment.
24:24 C'est moi qui vous remercie infiniment de m'avoir invité.

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