• il y a 7 mois
À 9h20, Vincent Lindon est l'invité de Léa Salamé. Il est à l'affiche du film "Le Deuxième acte" de Quentin Dupieux, projeté en ouverture du Festival de Cannes ce mardi soir. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-13-mai-2024-4781327

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Transcription
00:00 France Inter, le 7/10.
00:07 - Eléa, ce matin vous recevez un grand acteur.
00:10 - Eh oui, bonjour Vincent Landon. - Bonjour.
00:12 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:14 Si vous étiez un acteur autre que vous, si vous étiez un homme politique autre que vous,
00:20 si vous étiez un sentiment, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:23 - Je commence par le sentiment. - Oui.
00:25 - Le sentiment, c'est pas un mot, c'est plutôt une pensée,
00:28 le jour où je serai plus là, j'aimerais qu'on dise de moi, on pouvait compter sur lui.
00:32 C'est ça le sentiment, c'est-à-dire... - La fiabilité.
00:35 - Oui, qu'on puisse se dire, voilà, quand il y avait un...
00:38 Il a fait tout ce qu'il a pu, comme il a pu, chaque fois qu'on lui a demandé.
00:42 - Un acteur autre que vous ?
00:44 - Ah ben là, y a pas une hésitation, Brad Pitt,
00:47 parce que c'est le seul dont toutes les femmes disent
00:49 "je t'interdis de me tromper, sauf si c'est Brad Pitt".
00:52 Donc je serai Brad Pitt, comme ça j'aurai...
00:54 - Et un homme politique autre que vous, Vincent Landon ?
00:57 - Vous ne me demandez pas pourquoi.
00:59 - Je ne vous demande pas pourquoi, d'accord ? Condition.
01:01 - Moi.
01:02 - Un homme politique autre que vous ?
01:06 - Ah là, vous êtes embêté, ne pas pouvoir poser la question derrière,
01:07 ça c'est pas marrant pour Léa Salamé.
01:09 - Non, je pense à tout le monde, comment on va faire un exégèse de ce que vous venez de dire ?
01:14 Un homme politique autre que vous, vous ?
01:16 - Ben, c'est-à-dire autre que moi, acteur.
01:18 - Oui.
01:19 Sacha Guitry disait "un acteur est un menteur autorisé", mais c'est un menteur.
01:24 Vous êtes d'accord avec lui ?
01:25 - Non, non, parce que je pense qu'un acteur ou une actrice, c'est quelqu'un qui chine et qui prend tout ce qu'il voit
01:31 et qui essaie de remontrer au plus près quelque chose qui fait que les gens se disent "tu vois, lui ou elle, c'est moi".
01:40 Donc en fait, je pense que c'est le contraire.
01:42 C'est un catalyseur de vérité.
01:45 C'est un compresseur en une heure et demie de montrer la vie d'une famille ou d'un individu sur une vie de 30 ans.
01:57 - Donc non, c'est pas un menteur ?
01:58 - Non, c'est pas un menteur, c'est un métier très noble.
02:01 Il y en a des beaucoup plus beaux que j'aurais voulu faire, mais en tout cas c'est quelque chose qui porte beaucoup de sentiments
02:07 et sur lesquels les gens peuvent se raccrocher.
02:09 Donc non, c'est pas un menteur.
02:10 - En cette veille d'ouverture du Festival de Cannes, en tout cas on est très contents de vous recevoir.
02:14 Vous qui avez une relation si particulière, si forte avec le Festival.
02:18 Il y a trois acteurs dans l'histoire qui ont eu à la fois un prix d'interprétation à Cannes, une Palme d'Or et qui ont été présidents du jury.
02:25 Il y a eu Sean Penn, il y a eu Gérard Depardieu et il y a eu vous, Vincent Lindon.
02:29 Le prix d'interprétation c'était pour "La loi du marché" de Stéphane Brisé.
02:33 La Palme d'Or c'était pour "Titanne" de Julia Ducournau.
02:36 Et on se souvient tous de votre présidence du jury il y a deux ans avec votre discours hyper éloquent.
02:41 Vous demandiez d'être président du jury à vie et on vous l'a refusé.
02:45 C'est ainsi, c'est malheureux.
02:47 On va parler de Cannes.
02:50 Mais je suis un peu embêtée ce matin parce que le film qui fait l'ouverture demain à Cannes,
02:55 demain soir, le deuxième acte de Quentin Dupieux,
02:58 film dont vous êtes à l'affiche avec Léa Sédoux, avec Louis Garrel, avec Raphaël Kenard.
03:04 Et bien ce film, on n'a pas le droit d'en parler, de le divulguer sur demande express du réalisateur.
03:09 C'est un film aussi que vous n'avez pas vu.
03:11 Il n'a pas voulu vous le montrer à vous les acteurs,
03:13 parce qu'il veut que vous le découvriez comme tout le monde à Cannes demain soir en ouverture.
03:17 Comment on fait ce matin, Vincent Lindon, pour parler d'un film dont on n'a pas le droit de parler ?
03:21 On fait comme je vais faire, c'est-à-dire en même temps on prend des risques, parce que ce n'est pas facile.
03:26 Et j'essaie de me souvenir du ressenti, de ce que j'ai vécu,
03:30 puisque j'y ai été tous les jours du matin au soir.
03:33 Et donc je pense que quand on vit un film où on s'amuse,
03:36 où on trouve que c'est intelligent et qu'il est profond,
03:39 on se trompe rarement.
03:41 Je veux dire que je vais forcément voir ce qu'on a fait, couper, remonter,
03:45 avec des choix, des prises, ça c'est le pouvoir du metteur en scène.
03:49 Mais je sais ce qu'on a tourné, je sais ce que j'ai tourné, je sais ce que les autres ont tourné.
03:53 Et donc je connais l'histoire.
03:55 Donc je ne peux pas en parler, mais surtout dans un monde aujourd'hui
03:58 où il est question beaucoup des privilèges et de l'égalité,
04:02 je trouve ça très intéressant, très rafraîchissant de me dire que je vais découvrir un film.
04:06 Je trouve que c'est très bien comme image qu'on lance aux gens,
04:09 que les acteurs vont découvrir le film en même temps que le public.
04:12 Enfin, on va être sur le même piédestal, on va être égaux.
04:15 On n'a pas d'avantage, pas de privilège, on a fait un travail,
04:18 et on le présente et on va découvrir ce travail en même temps que ceux qui vont le recevoir.
04:22 Donc finalement vous trouvez ça malin de la parole du pneu ?
04:24 Là je trouve ça très malin.
04:25 Intelligent. Alors il faut dire que c'est un film, moi je l'ai vu, j'ai pas le droit d'en parler.
04:29 Je rajoute une chose, pardon. Et moi, en plus, je me mets souvent à la place du public,
04:34 j'en ai un peu marre d'entendre des gens qui pléonasment, paraphrasent sur des choses qu'ils ont faites,
04:40 où tout le monde est beau, tout le monde est gentil, tous les films sont formidables,
04:43 on est tous magistral, cette année j'ai vu 12 acteurs magistral, 17 actrices magistrales,
04:48 le film de l'été, le film de la rentrée, c'est éblouissant, sentimental.
04:53 Vous en avez marre qu'il n'y ait pas de hiérarchie au fond et que tout le monde...
04:57 On ne vend rien, on dit juste "on a fait un film que nous on adore, on espère qu'il est très bien,
05:04 et vous allez juger sur pièce, et on ne vous influence pas, et on vous laisse surtout l'espace,
05:09 liberté de décider". Parce que quand vous passez sous une affiche,
05:12 je vous ai marqué "mirabolant, formidable", avec les noms des journaux et des radios,
05:16 moi je suis en dessous et j'ai envie de dire à l'affiche "ben écoute, puisque tu me donnes ton avis,
05:20 donc t'as plus besoin que j'y aille et que je vous le filme".
05:22 En tout cas, c'est un film très intelligent, pardon de mettre quelques mots,
05:25 très bral, mais aussi loufoque et décalé, barré, comme dans les films de Dupieux.
05:30 Un film sur le cinéma, sur ses coulisses, à la manière de "La nuit américaine",
05:34 un film sur les acteurs, sur les égos des acteurs, mais un film aussi sur l'époque,
05:39 ce qu'on a le droit de dire, ce qu'on n'a plus le droit de dire, sur l'intelligence artificielle aussi.
05:43 Il le dit Dupieux, il a fait un texte en disant "je ne vais pas faire de promo,
05:48 parce que je dis dans ce film, à travers ces quatre acteurs, je dis ce que je pense vraiment de l'époque".
05:54 Et c'est sans doute le film où il se mouille le plus.
05:57 Alors, je suis entièrement d'accord. Sur l'ego des acteurs et des actrices,
06:01 n'oubliez jamais qu'on n'a pas forcément plus d'ego que tout le monde,
06:05 mais nous, ça se voit, puisqu'on est des personnages publics.
06:08 Mais il y a des dentistes qui ont des egos énormes, il y a des journalistes qui ont des egos énormes,
06:12 il y a des bouchers qui ont des egos énormes. L'ego, ce n'est pas si grave que ça.
06:18 Ce qui est embêtant, c'est quand il est mal placé, l'ego.
06:20 Mais moi, j'ai un ego surdimensionné. Vous ne voulez pas que je finisse ma phrase, en fait ?
06:24 Ah si, si ! J'allais vous couper sur "j'ai un ego surdimensionné", donc allez-y.
06:29 Oui, mais ce que j'essaie de faire, c'est qu'il ne soit pas mal placé.
06:32 C'est-à-dire que quand vraiment j'ai tort, quand c'est nul, quand c'est bêbête, quand c'est gamin,
06:40 il faut savoir dire "j'ai été ridicule, c'est ridicule, qu'est-ce qui me passe par la tête ?"
06:44 Mais par contre, avoir un ego surdimensionné qui vous aide à avancer comme une arme de guerre,
06:49 parce qu'on a besoin de ça pour essayer de faire de mieux en mieux et de s'améliorer de plus en plus,
06:55 ce n'est pas toujours mauvais. Il n'y a pas d'avantage sans inconvénient,
06:58 il n'y a pas non plus d'inconvénient sans avantage.
07:00 En tout cas, il va loin, il ne vous ménage pas, Dupieux, sur l'ego,
07:04 puisque chacun des personnages est un peu une caricature de lui-même.
07:08 C'est-à-dire que Louis Garel, c'est un peu le beau gosse séducteur parisien un peu vain,
07:12 Léa Sédoux, c'est l'actrice ultra émotive, ultra narcissique,
07:15 Raphaël Kenard, c'est la grande gueule, un peu instable, un peu border,
07:18 et vous, grognons, arrogants, qui pense qu'il va sauver le monde,
07:21 vous acceptez, on sent que vous acceptez de vous auto-foutre de vos gueules respectives,
07:26 avec une jubilation qui est très drôle et qui est intelligente, extrait de vous.
07:31 Je parle beaucoup, c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de parler, c'est comme ça.
07:36 Même dans les situations où je devrais me taire, je ne sais pas pourquoi, je parle, je parle, je parle,
07:43 ça sort tout seul. C'est marrant. Pourtant, quand j'étais petit, j'étais plutôt timide.
07:49 Non mais je trouve ça très intéressant, je me suis vraiment moqué de moi,
07:54 mais parce que je prends tout au tragique mais rien au sérieux.
07:59 En fait, tout ça n'est pas sérieux, la vie commence et elle se termine un jour.
08:03 Donc je sais bien, souvent quand je me mets à la place des autres, si je me croisais,
08:08 il est possible que je m'exaspère énormément. Et donc je suis très reconnaissant des gens qui m'aiment bien
08:14 et qui disent "mais non, on l'aime bien Vincent". Parce que c'est vrai que oui, je me mêle,
08:19 et parfois même je réponds à des questions qu'on ne me pose pas, je me mêle de choses,
08:22 mais dans la vie privée aussi. À table, avec des amis, je peux tout d'un coup avoir envie de refaire
08:27 leur vie, le monde, leur donner des conseils, et ils pourraient à tout instant me dire
08:31 "écoute Vincent, ça tombe bien parce qu'on ne t'a rien demandé en fait".
08:34 Mais voilà, chacun son défaut.
08:36 Peut-être que vous parlez trop.
08:38 J'ai la passion aussi.
08:39 Oui, mais c'est ce que j'allais vous dire.
08:40 Et de l'amour pour les autres.
08:41 C'est ce que j'allais vous dire, parce que peut-être vous parlez trop, vous vous automoquez dans le film de vous-même.
08:46 Mais c'est vrai que c'est une année où on a beaucoup questionné la parole de l'artiste.
08:50 Le moins qu'on puisse dire, c'est que quand beaucoup se planquent, vous êtes l'un des rares qui prend position.
08:55 Alors parfois vous vous parlez trop, peut-être, parfois vous dites des choses, vous vous regrettez le lendemain.
08:59 Non, ça jamais.
09:00 Vous ne vous regrettez jamais ?
09:01 Jamais.
09:02 Mais en tout cas, sur plein de sujets, sur les inégalités sociales, on vous a beaucoup entendu.
09:06 La taxe Jean Valjean à l'époque du Covid, sur la politique en général, sur le conflit au Proche-Orient.
09:13 On vous a entendu à ce micro avec Ali Badou il y a six mois où vous avez dit des choses.
09:17 Vous y allez quand même ?
09:19 Oui, mais je fais partie de la cité.
09:22 Aujourd'hui, par exemple, parce que je vois à peu près où on voulait en venir et vous avez bien raison.
09:27 Je ne dis pas ça du tout malicieusement.
09:29 Là, par exemple, aujourd'hui, je pense que le grand problème, pour parler d'un des sujets du film,
09:35 qui est les femmes et le rapport aux femmes, les agressions, le "me too",
09:41 je pense qu'aujourd'hui, les hommes doivent accompagner les femmes.
09:48 Elles ne peuvent pas être les seules dépositaires de ce fléau.
09:51 Elles doivent les accompagner pour qu'elles construisent leur souveraineté.
09:56 Mais dans une égalité parfaite et qu'on ne doit jamais, jamais, jamais, au grand jamais, remettre ça en cause.
10:03 Mais on ne peut pas être les seuls et il faut nous donner aussi une feuille de route.
10:06 C'est très compliqué si vous me demandez "alors qu'est-ce que vous comptez faire, Vincent, pour ça ?"
10:09 Je vais vous répondre très franchement, je ne sais pas. Il faut me guider.
10:12 Moi, je suis la personne la plus apte à aider, mais aide-moi à aider.
10:20 Alexandra Alhami, à ce micro, disait il y a quelques semaines "Où sont les hommes ? On ne les entend pas.
10:25 On entend les femmes qui parlent, qui parlent, qui parlent."
10:27 Les hommes sont là, en tout cas, je l'espère. Moi, je suis là, en tout cas, ce matin.
10:30 Mais j'espère et je suis. Je n'ai pas le monopole du cœur ni le monopole de la parole.
10:37 Mais je pense aussi que, par rapport à ce qui se passe dans le cinéma,
10:43 le statut d'artiste ne doit pas être un totem d'immunité.
10:49 On n'est pas au-dessus des lois. On a les mêmes lois que tout le monde.
10:53 Les gens connus, les gens célèbres ont les mêmes lois que tout le monde.
10:56 Mais dans ce combat qu'il faut mener absolument, mais à plein d'égards,
11:00 on ne parle plus assez de l'égalité des salaires, des hommes et des femmes.
11:05 C'est passé en deuxième ou troisième plan. C'est très important.
11:08 Parce qu'une femme qui gagne la même somme qu'un homme peut partir avec ses enfants sous le bras exactement comme un homme.
11:14 C'est très important. L'argent, ça fait vivre. En psychanalyse, c'est très important, l'argent.
11:18 Ça fait vivre, ça fait manger. Et donc penser. Et donc être sain de corps et d'esprit.
11:24 Et ça, c'est très important. Mais dans ce combat, ce que je pense qu'il faut absolument instaurer,
11:30 c'est aussi un tout petit peu de nuance et un peu de calme.
11:33 Alors est-ce que c'est encore possible ? Parce que vous le savez et on l'entend,
11:37 le film d'ailleurs de Dupieux qui va très loin sur le politiquement correct,
11:41 si on a le droit de dire, et pas de dire à un moment Louis Garel, dire à Raphaël Kenar,
11:44 arrête, arrête, arrête de dire ça, on va être cancel. Sur la cancel culture, sur les hommes, sur les femmes,
11:48 sur l'homosexualité, sur les juifs, bref, tous les sujets où on n'a pas le droit de toucher, il y va, Dupieux.
11:52 C'est pour ça que je dis que c'est sans doute le film où il se mouille le plus et il dit beaucoup de choses.
11:57 Le film résonne évidemment avec le contexte. Vous faites l'ouverture du Festival de Cannes demain.
12:02 Le Festival de Cannes qui est percuté par Mithou encore plus cette année.
12:05 On dit qu'il y a des enquêtes sur plusieurs grandes figures masculines du cinéma français.
12:11 Il y a des rumeurs, on parle de listes. Quel regard vous avez sur tout ça, sur tout ce qui se dit, tout ce qui se raconte ces derniers jours ?
12:20 Je disais, il faut du calme et de la nuance.
12:23 Ça veut dire qu'aujourd'hui, si on est d'accord sur 100 points, on est d'accord sur 99 points,
12:29 et qu'on émet une réserve, c'est pas qu'on est contre le centième point.
12:33 On émet juste la réserve, on dit est-ce qu'on peut en discuter ?
12:36 On est dans un monde aujourd'hui où on est quasiment dans le camp de l'ennemi.
12:39 Ça veut dire qu'il faut être d'accord sur les 100 points.
12:42 Mais aujourd'hui, quand vous me parlez de la rumeur, qui est un mot atroce, le mot rumeur,
12:51 un bruit infondé qui circule comme ça, comme une veste puante, c'est horrible une rumeur.
12:57 En fait, aujourd'hui, une rumeur c'est tout simplement et bonnement une présomption de culpabilité.
13:04 C'est-à-dire que c'est incroyable. Si maintenant la rumeur s'emmêle,
13:07 le stade d'après ça va être la rumeur qu'il va y avoir une rumeur.
13:10 Puis après la rumeur qu'il va y avoir une rumeur, qu'il y aura une rumeur.
13:13 Mais les êtres humains vont plus pouvoir s'en sortir, hommes ou femmes.
13:17 Et je pense qu'à un moment, même les femmes vont se sentir oppressées par une telle désorientation de tout ça,
13:26 que ça va les décribiliser, nous de la même manière.
13:31 C'est terrible. Il faut absolument qu'on revienne à un tout petit peu de recul, de nuance et de calme pour pouvoir avancer.
13:39 Rien ne se fait, aucune révolution, aucun grand changement sur la Terre ne se fait
13:44 dans l'excitation et dans le... tout à coup les manettes à fond dans un sens.
13:51 - Les révolutions elles se font aussi en cassant des oeufs.
13:55 C'est Emmanuelle De Vos, la comédienne, qui dit ça.
13:57 "Ceux qui ont abusé, ils vont dégager". C'est comme ça et je trouve ça très sain.
14:01 Bien sûr qu'il y a des têtes qui vont tomber, qui n'auraient peut-être pas dû tomber, mais c'est ça les révolutions.
14:06 - D'accord, mais moi je n'aime pas les mots "dégager" et "têtes qui vont tomber".
14:09 Pardon, j'aime bien qu'on repousse, qu'on mette à l'écart.
14:12 Et je suis contre la guillotine et contre la peine de mort.
14:15 Donc c'est des phrases que je trouve très fortes.
14:17 Mais la finalité, je pense arriver, j'ai envie d'arriver au même endroit qu'elle,
14:21 mais la nuance c'est justement de choisir ses mots.
14:24 Et quand même, il y a une présomption d'innocence, et quand même, il faut essayer de travailler tous ensemble.
14:31 Et plus qu'un combat les uns contre les autres, en effet, je le redis, parce que je l'ai dit en début d'émission,
14:37 il faut que les hommes viennent, se mêlent énormément plus.
14:43 C'est une lutte, c'est un chemin long, mais il faut qu'on aide et il faut nous aider à aider.
14:48 Et je pense qu'on peut aller beaucoup, beaucoup plus loin.
14:52 Mais si c'est un problème qui n'est réglé et géré que par les femmes, ça ne peut pas aller aussi loin.
15:00 Puisqu'il y a des hommes formidables aussi.
15:03 Il y en a. Forcément qu'il y a des gens qui se conduisent bien et qui n'ont qu'une envie.
15:09 Et qui sont autant contre les hommes qui se conduisent mal que les femmes le sont elles-mêmes.
15:13 Il y a des hommes qui sont... Parfois j'ai honte moi du comportement de certaines personnes du même sexe que moi.
15:23 Mais donc je suis quoi ? Je suis un homme ou je suis en fait un homme qui a la pensée d'une femme ?
15:27 Et qui a envie que ces hommes arrêtent de traiter mal les femmes que nous on traite bien ?
15:32 C'est très compliqué. Donc je le redis, oui, il faudrait que...
15:36 Alors je ne vais pas faire d'appel parce que je déteste les appels.
15:39 Comme je n'aime pas les pétitions. Je suis une voix isolée qui essaye de parler publiquement et fort quand on me le demande.
15:45 Mais je n'aime pas les pétitions parce que pour moi c'est un murmure.
15:48 Et qu'on se protège dans un groupe de 200 ou 300 personnes.
15:52 Et en plus dans le monde où on vit, je n'aime pas ça parce que je m'appelle Linden, L-I-N-D-O-N.
15:58 Et peut-être qu'il y aura quelqu'un au-dessus qui s'appellera Lamou et en dessous Lubomsky, j'en sais rien.
16:04 Et un jour peut-être qu'une de ces deux personnes fera quelque chose qui n'est pas bien et on me mettra dans le groupe.
16:08 Parce que j'étais sur la même pétition.
16:10 Donc vous ne signez pas de pétition ?
16:11 Non, je ne signe jamais de pétition.
16:12 Mais vous dites...
16:13 Mais par contre je réponds aux questions qu'on me pose comme ce matin.
16:15 Et je trouve que s'il y avait plus de voix isolée, finalement, ça ferait un beau groupe.
16:21 Un mot sur Robert Abadinter, Vincent Lindon, qui nous a quitté le 9 février dernier.
16:25 Vous déjeuniez avec lui tous les 4 mois, vous étiez proche de lui.
16:28 Il a même dit dans la grande librairie que vous étiez son fils adoptif, un de ses fils adoptifs.
16:33 Qu'est-ce qu'il représentait pour vous et pour la France ? En quelques mots.
16:37 D'abord un grand intellectuel dont la nourriture était vraiment ce qui se passe dans le monde.
16:43 Il le prouvait, il pouvait se nourrir d'une pomme, d'un yaourt et d'un verre d'eau.
16:48 Il n'avait pas le temps de manger.
16:49 Sa nourriture c'était la pensée.
16:51 Et j'étais toujours très ému, très affecté quand on déjeunait ensemble.
16:57 De voir comment il appréhendait le monde d'aujourd'hui.
17:00 Il était désespéré.
17:03 Désespéré parce qu'il avait l'impression que quand on avance de 1 mètre, on recule de 3 mètres.
17:10 On parlait beaucoup de la familiarité.
17:13 De la familiarité des humains aujourd'hui, des gens qui ne respectent aucune règle,
17:21 qui se croient au-dessus de tout, la surpuissance.
17:24 J'adorais le voir.
17:26 J'étais très apeuré en même temps parce que je passais 3 heures avec quelqu'un
17:31 qui savait énormément de choses et qui pensait, et ça c'était très amusant,
17:35 qu'on était quasiment de la même génération.
17:37 Puisqu'il me disait tout le temps "Vous vous rendez compte Vincent,
17:39 la première fois que j'ai plaidé, c'était en face de l'avocat général Raymond Lindon, votre grand-père.
17:43 Donc il a été jeune par rapport à mon grand-père."
17:46 Donc il disait "Vincent est de la même génération, oui, puisque c'est son petit-fils."
17:49 Et chaque fois qu'il me parlait, je repartais dans l'escalier.
17:52 Je faisais un examen, je disais "Il ne m'a pas gaulé aujourd'hui."
17:56 Mais il me citait un truc incroyable d'un livre, on est bien d'accord tous les deux.
18:02 - Face à Basinter, vous ne parliez pas trop, vous ne la rameniez pas trop.
18:06 - Pas du tout.
18:07 - Les Impromptus, pour finir, vous répondez en un mot à chaque fois.
18:10 "Il n'y a pas de bon père", disait Sartre. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
18:14 - Non.
18:15 - La dernière fois que vous vous êtes mis en colère ?
18:18 - Hier.
18:19 - Pourquoi ?
18:20 - Pour une histoire de truc qui...
18:23 Un truc de jardinage.
18:25 - La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:27 - Hier aussi.
18:31 Par quelque chose qui m'a beaucoup, beaucoup ému.
18:34 - Si je vous dis "Vincent Lindon for President", vous me répondez quoi ?
18:39 "Oui, pourquoi pas, jamais ?"
18:41 - "Papa, jamais."
18:43 - "Papa, jamais." On a compris en tout cas, le message est passé.
18:46 - Mais non, mais qu'est-ce que...
18:47 - Ok, vous votez ?
18:48 - C'est comme si vous demandez à un enfant "Est-ce que tu serais pompier un jour ?"
18:51 "Oui, pourquoi pas."
18:52 - Pourquoi pas. Vous votez ?
18:54 - Oui, bien sûr que je vote.
18:56 - Scorsese ou Coppola ?
18:57 - Coppola.
18:58 - Al Pacino ou De Niro ?
18:59 - De Niro.
19:00 - Alain Delon ou Jean-Paul Belmond ?
19:01 - Alain Delon.
19:02 - Nadal ou Federer ?
19:03 - Euh, Nadal... Pardon, Federer.
19:05 - Instagram ou Twitter ?
19:06 - Aucun des deux.
19:07 - L'argent fait-il le bonheur ?
19:09 - Non.
19:10 - Quel est le plus bel âge de la vie, de votre vie ? Quel a été le plus bel âge ?
19:14 - 50.
19:15 - 50.
19:16 - Hum.
19:17 - L'amour dure 3 ans, 10 ans ou toute la vie ?
19:20 - Toute la vie.
19:21 - Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
19:24 - Euh... J'enlève la fraternité. J'hésite entre liberté et égalité.
19:30 - Vous enlevez la fraternité ?
19:31 - Ben non, je vais choisir un des trois.
19:33 - Ouais.
19:34 - Donc, moi je m'en garde deux quand même.
19:35 - Ouais.
19:36 - Liberté et égalité, ça vous dérange pas ?
19:37 - Ça me dérange pas.
19:38 - Et Dieu dans tout ça, pour terminer la question Jacques Chancel ?
19:41 - Écoutez, Jacques Chancel n'est plus là, donc en fait je me dis j'ai du bol de ne pas avoir eu cette question.
19:48 Donc je vais continuer à ne pas y répondre.
19:50 - Le deuxième acte, le film de Quentin Dupieux en projection, en film d'ouverture de Festival de Cannes,
19:56 ce sera demain soir, vous le découvrirez en même temps que tout le monde.
19:59 Et ensuite ce sera en salle le mercredi matin.
20:01 - Vous l'avez vu ?
20:02 - En salle dès demain je crois.
20:03 - En salle dès demain ?
20:04 - Oui, pour les avant-premières.
20:06 - En même temps que la projection.
20:07 - En tout cas on pourra le voir dans les 48 heures.
20:09 - Voilà, exactement.
20:10 - On pourra le voir, moi j'ai eu la chance de l'avoir vu, mais j'avais pas le droit d'en parler.
20:12 Merci et belle journée Vincent.
20:14 - Je suis très content d'être venu, merci beaucoup.
20:15 - Merci.

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