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00:00 - France Bleu Armorix associé aux hommages qui sont rendus aujourd'hui à Dominique Bernard,
00:03 l'enseignant tué vendredi dans une attaque terroriste survenue dans son établissement scolaire à Arras.
00:08 Un drame qui intervient alors qu'il y a trois ans, Samuel Paty, également enseignant, était tué lui aussi par un terroriste.
00:14 Venez nous dire votre émotion, votre recueillement. Nous vous donnons la parole au 02 99 67 35 35.
00:21 - Et avant de vous entendre, nous recevons Mathieu Maého, secrétaire académique du SNES-FSU de Bretagne,
00:26 premier syndicat enseignant du secondaire, également prof de français au lycée Anita-Conti de Brue à côté de Rennes.
00:32 Bonjour. - Bonjour.
00:34 - Et merci d'être là alors qu'en ce moment même, vos collègues se retrouvent pour ces deux heures de recueillement, de discussion
00:40 et pour évoquer aussi l'hommage qui sera rendu à votre collègue, à vos collègues même, je vais dire, ce matin.
00:47 Déjà, juste rapidement pour commencer, dans quel état d'esprit êtes-vous ce matin avant de retrouver vos collègues bientôt et vos élèves ?
00:54 - Écoutez, il y a encore beaucoup d'émotions, de sidérations suite aux événements de vendredi.
01:01 Trois ans après, jour pour jour aujourd'hui, la mort de Samuel Paty. Donc beaucoup d'effroi, de sidérations et aussi de la colère.
01:10 - Et on l'a dit, Mathieu Maého, on donne la parole aussi ce matin aux auditeurs de France Bleu Armorique avec moi,
01:15 Laëtitia Cherbonnel, rédactrice en chef de France Bleu Armorique. Bonjour.
01:19 Et donc, vos appels au 02 99 67 35 35 pour partager aussi votre émotion. On accueille ce matin Franck. Bonjour Franck.
01:29 - Oui, bonjour.
01:31 - Vous nous appelez de Bréel sous Montfort, si je ne me trompe pas.
01:35 - Excusez-moi, je vous entends de mal.
01:38 - Et Franck, vous nous appelez ce matin pour nous dire que votre fille est professeure des écoles
01:42 et qu'elle a, elle aussi, à travers sa profession, vécu des moments difficiles.
01:47 Est-ce que vous voulez nous partager ce témoignage ce matin ?
01:50 - Oui, alors d'aujourd'hui, bon déjà, mon témoignage, c'est envers la famille, déjà qui a perdu un de ses proches,
01:58 envers les professeurs qu'on montre plus ou moins du doigt, mais que des fois on ne les écoute pas.
02:06 Ma fille, il y a deux ans, a fait un témoignage par rapport à une petite fille qui demandait dès à 10h le matin à manger.
02:15 Et donc ma fille, avec sa directrice, l'a signalé.
02:21 Et tout concret, après, derrière, ces deux personnes ont été agressées par les parents.
02:28 - Votre fille et la directrice ?
02:30 - Oui, tout à fait, les deux. Parce que donc la petite était dans la classe de ma fille, et c'était en primaire,
02:37 donc vous voyez, et agressée par les parents parce qu'ils avaient signalé que cette petite fille demandait à manger dès à 10h le matin.
02:50 Mais à côté de ça, ce que je veux dire, c'est qu'on ne sait rien à côté, on n'aide pas les professeurs non plus.
02:58 Et alors d'aujourd'hui, ce que je veux dire, c'est que, comme j'expliquais,
03:02 que ce soit le monde politique, je ne dis pas de droite, de gauche, tout ça,
03:08 mais qu'on rétablit des règles, qu'on rétablit des règles, déjà, par rapport à ça, par rapport à plein de choses,
03:19 et qu'on ouvre les yeux surtout parce que le professeur, il ne peut pas tout faire.
03:24 - Franck, est-ce que vous avez eu peur, ou est-ce que vous avez encore peur pour votre fille qui est professeure des écoles, parfois, dans son quotidien ?
03:31 - Je vais vous avouer que oui, j'ai peur. Mais non seulement ça, parce que moi, à l'heure d'aujourd'hui, j'ai mon gendre qui est gendarme aussi,
03:40 et j'ai mon fils qui rentre en novembre dans l'école de gendarmerie.
03:44 Et à l'heure d'aujourd'hui, je me pose la question s'ils ont vraiment bien choisi la profession qu'il faut.
03:50 Parce que, nous aussi, on va être dans le stress, s'il leur arrive quelque chose,
03:57 justement, par rapport à ces signalements, ou par rapport, je vais mettre maintenant les gendarmes, qui n'ont rien à voir,
04:03 mais quand même, ils sont quand même ciblés aussi.
04:07 Et on se retrouve avec des professions où on apporte le respect, mais le gouvernement ne le suit pas.
04:16 On n'essaie pas d'épauler ces professions-là.
04:19 - Merci, Franck, de votre appel ce matin. Merci de nous avoir appelés pour témoigner du quotidien de votre fille, qui est professeure des écoles.
04:26 Faites comme Franck, appelez-nous au 02 99 67 35 35,
04:31 et dites-nous votre émotion, ou votre envie de témoigner aussi, votre respect pour les enseignants, ce matin, à l'occasion de cette antenne spéciale.
04:40 - Et un enseignant est avec nous en studio, Mathieu Maéau, secrétaire académique du SNES-FSU de Bretagne.
04:46 Vous nous disiez encore l'émotion, évidemment, qui n'est pas passée trois jours après.
04:50 C'était bien d'avoir ces deux heures ce matin, qui ont lieu en ce moment, jusqu'à 10 heures, pour pouvoir parler,
04:57 et aussi préparer l'hommage, ce que vous allez dire après à vos élèves, et la minute de silence qui est prévue à 14 heures ?
05:03 - Oui, c'est nécessaire. Ce ne sera pas forcément suffisant, mais c'est nécessaire d'avoir ce temps pour se retrouver d'abord,
05:09 et puis trouver la meilleure manière de s'adresser aux élèves dans les établissements.
05:13 On rappelle qu'il y a trois ans, au moment de sa malpathie, le ministre de l'époque avait supprimé ce temps qui était prévu,
05:19 qu'on n'avait pas pu le faire. Donc là, les choses se dessinent différemment ce matin.
05:26 Mais voilà, il faudra du temps pour parler et trouver des réponses.
05:32 - Mais justement, est-ce qu'il y a des réponses, Mathieu Maéau ?
05:36 C'est peut-être compliqué comme question, mais ça arrive encore ?
05:40 Encore un enseignant, encore dans son établissement, parce qu'il veut sauver aussi ses élèves, ses collègues ?
05:45 - C'est ça. On voit bien qu'on demande de plus en plus à l'école, dans le contexte actuel, l'auditeur l'a dit à l'instant,
05:54 il y a une forte pression qui porte sur les épaules de l'école.
05:59 Le rôle social de l'école, d'émancipation des élèves, il est important.
06:04 Et ce que l'on regrette, c'est de ne pas avoir les moyens suffisants pour pouvoir faire face à ces défis.
06:12 On entend des mots de la part du président de la République, de la part du ministre de solidarité sur le rôle de l'école,
06:20 mais ce que l'on attend, nous, maintenant, ce sont des actes.
06:22 Que l'on puisse avoir des moyens, des moyens humains dans les établissements,
06:26 à la fois sur les enseignants, mais aussi la vie scolaire, les infirmiers, les CPE, les surveillants.
06:33 C'est d'abord une réponse humaine pour pouvoir encadrer au mieux les élèves,
06:38 et puis faire face aux défis de l'école d'aujourd'hui, dans le monde qui est celui-ci.
06:43 Toutes les semaines, il y a des enseignants dans le premier degré, en particulier, l'auditeur le disait,
06:50 mais dans le second degré aussi, qui se font agresser par des familles.
06:55 Faute aussi de réponse de l'institution, faute d'accompagnement nécessaire pour certains élèves.
07:01 - Et vous confirmez, le maire de Lamballe le disait ce matin sur notre antenne,
07:05 les enseignants s'auto-censurent aussi maintenant sur certains sujets.
07:08 Vous avez cette impression-là également en Bretagne ?
07:11 - C'est une question qui est difficile.
07:14 Tout le monde a en tête la situation.
07:17 Pour nous, il y a nécessité de se poser des questions,
07:21 mais ça, les enseignants le font au quotidien,
07:23 sur la manière, la manière d'aborder les questions avec les élèves, en fonction du contexte.
07:29 Je ne pense pas qu'on puisse parler d'auto-censure,
07:31 mais c'est une réflexion pédagogique, c'est vraiment le sens du métier,
07:36 qui est différent maintenant qu'elle pouvait l'être il y a quelques années, bien entendu.
07:39 - Alors Mathieu Maéau, vous êtes secrétaire académique du CNESFSU de Bretagne,
07:43 vous nous parlez des moyens humains dans l'école.
07:45 Que pensez-vous des moyens humains devant les écoles
07:49 qui sont annoncées par le gouvernement, les protections des établissements scolaires ?
07:53 - Tout est bon à prendre, mais ce que l'on doit mesurer,
07:58 c'est que quelqu'un qui est déterminé à commettre un acte de ce type-là,
08:03 ce ne sont pas des barrières, ce ne sont pas des policiers en ronde autour des établissements
08:08 qui l'arrêteront.
08:10 Les établissements scolaires, ça ne peut pas être des bunkers,
08:12 ça ne doit pas être des bunkers, des prisons.
08:15 Il faut, par définition, qu'il y ait des éléments de circulation,
08:19 des établissements ouverts sur l'extérieur.
08:22 - Mais alors, pas de protection ? Pas du tout ?
08:26 On entendait aussi les parents parler d'interphones, plus de surveillance ?
08:29 - Il peut y avoir des solutions techniques, mais s'il y a des solutions techniques
08:32 qui sont mises là maintenant, que ne l'ont-elles pas été depuis trois ans ?
08:35 Voilà, on voit bien que ce ne sera pas forcément suffisant.
08:40 Je vous dis, il peut y avoir des solutions techniques dans certains endroits
08:43 où des choses n'auraient pas été mises en place,
08:45 mais on voit bien que ce ne sera pas suffisant comme réponse.
08:47 - Appelez-nous pour témoigner ce matin, après ce nouvel attentat
08:52 et la mort à nouveau d'un enseignant Dominique Bernard, tué vendredi à Arras
08:57 par un ancien élève radicalisé.
08:59 On attend vos témoignages au 02 99 67 35 35.
09:04 On en parle avec Mathieu Maého, qui est secrétaire académique du SNES-FSU de Bretagne,
09:10 enseignant français au lycée Anita-Conti de Brue, à côté de Rennes.
09:14 La minute de silence est prévue à 14h.
09:18 On sait que parfois, malheureusement, dans certains établissements,
09:21 c'est difficile à faire respecter ces minutes de silence.
09:23 Certains établissements veulent la faire collectivement et pas dans les classes.
09:26 Est-ce que c'est aussi ce que dit le SNES-FSU ce matin ?
09:29 C'est mieux de le faire dans la cour ?
09:31 - Ce que l'on dit, c'est qu'il appartient à chaque équipe de déterminer.
09:34 C'est à ça que servent les deux heures de ce matin,
09:37 pour voir en fonction des types d'établissements, des profils,
09:41 et puis du travail qui est identifié par les collègues,
09:43 quelle est la meilleure solution.
09:45 Nous, ce que l'on avait fait la fois dernière,
09:47 c'était une minute de silence collective dans l'enceinte de l'établissement
09:53 où tous les élèves étaient réunis pour Samuel Paty,
09:56 avec lecture d'un texte qui avait été rédigé par les collègues.
10:01 Là, je ne sais pas quelle est la solution qui sera trouvée ce matin.
10:04 Je vais aller rejoindre mes collègues dès que je sors du studio
10:07 pour qu'on puisse déterminer collectivement
10:09 quelle sera la meilleure manière de le faire.
10:11 Ça, ça dépend beaucoup des situations des établissements.
10:14 - Et quels sont les mots qu'on peut dire aux enfants, aux jeunes ?
10:18 Vous avez des lycéens en face de vous,
10:20 il y a certainement des parents, des grands-parents qui nous écoutent ce matin.
10:24 - C'est quelque chose de très difficile.
10:29 On avait prévu un hommage à Samuel Paty aujourd'hui,
10:34 alors qu'il prenait des formes différentes en fonction des classes.
10:38 Ce qu'on a, nos élèves, malheureusement, de lycée,
10:43 ils ont déjà connu ça quand ils étaient collégiens,
10:46 ils étaient à l'école élémentaire au moment de Charlie Hebdo,
10:50 des attentats terroristes.
10:51 Ils sont malheureusement dans un environnement
10:54 où ils ont été habitués à ces temps de recueillement.
10:58 On ne s'habitue jamais.
10:59 - Et habitués à ce que l'école soit attaquée ?
11:01 - Oui, ils sont habitués à avoir des exercices,
11:04 PPMS, intrusion, etc.
11:07 Donc on voit bien que malgré tout,
11:09 ça permet dans un certain nombre de cas d'avoir des bonnes réactions.
11:13 Mais c'est un climat qui reste assez anxiogène
11:16 dans les établissements scolaires.
11:18 Dès le plus jeune âge, on habitue les élèves à se cacher,
11:22 avec des formes plus ou moins, je ne veux pas dire ludiques,
11:25 mais moins anxiogènes pour les élèves.
11:28 Malgré tout, ce climat, il est pesant.
11:30 - Est-ce que vous pensez qu'il y a des enseignants
11:33 qui ont peur ce matin,
11:34 qui ne vont pas aller devant leurs élèves,
11:35 ou qui n'auront plus envie de faire ce métier ?
11:38 - On a une désaffection du métier enseignant
11:41 pour tout un tas de raisons.
11:42 Une déconsidération politique depuis des années,
11:47 mais c'est un métier qu'on ne peut pas faire à reculons.
11:50 Les gens qui...
11:52 Dans l'académie de Rennes, un peu partout,
11:55 les gens continuent parce qu'ils ont fait ce choix,
11:59 parce qu'il y a une conscience professionnelle,
12:01 le sentiment d'être utile,
12:03 et aujourd'hui plus que jamais.
12:04 Et donc ça, ça continue.
12:07 Ça ne veut pas dire, je vous l'ai dit au départ,
12:09 qu'il n'y a pas de l'effroi, de l'assidération,
12:12 beaucoup d'émotions.
12:13 Mais le sens de notre engagement,
12:15 c'est d'aller dans les établissements scolaires,
12:17 d'aller prendre nos élèves,
12:19 de travailler avec eux
12:20 pour éviter que ce type d'événement se reproduise.
12:22 Parce que c'est ça la mission de l'école.
12:24 - Merci Mathieu Maého d'avoir été l'invité de France Blanc-Armorique ce matin.
12:28 Vous êtes le secrétaire académique du SNES-FSU de Bretagne.
12:31 Je vous rappelle qu'il y a de très nombreux hommages
12:33 rendus aujourd'hui en Bretagne à Dominique Bernard,
12:35 mais aussi à Samuel Paty.
12:37 Vous en retrouvez la liste, les horaires,
12:39 les lieux de rendez-vous sur notre site francebleu.fr
12:42 avec également cette interview en vidéo d'ici quelques minutes.

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