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Léa Salamé reçoit Albert Dupontel pour son film "Second tour", en salles le 25 octobre 2023.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mardi-17-octobre-2023-7488090

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Transcription
00:00 cinéma Léa, ce matin vous recevez un réalisateur !
00:03 Bonjour Albert Dupontel, merci d'être avec nous ce matin.
00:06 Si vous étiez un animal et un personnage historique, vous seriez quoi ?
00:09 Alors un animal, j'ai réfléchi, une éponge, c'est bien, ça ne dérange personne.
00:13 Et un personnage historique ? Dans les tropiques si possible.
00:16 Léonard de Vinci, je referais des trucs que j'ai un peu ratés, je trouve que Mona Lisa
00:20 louche, donc discrètement je reviendrai pour corriger le tir.
00:24 Pensez-vous Albert Dupontel que la seule façon de renverser le système, c'est d'appartenir
00:28 au système ?
00:29 Cette phrase vient d'un documentaire que j'avais vu pour l'initiative de ce film, c'était
00:32 sur Robert Kennedy, que je vous recommande en 4 épisodes.
00:34 Il y en a vraiment quelqu'un qui au départ est assistant de McCarthy, donc on va dire
00:37 un démocrate dur, fils de l'upper class, et qui en 10 ans voit son frère assassiné,
00:41 comprend certainement ce qu'est le système puisqu'il y appartient.
00:43 Et juste avant sa mort, c'est un des premiers défenseurs des droits civiques, etc.
00:47 Voilà d'où cette phrase.
00:48 Cette phrase qui est mise en exergue de votre nouveau film, je précise.
00:51 Pour créer un petit peu d'empathie sur un personnage au début un peu minéral, un peu
00:54 froid, un peu normal on va dire.
00:56 Un peu normal.
00:57 La politique oui.
00:58 La politique, c'est effectivement sans doute votre film le plus politique, le plus directement
01:02 politique, je peux le dire comme ça ?
01:03 C'est un décorum, pas de position politique, je n'ai jamais voté, je suis un mauvais
01:06 citoyen, mais c'est un décorum dans lequel il se passe une campagne électorale.
01:09 Et comme vous avez pu le voir très vite, ça devient une histoire personnelle et intime.
01:12 Alors justement, c'est donc votre nouveau film après les succès d'Au revoir là-haut
01:15 et d'Adieu les cons.
01:16 Voici Second Tour, c'est comme ça qu'il s'appelle.
01:18 Un film que vous avez écrit et réalisé, dans lequel vous tenez le rôle principal,
01:22 qui sort mercredi dans une semaine sur les écrans.
01:25 Et on vous retrouve en grande forme dans cette fable politique, je le dis, cette satire
01:29 décapante, grinçante, qui n'est pas une personne et surtout pas les puissants.
01:32 Les hommes politiques, les patrons du CAC 40, les journalistes également.
01:36 Un film où transparaît aussi, comme toujours chez vous, de la tendresse de l'humanité,
01:40 un esprit d'enfance qui fait du bien en ces temps d'actualité violente et troublée.
01:45 Ken Loach, que vous admirez, dit qu'avec ses films, il veut provoquer l'indignation
01:48 du spectateur.
01:49 Vous, vous voulez provoquer quoi avec ce film ?
01:51 Moi, je considère que l'indignation est déjà là.
01:53 Je cherche surtout à distraire les gens.
01:54 Vous voyez, il y a un des deux cinéastes qui est un peu plus petit bourgeois que l'autre,
01:57 devinez lequel ?
01:58 Ken Loach ?
01:59 Non, mais surtout pas, ne touchez pas au grand Ken.
02:03 Mais quel est le message que vous voulez envoyer ?
02:06 Rien, rien.
02:07 Parce qu'il y a quand même…
02:08 Il y a des messages, mais c'est un commentaire de ce qui se passe aujourd'hui.
02:09 Donc j'enfonce les portes ouvertes avec beaucoup d'enthousiasme.
02:11 Oui, il y a un problème d'environnement.
02:12 Oui, il y a une information qui est ou continue ou contrôlée, ça dépend comment on formule.
02:16 Oui, il y a une classe politique qui est un petit peu corsetée, etc.
02:19 Voilà, maintenant, je ne pointe personne du doigt en particulier.
02:21 Là-dedans, je raconte vraiment ce que je voulais faire, c'est un roman de guerre.
02:25 Au mieux une fable, au pire un roman de guerre.
02:27 J'accepte les deux définitions, il n'y a pas de problème.
02:29 Alors, je tente de résumer l'intrigue, sans trop en dire, sans spoiler, comme on
02:33 dit.
02:34 On est dans l'entre-deux-tours de la présidentielle.
02:35 Vous êtes le favori du scrutin, le candidat du système.
02:38 Du cas 40, il vous reste 14 jours pour gagner, tout devrait bien se passer.
02:41 Sauf que voilà, une journaliste politique télé, qui était jusque-là placardisée
02:46 au foot parce qu'elle avait eu le malheur de faire un reportage sur les actionnaires
02:50 de sa chaîne.
02:51 Donc elle est en disgrâce, elle est jouée par Cécile Defrance.
02:57 Elle est rappelée finalement pour suivre votre campagne.
03:04 Et là, évidemment, elle va découvrir des choses.
03:08 Elle va découvrir que vous avez des secrets.
03:09 Elle va faire une enquête qui va bouleverser la donne politique.
03:13 Et on verra si ça change le résultat final de l'élection présidentielle.
03:17 Ça va très vite, on se croirait dans un thriller.
03:19 Il est question d'orphelinat, de complots, de hackers gluants.
03:22 Au début de votre film, les journalistes n'en finissent pas de déplorer le fait
03:27 que cette campagne présidentielle est chiante comme la mort, qu'on s'y ennuie, qu'elle
03:30 est soporifique.
03:31 Ce qui rappelle évidemment ce qui s'est passé en 2022.
03:33 Vous avez voulu écrire un film, une fable sur une campagne percutée par plein de rebondissements,
03:38 des attentats, des mensonges, des coups de théâtre.
03:41 Oui, encore une fois, j'enfonce des portes ouvertes.
03:43 C'est vrai que la politique ne me passionne pas et ne passionne pas beaucoup les gens.
03:46 On est en difficile de parler politique.
03:48 Je parlais de Robert Kennedy tout à l'heure.
03:49 Robert Kennedy, il y a un moment extraordinaire dans ce documentaire et dans sa vie.
03:53 C'est quand il prend la parole dans un ghetto black à Indianapolis.
03:55 Il parle aux gens avec des mots d'une conviction.
03:57 Ils viennent apprendre la mort de Martin Luther King.
03:59 Il leur annonce, c'est la nouvelle la pire qui peut exister à ce moment-là par rapport
04:03 à cette audience.
04:04 Il prend la parole, il leur dit "voilà, on a tué votre frère, on a tué le mien aussi,
04:07 c'est un blanc qui l'a tué.
04:08 Donc c'est pas une question de couleur de peau, c'est juste une absence d'amour dans
04:10 ce pays, etc.
04:12 La seule ville des Etats-Unis où il n'y a pas eu de meute ce soir-là, c'est Indianapolis.
04:15 Donc la parole politique, quand elle a un poids, quand elle est convaincante, intelligente,
04:18 elle a un effet.
04:19 Vous avez raison de dire ça parce que je pense que c'est un film sur la parole politique.
04:22 Avant même les engagements ou les plaidoyers pour une chose ou pour une autre, c'est un
04:27 film sur la parole politique.
04:28 Vous prenez l'exemple de Robert Kennedy, c'est-à-dire ce que vous dénoncez dans ce film.
04:31 Et chez les deux candidats officiels, l'un de vous, c'est vous, c'est comment cette
04:37 parole politique est devenue mécanisée, écrasée par les éléments de langage, par
04:41 une parole techno.
04:42 Et comment quand à un moment, parce qu'à un moment évidemment dans le film, sans spoiler,
04:47 il va y avoir l'arrivée de la sincérité au milieu de cette parole politique, comment
04:52 ça change les choses ?
04:54 Oui forcément, mais quand vous parlez de dénoncer, moi j'ai pas cette prétention-là.
04:56 Je veux distraire les gens sincèrement, croyez-le ou non.
04:58 C'est un décorum, je fais un petit commentaire depuis quelques années sur le monde que je
05:02 traverse, l'espace-temps que je traverse.
05:04 Et voilà, je cherche à dénoncer personne.
05:06 Ken Loach est un cinéaste politique, moi pas.
05:08 Un homme politique peut-il être sincère ou c'est trop dangereux ?
05:11 C'est difficile.
05:12 Dans notre histoire, on a un homme politique qui est avancé masqué, c'est De Gaulle.
05:15 De Gaulle quand il dit « je vous ai compris », qu'est-ce qu'il a compris ? Que les
05:17 colonies c'est fini.
05:18 Et pourtant il est mis au pouvoir par des gens qui veulent que l'Algérie reste française.
05:21 Et il les trahit, et puis après ils ont cherché à le tuer pendant une décennie.
05:25 Donc voilà, il y a déjà au moins un exemple dans notre histoire par rapport à ça.
05:29 Des fois, quelqu'un de convaincu peut mentir parce qu'il pense que la vérité, ça viendra
05:33 plus tard, etc.
05:34 C'est un jeu compliqué.
05:35 La média, ce que je suis en train de faire ici, ce que vous faites tous les jours, c'est
05:38 compliqué pour le public.
05:39 Surtout en ce moment.
05:40 Être dans la lumière, c'est compliqué.
05:41 Donc il faut faire attentif, il faut s'écouter, il faut se regarder.
05:43 La sincérité, c'est pas forcément un mot qui colle avec ces adjectifs.
05:46 Vous avez un truc de Chirac jeune dans la manière d'être.
05:49 Vous l'avez travaillé ? Vous vous inspirez dans cette manière de vous mouvoir, d'aller
05:54 vers la caméra ?
05:55 Non, c'est juste que je les ai suffisamment vus, même quand j'ai plus de télé depuis
05:58 un moment.
05:59 Vous avez 25 ans que vous n'avez plus de télé.
06:00 Oui, mais ça me manque pas.
06:01 Je vous rassure, c'est tellement anxiogène.
06:03 Je sais pas comment vous faites avec toutes ces nouvelles épouvantables tous les matins.
06:06 "Infirmier, ils sont là, ils sont deux !"
06:08 Venez nous prendre, qu'on en finisse.
06:11 Vous avez raison, c'est anxiogène.
06:13 Ah ouais, c'est anxiogène.
06:14 Moi j'ai des enfants, je cherche à les préserver déjà de mes anxiétés.
06:16 Au moins un petit peu d'insouciance avant que la réalité les rattrape.
06:19 Toute notre vie, c'est un dialogue entre Rimbaud et Newton.
06:21 Laissons chez Rimbaud, je vais les laisser chez Rimbaud, puis Newton les rattrapera.
06:24 Et toute votre vie, au fond, c'est de faire des films pour échapper à vos inquiétés
06:27 et vos névroses, ou alors de mettre vos névroses dans vos films, comme vous le dites souvent.
06:31 J'exercise, c'est une bonne façon d'exercicer, c'est plutôt sympathique.
06:34 La dernière fois que vous êtes venu pour Radio Les Cons, ici à ce micro, vous m'avez
06:38 dit "un peuple qui réfléchit est un peuple qui peut désobéir".
06:40 C'est une phrase de Voltaire.
06:41 C'est ce que vous espérez faire réfléchir ?
06:44 Non, encore une fois, vous me prêtez une intention que je n'ai pas...
06:48 Non, arrêtez sur ça, parce que c'est quand même un film...
06:52 Mouillez-vous ! C'est un film où vous dites des choses, et notamment sur l'urgence écologique,
06:56 la manière de filmer la nature, de dire les choses...
06:58 Oui, mais c'est simple à faire, si vous voulez, quand vous êtes convaincu par rapport à
07:00 quelque chose de la crise environnementale.
07:02 Encore une fois, c'est un lieu commun, tout le monde la raconte comme il a envie de la raconter.
07:05 Moi, avec ce roman de garde, j'en profite pour raconter ça, et je voulais vraiment
07:08 faire une métaphore.
07:09 Je vous ai raconté l'histoire véridique de Kennedy, sa prise de conscience.
07:11 Il y a aussi une histoire de Engels et Marx, quand on voit qu'Engels a conscience de maltraitance
07:15 des ouvriers par son propre signe paternel, et quand il va financer et aider Marx à
07:19 écrire le Capital Long.
07:20 Il y a des exemples qui sont réels, mais ça, ça aurait été une portée morale.
07:24 Et moi, ce que je voulais, c'était le roman de garde, je voulais la fable.
07:26 Bien évidemment, que ce que je raconte, tout le monde le connaît, et je passe par une
07:29 histoire tarabiscotée en diable, grâce notamment à Cécile et à Nicolas Marier, qui résout
07:33 ça par une enquête footballistique hautement improbable.
07:35 Qui sont assez géniaux tous les deux, à la fois Nicolas Marier et Cécile de France.
07:40 Vous ne votez pas, Albert Dupontel, vous êtes très concerné, très engagé, un tranquille
07:44 et inquiet face à la situation, et pourtant vous ne votez pas, pourquoi ?
07:46 Il y a une phrase de Desproges, "si ça servait à quelque chose de voter, ça serait interdit".
07:50 J'ai écouté ça, j'avais 18 ans, ça m'a beaucoup marqué.
07:53 La première fois, c'était Chirac-Mitterrand.
07:54 Chirac, il était Premier ministre quand j'étais à l'école primaire, donc pour moi c'était
07:57 un cacochyme, quand on est jeune.
07:59 Et puis Mitterrand, mon père est en Algérie, comme Mitterrand a été ministre de l'Intérieur
08:02 et de la Justice, il m'a dit qu'il était au courant de ce qui se passait, il n'a rien fait.
08:05 Donc les deux ont été décrédibilisés moralement, et j'aimais beaucoup mon papa.
08:09 Donc voilà, depuis, je n'ai pas eu l'occasion de changer d'avis.
08:11 Vous parlez de Pierre Desproges, moi vous m'avez fait penser à Coluche.
08:14 Coluche, qu'on va écouter, qui était candidat à la présidentielle en 1980, avant l'élection de Mitterrand.
08:20 Je prends les voix des abstentionnistes, personne ne les a jamais eues.
08:24 Moi je fais acte de civisme pour ces gens-là.
08:26 C'est-à-dire que les mecs à qui je réclame de voter pour moi, n'ont jamais voté.
08:30 Comme moi d'ailleurs.
08:31 Moi j'ai voté une fois quand j'ai eu ma carte, parce que je voulais savoir si c'était utile.
08:35 Et je me suis aperçu que j'avais voté pour rien.
08:37 Et il y a des mecs qui ont voté pendant 30 ans pour rien.
08:39 Il y a des gens qui ont voté à gauche alors que la gauche n'a jamais réussi à s'entendre.
08:42 Parce qu'ils ont fait passer leur intérêt personnel avant les intérêts de la France, donc des Français.
08:47 Et puis ceux qui ont voté à droite, ils ont bien vu que c'était pour rien.
08:49 Ça vous fait mourir de rire Coluche ?
08:53 Moi j'ai grenier Coluche avec Desproges.
08:55 Je ne sais pas s'il pourrait avoir autant de paroles aujourd'hui.
08:56 Ah oui, vous pensez ?
08:57 Ah bah oui, ça ne rigole plus en ce moment.
08:59 Vous pensez que Coluche aujourd'hui, ça ne pourrait pas passer ?
09:01 Bah il y a des bugs en tout cas.
09:02 Moi j'étais vraiment fan de Desproges.
09:04 J'avais des biais, des bugs qu'il faisait.
09:05 Je pense qu'il aurait des soucis aujourd'hui.
09:07 Vous dites, vous avez donné une interview avant Inter, c'est à Thinkerview.
09:11 Où vous dites "2027, ça me fait flipper".
09:13 Oui bien sûr.
09:14 Pourquoi vous flippez ?
09:15 Bah il n'y a que les extrêmes qui s'expriment aujourd'hui.
09:17 Il n'y a plus le fameux républicain, centriste, objectif, sage, conscient.
09:21 Je le cherche, je ne le trouve pas.
09:23 Quand les extrêmes montent, c'est une catastrophe.
09:25 C'est une minorité qui peut tout d'un coup avoir le pouvoir.
09:27 Mais c'est déjà le cas, je crois que Macron a été élu par 18% déjà, de voix je crois.
09:30 Macron il est extrême ?
09:32 Non il n'est pas extrême.
09:34 Il est extrêmement centriste on va dire.
09:36 Avec ce que ça suppose de pseudo-objectivité.
09:38 Je ne sais pas, Macron, moi j'en veux pas des gens comme ça.
09:40 Ils ont été formés pour faire ce qu'ils font.
09:42 La question qu'on pose, notamment peut-être à travers ce film,
09:44 c'est est-ce que c'est les bonnes personnes qu'il faut par rapport à l'époque qui arrive ?
09:46 Et je suis inquiet pour mes enfants.
09:48 La question est assez simple.
09:50 Il a fait jusqu'à la semaine dernière, il faisait 28° à Paris.
09:52 C'est simple, l'équation est simple.
09:54 Mais bizarrement c'est comment vous cherchez à résoudre d'autres problèmes.
09:56 Et celui-là me semble-t-il est majeur.
09:58 Ça c'est quelque chose qui vous brûle intérieurement, l'urgence écologique.
10:00 C'est le cas de le dire, par exemple pour le jeune mot.
10:02 Parce que c'est objectifiquement pas en France pour que l'écologie ait de gauche.
10:04 Quand on dit qu'elle est gauche, elle est gauche au sens caricatural.
10:06 Des fois ils font du tort à la cause qu'ils prétendent défendre.
10:08 Je ne comprends pas tout ça.
10:10 La politique politicienne réduit le débat à un débat justement juvénile et infantile.
10:14 Et j'aimerais justement qu'on soit au-dessus.
10:16 Je suis tombé l'autre fois, il y a sur Youtube,
10:18 sur un 67 de Gaulle qui parle du capitalisme.
10:20 Et ce vieux monsieur en noir et blanc avec la voix chevrotante
10:22 en train d'expliquer que le capital n'est pas une bonne chose.
10:24 Le capital reste un capital et provoque une alienation des travailleurs.
10:26 Et pourtant il était supposé être de droite réactionnaire.
10:28 Il avait une bonne analyse de la situation.
10:30 Comme Clémenceau était un anti-réclairé calfarouche.
10:32 Et puis il était de gauche aussi.
10:34 - De Gaulle et Clémenceau, c'est les deux figures qui reviennent le plus dans votre...
10:36 - Je trouve que historiquement, ils ont fait des conneries.
10:38 Comme tout homme politique.
10:40 Mais c'est vrai qu'ils avaient une conviction.
10:42 Enfin, Clémenceau c'est comme le rédacteur en chef de l'Horreur
10:44 avec le fameux j'accuse de Zola.
10:46 Et quand on lit son histoire, elle est absolument passionnante.
10:48 C'est bien un personnage, dans 20 ans j'aimerais l'interpréter.
10:50 - Vous aimeriez interpréter Clémenceau ?
10:52 - Ah ouais, ouais, je trouve qu'il a beaucoup d'humour.
10:54 Quand un président de la République est tombé de crise cardiaque avec une prostituée, je crois que ça s'appelle Félix Faure,
11:00 il a dit "il se rêvait César, il est mort pompé".
11:02 Il faut oser dire des trucs pareils.
11:04 - Votre film est aussi une satire assez impétuable du monde des médias et des journalistes.
11:10 En tout cas, je l'ai vu comme ça.
11:12 Les journalistes des chaînes d'info, obsédés par les buzz, les polémiques.
11:16 Un monde de médias fait de compromissions avec le pouvoir en place.
11:18 La critique du journalisme, elle est vieille comme ça.
11:20 Quasiment comme le journalisme, Balzac la faisait très bien déjà du 19ème siècle.
11:24 - Cécile rend hommage au journalisme.
11:26 Je pense qu'elle dit "moi je suis une vraie journaliste et au nom de l'éthique que je m'appuie je vais l'éliminer".
11:28 - Alors vous avez raison, vous en sauvez une, la figure de Cécile qui va enquêter et donc changer la donne de cette campagne présidentielle.
11:34 Je me suis interrogée pour quelqu'un qui n'a pas la télé depuis 25 ans,
11:38 comment vous avez fait pour imiter si bien les journalistes, les présentateurs des chaînes d'info, de BFM Business,
11:44 et même les présentateurs du débat d'entre deux tours que vous vous trouvez.
11:48 - Ah, j'ai deux super acteurs, Chérif et Julia.
11:50 - Julia Molko.
11:52 - Non mais quand on n'a pas la télé, la télé vous a.
11:54 Donc voilà, de toute façon je suis cuit.
11:56 Un avion, un hôtel, une gare, un moment d'ennui, un moment de distraction mentale.
12:00 - Et paf !
12:02 - On se prend la télé avec son flon d'anxiété.
12:04 Mais je les ai vus les journalistes, je les ai vus.
12:06 J'ai vu l'éveil des chaînes d'intel.
12:08 Moi j'étais proche d'Alain De Greff, grand personnage de la télévision,
12:10 qui a créé notamment E-télé, qui est devenu maintenant CNews.
12:12 Donc je les ai vus, j'ai vu les préoccupations, j'ai vu ces gens parler,
12:14 se nécessiter sans arrêt de scénariser le quotidien avec beaucoup d'anxiété.
12:18 C'est pour ça que je vous dis "au fout l'agent" quand je vous regarde.
12:20 Je ne sais pas comment vous faites, etc.
12:22 Mais ça me rappelle quand j'étais aux urgences, dans l'intérieur de la médecine.
12:24 Vraiment des fois j'avais du mal à supporter le flux de drame qui arrivait toutes les minutes et toutes les heures.
12:28 - Il n'y a pas que la politique et les médias dans ce film, il y a aussi l'amour.
12:32 Et notamment les premières histoires d'amour qui n'aboutissent jamais,
12:34 mais qui laissent des cicatrices scinder les billes.
12:36 Il y a aussi ça dans ce film.
12:38 - Oui, oui, ça m'était arrivé.
12:40 Des histoires qu'on s'efforce d'oublier et puis tout d'un coup elles ressurgissent très fort.
12:44 Les premières histoires c'est le plus important.
12:46 On est innocent, on croit encore en plein de choses, on croit à une forme d'amour.
12:48 Après l'amour, mon père m'avait dit "c'est de l'amitié qui dégénère".
12:52 Je trouve que c'est une définition assez juste.
12:54 - C'est l'infini à la portée des caniches, disait Céline.
12:56 - Ah bon ?
12:58 - Il y a une vraie part romantique chez vous, Albert Dupontel.
13:02 Votre cinéma fait parfois penser au roman de Michel Houellebecq,
13:04 qui est aussi pessimiste que vous, qui est aussi critique de l'époque que vous.
13:08 - Je ne suis pas du tout un fan de Houellebecq.
13:10 - Pardon, mais il place lui aussi au cœur de ses livres l'amour, l'amour qui sauve.
13:15 - Chaplin disait que la vie n'a aucun sens et l'amour peut lui en donner un.
13:18 Effectivement, mais quand on parle de l'amour, ce n'est pas au sens béni.
13:20 Oui, oui, c'est juste aimer les belles choses.
13:22 Le monde dans lequel on arrive très vite est un monde qui est pollué par la publicité,
13:25 par "qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?", "putain, il faut gagner de l'argent".
13:27 Et ça c'est une anti-définition de l'amour justement.
13:29 Et l'amour, c'est tout d'un coup quand il fait beau, de plus en plus beau malheureusement,
13:33 mais c'est en profiter, profiter, le divin c'est la nature, c'est une phrase de Jung,
13:37 c'est profiter de ça, etc.
13:38 Et la culture, vraiment le plus tôt possible, dans l'âge des enfants, c'est extrêmement important.
13:43 Oui, il y a eu des Mozart, oui, il y a eu des Beethoven,
13:46 oui, il y a des Vinci, il y a des Michel-Ange,
13:48 oui, il y a aussi Hitler, mais voilà, Dieu a peut-être créé la Terre,
13:52 mais il a laissé le diable on va dire.
13:54 - Question de fin, vous répondez sans trop réfléchir, ça s'appelle "Les Impromptus".
13:58 Votre film est dédié à Bertrand Tavernier, Jean-Paul Belmondo et Michel Deville.
14:02 Pourquoi ?
14:03 - Ils ont beaucoup marqué à la fois mon affectif et ma culture de cinéma,
14:06 et puis ils sont partis tous les trois, donc je me devais de leur rendre hommage.
14:09 Quand il y aura marqué à moi, vous comprendrez que ce serait moi qui serais parti.
14:12 Je compte sur vous pour les condoléances.
14:14 - Vous pouvez compter sur nous.
14:16 Quand on va au cinéma, on lève la tête, quand on regarde la télévision, on la baisse, disait Godard.
14:20 Vous êtes d'accord avec lui ?
14:21 - Tout à fait, pour une fois.
14:22 Je ne suis pas un fan de Godard, je n'ai rien compris à ce qu'il voulait faire.
14:25 - Si vous étiez candidat à la présidence de la République, quel serait votre slogan de campagne ?
14:28 "Adieu les cons" ?
14:29 - Non, ça serait méprisant, prenez la parole.
14:32 - Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
14:35 - Liberté.
14:36 - Dans votre film, on pourrait croire que c'est fraternité que vous ayez choisi.
14:38 - Oui, mais en premier, liberté.
14:39 - Le moment second tour, vous devez choisir un des deux.
14:42 De Gaulle ou Clemenceau ?
14:43 - Les deux.
14:44 - Victor Hugo ou Céline ?
14:45 - Hugo.
14:46 - Anatomie d'une chute ou Oppenheimer ?
14:48 - Les deux.
14:49 - Scorsese ou Ridley Scott ?
14:51 - Scorsese.
14:52 - Cécile de France ou Virginie Effira ?
14:54 - Les deux.
14:55 - C'est dur.
14:56 - La Belgique.
14:57 - Charlie Chaplin ou les Monty Python ?
14:59 - Les deux.
15:00 - C'est quoi vos gestes écolos ?
15:02 - Le truc de petit bobo, je roule en électrique, je mange bio, je ne prends plus l'avion.
15:06 C'est pénible, ce qu'elle a ni ce sans avion.
15:09 Il faudrait que la CNC fasse un effort.
15:11 - Jean Covici préconise 4 vols dans une vie.
15:15 - J'ai déjà brûlé ma cartouche.
15:17 C'est foutu.
15:18 - L'enfance décide, disait Sartre.
15:20 Vous êtes d'accord ?
15:21 - Oui, très largement.
15:22 J'aime pas Sartre non plus.
15:24 Quoique les Massal, c'est un bouquin qui m'a fasciné.
15:27 Mais l'enfance, tout est dans l'enfance.
15:29 Neuroplasticité du cerveau et les codes que le monde extérieur nous envoie, c'est souvent
15:33 des mauvais codes.
15:34 - Quel père êtes-vous ?
15:35 - Je fais ce que je peux.
15:37 C'est une bénéficiation de l'héroïsme d'après Churchill.
15:39 Je fais ce que je peux en sachant que c'est incomplet, très largement.
15:42 - Elon Musk, il vous fascine ou il vous angoisse ?
15:44 - Il m'angoisse.
15:45 - La mobilisation des scénaristes et des auteurs aux Etats-Unis, vous comprenez ?
15:49 - Oui, mais c'est vraiment une autre culture.
15:51 Ils sont inquiets par rapport à Chachepiti, etc.
15:54 Donc je me suis servi pour la traduction grecque ancienne du film.
15:57 - Vous parlez du grecque ancien ?
15:59 - Voilà.
16:00 - Albert Dupontel, "Dieu vomit les tièdes", écrit Saint Jean dans l'Apocalypse.
16:04 Vous aussi ?
16:05 - Je vomis la religion.
16:07 C'est clair.
16:09 - Le film s'appelle "Second tour".
16:11 Il sort le 25 octobre sur les écrans.
16:14 Il est très réussi.
16:15 Merci Albert Dupontel d'avoir été avec nous ce matin.
16:18 Et très belle journée à vous.
16:20 On attend les infirmières qui viennent nous emmener.
16:23 - Ils viennent nous chercher dans la soirée.
16:26 - D'ici 20 minutes.
16:27 - On en finit.

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