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Xerfi Canal a reçu Faouzi Bensebaa, professeur des universités à l'Université Paris-Nanterre, pour parler du marché de la beauté. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00 Bonjour, Faouzi Benzeba.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:12 Faouzi Benzeba, auteur avec Johan Le Goff de "Miroir, mon beau miroir, le marché de
00:17 la beauté sans phare", édition L'Armatan, collection Drôle de marché, qui est une
00:22 collection absolument délicieuse.
00:25 On croise de la chirurgie esthétique dans des cliniques en Tunisie, puisqu'on ne part
00:32 plus en vacances maintenant, on va faire une liposuction, etc. pour autour de 3000 euros.
00:37 Parmi ces marchés sans phare, on croise le maquillage masculin, et vous nous dites, les
00:44 confinements, toutes ces réunions en visio, on se rend compte qu'il faut qu'on ait
00:49 bon teint, donc on commence à piocher dans la trousse de son épouse, et puis finalement,
00:53 on développe carrément des lignes de maquillage pour homme, ou encore le tatouage.
00:57 C'est la dernière mode, le tatouage, parfois il faut prendre rendez-vous des mois à l'avance
01:02 sur deux vies pour son tatouage.
01:04 Qu'est-ce qu'on retient, Faouzi Benzeba, de ce voyage au marché de la beauté ?
01:08 C'est notre bébé de l'année.
01:11 On a commencé à travailler dessus il y a une année à peu près.
01:19 Et pourquoi on s'est intéressé au marché de la beauté ? Parce que la beauté est prégnante.
01:24 Tout le monde a envie d'être beau.
01:26 Mais derrière justement la beauté, il y a quand même quelque chose qui se cache, c'est
01:34 l'attirance sexuelle.
01:35 À vrai dire, il s'agit de ça.
01:36 Ce qui relevait, pas du tabou, mais de la sphère privée est devenu petit à petit,
01:47 le public à l'ère de l'individualisme débridé.
01:52 On a appréhendé cette beauté à travers trois axes.
01:58 Il s'agissait d'abord de se faire une beauté.
02:03 Je dirais que c'est un peu facile.
02:05 Le maquillage.
02:07 En méfame, ça relevait uniquement de la panache des femmes.
02:12 C'est tout le monde aujourd'hui, puisqu'on a des barangles pour hommes.
02:16 On a des instituts pour les hommes.
02:19 Donc je reviens.
02:20 On se fait une beauté.
02:22 On se fait une beauté par le maquillage.
02:23 On se fait une beauté par les instituts esthétiques, qui aujourd'hui sont innombrables.
02:31 On se fait une beauté, pas par le sport, mais par le fitness, qui n'est plus du sport
02:36 pour moi.
02:37 Et par le yoga, dont on a écarté la dimension philosophique pour mettre en exergue essentiellement
02:44 la performance et les postures.
02:45 Et donc on souffre pour justement se faire une beauté.
02:50 Deuxième axe, on cherche à se refaire une beauté.
02:54 Alors là, il faut que le corps souffre.
02:56 Il va souffrir de quelle manière ? Par la chirurgie esthétique, par un tas de produits.
03:02 On va le faire souffrir également parce qu'on veut absolument retrouver sa chevelure de
03:10 jeunesse.
03:11 Et c'est essentiel pour les hommes.
03:13 Les femmes, pour une fois, échappent globalement à ce phénomène.
03:16 Et donc, Istanbul est devenue, bon en mal en, la capitale mondiale des soins capillaires.
03:23 On se refait les dents.
03:26 On se refait les mollets.
03:27 On se refait les organes génitaux.
03:30 On se refait les fesses.
03:33 Donc tout est possible.
03:34 Et enfin, le troisième point de ce deuxième axe, les compléments alimentaires.
03:40 On veut chercher à travers l'alimentation de quoi nourrir notre beauté, de quoi obtenir
03:46 l'élixir de la beauté.
03:48 Enfin, notre troisième axe, il s'agit de développer une image individuelle, mais surtout
03:54 sociale.
03:55 Et c'est là que la porte s'ouvre pour le tatouage.
03:58 L'été, c'est génial, c'est formidable parce qu'on ne peut exposer son corps.
04:03 On peut exposer ses différentes peintures, ses différents schémas, ses différentes
04:10 images, ses différents symboles.
04:12 Ensuite, nous avons malgré tout cette image qui passe de l'individu au social.
04:21 Pour travailler, il faut qu'on soit beau, selon les critères supposés du marché justement.
04:27 On va recruter quelqu'un de beau.
04:29 On va travailler avec quelqu'un de beau.
04:30 On va collaborer avec quelqu'un de beau.
04:34 Alors, exit la laideur justement, selon encore une fois les critères que nous avons voulu
04:41 imposer.
04:42 Et troisième chose de ce troisième axe, eh bien on veut quand même être un modèle,
04:48 un modèle de beauté.
04:49 Pourquoi un modèle de beauté ? Parce qu'on veut être unique.
04:55 Et là, on va subir l'impact des influenceurs qui vont faire de nous ce qu'ils veulent.
05:02 Donc, ces trois axes-là nous permettent d'appréhender la beauté dans ses multiples dimensions.
05:08 Et derrière ça, on cherche à tout prix la singularité.
05:14 Le problème, c'est que le marché standardise, le marché homogénise.
05:21 On veut fuir la foule, mais la foule nous rattrape.
05:24 Donc, la singularité n'est plus là.
05:27 Et comme tout le monde veut se ressembler, ou du moins, pardon, tout le monde veut se
05:33 distinguer, mais le marché fait en sorte que tout le monde utilise les mêmes produits,
05:38 les mêmes objets, les mêmes instituts.
05:41 Et alors, on n'arrive plus à se distinguer.
05:46 Et si tout le monde est beau, d'une certaine façon unique, personne ne l'est vraiment.
05:53 Miroir, mon beau miroir, le marché de la beauté sans phare.
05:59 Je vous écoutais, je pensais à la loi sur l'influence qui a été votée pour bien
06:03 comprendre pas seulement le business des influenceurs, mais pourquoi ça fonctionne, cette influence.
06:09 Il faut comprendre les ressorts que vous venez d'évoquer autour de ce désir de singularité
06:16 qui peut parfois conduire à des drames.
06:17 Je pense à l'anorexie, par exemple, des opérations de chirurgie esthétique qui sont
06:21 de véritables massacres, etc.
06:23 Merci, Fossi Benzema.
06:24 Je vous en prie, Jean-Philippe Delis.
06:26 Miroir, mon beau miroir, le marché de la beauté sans phare, édition L'Armattan.
06:30 Merci.
06:32 [Musique]
06:37 [Rire]

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