• l’année dernière
Les migrations sont devenues un sujet majeur de préoccupation pour les Européens, tant en ce qui concerne les États que pour les instances institutionnelles de l'Union européenne. Ce qui s'est passé récemment à Lampedusa avec l'afflux de migrants semble appeler à se répéter. Si les raisons invoquées, et elles sont nombreuses, n'apparaissent pas toujours pertinentes, il n'en demeure pas moins que pas plus l'UE que ses États membres n'ont pas de véritable politique de l'immigration en mesure de faire face à l'explosion des demandeurs d'asile. S'il est vrai que les vagues migratoires se sont intensifiées ces dernières années, en provenance des zones de conflit et aussi du fait de la pauvreté, on ne peut pas dire au regard de l'importance des déplacements de population à l'échelle de la planète, nonobstant Lampedusa, que l'Europe est submergée par les migrants. Mais, jusqu'à quand ? Car cela se chiffre par centaines de milliers de migrants, au sein d'une Europe qui ne dispose pas des structures d'accueil et d'intégration suffisantes, qui ne sait quoi faire de ses déboutés du droit d'asile, qui dispose d'une police aux frontières de l'espace Schengen (Frontex) bien souvent inopérante par manque d'effectifs et qui fantasme sur des quotas socio-économiques choisis, impossibles à sélectionner. A cela s'ajoutent les réticences individuelles et collectives à côtoyer certains immigrants en provenance d'Afrique et du Moyen Orient, la pression xénophobe de l'extrême droite, mais pas que, il y a le sentiment qui se développe de reprendre le contrôle du peuplement national. C'est ce qui a poussé les pays nordiques les plus libéraux à durcir leur législation sur l'immigration.

Émile Malet reçoit :
Juliette Méadel, ancienne ministre, Conseillère à la Cour des Comptes
François Héran, démographe, professeur au Collège de France
Pierre Vermeren, professeur des universités, chroniqueur au Figaro, essayiste
Xavier Driencourt, diplomate, ancien ambassadeur de France en Algérie

L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 L'Europe est-elle submergée par les migrants ?
00:30 Les migrations sont devenues un sujet majeur
00:34 de préoccupation pour les Européens,
00:36 tant en ce qui concerne les Etats
00:39 que pour les instances institutionnelles
00:42 de l'Union européenne.
00:43 Ce qui s'est passé récemment à Lampedusa,
00:46 avec l'afflux de migrants,
00:48 semble appeler à se répéter.
00:51 Si les raisons invoquées, elles sont nombreuses,
00:53 n'apparaissent pas toujours pertinentes,
00:56 elles demeurent pas plus l'Union européenne
00:59 que ses Etats membres,
01:01 non de véritables politiques de l'immigration
01:04 en mesure de faire face
01:06 à l'explosion des demandeurs d'asile.
01:09 S'il est vrai que les vagues migratoires
01:11 se sont intensifiées ces dernières années,
01:14 pardon, en provenance des zones de conflit
01:17 et aussi du fait de la pauvreté,
01:19 on ne peut pas dire, toutefois,
01:21 au regard de l'importance des déplacements de population
01:25 à l'échelle de la planète,
01:27 que l'Europe est aujourd'hui submergée par les migrants.
01:32 Mais jusqu'à quand ?
01:33 Car cela se chiffre par centaines de milliers de migrants
01:36 au sein d'une Europe qui ne dispose pas
01:38 des structures d'accueil et d'intégration suffisantes,
01:41 qui ne sait quoi faire de ces déboutés du droit d'asile,
01:45 qui dispose d'une police aux frontières
01:47 de l'espace Schengen-Frontex,
01:49 bien souvent débordée par manque d'effectifs,
01:52 et qui fantasme sur des quotas socioéconomiques
01:56 choisis impossibles à déterminer.
01:58 A cela s'ajoutent les réticences individuelles et collectives
02:02 vis-à-vis de populations en provenance d'Afrique
02:05 et du Moyen-Orient,
02:07 la pression xénophobe de l'extrême droite,
02:09 mais pas que. Il y a le sentiment
02:12 qui se développe actuellement
02:14 de reprendre le contrôle du peuplement national.
02:17 C'est ce qui a poussé les pays nordiques les plus libéraux
02:21 à durcir leur législation sur l'immigration.
02:24 Pour en parler, je vous présente mes invités.
02:28 Juliette Mehadel, vous êtes ancienne ministre,
02:31 vous êtes actuellement conseillère à la Cour des comptes.
02:35 Pierre Vermeurenne, vous êtes professeur des universités,
02:39 chroniqueur au Figaro et essayiste.
02:42 Xavier Driancourt, vous êtes diplomate,
02:45 ancien ambassadeur de France en Algérie.
02:48 François Héran, vous êtes démographe,
02:51 vous êtes dans la grande école de l'Inède
02:53 et vous êtes actuellement professeur au Collège de France.
02:56 Musique rythmée
02:58 ...
03:04 Alors, l'immigration, les migrants,
03:07 c'est un sujet d'absolue actualité.
03:11 Reprendre le contrôle des flux migratoires,
03:14 est-ce un euphémisme pour dire
03:17 réduire drastiquement l'immigration ?
03:20 A commencer par les 140 000 demandeurs d'asile attendus
03:24 en 2023.
03:26 A ce sujet, pour Emmanuel Macron,
03:29 l'Europe n'a pas à réceptionner toute la misère du monde.
03:33 Pour le pape François, cela relève de l'indifférence.
03:37 Pour Didier Leschi,
03:39 directeur de l'Office français des migrations,
03:42 il n'y a jamais eu en France autant d'immigrés.
03:45 Par rapport à ce panel d'interprétations,
03:48 qui dit vrai, Pierre Vermeurenne ?
03:51 -Oui, dire qu'il n'y a jamais eu autant d'immigration,
03:57 c'est ce que dit l'INSEE,
03:59 puisqu'ils ont récemment présenté,
04:03 sur trois générations, le chiffre de 19 millions d'immigrés
04:07 et de leurs enfants, évidemment,
04:09 puisque le processus de naturalisation
04:11 est à l'oeuvre en France. On parle de la France, c'est ça ?
04:15 Donc, ça, c'est quand même des chiffres tout à fait conséquents.
04:19 Le pape, je n'ai pas de qualification
04:21 pour en parler.
04:23 Ce que je sais, c'est que l'immigration clandestine
04:26 dont il parlait à propos de l'Ampédousa,
04:28 c'est un épiphénomène à l'échelle du phénomène migratoire
04:32 à direction de l'Union européenne,
04:34 parce que, au fond, ça concerne
04:35 quelques dizaines de milliers de personnes,
04:38 mais le poids lourd de l'immigration,
04:40 elle se passe de manière légale, avec l'attribution de visas,
04:44 et après, des gens qui s'installent,
04:46 évidemment, au-delà du terme de leur visa.
04:49 Voilà, donc, après, le président Macron,
04:53 effectivement, ça fait six ans, maintenant,
04:57 qu'il est au pouvoir.
04:58 On ne sait pas très bien
04:59 quelle est sa politique dans le domaine,
05:02 mais je pense qu'il est quand même tout à fait,
05:04 il est bien placé pour l'être,
05:06 représentatif des élites françaises
05:08 qui ont fait un choix économique
05:10 il y a une trentaine ou une quarantaine d'années,
05:13 qui consiste à promouvoir la consommation.
05:16 Je pense qu'on n'analyse pas très bien ce phénomène.
05:18 On est resté très bizarrement
05:20 dans le schéma de l'immigrant-travailleur.
05:23 L'immigration du travail a été stoppée en 1975,
05:26 elle est marginale depuis.
05:27 Maintenant, on a un immigrant-consommateur
05:30 qui s'est passé à son corps défendant,
05:32 puisque c'est devenu un rouage central
05:34 dans le fonctionnement de notre économie,
05:37 qui repose avant tout sur la consommation.
05:39 Voilà, donc, je dirais que tout ça est vrai à la fois.
05:42 -Juliette Méadel, comment vous vous situez
05:45 par rapport à cette trinité ?
05:46 Macron, le pape et...
05:50 -Le pape et le Saint-Esprit.
05:52 -Oui, voilà.
05:53 -Il y a deux choses importantes.
05:56 -Par rapport à ces trois, j'aimerais bien.
05:58 -Par rapport au pape, je me situerais.
06:00 D'abord, je trouve que le pape a eu des mots attendus
06:03 de la part du Saint-Père, puisque le message, quand même...
06:07 -Benoît XVI aurait dit le contraire.
06:09 -C'est bien pour ça que nous avons un pape, François,
06:13 qui a été remarquable, de par sa capacité
06:15 à appliquer à ses préceptes politiques
06:19 les principes fondamentaux du christianisme,
06:22 qui sont quand même l'accueil et le fait de tendre la main
06:25 au plus misérable que soit.
06:26 Donc, au moins, le pape François est cohérent avec son dogme.
06:30 Maintenant, si l'on s'en tient, quand même,
06:33 à la mission de l'Europe et la mission de la France,
06:38 prenons la question de l'asile,
06:40 la Convention de Genève, un texte merveilleux,
06:43 qui dit que nous devons donner l'asile
06:45 à toute personne persécutée,
06:47 il faut l'appliquer, toute la Convention,
06:49 et rien que la Convention.
06:51 Et mettre en face de ces principes fondamentaux,
06:54 qui fondent l'Europe, le pays le plus attractif du monde,
06:57 en face de ces principes fondamentaux,
06:59 il faut aussi mettre des chiffres clairs.
07:02 Et nous n'avons jamais connu une telle pression migratoire
07:05 en Europe et en France, même par rapport à la crise de 2015,
07:09 qui était une crise importante.
07:11 Cette année, plus 83 % de flux qui viennent du Sud vers l'Europe,
07:16 il y a 2 500 morts dans la Méditerranée,
07:18 c'est plus 83 % par rapport à l'année dernière.
07:21 Donc, il faut le dire.
07:23 Et il ne faut pas considérer
07:24 que face à cette pression migratoire inédite,
07:27 le politique ne peut rien faire.
07:29 Je pense que le politique peut beaucoup...
07:32 -On va rentrer sur cette question. -Et d'abord l'Europe.
07:35 Donc, la réponse doit être construite sans démagogie,
07:38 sans dire que tout dépend de la France
07:40 et des frontières intérieures de l'espace Schengen,
07:43 mais sans dire non plus que tout dépend de l'Europe.
07:46 Il faut une volonté partagée. -On va rentrer dans le détail.
07:49 -Il faut assumer que nous avons le droit de choisir
07:52 avec qui nous voulons vivre.
07:54 -Alors, François Héran, votre trinité migratoire.
07:57 -Alors, d'abord, oui, c'est vrai,
07:59 mais je le dis souvent, je l'ai répété,
08:01 qu'on n'a jamais autant d'immigrés que maintenant en France.
08:05 12 %, pour la première génération.
08:07 Et si on ajoute les enfants nés en France,
08:10 d'au moins un parent immigré.
08:12 Mais quand on dit qu'il y a 31 %,
08:14 parce que l'INSEE et l'INED,
08:16 31 % de la population adulte est liée à l'immigration,
08:19 ça a été mal compris.
08:20 Je me souviens de la façon dont le Figaro a présenté le résultat.
08:24 Il y avait deux présentations complètement contraires.
08:27 Le journaliste de base était allé à la conférence de presse
08:31 et il avait compris que ça veut dire qu'il y a 31 % de personnes
08:34 soit immigrées eux-mêmes, soit enfants d'un ou deux immigrés,
08:38 soit petits-enfants d'un, deux, trois ou quatre immigrés.
08:41 C'est ce que citait le journaliste du Figaro.
08:43 Quand on regarde la proportion d'adultes
08:46 qui ont leurs quatre grands-parents immigrés,
08:48 c'est seulement 5 %.
08:50 Même les immigrés du Maghreb,
08:51 ils en sont au moins 20 % à avoir leurs quatre grands-parents.
08:55 Les populations se rapprochent au fil des générations,
08:58 les unions mixtes progressent,
09:00 et les deux populations ne se séparent pas,
09:03 mais se rapprochent globalement.
09:05 On ne le dit pas assez.
09:06 Or, l'éditorial du Figaro, en première page, disait
09:09 "Vous vous rendez compte, 31 % des Français
09:12 "liés à l'immigration sur trois générations ?
09:15 "Où va-t-on ?"
09:16 Il y avait une contradiction complète
09:18 entre le journaliste correctement informé
09:21 et l'éditorialiste qui était dans son discours idéologique.
09:25 Il faut ajouter aussi
09:27 que cette progression d'immigration depuis l'an 2000,
09:30 c'est vraiment l'an 2000 que ça a démarré,
09:33 et ça continue,
09:34 quel que soit le président de la République en exercice.
09:37 C'est pas M. Macron qui est responsable
09:39 de la montée de l'immigration.
09:41 Ce n'est pas l'avant-dernier président,
09:43 sous Sarkozy, il y a eu une légère baisse du rythme.
09:46 Donc il y a une forme d'absurde estimation du politique
09:50 quant à ses capacités à réguler ce phénomène,
09:52 parce que l'immigration a augmenté dans le monde d'à peu près 60 %,
09:56 et on a quasiment le même chiffre en Europe.
09:59 En France, il y a une montée forte,
10:01 mais c'est plus de 60 % que 60 %.
10:03 Nous ne sommes pas en pointe dans cette progression
10:06 qui, elle, est bien réelle.
10:08 -Vous voulez réagir, Pierre Vermeeren,
10:10 par rapport à ce qui vient d'être dit ?
10:12 -C'est plutôt ce que disait Juliette Meadel
10:15 concernant la poussée migratoire dont on parle à Lampedusa.
10:18 Je vivais au Maroc dans les années 90,
10:21 à cette époque-là, 200 000 migrants
10:23 traversaient le détroit de Gibraltar.
10:25 La moitié était renvoyée chez eux par la police espagnole,
10:29 ce qui veut dire que ces flux sont très anciens.
10:31 Il y avait déjà beaucoup de morts dans le détroit.
10:34 Le jour du 11 septembre, tout s'est arrêté.
10:36 La police marocaine a repris le contrôle.
10:39 Pendant plusieurs années, il n'y a plus eu un migrant.
10:42 C'est lié au phénomène politique et au contrôle.
10:45 -Il peut faire plein de choses. -Vous avez votre avis ?
10:48 -Sur la Sainte Trinité que vous évoquiez,
10:50 je pense que chacun est dans son rôle,
10:52 chacun est dans son couloir, finalement.
10:55 Le pape, comme l'a dit Mme Meadel,
10:57 on ne pouvait rien attendre d'autre de lui.
11:00 Il est dans son rôle.
11:01 Il aurait pu le formuler différemment en disant
11:04 "je remercie l'Europe d'avoir fait ce qu'elle a fait
11:07 "et il faut continuer", mais là, il est allé directement sur
11:11 "il faut être encore plus généreux".
11:13 Le président de la République, il est dans son rôle de dire cela.
11:16 Quant à Didier Leschi, c'est quand même
11:19 un grand professionnel des questions de migration.
11:22 -Vous, Xavier de Riancourt,
11:25 vous étiez diplomate.
11:27 Vous avez été ambassadeur en Algérie.
11:29 -A deux reprises. -A deux reprises.
11:32 -Je suis à la Cour du droit d'asile.
11:34 -Tout à fait. A votre avis,
11:36 le fait que les politiques migratoires,
11:39 les politiques d'immigration,
11:41 soient à la fois de la responsabilité
11:44 des traités européens et également des politiques nationales,
11:49 est-ce que c'est pas gênant pour coordonner les deux ?
11:53 -C'est gênant... -A votre point de vue
11:55 de diplomate, là-dessus, est-ce que c'est inconciliable ?
12:00 -C'est gênant pour deux raisons.
12:02 D'abord, parce que dans une Europe à 27,
12:04 on a du mal à se mettre d'accord avec des politiques
12:07 qui sont complètement différentes, voire divergentes.
12:10 Aller en Estonie, où leur préoccupation,
12:13 c'est l'immigration russe et c'est la population russe
12:16 qui habite en Estonie, c'est pas les Africains ou les gens du Sahel.
12:20 Et deuxièmement, parce que tout ce débat
12:23 se situe aujourd'hui dans un contexte international
12:26 qui est ce qu'il est, avec le Sahel,
12:28 avec le Maghreb qui va mal,
12:30 et nos relations avec ces pays-là, qui vont également mal.
12:34 Donc c'est parfaitement normal
12:37 que la contradiction entre une politique européenne
12:40 qui se cherche et des politiques nationales,
12:43 dont la politique française,
12:45 qui est largement tournée, implantée en Afrique
12:48 depuis longtemps, ça pose des difficultés
12:53 dans l'opinion française.
12:54 -On va rentrer sur les questions d'actualité.
12:57 Les naufragés en mer Méditerranée
13:00 entraînent des centaines de morts.
13:02 Les pays comme l'Italie, la Grèce,
13:05 ne veulent plus accueillir ou pas accueillir
13:08 tous les migrants qui se présentent.
13:10 Les pays d'origine des migrants ne sont pas coopératifs
13:14 pour récupérer ceux qui ont transité sur leur pays.
13:18 Et les passeurs se foutent des réglementations.
13:21 Alors on a une impasse aujourd'hui qui est politique,
13:24 sécuritaire et socioéconomique
13:26 pour restreindre les arrivées de migrants.
13:29 Sur deux points précis, je voudrais avoir votre avis.
13:32 François Ayran.
13:34 Au sein de l'espace Schengen,
13:36 et pour en protéger l'accès,
13:38 est-ce qu'il est possible et acceptable aujourd'hui
13:42 d'ériger des barrières de sécurité et de surveillance,
13:46 des murs, en quelque sorte, à la fois sur terre et sur mer ?
13:49 -Alors, on en a déjà un,
13:51 qui est... qui sont les dizaines et dizaines de kilomètres
13:55 de haute clôture barbelée dans le Calaisis.
13:58 Il faut y aller, c'est très impressionnant.
14:00 Ca a pris une extension énorme.
14:02 Les Anglais sous-traitent le contrôle de leurs frontières
14:06 aux Français, qui sont piégés par une série d'accords.
14:09 Ca ne marche pas.
14:11 Le nombre des traversées de "small boats",
14:14 comme disent les Anglais, de petites embarcations,
14:17 n'a cessé de progresser,
14:19 et la défense physique, les clôtures,
14:21 sont de plus en plus impressionnantes.
14:23 Ca ne marche pas.
14:24 On peut toujours multiplier le nombre de policiers,
14:27 de gendarmes, ajouter des drones aux clôtures, etc.
14:30 Pourquoi ça ne marche pas ?
14:32 Mais la France...
14:33 On fait une politique étrange dans le Calaisis.
14:36 On fait tout pour garder chez nous des migrants
14:38 qui veulent aller à l'étranger.
14:40 C'est très étrange.
14:42 Et puis, deuxièmement, nous faisons...
14:44 Nous demandons à l'Italie qu'elle fasse la même chose
14:47 pour les Français, les Italiens aimeraient bien
14:50 que les Tunisiens fassent preuve de la même docilité,
14:53 ou la Lévis.
14:54 Donc, on a, et c'est ce que j'écrivais
14:56 dans un éditorial hier,
14:58 on a... L'Europe est striée par une série de défenses
15:02 qui vont toujours du nord au sud,
15:04 et ça ne marche pas. Aucune de ces frontières ne marche.
15:07 Je connais très bien le Brienzone, la frontière italienne.
15:11 -Ca existe pour les pays qui sont en Europe centrale et orientale.
15:15 -Oui, mais il faut quand même savoir
15:17 que les pays d'Europe centrale et orientale,
15:19 la Hongrie, la Pologne, le Slovaquie,
15:21 ce ne sont pas des pays attractifs.
15:23 Ce sont des pays d'immigration, et pas d'immigration.
15:26 Ils perdent de leur population.
15:28 -Si vous prenez la Pologne,
15:30 elle a 1,5 million d'Ukrainiens.
15:32 -Oui, ce sont des Ukrainiens...
15:34 Non, non, non, on se trompe toujours à ce sujet.
15:37 Ce ne sont pas des immigrés permanents.
15:39 C'est de la main-d'oeuvre. -Par rapport à ce que vous dites.
15:42 -C'est de la main-d'oeuvre provisoire.
15:45 Les Ukrainiens n'acceptent pas, les Polonais n'acceptent pas
15:48 que les Ukrainiens puissent avoir des séjours d'au moins un an
15:51 qui en ferait des immigrés.
15:53 Quand vous regardez la durée du séjour qui définit l'immigration,
15:57 il n'y a quasiment pas d'immigrés.
15:59 -Vous venez de dire que les pays se défaussent
16:03 et que les murs ne fonctionnent pas.
16:05 Est-ce que vous êtes d'accord avec la décision européenne
16:09 de faire une surveillance beaucoup plus forte
16:12 au niveau maritime et que ça serait quelque part un mur maritime ?
16:16 -Le pacte européen des migrations...
16:18 -C'est ce qui a été récemment décidé.
16:20 -Non, il n'est pas encore décidé. -Ils en ont parlé.
16:23 -Vous permettez que je précise, je connais bien cette affaire.
16:27 C'est pour l'instant la Commission européenne
16:30 qui a défini un projet provisoire, à la grande surprise
16:33 des parlementaires. Ca doit encore, dans la procédure européenne,
16:36 être validé par le Parlement européen et par le Conseil,
16:40 par l'ensemble des responsables de gouvernement.
16:42 Pour l'instant, provisoirement, si ce pacte est appliqué,
16:46 il y a effectivement un contrôle aux frontières.
16:48 C'est le renforcement du système Dublin.
16:51 C'est un contrôle aux pays de première entrée, d'une part.
16:54 Il y aurait aussi, et c'est ce qui a été négocié
16:58 par la Commission européenne,
17:00 chaque pays pourrait contribuer,
17:02 non pas en prenant sa part des immigrés
17:04 en fonction de sa population et de sa richesse,
17:07 ce que le plan Juncker avait prévu,
17:09 mais donnerait une part variable.
17:11 On pourrait accueillir des personnes,
17:13 envoyer des experts, envoyer de l'argent
17:16 pour accepter ou rejeter les migrants.
17:18 Ainsi, la Hongrie et la Pologne pourraient participer.
17:21 -Alors, par rapport à ce qui vient d'être dit,
17:25 est-ce que vous pensez que c'est réalisable,
17:28 ces murs, à la fois,
17:31 avant que les migrants n'arrivent,
17:34 et qu'est-ce que vous pensez d'un contrôle maritime
17:38 qui serait plus étroit ?
17:40 On appelle ça le mur de l'Atlantique,
17:42 et ça pourrait s'appeler le mur de la Méditerranée.
17:45 -Non seulement c'est réalisable, même si c'est difficile,
17:49 mais c'est nécessaire.
17:50 Ce qui se passe, dans lequel ils y sont,
17:52 c'est que ce que fait l'Etat français,
17:55 ce à quoi servent nos impôts,
17:56 c'est qu'ils empêchent les migrants,
17:59 qui sont le fruit de trafics organisés savamment
18:01 et de façon plus lucrative par les passeurs,
18:04 avec des filières très lucratives,
18:06 c'est plus rentable de faire du trafic de migrants
18:09 que de faire du trafic de drogue.
18:11 Ce que font les passeurs,
18:13 c'est qu'ils les amènent au bord de la plage,
18:15 et puis, juste avant de passer vers la Manche,
18:18 ils se dépêchent, je l'ai vu.
18:21 -Je sais très bien. -Laissez-moi raconter.
18:24 En 30 secondes, ils gonflent les bateaux,
18:27 ils se précipitent pour vite aller en mer,
18:29 et leur jeu, c'est d'éviter de se faire interpeller
18:32 tant qu'ils sont sur le sable.
18:34 Pour les gendarmes, c'est très difficile.
18:36 Que font les gendarmes et les policiers ?
18:39 Dès qu'ils prennent la mer, ils viennent les sauver.
18:42 Pourquoi ? Parce que tous ces hommes et ces femmes
18:44 risquent de mourir en mer.
18:46 Je suis fière d'appartenir à un pays
18:48 où on empêche des femmes, des enfants, des jeunes hommes
18:52 de se noyer dans la Manche.
18:53 -Il faut juger aux autres.
18:55 -Je veux dire que la question
18:58 de la politique migratoire
19:00 et ce dans quoi l'Etat français intervient,
19:03 c'est des conventions internationales,
19:05 c'est aussi la protection des plus fragiles,
19:08 et oui, ça passe par, en effet,
19:10 le fait d'ériger des protections maritimes
19:12 pour éviter que, oui, des hommes et des femmes
19:15 ne se noient en mer, parce que ça fait partie
19:18 de tout un système. Donc, dire qu'on ne peut rien faire,
19:21 il faut laisser les passeurs faire leur trafic...
19:24 -Je n'ai pas dit ça. -Ca heurte, honnêtement.
19:26 -Je vous en prie, je vais vous laisser là intervenir.
19:29 -Juste un mot. -Attendez, attendez.
19:32 -Plus on ferme les frontières,
19:33 plus on enrichit les passeurs.
19:35 Plus on ferme les frontières, plus on enrichit les passeurs.
19:39 Si M. Ciotti et Mme Le Pen arrivent au pouvoir,
19:41 les premiers à se frotter les mains seraient les passeurs.
19:45 Ils relèveraient leurs tarifs, les risques vont augmenter,
19:48 et ils vont encore s'enrichir.
19:50 -Gerbert Meuret et Xavier Trianco,
19:52 si vous voulez bien, écoutez,
19:54 c'est quand même très important,
19:56 c'est deux questions importantes.
19:58 Cet espace Schengen,
20:00 aujourd'hui, on parle de mieux le contrôler
20:04 par des frontières à la fois terrestres et maritimes.
20:09 Qu'en pensez-vous ?
20:10 -Bon, d'abord,
20:13 je ne suis pas spécialiste de droit européen,
20:15 mais je constate que certains pays dans le monde,
20:18 comme le Japon, qui se trouve face
20:21 à la plus grande puissance démographique mondiale,
20:24 n'a pas d'immigrants.
20:25 Les Chinois, il y en a plus en France qu'au Japon.
20:28 Si j'étais Chinois, j'essayerais d'immigrer au Japon.
20:31 -C'est une erreur. -Essayez de le parler.
20:33 Ne soyez pas juges des propos de chacun.
20:36 -Il faut que ce soit un débat.
20:38 -Oui, je veux bien, mais laissez-le s'exprimer.
20:40 -Il y a une forte immigration au Japon.
20:43 -Vous aurez la parole appareille.
20:45 -Ce n'est pas très ancien et pas très connu.
20:47 J'ai enseigné pendant des années
20:49 des cours d'histoire de géographie du Japon.
20:52 Le Japon est une société qui fonctionne autrement.
20:55 -Elle prend la forme de stage qui se répète en année.
20:58 -Ca concerne davantage les Coréens que les Chinois.
21:01 On pourrait imaginer qu'il y ait 100 millions d'immigrants chinois
21:05 ou asiatiques au Japon. Ce n'est pas le cas.
21:07 Il devrait y avoir ça.
21:09 Parce que, si vous voulez, c'est le pays le plus riche
21:12 de l'Asie et du monde, il y a encore quelques années.
21:15 Ils ont notre niveau de vie.
21:17 Ils sont exactement comme nous en termes de niveau de vie.
21:20 Ils sont face à des masses démographiques.
21:23 Il y a deux pays de 1,5 milliard d'habitants.
21:25 Il y a deux pays de 1,5 milliard d'habitants
21:28 en face de chez eux et ils n'ont pas d'immigration.
21:31 L'Australie... Bien sûr, ce sont des îles,
21:33 mais l'Europe aussi est une île,
21:35 puisque la population n'arrive pas par là aussi.
21:38 Une presque-île, disons.
21:40 Ca, c'est le premier point.
21:42 Le deuxième point, c'est qu'il faut bien réaliser
21:44 que le produit de ces migrations, actuellement,
21:47 ce sont soit des Etats faillis...
21:49 Les Etats faillis, c'est pas ce qui manque au sud de la Méditerranée.
21:53 Vous avez les deux Sudans,
21:55 vous avez l'Ethiopie en guerre,
21:57 vous avez la Tunisie,
21:58 la Tunisie n'est pas un Etat failli,
22:00 mais c'est un Etat très affaibli,
22:02 vous avez la Libye, qui est faillie,
22:05 et vous avez le Mali, le Niger, etc.
22:07 Ces Etats ne vont pas se ressaisir
22:09 et prendre le contrôle de leur territoire,
22:12 que je sache.
22:13 Or, vous savez qu'aujourd'hui,
22:15 si on parle en démographie générale,
22:17 vous avez, j'ai calculé, 52 naissances en Afrique
22:20 pour une naissance en France.
22:22 Donc, vous avez un déséquilibre intercontinental.
22:25 Si on prend au niveau de l'Union européenne,
22:27 c'est un peu plus, ça doit être 8 naissances,
22:30 toute l'Europe réunie, pour 52 en Afrique.
22:32 Vous avez un déséquilibre considérable.
22:35 Vous avez au sud des Etats qui ne satisfont pas leur population.
22:38 On peut en parler pendant des heures.
22:40 Vous avez des masses de jeunes gens,
22:42 la moyenne d'âge en Afrique est très jeune,
22:45 je crois que 60 à 80 % des Africains ont moins de 25 ans.
22:48 C'est à cet âge-là qu'on part, c'est pas à 70 ans.
22:51 Donc, à cet âge-là, on a un milliard d'habitants
22:54 qui ne veulent pas tous partir,
22:56 mais ça se compte par dizaines de millions de gens
22:59 qui veulent partir pour tenter leur chance.
23:01 Donc, soit on dit,
23:03 "OK, on a les moyens de les intégrer,
23:06 "même si on les a pas, on y va",
23:09 soit, effectivement, il faut faire une situation de contrôle.
23:12 Parce que, si vous voulez, d'abord,
23:14 il y a d'autres exemples dans le monde
23:16 de cette résistance complexe,
23:18 mais surtout, sinon, on change de...
23:22 Je dirais, on change de modèle,
23:24 on change d'économie, de pays, de langue, de civilisation.
23:27 C'est possible. -Oui, alors,
23:29 Xavier Drincon, j'aimerais avoir votre point de vue,
23:32 que vous connaissez bien, vous avez été ambassadeur en Algérie.
23:36 On a des problèmes, aujourd'hui, avec la Tunisie,
23:38 comme on en a eu avec la Turquie,
23:41 en voulant sous-traiter l'immigration,
23:44 mais en même temps, les propositions affluent de partout,
23:48 en disant qu'il faut contrôler ces migrants
23:51 avant qu'ils atterrissent en Europe.
23:53 Est-ce que ça vous paraît gérable, réalisable ?
23:56 -Je vais revenir sur le point précédent,
23:58 si vous me permettez. -Je vous en prie.
24:01 -J'ai pas mal évolué là-dessus,
24:03 par ma pratique de ces questions-là,
24:05 par les huit années que j'ai passées en Algérie,
24:08 par aujourd'hui, la pratique de la cour du droit d'asile,
24:12 où je siège,
24:14 et, comme tout diplomate, je dirais,
24:16 j'étais ou je suis plutôt pro-européen,
24:19 assez libéral, etc.,
24:20 mais je pense qu'aujourd'hui,
24:22 on ne pourra pas s'empêcher de remettre en cause
24:26 une bonne partie de nos acquis ou de notre système,
24:29 même Schengen, vous parliez de Schengen.
24:32 Je pense que Schengen correspondait à une époque
24:34 le grand marché unique, la libre circulation des produits
24:38 et des hommes et des femmes,
24:40 qu'aujourd'hui, dans le contexte dans lequel nous sommes,
24:44 on ne referait pas Schengen, en clair.
24:46 Donc je pense que l'Europe n'échappera pas
24:50 à une remise en cause d'un certain nombre de principes.
24:53 Je pense également que ce n'est pas uniquement
24:57 en bloquant la Tunisie
25:00 ou les Afghans vers la Grande-Bretagne
25:03 que ça marchera.
25:04 Je crois qu'on ne pourra pas non plus
25:06 contrôler totalement l'immigration,
25:09 ce n'est pas possible.
25:10 Il faudra un patchwork de mesures,
25:12 des mesures d'ordre diplomatique,
25:14 des mesures internationales,
25:16 des mesures d'ordre réglementaire,
25:18 des mesures d'ordre législatif,
25:20 ce n'est pas la loi prochaine qui va régler le problème,
25:24 des mesures d'ordre social, etc.
25:26 Il y aura un ensemble de mesures que les pays européens,
25:30 que la France, notamment, doit penser.
25:33 -Ce qui est d'ailleurs le cas sur Schengen,
25:36 puisque depuis 2015, à cause de la menace terroriste,
25:39 en fait, on est revenu,
25:41 on a ré... Les usages ont réétabli le contrôle
25:43 aux frontières intérieures de l'espace.
25:46 -J'irais encore plus loin.
25:47 Je pense qu'aujourd'hui, la libre circulation
25:50 à l'intérieur de l'espace Schengen,
25:52 pour les non-européens, c'est une aberration.
25:55 -François Errand, là-dessus ?
25:57 -Je reconnais que je peux choquer.
25:59 -Je suis assez d'accord avec ce que dit l'ambassadeur,
26:02 à savoir que c'est un patchwork de mesures
26:05 qui va être nécessaire.
26:06 La politique des murs va dans le mur,
26:08 si j'ose dire.
26:10 Elle s'est avérée totalement inefficace,
26:12 que ce soit la frontière franco-italienne,
26:14 la frontière franco-britannique, la frontière basque, etc.
26:18 Plus on multiplie les gendarmes et les policiers,
26:21 plus le nombre des passages augmente.
26:23 Il faut réfléchir à des mesures.
26:25 C'est plus compliqué, c'est sûr.
26:27 C'est tellement plus simple de doubler le nombre de gendarmes.
26:31 Ensuite, effectivement, il y a tout le problème diplomatique.
26:34 C'est-à-dire que les pays qui génèrent à peu près 80 %
26:37 des demandeurs d'asile ou des demandeurs de refuge,
26:40 pour dire les choses plus largement, dans le monde,
26:43 c'est 5, 6, 7 pays.
26:44 C'est un tout petit nombre de pays.
26:47 C'est très concentré. On a cité le Soudan, mais c'est bon.
26:50 Et regardez, par exemple, le pays le plus représenté
26:53 parmi les gens qui se sont présentés à l'embarqué,
26:56 à Lampedusa. -C'est le Bangladesh.
26:59 -C'est la Guinée. Non, c'est la Guinée.
27:01 -Non, mais... -La Guinée, qui,
27:03 entre parenthèses, est le seul pays à avoir voté non
27:06 en 1958 à la communauté africaine.
27:08 -Oui, mais ça, ça n'a... Je pense pas que ça ait un rapport.
27:11 Je pense pas que ça ait un rapport.
27:13 Je crois que, quand il y a été...
27:15 Ce qui passe en Guinée, c'est qu'il y a eu un coup d'Etat,
27:19 une situation de violence extrême,
27:21 un très grand nombre de violences
27:23 qui sont commises par des hommes en uniforme.
27:25 Les gens ne cherchent pas l'eldorado.
27:27 Ils cherchent simplement à pouvoir développer un projet simple
27:31 et avoir une minimum de sécurité.
27:33 -Vous constatez quand même
27:35 qu'au niveau des pays européens,
27:37 y compris les plus démocratiques,
27:39 comme les pays nordiques,
27:42 ils ont une volonté, aujourd'hui,
27:45 des peuples, des Etats, des gouvernants,
27:48 de restreindre l'immigration.
27:49 Vous contestez ça ?
27:51 -Non, mais je ne conteste pas.
27:53 J'en ai parlé très souvent, y compris dans mes cours,
27:56 dans mes tribunes. J'ai cité récemment le cas de la Suède.
27:59 La Suède était longtemps le premier pays européen
28:02 qui répondait tout de suite
28:03 aux demandes du HCR, du Haut-Commissariat aux Réfugiés,
28:06 pour accueillir des érythréens, des Afghans,
28:09 dont personne ne voulait,
28:10 dans les années 2012, 2013, 2014,
28:13 avant la fameuse crise des migrants.
28:15 Ils ont été lassés de jouer les bons élèves tout seuls
28:18 et ils se sont arrêtés,
28:19 non pas en 2015, comme je l'ai écrit dans "La Tribune du monde",
28:23 Yannick Coquille, en 2017,
28:24 avant même l'accord des Allemands avec Erdogan.
28:27 Ils ont cessé. Il faut qu'il y ait une juste répartition
28:30 de l'effort, de la charge, entre les pays européens.
28:33 -Il faut dire qu'ils ont une politique migratoire
28:36 et d'intégration plus efficace que la nôtre.
28:38 Ils ont accueilli plus en proportion.
28:41 Ils en ont un million sur une population
28:43 qui tourne autour de plus de 11 millions.
28:45 Mais surtout, ils mettent beaucoup d'argent
28:48 sur l'apprentissage de la langue, sur l'emploi.
28:51 Ils trouvent un emploi pour les migrants,
28:53 le droit de travailler et un logement.
28:55 -C'est vrai que ce sont des éléments,
28:57 vous avez raison d'insister là-dessus,
29:00 très importants.
29:01 -Denmark, on cite beaucoup, qui sert de modèle à certains.
29:04 Il y a une social-démocratie qui donne des gages
29:07 à l'extrême droite pour garder le pouvoir.
29:09 Le problème du Danemark, c'est que c'est un pays
29:12 qui a un seul grand voisin terrestre,
29:14 l'Allemagne, 14 fois plus peuplée.
29:17 C'est une politique de défaut, de tir au flanc,
29:19 de "free rider", comme disent les économistes,
29:22 de "cavalier seul". Ils peuvent se permettre
29:25 de refuser les indésirables parce que l'Allemagne,
29:27 à leur porte, les accepte.
29:29 Avec les Etats-Unis, le Canada peut être sélectif
29:32 parce que les Etats-Unis, 10 fois plus peuplés,
29:35 se chargent d'accueillir les Hispaniques,
29:37 dont les Canadiens ne veulent pas.
29:39 C'est important, car des politiques
29:41 qui ne sont pas généralisables, qui reposent
29:44 sur une rande de situation, sur la défaut
29:46 vis-à-vis d'un puissant voisin,
29:48 ce ne sont pas des politiques généralisables.
29:51 On ne peut pas les importer dans un grand pays.
29:53 ...
29:59 -Je vous soumets cette citation de Jean-Louis Borloo.
30:04 "Reprendre le contrôle du peuplement
30:07 "est quelque chose qui peut être partagé."
30:10 Vous voyez, ce contrôle du peuplement.
30:13 "D'après la Banque mondiale, l'immigration serait un moteur
30:17 "de prospérité et de développement.
30:20 "C'est d'autant plus vrai que nous manquons
30:22 "des travailleurs dans de nombreux secteurs de l'économie.
30:26 "Est-ce qu'on peut procéder à des quotas choisis ?
30:29 "Et faut-il pour autant régulariser les immigrés
30:33 "travaillant dans les secteurs dits en tension ?
30:36 "Cela dit, alors que près de 400 000 immigrés
30:40 "en France, actuellement, en situation régulière,
30:44 "sont en chômage."
30:46 -Gervais Merenne. -Ce sont des choix politiques.
30:50 Vous voyez, on a un problème en médecine, en France.
30:55 On manque de médecins, d'infirmières, etc.
30:59 On en a quand même deux à trois fois plus qu'en Afrique.
31:03 Pour les pays les plus avancés d'Afrique,
31:06 je pense notamment au pays du Maghreb.
31:08 Or, pour combler, et pour des raisons légitimes,
31:13 on fait venir des milliers, l'année dernière,
31:16 plusieurs milliers de médecins d'Algérie.
31:18 On a 15 000 ou un peu plus de médecins marocains
31:22 qui exercent en France.
31:23 Et donc, si vous voulez,
31:25 en aggravant la situation de la santé dans ces pays,
31:30 et donc, c'est des pays, il faut réaliser,
31:32 où la sécurité sociale est extrêmement modeste,
31:35 elle est réservée aux fonctionnaires
31:37 et aux cadres des grandes sociétés.
31:39 L'essentiel, c'est la médecine publique.
31:42 Si la médecine publique,
31:43 qui est déjà deux à trois fois moins bien dotée que la nôtre,
31:47 elle est spécialiste en médecins.
31:49 Pour les infirmières, c'est infiniment moindre.
31:52 Et qu'on déshabille les hôpitaux du Maghreb à notre profit,
31:57 on aggrave la situation et on intensifie de ce fait
32:00 le départ et la volonté de partir de populations
32:03 qui veulent vivre normalement,
32:05 et parmi les choses qui font qu'on vit normalement,
32:08 c'est que si on est malade, on espère être soigné.
32:11 C'est un choix politique, si vous voulez.
32:13 Aujourd'hui, c'est répandu,
32:15 les élites du Maghreb viennent se faire soigner en Europe,
32:18 parce qu'elles en ont les moyens
32:20 et parce qu'elles ont davantage confiance
32:22 dans la médecine qui est la nôtre.
32:24 C'est un fait. Ma femme a accouché au Maroc
32:27 et tout le monde lui a dit "quelle drôle d'idée d'accoucher
32:30 "alors que vous pourriez aller en France,
32:32 "nous, on va accoucher en France."
32:35 C'est une expérience vécue, mais pour les classes populaires
32:38 qui n'ont aucune chance de se faire soigner ailleurs
32:41 que dans des bonnes conditions,
32:43 l'immigration est une vraie solution.
32:45 Là, il faut qu'on soit cohérents.
32:47 Est-ce qu'il ne serait pas plus simple
32:49 d'ouvrir les vannes de la formation en médecine chez nous ?
32:53 On a dit qu'on a mis fin au numerus clausus,
32:55 mais on ne l'a pas fait,
32:57 et on est tributaires de médecins formés à l'étranger
33:00 dans des pays où la médecine est très faible.
33:02 -Oui, Mila. -C'est un choix.
33:04 -Pour les secteurs en tension,
33:06 qu'en pensez-vous ?
33:07 -Il y a deux leviers dans la politique migratoire.
33:10 Il y a le stock, ceux qui sont là,
33:12 et puis le flux.
33:13 Sur le stock, les 600 000 clandestins
33:15 qui sont en France aujourd'hui,
33:17 dont on dit que ces 600 000-là pourraient résoudre
33:20 nos problématiques de métier en tension,
33:23 dans l'aide à la personne,
33:25 ils sont là. Ils sont pour beaucoup
33:27 ni expulsables ni régularisables.
33:29 C'est la circulaire valse qui s'applique,
33:31 autrement dit, au terme de cinq ans de travail
33:34 dans des conditions régulières,
33:36 où ils paient leurs impôts.
33:38 On peut les régulariser.
33:39 Tout cela, il faut les régulariser
33:41 en appliquant les textes actuels.
33:43 Les préfets peuvent, grâce à la circulaire valse,
33:46 en régulariser. Ils le font à hauteur
33:48 de 100 000 par an. Donc oui, il faut les régulariser.
33:51 Pourquoi ? Parce que de toute façon,
33:53 on ne les reconduira pas à la frontière.
33:55 Vous connaissez les problématiques
33:57 de reconduite à la frontière,
33:59 qui sont chères et pas opérationnelles.
34:01 Et deux, oui, il se trouve qu'ils travaillent,
34:04 qu'ils répondent à un besoin économique
34:06 et que je ne vois pas au nom de quoi
34:08 on se priverait de la valeur ajoutée.
34:11 Maintenant, pour le flux, ça ne vaut de dire ça,
34:13 c'est-à-dire qu'il faut régulariser,
34:15 que si vous êtes très clairs sur vos conditions
34:18 de régulation des flux entrant.
34:20 C'est là qu'il faut tout changer,
34:22 être plus opérationnel sur qui on accueille
34:25 et dans quelles conditions,
34:26 et aussi dans quelles proportions.
34:28 Il faut qu'il y ait à la fois ce message d'humanité
34:31 sur la régularisation, mais quand même de fermeté
34:34 sur la maîtrise, avec beaucoup d'humilité,
34:37 parce que vous avez raison, on ne résoudra pas les flux
34:40 et on ne résoudra pas tout.
34:42 Mais à un moment donné, il faut que la nation démocratique,
34:45 c'est un choix entre nous, entre citoyens,
34:48 il faut qu'on dise ce qu'on est prêt à faire
34:50 et comment on est prêt à accueillir ce qui arrive.
34:53 On n'est même pas capables, aujourd'hui,
34:55 de traiter correctement et avec humanité
34:58 les immigrés qui sont sur notre sol français
35:00 et qui, pour beaucoup, sont quand même discriminés
35:03 et qui n'ont pas accès au minimum de services publics.
35:07 -Sur la circulaire Valls,
35:08 on a rappelé que la circulaire Valls n'a pas
35:11 une grande valeur contraignante, on ne peut pas en faire état
35:14 devant les tribunaux, par exemple.
35:16 La circulaire Valls, c'est juste des recommandations
35:19 aux préfets en disant... -La valeur d'une circulaire.
35:22 -Oui, vous allez appliquer tels critères.
35:25 Le Conseil d'Etat a fait un rapport sur le droit flexible
35:28 où il examine la circulaire Valls,
35:30 en se réjouissant que les préfets auront désormais
35:33 harmonisé leurs critères, mais ce n'est pas ce qui se passe.
35:37 C'est un rapport fait au moment de la Lolle de l'an dernier
35:40 qui a montré qu'un tiers des préfets
35:42 n'appliquent pas la circulaire Valls.
35:44 Un tiers des préfets considère que même si un dossier
35:47 a été remis en bonne et due forme,
35:50 ils n'ont pas de début de traitement
35:52 parce qu'ils considèrent qu'ils n'ont pas les moyens.
35:55 L'emploi des préfectures,
35:56 c'est un rapport de la Cour des comptes,
35:59 a diminué de 14 % en 10 ans.
36:00 Les bureaux de séjour et de l'asile ont été frappés.
36:04 Les préfets, pas nécessairement par idéologie,
36:07 ont pris à leurs agents de donner la priorité
36:09 au renouvellement des titres de séjour
36:11 et pas à l'admission exceptionnelle de séjour,
36:14 c'est-à-dire aux régularisations.
36:16 On a une rupture d'égalité entre les territoires
36:19 considérable et étonnante.
36:21 Ce que propose la loi d'Armanin, le volet travail de la loi d'Armanin,
36:25 c'est d'introduire les critères de la circulaire Valls
36:28 dans la loi, de faire en sorte que ce ne soit plus un examen
36:31 au cas par cas qui dépendrait à la fois du bon vouloir
36:35 de l'employeur et du bon vouloir du préfet,
36:37 mais que ce soit un examen au fil de l'eau sur critères.
36:40 Il faut définir ces critères, et je suis d'accord
36:43 sur l'idée qu'il faut définir rigoureusement ces critères.
36:46 Il faut aussi pouvoir stabiliser les populations.
36:49 A ce moment-là, l'employeur, par exemple,
36:52 ne pourra plus s'opposer à la régularisation
36:54 et le préfet ne sera pas mis devant des choix impossibles.
36:57 -Vous êtes en faveur de la régularisation
37:00 pour les métiers en tension. -Oui,
37:02 parce que je pense que la philosophie zéro régularisation
37:05 est tout aussi réaliste que la philosophie zéro immigration.
37:09 Si vous voulez, le statut de la lutte
37:11 contre l'immigration clandestine a été fortement marqué
37:14 par les conseils constitutionnels en 2013.
37:17 C'est une contribution à l'ordre public
37:19 et à une valeur constitutionnelle.
37:21 Mais si vous l'essayez, si vous faites une philosophie
37:25 zéro régularisation et que vous arrivez à la mettre en pratique,
37:28 le nombre des irréguliers continuera d'augmenter.
37:31 -On vous a rendu du désordre.
37:33 -C'est un autre désordre d'atteindre l'ordre public.
37:37 -Sur les quotas, je pense qu'on emploie cette formule,
37:40 on va mettre en place une politique de quotas,
37:43 mais il faut savoir ce que ça veut dire.
37:45 C'est-à-dire que ça va être des quotas,
37:48 effectivement, par catégorie socioprofessionnelle
37:52 ou par groupe familial ou autre.
37:55 Ca veut dire qu'on a besoin de 20 000 médecins cette année,
37:59 le 21e qui va se présenter, on lui dira non,
38:01 attendez votre tour l'année prochaine.
38:04 C'est extrêmement compliqué à mettre en oeuvre
38:06 une politique de quotas.
38:08 Les Américains le font avec un système de points,
38:11 le Canada également, mais est-ce que,
38:13 dans une Europe dont la politique migratoire
38:16 est quand même largement une politique communautaire,
38:19 est-ce qu'on est capable de mettre en place
38:22 une politique de quotas ?
38:23 -Je vais vous donner la parole,
38:25 mais je voudrais ajouter un point que vous pourrez préciser.
38:29 A propos de cette régularisation d'immigrés
38:31 pour les métiers en tension,
38:33 est-ce qu'à votre avis, c'est une poudre aux yeux
38:36 électorale et politique, au regard de la situation actuelle,
38:40 où il y a des centaines de milliers d'immigrés
38:44 en situation régulière qui sont au chômage,
38:47 qu'on a connu des violences dans les banlieues
38:50 et que ces jeunes ne sont pas véritablement intégrés ?
38:54 Est-ce que, par rapport à ça, si vous voulez,
38:57 on essaie de... Comment dire ?
38:59 De faire du en même temps ?
39:01 -Non, on est dans une situation économique
39:03 assez catastrophique, si vous voulez.
39:06 C'est vrai que le débat juridique est découplé,
39:08 juridique et du droit du travail,
39:10 il est découplé de la situation économique.
39:13 C'est ce que je disais tout à l'heure,
39:15 mais dans des proportions considérables.
39:18 On a un des taux d'emploi les plus faibles par rapport à l'Allemagne.
39:22 Ca ne concerne pas que les immigrés.
39:24 Comme vous l'avez dit, il y a 400 000 immigrés légaux au chômage.
39:27 Mais en réalité, le taux d'emploi des Français
39:31 et des populations immigrées, en particulier de certaines régions,
39:35 est très faible.
39:36 Il y aurait des réservoirs de travail,
39:38 mais il y a un manque de travail très important.
39:41 Pourquoi le patronat s'accroche à cette catégorie
39:44 des métiers en tension ? Il faut accepter des gens peu payés
39:47 dans des métiers pénibles et dans des villes très chères.
39:50 Donc, si vous voulez, c'est un beau cadeau qu'on fait
39:54 d'avoir besoin de gens qui viennent des pays les plus misérables
39:57 pour leur donner les travaux pénibles,
39:59 et puis loger dans des foyers collectifs
40:01 sans aucun confort,
40:04 à des horaires parfaitement nocturnes, le plus souvent,
40:07 ou commençant très tôt le matin.
40:09 Ca supposerait de réfléchir à la question du logement.
40:12 Pourquoi il y a des millions de personnes en France
40:15 qui ne travaillent pas et qui ne viennent pas
40:17 dans les métropoles, notamment en Ile-de-France ?
40:20 Le logement est inabordable.
40:22 Les banques ne prêtent plus, la construction est en difficulté,
40:25 et en même temps, 500 000 personnes rentrent chaque année en France.
40:29 Donc, vous créez les conditions de la tension,
40:32 de l'inflation sur les logements.
40:34 C'est pour ça que la question juridique,
40:36 dans un Etat de droit, est centrale,
40:38 mais si on pose la question économique vraiment sur la table,
40:41 on se dit, qu'est-ce que c'est que cette histoire
40:44 de métiers en tension de 300 ou 500 ou 600 000 personnes
40:47 dans un pays où il manque 10 millions d'emplois ?
40:50 Donc, la question économique,
40:53 et notamment de la production,
40:55 est centrale.
40:56 Si les gens ne travaillent pas en France,
40:59 ne veulent pas travailler alors qu'ils y sont,
41:01 c'est peut-être que le problème est ailleurs.
41:04 Il est peut-être culturel, il est peut-être dans le logement,
41:07 dans les allocations, dans beaucoup de choses,
41:10 mais on pourrait y réfléchir. -Xavier Dréenko,
41:13 vous avez choqué en publiant un livre
41:16 sur vos mémoires en Algérie.
41:18 -Ce ne sont pas des mémoires.
41:20 C'est une photographie de l'Algérie.
41:22 -Vous allez voir où je veux en venir.
41:24 La voie du référendum
41:28 pour traiter de l'immigration,
41:30 est-ce qu'elle vous paraît souhaitable,
41:32 puisqu'elle a été évoquée par Emmanuel Macron,
41:35 mais il faudrait modifier la Constitution ?
41:37 Et, en même temps,
41:39 je voulais vous poser cette question.
41:42 Vous avez proposé de dénoncer
41:45 le traité signé avec l'Algérie en 68
41:48 qui facilite l'entrée sur le territoire français
41:51 de travailleurs algériens accompagnés de leur famille.
41:54 Est-ce que vous persistez dans vos intentions
41:57 et, en même temps, abordez à la fois
42:00 la question référendaire et la question de l'Algérie ?
42:04 -Sur l'accord franco-algérien, j'ai été clair.
42:07 J'ai publié, non seulement dans mon livre,
42:09 mais ensuite, une note à la Fondapol
42:11 sur la question de l'accord franco-algérien
42:14 en disant qu'il fallait le renégocier.
42:17 On a tenté à plusieurs reprises, mais on n'a jamais rien obtenu.
42:20 Avec, dans le fond, un délai ou un ultimatum
42:23 pour dire aux Algériens qu'on remet les choses à plat
42:26 sur la table et que, si on n'y arrive pas,
42:29 on le dénoncera.
42:30 -Mais qu'est-ce qui ne va pas dans cet accord ?
42:33 Pourquoi vous voulez qu'on le dénonce ?
42:35 -Cet accord est dépassé
42:37 et les traités internationaux sont supérieurs à la loi,
42:41 ont une valeur constitutionnelle, juridique,
42:44 supérieure à la loi.
42:46 -A la loi française. -A la loi française.
42:48 -Mais l'immigration est une question.
42:50 -Les Algériens échappent à la loi française
42:53 en matière d'immigration.
42:55 Vous verrez, dans le projet de loi qui va paraître,
42:58 il y aura un article disant que ces dispositions
43:00 s'appliquent aux pays étrangers,
43:03 sauf aux Algériens, qui sont régis par l'accord de 1968.
43:07 Sur un référendum, je pense qu'il ne faut pas poser
43:10 une question sur "êtes-vous pour ou contre l'immigration",
43:14 il faut avoir, encore une fois,
43:17 des mesures précises d'ordre juridique,
43:21 d'ordre diplomatique, d'ordre...
43:23 -C'est un peu... -Oui, la voie...
43:26 -La voie référendaire... -Ca va être un QCM.
43:29 -Effectivement, comme on a multiplié les lois,
43:32 on connaît le chiffre, depuis 93, 21 lois sur l'immigration,
43:36 ces lois sont postérieures à l'accord avec l'Algérie
43:39 et du coup, ne s'appliquent pas.
43:41 C'était des lois qui ciblaient...
43:43 -Vous êtes favorable à ce qu'on revienne sur cette loi ?
43:46 -C'est sans incidence vraiment importante.
43:48 -Ah ben oui. -Non, mais attendez,
43:50 je développe, parce que ce sont des lois
43:53 qui ont essentiellement ciblé l'immigration familiale,
43:56 qui ont lutté contre les mariages gris, les mariages blancs,
43:59 qui ont imposé, par exemple, la possibilité,
44:02 qui a rarement appliqué, parce que c'est pas applicable,
44:05 une fois de plus, pour les maires,
44:07 de vérifier la réalité de la vie maritale, etc.
44:10 Donc, effectivement, toutes ces choses
44:12 qui ont été rajoutées, bétonnées par les lois successives,
44:16 ne s'appliquent pas aux Algériens.
44:18 C'est pas simplement l'accord de 68,
44:20 il me semble qu'il a été renégocié dans les années 80,
44:23 la version des années 80-84. -Oui, le socle, c'est 60.
44:26 -Votre point de vue là-dessus,
44:28 vous êtes favorable à ce qu'on revienne là-dessus ?
44:31 -Je pense pas que ce soit fondamental,
44:33 mais globalement, je suis favorable
44:35 à ce que la loi soit la même pour tous,
44:38 la loi soit la même pour tous sur le territoire français,
44:41 je suis favorable au fait que les taux d'accord
44:43 de la CND, la Cour nationale du droit d'asile,
44:46 soient égalitaires, etc.
44:47 C'est bien, l'égalité, on y est tous attachés,
44:50 et c'est vrai que les dérogations,
44:52 comme celles qu'on a à Mayotte, en Guyane,
44:55 tout ça, ça devrait disparaître.
44:57 Après, voilà, je pense pas que le coeur du problème soit là.
45:01 -Juliette Mehadel, la voie référendaire
45:04 par rapport à l'immigration,
45:06 c'est un tabou qu'on franchit ?
45:08 -Je pense que c'est quand même un peu le miroir aux Alouettes,
45:13 parce qu'une grande partie du droit en matière migratoire,
45:16 c'est du droit européen,
45:18 et donc c'est une façon de se défausser
45:20 à mauvais escient sur le citoyen français
45:23 en lui faisant croire qu'il aura les manettes
45:25 pour gérer une politique migratoire
45:28 dont on voit qu'aujourd'hui, elle échoue,
45:30 principalement en Italie,
45:32 parce que faute d'accords entre les pays européens
45:36 pour se répartir la charge migratoire.
45:38 Donc c'est un peu une manière un peu hypocrite
45:42 et un peu facile de dire
45:43 "on va s'en remettre aux citoyens français",
45:46 à qui, en fait, il va falloir ensuite expliquer...
45:49 -Pour le référendum. -Bien sûr.
45:51 On expliquera, une fois que le référendum sera passé,
45:54 les trois quarts des questions sur lesquelles on vous a interrogé,
45:57 c'est pas nous, c'est l'Europe,
45:59 et nos partenaires européens veulent pas.
46:02 Exemple typique, les pays qui sont les plus assaillis
46:05 en termes de demandes d'asile,
46:07 c'est la France, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne.
46:10 Et en fait, il se trouve que la charge migratoire,
46:13 aujourd'hui, certains pays, comme par exemple le Danemark,
46:17 refusent d'en prendre leur part,
46:18 alors que ce qu'il faudrait,
46:20 ce serait remettre aux pots toutes les demandes
46:23 et les partager entre les pays européens.
46:25 Mais il y en a plein qui n'ont aucune envie
46:27 de prendre leur part au jeu et qui laissent...
46:30 D'ailleurs, Mme Mélanie se plante complètement.
46:33 -C'est un peu comme le débat de l'Assemblée nationale,
46:35 que les solutions démagogiques ne marchent pas,
46:38 même l'extrême droite en Italie ne s'en sort pas,
46:41 et qu'il faut un travail européen sérieux
46:43 pour se répartir la charge et ne certainement pas demander
46:47 aux pauvres citoyens français de décider,
46:49 alors que la France toute seule n'y arrivera pas.
46:52 -Vous êtes pas favorable. François Héran ?
46:54 -Je crois que le référendum est une solution illusoire,
46:58 qu'on trompe les gens en leur faisant croire...
47:00 -Pas sur tous les sujets. -La Vème République, c'est prévu.
47:04 -Pas sur tous les sujets. -Le problème est de savoir
47:07 si ça peut marcher. Il faut savoir quelles questions...
47:10 Il y aura une question binaire, oui, non,
47:12 alors que les problèmes sont très compliqués.
47:15 Supposons que le référendum soit voté,
47:17 que les solutions les plus radicales soient appliquées,
47:20 que M. Sotti, Mme Le Pen, M. Zemmour arrivent au pouvoir,
47:24 qu'est-ce qui va se passer ?
47:25 Ils vont arriver à stopper drastiquement
47:28 l'immigration, à inverser les flux des justes
47:30 et à faire des choses qui ne sont pas bonnes.
47:33 -Si la méthode Mélanie ne marche pas,
47:35 la méthode Salviani,
47:36 qui renvoie tous les bateaux, on les coulera.
47:39 Tout ça est illusoire.
47:40 Il y a deux solutions illusoires, l'appel direct au peuple,
47:44 qui ne réglera rien, et le côté "on va être ferme",
47:46 fermement ferme, toujours plus ferme.
47:49 Les autres n'ont pas été fermes.
47:51 Pascua, Sarkozy, nous, on sera ferme.
47:53 -On a écouté votre point de vue, mais moi, je voudrais...
47:56 -Je suis frappé par l'évolution des points de vue
47:59 de Jacques Attali, Manuel Valls,
48:02 Bernard Kouchner, récemment,
48:04 qui sont quand même des docteurs
48:08 de la grande foi libérale européenne
48:13 et qui ont quand même changé sensiblement
48:15 leur point de vue. -Je suis d'accord avec vous.
48:18 -Sur cette question, on ne peut pas se contenter
48:20 de mettre des rustines.
48:23 -Je juge aux résultats, je regarde les faits.
48:25 Est-ce que ça marche ? -Oui, mais écoutez...
48:28 -Ca ne marche pas, et peu importe ce que disent
48:30 Kouchner et Valls. -Si vous permettez,
48:32 on va terminer cette émission sur la question politique.
48:37 Chacun dira ce qu'il en pense.
48:39 Depuis quelques années, voire quelques décennies,
48:42 la politique française et la politique nationale
48:46 de très nombreux pays, en Europe centrale,
48:49 en Europe orientale, en Europe de l'Ouest, etc.,
48:53 est parasitée par la question migratoire
48:57 et le chantage qu'elle peut engendrer.
48:59 Je voudrais que vous me disiez chacun, brièvement,
49:03 si cette question est agitée comme un chiffon rouge
49:07 pour éviter l'extrême droite,
49:10 est-ce que ça vous paraît réaliste et fondé ?
49:14 Est-ce que les choses sont complètement imbriquées,
49:18 c'est-à-dire l'immigration engendrant
49:20 la venue de l'extrême droite ?
49:23 Chacun avec très peu de temps, Pierre Vermeuren.
49:27 -Ce n'est pas une question de politique intérieure.
49:30 Il faudrait qu'on ait un Etat ou des Etats.
49:33 Si l'Europe existait, ça serait mieux.
49:35 Si on n'était pas endettés, on serait indépendants.
49:38 Mais je crois qu'il faut, à un moment,
49:41 avoir des interlocuteurs au Sud.
49:43 La réponse est au Sud.
49:44 Quand les Allemands ont voulu arrêter la vague migratoire,
49:48 ils ont fait un chèque de 5 milliards.
49:50 Ca a bloqué l'immigration sauvage en provenance de Turquie
49:54 et a pu se débarrasser de tous les Syriens sur son sol.
49:56 Ils le cherchent toujours à le faire.
49:59 Quand Kadhafi, Ben Ali,
50:02 le gouvernement algérien Bouteflika, etc.,
50:05 et le Maroc l'ont décidé, à certains moments,
50:08 les flux migratoires étaient taris.
50:11 A partir du moment où vous avez des Etats
50:13 qui décident de jouer le rapport de force,
50:16 soit parce qu'on est allé les détruire,
50:18 soit parce qu'ils sont très faibles
50:20 et qu'ils sont investis par les mafias,
50:23 comme les mafias italiennes, en Sicile,
50:25 comme les mafias albanaises et turcs au Moyen-Orient.
50:28 -Des mafias. -Des mafias.
50:30 Les mafias jouent un rôle central.
50:32 Elles gagnent des milliards, ce trafic,
50:34 ce qui fait qu'on n'a pas les populations les plus déshéritées.
50:38 Même si les gens viennent des pays les plus déshérités,
50:41 ils doivent payer 5 000 à 10 000 euros,
50:43 ce qui est considérable,
50:45 pour lesquels les familles se cotisent en grand nombre.
50:48 Ca devient un enjeu crucial pour eux.
50:51 Il faut s'entendre avec ces pays, savoir ce qu'ils veulent,
50:54 savoir quel est leur objectif,
50:56 et le négocier.
50:58 Si on considère que c'est comme la pluie,
51:00 on ne peut pas empêcher la pluie.
51:02 On peut empêcher l'immigration, mais il faut parler
51:05 avec les responsables. -Trois phrases.
51:08 La question migratoire, elle est ou elle a été instrumentalisée
51:11 en politique intérieure française.
51:14 Deuxièmement, la question migratoire,
51:16 elle est instrumentalisée par certains pays,
51:19 comme le Maroc, la Tunisie, l'Algérie, etc.
51:22 Troisièmement, on ne peut pas nier
51:24 que c'est un sujet majeur en France et en Europe.
51:27 -Je vais vous donner la parole. François Héran.
51:30 -Je pense que les vrais, les grands problèmes
51:32 de notre société, c'est pas ceux-là.
51:35 C'est le changement climatique,
51:38 c'est l'inflation, c'est la guerre en Ukraine,
51:41 c'est les superpuissances,
51:43 c'est les régimes libéraux... -Pour vous, les problèmes ?
51:46 On a très peu de temps pour ces temps-là.
51:48 Les Français ne pensent pas que l'immigration soit le problème.
51:52 -Merci. Juliette Meyardel, sur cette question-là.
51:55 -Ce n'est pas l'immigration qui fait monter
51:57 le RN, c'est la crise sociale, économique, écologique,
52:00 qui conduit certains à désigner un bouc émissaire
52:04 avec l'étranger.
52:05 Mais si nous étions capables de résoudre
52:08 l'état dramatique des hôpitaux, l'accès à l'école qui se dégrade,
52:12 la crise du pouvoir d'achat, la pauvreté
52:14 et l'augmentation des inégalités sociales,
52:17 ce serait une menace d'un vote d'extrême-droite.
52:19 -Merci. C'était aussi votre point de vue.
52:22 Il me reste à vous présenter une bibliographie.
52:24 Juliette Meyardel, vous avez publié
52:27 "Un impérieux besoin d'agir".
52:30 En deux mots, c'est quoi, ce livre ?
52:32 -C'est un livre-témoignage de mon parcours de militante,
52:35 de ma participation au gouvernement,
52:38 et surtout des propositions. Je voudrais qu'on arrive
52:41 à réhabiliter l'idée que l'Etat et la puissance publique
52:44 sont les deux, et que c'est l'une des fiertés de notre pays,
52:47 évidemment, dans une perspective de solidarité
52:50 et de république forte. -Voilà.
52:52 Pierre Vermeuren, "Histoire de l'Algérie contemporaine",
52:56 aux éditions du Nouveau Monde.
52:58 C'est...
53:00 Avec l'Algérie, ça change sans changer ?
53:04 -Oui, mais ce que j'ai voulu faire,
53:06 c'est un livre sur l'Algérie jusqu'à nos jours,
53:09 parce que l'Algérie, ça ne s'arrête pas en 62,
53:11 on serait très bien avisés de s'intéresser
53:14 à ce qui se passe dans ce pays. -Voilà.
53:16 François Ayrault, vous avez publié "Migration et société".
53:19 Ca a été publié à la fois chez Fayard et le Collège de France.
53:23 -Ca, c'était ma leçon inaugurale. -Votre leçon inaugurale.
53:26 -En 2018. -Votre dernier livre, c'était...
53:28 -OK, "Immigration, le grand déni". -Voilà.
53:31 -Il consiste à constater qu'un certain nombre d'acteurs,
53:35 dans le débat public, grossissent démesurément l'immigration
53:39 sans pouvoir justifier de la réduire drastiquement.
53:42 Donc, c'est ce paradoxe que je décris.
53:46 -Il n'y a pas un accord sur les chiffres ?
53:48 On arrive quand même à...
53:50 -On a maintenant des chiffres de meilleure qualité
53:54 entre l'OCDE, Eurostat...
53:56 -Pour prendre l'INSEE, l'INED, etc.,
53:58 tout ça pour... -On a une qualité de...
54:01 C'est ça que je déplore,
54:03 c'est qu'effectivement, dans le débat public,
54:05 il y a très peu d'attention au fait
54:08 et beaucoup plus de démagogie que de pédagogie.
54:10 -Alors, Xavier Driancourt,
54:12 "L'énigme algérienne",
54:14 chronique d'une ambassade à Alger.
54:16 -C'est un retour d'expérience
54:19 sur les deux ambassades que j'ai faites en Algérie.
54:23 -Est-ce que vous restez attaché à l'Algérie ?
54:26 -Oui. -Voilà.
54:28 -Mais c'est un pays énigmatique.
54:30 -Qui vous reste énigmatique ?
54:32 -Même après 8 ans en Algérie, oui,
54:34 et je crois que même après 132 années,
54:37 pour beaucoup de Français, ça reste un pays énigmatique.
54:40 -Voilà.
54:42 Écoutez, merci, madame, merci, messieurs,
54:45 d'avoir animé à mes côtés cette émission,
54:48 qui n'est pas simple,
54:49 parce que la question migratoire, nous en avons pour longtemps.
54:53 Merci à l'équipe de LCP,
54:55 qui réalise cette émission.
54:58 Il me reste à vous soumettre
55:01 cette pensée de Thibault de Montbrial.
55:05 Nous avons importé sur notre territoire
55:07 des guerres ethniques du monde entier.
55:10 Générique
55:12 ...

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