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Court métrageTranscription
00:00 La télévision, le danger le plus grave qu'a fait au cinéma,
00:03 ce n'est pas tant de le substituer de façon concurrentielle,
00:07 c'est-à-dire de proposer plus de cinéma, plus de films, la même soirée,
00:10 mais c'est vraiment de perdre de l'autorité, de la prestige, du mystère.
00:15 On est en 1982, le cinéma italien est en crise depuis quelques années.
00:19 Les films sont éclipsés dans les salles par les gros succès américains d'Hollywood.
00:23 Mais pour le cinéaste italien Federico Fellini,
00:26 c'est l'arrivée de la télévision qui a changé notre rapport à l'image
00:29 et donc au cinéma.
00:31 Fellini est un réalisateur encore peu connu
00:33 quand il marque l'histoire du cinéma à Cannes avec la Dolce Vita
00:37 qui décroche la Palme d'Or en 1960.
00:41 Il y reflète les grandes mutations de l'époque de l'après-guerre,
00:44 le boom économique italien et le début de l'ère médiatique.
00:47 Dans les années 1980, de plus en plus de foyers
00:50 sont équipés d'un écran de télévision.
00:52 Pour ce bombardement continu d'images,
00:55 pas seulement cinématographiques, pas seulement parce qu'il y a des films,
00:59 mais c'est l'image qui a été corrompue, traversée,
01:02 manœuvrée de toutes manières,
01:05 dilatée, amplifiée, accélérée, ralentie.
01:09 En 1981, le pape Jean-Paul II est victime d'une tentative d'assassinat.
01:13 L'événement est capté par les télévisions du monde entier.
01:15 Ces images qui reproposaient l'épisode
01:19 10, 20, 30 fois en forme de ballet,
01:22 avec des accélérations de suite, le pape n'était plus là,
01:26 un détail de l'ongue fermée,
01:29 des visages étrangers qui passaient...
01:31 Tout cela était une information donnée par la chance des ciné-opérateurs.
01:38 Et il a un ennemi identifié,
01:40 la télévision italienne des années 1980,
01:42 incarnée par le modèle Berlusconi.
01:44 Il en fait la satire dans Ginger et Fred, réalisé en 1986.
01:48 Si vous étiez mariés, c'était mieux.
01:50 Mais je ne comprends pas pourquoi.
01:53 Ça fonctionne mieux.
01:54 Les publics aiment toujours les histoires d'amour, les compagnies d'art et de l'humour.
01:58 Deux anciennes stars du musical remontent, non pas sur scène,
02:02 mais sur un plateau de télévision à l'occasion d'un grand show.
02:05 Transformées en bêtes de foire, les deux artistes se rendent compte
02:08 du décalage qu'ils vivent avec ce monde du spectacle superficiel.
02:11 Ce n'est plus ce rapport si intimidant, suggestionné,
02:15 fiduciose, exalté,
02:18 que le grand écran,
02:20 appelé "Raccolte" comme dans une chère,
02:23 où le public s'allumait et se luminait.
02:26 C'est une image complètement différente,
02:29 schizophrénique, psychédélique, neurotique.
02:32 Il fait notamment référence aux coupures publicitaires pendant les films,
02:35 signe de l'époque Berlusconi.
02:37 Et il mène le combat jusque dans les tribunaux
02:39 pour faire interdire la diffusion de ces spots
02:41 quand ces films passent sur les chaînes du milliardaire italien.
02:44 C'est un échec, mais Fellini ne lâche pas le combat
02:47 à coup de tribunes et de pétitions.
02:49 Il est rejoint par d'autres réalisateurs comme Sergio Leone.
02:52 Il a créé un genre de spectateur impatient, superficiel,
02:58 qui veut faire son film,
03:00 en changeant de l'image d'un programme à celle d'un autre.
03:04 Je suis un cinéaste, je suis né et je concepte le cinéma d'une certaine manière.
03:10 Je vois que je dois tenir compte d'un public que je ne connais pas.
03:14 [Musique]