Après l’attaque du Hamas du 7 octobre, le Premier ministre israélien est en sursis, estime le docteur en géopolitique Frédéric Encel.
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00:00 Ce méchant va se tester jusqu'au bout.
00:03 Tout le monde va devoir répondre.
00:05 Moi aussi.
00:06 Il y a une défiance extrêmement importante.
00:12 Premier point, cette défiance vis-à-vis du politique,
00:19 vis-à-vis du gouvernement, de l'exécutif,
00:21 qui est en charge statutairement et presque philosophiquement
00:23 d'assurer la sécurité de sa population,
00:25 ça existe dans toute démocratie.
00:27 Deuxième point, c'est le gouvernement,
00:29 de manière plus générale,
00:30 celui qui s'est installé en décembre 2022,
00:33 donc suite au scrutin du 1er novembre 2022,
00:35 qui a vu une nouvelle fois le Likoud l'emporter
00:37 avec donc à sa tête Netanyahou.
00:38 Il a décidé de constituer un gouvernement
00:40 à droite et à l'extrême droite,
00:41 en incluant, c'est assez classique,
00:43 des partis sionistes religieux,
00:44 mais aussi des partis ultra-orthodoxes.
00:46 Sur le plan de la compétence, en quelque sorte,
00:48 liée aux questions de paix et de guerre,
00:50 avec le gigantesque pogrom du 7 octobre dernier,
00:53 ce gouvernement est apparu comme totalement incompétent.
00:57 Et dans un pays en guerre,
00:58 et qui se perçoit comme tel,
01:00 c'est absolument inexcusable.
01:02 Troisième point, c'est la personnalité
01:04 de Netanyahou elle-même.
01:05 C'est quelqu'un qui a été perçu,
01:06 et qui reste perçu d'ailleurs,
01:08 depuis pratiquement sa prise de fonction
01:09 en juin 1996,
01:11 puis ensuite à partir de 2009,
01:12 je le répète sans discontinuer,
01:13 comme très bon sur le plan économique et technologique,
01:15 ce qui n'est pas faux.
01:16 Il est admis comme quelqu'un
01:17 qui a réussi sur le plan diplomatique.
01:18 Par ailleurs, il a un discours très nationaliste,
01:21 matiné de mysticisme,
01:22 on l'a encore vu il y a quelques jours,
01:23 qui plaît beaucoup à une grande partie de la population,
01:25 plutôt conservatrice ou ultra-conservatrice.
01:27 Maintenant le problème,
01:28 c'est que depuis quelques années,
01:29 il est poursuivi en justice
01:31 sur plusieurs dossiers extrêmement graves.
01:32 Et qu'au fond, une grande partie de l'électorat
01:34 considère que sa coalition,
01:36 composée de gens à la fois extrémistes et incompétents,
01:39 donc encore une fois,
01:39 notamment sur les questions militaires,
01:41 eh bien il l'a composée
01:42 parce que ce sont des gens qui ne lui poseront pas de problème.
01:43 Et que cette coalition lui permet
01:45 de rester bien évidemment au pouvoir coûte que coûte,
01:47 pour ne pas perdre une forme d'immunité,
01:51 sans laquelle il risquerait effectivement,
01:53 à terme, d'être lourdement condamné par la justice.
01:55 Donc pendant la guerre,
01:56 les Israéliens font bloc.
01:57 Mais cette guerre, elle va s'achever d'une manière ou d'une autre.
01:59 Et une commission d'enquête va se mettre en place,
02:01 c'est une certitude absolue.
02:03 Et cette commission d'enquête,
02:04 elle va faire chuter ce gouvernement et ce Premier ministre.
02:07 Par définition, les Israéliens font confiance dans leur armée,
02:17 bon c'est l'armée du peuple,
02:17 pratiquement tout le monde y est,
02:19 dans leur État-major.
02:20 Et in fine, le temps de la guerre,
02:22 encore une fois, je le répète, c'est important,
02:24 dans le chef de l'exécutif,
02:25 c'est-à-dire évidemment le Premier ministre.
02:27 Donc pour l'instant, une majorité d'Israéliens,
02:29 dans les quelques enquêtes d'opinion
02:31 qui ont pu être publiées ces derniers jours,
02:33 soutiennent majoritairement le gouvernement
02:36 dans sa volonté d'éradiquer militairement le Hamas.
02:38 Mais les Israéliens vous disent tous depuis trois semaines
02:41 qu'ils sont prêts à des sacrifices,
02:43 en termes de soldats,
02:44 peut-être même en termes d'otages capturés par le Hamas,
02:46 à condition que ce soit la dernière.
02:48 Or personne ne peut garantir que ce sera la dernière,
02:50 et certainement pas un gouvernement discrédité
02:52 comme celui de Netanyahou.
02:53 Depuis le 7 octobre,
03:00 beaucoup d'Israéliens, jusque-ci y compris au centre et à la droite
03:02 de l'échec et politique,
03:03 considèrent que Netanyahou s'est trompé.
03:04 Soit par naïveté,
03:05 quand à l'idéologie islamiste radicale
03:07 absolument mortifère du Hamas,
03:09 soit par complaisance,
03:11 ce qui sera encore beaucoup plus grave.
03:12 Donc aujourd'hui, on oscille entre deux hypothèses.
03:14 Il est bien évident qu'il y a eu erreur
03:16 dans le sens de la sous-estimation,
03:18 encore une fois, à la fois de la capacité
03:19 et de la cruauté du Hamas.
03:21 C'est pas maintenant, il va bien falloir effectivement le détruire.
03:23 Alors il s'y colle, mais il n'est pas à l'aise.
03:24 Et effectivement, l'une des choses que lui reproche d'ores et déjà
03:27 l'opinion israélienne,
03:29 mais encore une fois, on est en temps de guerre, on fait bloc,
03:30 mais que lui reprocheront très vraisemblablement
03:33 la grande majorité des Israéliens au terme de cette guerre,
03:36 même si elle était remportée de manière décisive,
03:38 ce serait ça effectivement.
03:39 L'erreur de perception, à tout le moins,
03:41 du Hamas par Netanyahou tout au long des années 2010.
03:44 La réponse est non, c'est inimaginable.
03:49 C'est inimaginable,
03:50 ne serait-ce que d'un point de vue empirique.
03:51 Je vous donnais l'expérience de Golda Meir, de Menachem Begin,
03:53 on peut même évoquer 2006 avec Ehud Olmert,
03:56 pour des faillites qui ont été infiniment moins graves
03:59 que celles du 7 octobre dernier.
04:01 Alors aujourd'hui, le Premier ministre, évidemment,
04:03 il n'a pas le choix, c'est à lui,
04:04 d'ailleurs démocratiquement et institutionnellement,
04:06 statutairement, de mener cette guerre.
04:08 Mais une commission d'enquête se mettra sur pied,
04:10 même si les Israéliens remportent de manière décisive cette guerre-là,
04:13 de toute façon, cette commission d'enquête,
04:15 elle va statuer sur les manquements et sur les erreurs.
04:17 Et il est tout simplement inimaginable
04:19 que Netanyahou échappe aux conclusions
04:21 sur lesquelles, évidemment, je ne présumerais pas,
04:23 bien évidemment, et surtout sur l'exaspération de l'opinion.
04:25 C'est une certitude, ce gouvernement étant sur site.
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