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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:07 Bonjour Marguerite Caton.
00:08 Bonjour, bonjour Guillaume.
00:10 Alors vous allez revenir ce matin sur les inondations du nord de la France.
00:14 Et la visite d'Emmanuel Macron qui, tel Napoléon III auprès des inondés de Tarascon,
00:20 est venu assurer hier les sinistrés du soutien de la nation.
00:24 Alors je mentionne cet épisode car les crues terribles de 1856 ont marqué l'entrée des inondations
00:29 dans l'agenda politique.
00:30 Et peut-être avez-vous en mémoire cette phrase de l'empereur à son ministre des Travaux Publics.
00:35 "Tout me fait espérer que la science parviendra à dompter la nature.
00:39 Je tiens à l'honneur qu'en France les fleuves, comme la révolution,
00:43 rentrent dans leur lit et qu'ils n'en puissent plus sortir."
00:46 Bonjour Alexis Douas.
00:47 Bonjour Marguerite.
00:48 Alors vous n'êtes pas ingénieur, vous êtes spécialiste des assurances,
00:51 chercheur et consultant pour Square Management.
00:54 C'est d'abord d'aide et d'indemnisation que les victimes ont besoin.
00:57 Quelques mots pour commencer sur l'ampleur des dégâts qu'on n'a pas encore fini de mesurer.
01:02 On parle déjà de 5000 habitations touchées, 10 000 sinistres.
01:06 C'est une catastrophe de grande ampleur ?
01:08 Alors c'est une catastrophe de trop grande ampleur évidemment.
01:12 Maintenant quand on regarde simplement le nombre de sinistres, 10 000,
01:16 c'est un nombre qui n'est pas exceptionnel pour les assureurs
01:20 qui ont l'habitude de gérer des grands volumes de sinistres.
01:22 La difficulté c'est peut-être qu'ici, dans le cas présent, ils sont localisés à un endroit.
01:26 Donc ça peut quand même poser certaines questions en termes de gestion administrative
01:31 et ensuite opérationnelle sur le terrain.
01:33 Néanmoins, quand on regarde par exemple, on compare à l'année 2022,
01:36 il y a eu 4 millions de sinistres sur l'intégralité de l'année.
01:39 Ça fait un peu plus de 10 000 sinistres par jour.
01:41 Donc les assureurs ont la capacité de gérer ce type de sinistres, en tout cas cette taille.
01:46 Ce qui va plus les inquiéter, c'est les évaluations économiques et financières
01:51 qui vont être faites de ces sinistres.
01:54 Oui, parce que si on ajoute à ces crues les ravages des tempêtes Kiran et Domingos,
01:58 qui sont évalués à 1,3 milliard, donc avant les inondations dans le Nord,
02:02 on est face à un automne de crise peut-être pour les assureurs.
02:05 Est-ce que ces montants est frais dans le monde de l'assurance ?
02:08 1,3 milliard, oui c'est un montant important.
02:11 Donc à titre de comparaison, les assureurs estiment pour l'année 2022
02:16 que les incidents climatiques leur ont coûté un peu plus de 10 milliards.
02:20 Donc c'était la deuxième pire année depuis 1980 probablement.
02:28 Après 1999, la tempête Lothar et Martin avait créé près de 14 milliards de sinistres.
02:37 Le président a annoncé hier que toutes les communes qui en avaient fait la demande,
02:41 soit plus de 240 dans le département du Pas-de-Calais et du Nord,
02:44 allaient être classées en catastrophes naturelles.
02:46 Qu'est-ce que ça change concrètement pour un particulier, Alexis Louas ?
02:50 Le système 4NAT, il peut changer pas mal de choses en pratique,
02:56 mais la chose principale qu'il change, c'est que l'assureur paye une prime d'assurance
03:03 pour les catastrophes naturelles qui est raisonnable.
03:06 En France, on a la chance d'avoir ce système des 4NAT qui fonctionne en trois étages.
03:12 On peut présenter les choses comme ça.
03:14 Le premier étage, c'est les franchises et le reste à charge pour les ménages.
03:18 Le second étage, c'est les contrats privés que vous pouvez souscrire
03:24 auprès de vos assureurs traditionnels pour assurer votre maison, vos voitures.
03:30 Et sur ces contrats, vous payez ce qu'on appelle une surprime
03:33 qui représente entre 9 et 12 %, et les questions la font évoluer cette surprime,
03:37 et qui permet de financer le troisième étage de la fusée
03:41 qui est un étage de réassurance.
03:44 Donc les assureurs, vos assureurs à vous, ils se réassurent,
03:47 c'est-à-dire qu'ils n'ont pas la capacité forcément d'assurer tous les risques catastrophiques
03:51 au prix où vous êtes prêt à vous assurer.
03:54 Et donc, pour faire baisser ce coût de la réassurance,
03:57 on leur propose un dispositif de mutualisation sur l'ensemble du territoire français
04:03 qui est pris en charge par ce qu'on appelle la caisse centrale de réassurance
04:06 qui est organisée plutôt par la caisse centrale de réassurance.
04:08 Et son rôle à cette caisse centrale de réassurance, c'est d'être le réassureur
04:12 et donc d'opérer la mutualisation entre tous les risques catastrophiques
04:15 au niveau du territoire français, donc d'être le réassureur de tous les assureurs.
04:18 Et donc cette réassurance, qui bénéficie du soutien, de la garantie limitée de l'État
04:24 et donc qui permet de faire baisser le coût,
04:26 vous permet in fine à vous de bénéficier d'une tarification moins élevée
04:31 et abordable sur les risques catastrophiques.
04:33 Il faut savoir qu'en France, pour ces risques catastrophiques,
04:35 on paye en moyenne 23 euros par foyer et par an.
04:38 Ce qui est une somme d'argent, mais qui comparativement à d'autres pays
04:43 où les primes pour ce type de risque peuvent atteindre des centaines,
04:45 voire des milliers d'euros par année, est tout à fait raisonnable.
04:48 Oui, donc c'est une spécialité française qui a beaucoup de valeur.
04:51 Alors un autre dispositif a été actionné, celui de calamité naturelle.
04:56 C'est important car les agriculteurs sont tout particulièrement touchés
04:59 actuellement dans les Hauts-de-France.
05:01 Alors qu'est-ce qu'ajoute ce dispositif ?
05:03 Alors le système des calamités agricoles, c'est un système à côté des catastrophes naturelles,
05:09 ce qu'on appelle les 4 NAT. Il y a les 4 NAT et les calamités agricoles.
05:12 Les calamités agricoles se concentrent sur l'indemnisation des récoltes non engrangées,
05:19 donc c'est les récoltes encore sur pied, qui sont soumises aux risques d'aléas climatiques.
05:24 Donc ils peuvent faire perdre le résultat de leur travail à des agriculteurs.
05:30 Ils fonctionnent également par 3 étages, un peu sur le modèle de 4 NAT,
05:34 même s'il y a certains détails qui diffèrent.
05:36 Donc les plus petites pertes sont sous une franchise,
05:40 et c'est l'agriculteur qui les supporte.
05:43 Les pertes de taille intermédiaire sont assurées par des contrats,
05:47 qu'on appelle multirisques climatiques, qui sont offerts par des assureurs privés.
05:52 Et au-dessus de ces pertes, il y a un fonds national de gestion des risques agricoles
05:57 qui s'enclenche et qui vient compenser les pertes,
06:01 et qui fonctionne un petit peu comme le système 4 NAT,
06:04 sur l'idée d'une mutualisation des pertes à travers l'ensemble du territoire.
06:09 Alors les montants sont un petit peu différents.
06:12 Les montants pour le Fonds national de gestion des risques agricoles,
06:15 c'est de l'ordre de la centaine de millions par an,
06:17 alors que les 4 NAT, c'est plutôt le milliard, voire plusieurs milliards d'indemnisation par an.
06:22 On comprend qu'à chaque fois, dans ces deux systèmes,
06:24 on a finalement derrière l'État qui vient en dernier recours, en dernier secours,
06:28 ce qui permet de baisser les coûts.
06:30 Beaucoup de villages et de petites villes ont des routes communales abîmées,
06:33 des bâtiments communaux inondés,
06:35 c'est pour ça que le président a promis un fonds hier de 50 millions d'euros.
06:38 Christophe Béchul, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
06:42 disait mardi dernier à l'Assemblée que nombre de communes cessent de s'assurer.
06:47 Alors comment l'expliquez-vous Alexis Douas ?
06:49 - Alors, il y a plusieurs facteurs, le changement climatique joue.
06:54 Il y a un facteur que les assureurs pointent du doigt,
06:57 c'est le mode d'attribution des marchés publics.
07:00 Donc quand vous souscrivez une assurance,
07:03 vous souscrivez à une offre qui est proposée par votre assureur,
07:06 et donc l'assureur il fait ses études sur le risque que vous apportez à son portefeuille,
07:12 il tarife ce risque, et puis il vous fait une proposition,
07:15 et il s'ajuste en fonction de la demande, si son contrat rencontre un succès ou pas.
07:20 Pour les collectivités, c'est un petit peu différent,
07:23 les collectivités font une proposition, un appel d'offre via des marchés publics,
07:30 et donc elles établissent des spécifications des risques qu'elles aimeraient assurer,
07:35 et les assureurs n'ont pas la possibilité nécessairement de modifier les paramètres de cette proposition,
07:43 ils doivent répondre oui ou non, j'assure à tel prix ce que vous me proposez.
07:48 Les assureurs aujourd'hui trouvent cette procédure difficile,
07:53 ils aimeraient qu'elle évolue, c'est pas forcément le seul facteur,
07:56 il y en a d'autres, il y a le risque climatique et encore d'autres explications.
08:00 En fait on comprend que c'est presque trop cher aujourd'hui pour les assureurs
08:03 de travailler dans ces territoires ruraux,
08:06 et la députée de Sainte-Marie-Tine, Marie-Agnès Poussier-Winsbach,
08:09 interpellée à la ministre, disait que ceux qui restent sont en situation de quasi-monopole,
08:13 en profitent pour augmenter les tarifs des franchises.
08:15 Mais on y reviendra peut-être une prochaine fois.
08:17 Merci beaucoup Alexis Douas de ces précieux éclaircissements.
08:20 Je rappelle que vous êtes spécialiste des assurances,
08:22 chercheur et consultant pour Square Management.
08:25 Merci Marguerite.
08:26 Merci Marguerite Caton.