• il y a 2 ans


Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous

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Transcription
00:00 C'est un peu votre histoire aussi, c'est ça que vous voulez nous dire, le petit nom de la Kasbah.
00:04 En tout cas, c'est une histoire familiale.
00:06 - Je tenais vraiment à... Ça fait deux jours que j'appelle, depuis que je sais qu'Alexandre Arcadie vient.
00:12 Et monsieur Arcadie, je voulais juste vous remercier du fond du cœur de vos films.
00:17 Parce que vous êtes l'histoire de ma mère.
00:21 Et comme beaucoup de gens qui ont la même histoire, elle avait une certaine pudeur.
00:28 Et moi, j'ai connu son histoire que très tardivement.
00:32 Et c'est la période de la Coupe du Monde 88, où les joueurs ont défilé sur les champs.
00:38 Et comme beaucoup de Français, on regardait la télévision.
00:40 Et elle s'est mise à pleurer, pleurer.
00:42 Et je lui disais « Mais pourquoi tu pleures autant ? Pourquoi ? »
00:45 Et en fait, c'était les drapeaux algériens.
00:47 Et j'ai dit « Mais pourquoi ça te fait pleurer ? »
00:49 Et elle était silencieuse, elle n'avait pas parlé, elle pleurait.
00:52 On a fait quelque chose qu'on faisait très rarement.
00:54 On a été dans un vidéoclub, on a loué une cassette.
00:57 Elle m'a mis devant le coup de sirocco.
00:59 Elle m'a dit « Tu vois, ça, c'est mon histoire ».
01:03 Comment vous dire ? Elle est en fait Pupille de la Nation, hors-film de police.
01:10 Elle faisait partie des rapatries de juillet 62, où sa famille a été massacrée.
01:15 Et c'est d'ailleurs, elle n'a jamais pu le remercier,
01:18 c'est un harki, un subordonné de son père, qui l'a mis dans la soude d'un avion.
01:23 Et elle est rentrée dans la soude d'un avion en France.
01:25 En France, elle faisait partie, comme tous ses enfants de là-bas, où elle était un peu perdue.
01:29 Et on n'a pas fait grand-chose pour ses enfants.
01:31 Et finalement, tout son patrimoine familial, et les biens de ses parents,
01:35 même de ses arrière-grands-parents, elle n'a jamais su ce que c'était devenu.
01:38 Et on lui a pas fait grand-chose à sa majorité.
01:40 Elle a juste eu un billet de train, un emploi réservé dans les hôpitaux de Paris.
01:43 Et c'est tout ce qu'a fait l'Etat français.
01:45 Et une phrase que je garderai toujours en tête, c'est dans le film « Le coup de sirocco ».
01:52 À un moment, il y a Roger Hanin, le maire de la villa de Ranga,
01:57 et elle me dit comme ça, « Tu vois, ça, c'est papa et c'est maman ».
02:01 Et en fait, moi, tout cet héritage et cette filiation familiale maternelle,
02:07 en fait, cette vie-là, je la connais qu'à travers vos films.
02:11 Et je voulais vous remercier pour ça.
02:15 Voilà.
02:16 Merci, monsieur. Vous me touchez énormément.
02:19 Vous savez, en faisant ce film, c'est à toute cette génération que j'ai pensé également,
02:25 c'est-à-dire à nos parents, nos arrière-grands-parents,
02:28 qui ont vécu une vie magnifique, merveilleuse, lumineuse dans cette terre algérienne.
02:34 Et la rupture a été très grave et très importante et très douloureuse.
02:40 Et je ressens, évidemment, vous, de la génération suivante, ce manque de témoignages.
02:46 Mais vous savez, dans la salle, dans les films, dans les avant-premières que j'ai pu organiser,
02:52 il y a un monsieur qui est venu, il m'a dit « Écoutez, je suis venu avec tous mes enfants et mes petits-enfants,
02:57 nous sommes dix, j'arrivais pas à leur expliquer ce que c'était notre vie là-bas.
03:03 Et maintenant, après votre film, on va pouvoir en parler,
03:06 et je vais pouvoir être beaucoup plus libre et leur expliquer, ils vont mieux comprendre. »
03:11 Merci infiniment pour votre témoignage, monsieur.

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