Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Les auditeurs sont invités à réagir, par téléphone ou via les réseaux sociaux aux grandes thématiques développées dans l'émission du jour. Aujourd’hui, il s'intéresse à la sortie du nouveau film d'Alexandre Arcady, intitulé "Le Petit Blond de la Casbah".
Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous
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00:00 - Europe 1, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:08 - Bienvenue sur Europe 1 et de 11h à 13h, vous pouvez réagir et témoigner avec Pascal
00:12 Praud au 01 80 20 39 21.
00:15 Pascal, vous recevez ce matin le réalisateur Alexandre Arcadi, son dernier film d'une
00:20 sortie hier, "Le petit blond de la Casbah".
00:22 - Et "Entre chiens et loups", c'est un film qui doit avoir une vingtaine d'années et
00:25 c'était je crois deux hommes qui n'avaient rien à perdre et qui acceptaient une sorte
00:29 de contrat truqué.
00:30 - Ah oui c'était incroyable et Johnny a vu le film, il a voulu y être et c'était
00:36 un moment absolument exceptionnel.
00:37 - Bon, hier est sorti "Le petit blond de la Casbah", c'est un film autobiographique qui
00:41 met en lumière la vie d'Alger dans les années 60, votre enfance et c'est vrai que forcément
00:46 ce film a des résonances avec ce qui se passe aujourd'hui, on va d'ailleurs pouvoir échanger
00:50 avec des auditeurs qui vous interrogeront mais pourquoi ça a des résonances ? Parce
00:54 que tout le monde vivait ensemble et les juifs et les arabes vivaient ensemble et aujourd'hui
00:59 ça paraît, ce monde-là est mort.
01:02 - Ce monde-là est un peu éloigné de nous, voilà, pour être moins pessimiste que vous
01:09 cher Pascal, mais c'est vrai que toute ma filmographie en témoigne, enfin une grande
01:14 partie, j'ai commencé avec "L'Union sacrée", on se souvient de ce flic juif et ce flic
01:18 arabe qui combattait un islam qui pointait son nez radical, un islam qui avait fait les
01:26 attentats de chez Goldenberg, plus tard avec le film sur Ilan Halimi, évidemment une déflagration
01:32 absolument inouïe en France, comment peut-on assassiner un jeune garçon parce qu'il est
01:38 juif ? Voilà, aujourd'hui on est dans une situation qui est très préoccupante où le
01:43 vivre ensemble paraît éloigné, mais moi j'ai l'impression, pas pour faire de l'optimisme
01:49 Béat comme ça, j'ai l'impression que ça concerne une minorité, qu'au fond, au fond
01:54 au fond, il y a une possibilité de réconciliation parce qu'on est issus de la même branche,
02:02 issus de la même branche, nous sommes de cette même culture méditerranéenne.
02:07 - J'entends bien, mais quand j'apprends que M.
02:10 Matar a été reçu sans doute à l'Elysée et que lui-même explique que manifester contre
02:17 l'antisémitisme serait ou est une offense faite aux musulmans et qu'une simple manifestation,
02:23 je le répète, contre l'antisémitisme peut déclencher des mouvements dans les quartiers
02:29 et les banlieues, je suis inquiet, l'optimisme dont vous faites preuve, je ne le partage
02:35 pas.
02:36 - Vous avez raison parce qu'effectivement il faut se souvenir, parce qu'on oublie rapidement,
02:42 vous vous souvenez quand ce garçon a été jeté dans la Seine par des extrémistes de
02:46 droite ?
02:47 - C'était après une fête du 1er mai, c'était des militants du Front National qui avaient
02:53 ...
02:54 - Il y a eu comme ça, il y avait eu comme ça, c'est à la création de "Touche pas
03:00 à mon poste"
03:01 - C'est ces années-là, effectivement, entre 85 et 90.
03:04 - La petite main jaune, il y avait cette solidarité et les Juifs de France étaient les premiers
03:10 impliqués dans cette...
03:11 - Bien sûr, bien sûr.
03:12 Mais la religion n'était pas aussi présente ?
03:13 - Non absolument pas.
03:14 - L'islam n'était pas aussi présent ?
03:16 - Voilà, il y avait de la solidarité qui était là, un garçon venait de se faire
03:20 tuer, on était là aux côtés de nos amis et de dire "il ne faut pas qu'on vous touche,
03:27 il ne faut pas qu'il y ait d'exaction raciste".
03:31 Aujourd'hui, je regrette que les voix de beaucoup d'artistes ne s'élèvent pas pour
03:39 dire cette solidarité qu'il y a envers le judaïsme qui est fortement, fortement attaqué.
03:45 - C'était le 1er mai 1995, à proximité du pont du Carousel à Paris, Brahim Bouhram,
03:50 un sujet marocain, est poussé dans la Seine par un manifestant en marge du défilé annuel
03:54 du Front National en l'honneur de Jeanne d'Arc.
03:56 À ce moment-là, le fleuve était encru et malheureusement cet homme ne savait pas de
04:01 nager et il s'est noyé.
04:02 C'était en 1995, il y a 30 ans, j'ai envie de dire c'est une autre époque, un autre
04:07 monde et même s'il y avait à l'époque des soucis dans la France, les crispations me
04:13 paraissent plus importantes aujourd'hui.
04:15 Vous allez pouvoir interroger Alexandre Arcadi, surtout allez voir le film, moi je l'ai vu,
04:20 c'est un film tendre, c'est un film avec un jeune acteur qui joue votre rôle, qui
04:24 est Léo Compion, qui est absolument formidable, qui est quasiment dans tous les plans.
04:27 Il y a Smaïne qui a fait un petit rôle, il y a Dubos qui fait un petit rôle, il y a
04:32 Marie Gilin qui joue votre mère qui est formidable, il y a cet acteur allemand que le public français
04:37 ne connaît pas qui joue votre père, que je trouve formidable, il y a Pascal Elbé qui
04:41 est excellent, il y a Dany Brillant qui est aussi très bon, il y a Michel Bougnard qui
04:46 est un médecin, donc voilà c'est un film.
04:48 Et puis il y a cette grand-mère qui est jouée par Jorben Guigui, donc on va en parler dans
04:52 une seconde mais le film est réussi, allez-y parce qu'on rit et on pleure, donc c'est
04:56 le principe du cinéma, même si, cher Alexandre, moi je ne vais au cinéma que pour pleurer.
05:01 - Ah oui, alors là vous êtes servi sur la fin du film.
05:04 - Bah oui, mais moi j'aime ça.
05:05 A tout de suite.
05:06 11h13h, c'est Pascal Proévou sur Europe 1 et posez vos questions à Alexandre Arcady,
05:10 notre invité, en composant son numéro.
05:12 - Europe 1 - Pascal Proévou
05:14 - 0180 2039 21, c'est le numéro que vous composez entre 11h et 13h pour parler à Pascal
05:20 Proévou sur Europe 1 et vous pouvez aussi poser vos questions à notre invité Alexandre
05:24 Arcady puisque son dernier film est sorti hier, Le Petit Blanc de la Casbah.
05:28 - Et c'est vrai qu'on a un lien avec Alexandre Arcady et puis avec les acteurs aussi qui
05:32 sont de sa famille, si j'ose dire famille d'acteurs, parce que des films majeurs ont
05:36 marqué le public français.
05:37 Le coup de Sirocco c'était en quelle année ?
05:39 - 78, avec pour la première fois Patrick Bruel.
05:43 - J'imagine que quand vous revoyez Bruel, il vous doit beaucoup quand même parce que
05:49 vous l'avez mis pied à l'étrier forcément.
05:52 - J'ai des relations très très très très très très proches avec Patrick, c'est mon
05:56 petit frère, il me considère comme son grand frère, j'ai été même le parrain d'un de
05:59 ses fils, je suis le parrain d'un de ses fils, voilà, c'est la famille.
06:03 - C'est la famille et puis après il y a eu Le Grand Pardon qu'on voit toujours, c'est
06:08 des films qu'on a vus 10 fois, 50 fois et qu'on revoit toujours avec le même plaisir,
06:13 avec des dialogues qui sont là aussi passés.
06:16 - Tous les juifs pardonnent sauf un mois, le jour d'eux qui court, ça c'est une drôle
06:22 de réception.
06:23 - Raymond Béthoun dans La Casbah avec Jean-Louis Trintignant, vous sentez l'huile Béthoun.
06:28 - Vous savez pourquoi Trintignant m'a accepté le film, c'était extraordinaire parce que
06:32 je lui ai raconté, moi je ne pensais pas qu'il allait faire ce rôle là, c'est un tout petit
06:34 rôle, alors je lui ai parlé avec fougue, avec passion etc. et à la fin il m'a dit
06:38 écoute j'ai rien compris à ton histoire mais je vais le faire et tu sais pourquoi ? Parce
06:42 que tu ressembles à Lafitte le coureur automobile.
06:46 - Bien sûr, vous aviez la même coiffure un peu.
06:48 - Et là je lui ai dit bon peu importe, c'est bon à garder.
06:52 - Parce qu'en fait Jean-Louis Trintignant était le petit-fils de Maurice Trintignant
06:55 qui était un pilote de F1, donc j'imagine que c'est pour ça qu'il vous a dit ça.
06:59 Je ne vous aime pas Béthoun, vous sentez l'huile et j'ai l'odorat délicat.
07:04 - L'odorat délicat, quelle phrase.
07:06 - Avec Roger Hanin et puis c'est vraiment un film formidable d'ailleurs à voir et à
07:10 revoir.
07:11 Mais là on parle du petit blond de La Casbah et on est avec un autre Alexandre.
07:14 D'ailleurs je me suis demandé pourquoi dans le film comme il est autobiographique, pourquoi
07:17 le petit garçon s'appelle Antoine et pas Alexandre ?
07:19 - Parce que c'était un petit peu vertigineux de raconter l'histoire de sa propre enfance
07:24 comme ça, mettre des acteurs dans les personnages de ses parents, de ses oncles, de ses tantes.
07:29 Donc j'ai voulu marquer un petit décalage puisque c'est un film dans le film.
07:34 C'est l'histoire d'un metteur en scène qui vient à Alger avec son fils qui a le même
07:37 âge que lui quand il a quitté l'Algérie et qui vient présenter ce film sur son enfance.
07:42 Donc j'ai voulu marquer une petite distance.
07:46 - Alexandre justement est avec nous.
07:48 Bonjour Alexandre.
07:49 - Bonjour Pascal.
07:50 - Vous nous appelez d'où ?
07:51 - De Paris.
07:52 - Vous avez vu le film déjà ?
07:54 - Non pas encore.
07:55 - Vous allez aller le voir ces prochaines heures j'imagine.
07:58 - Je vais le voir à deux reprises.
08:01 Je vais le voir seul et puis après je compte pour la première fois aller le voir avec
08:05 ma fille.
08:06 Tout à l'heure vous avez dit quelque chose de très juste.
08:09 C'est un film que j'appréhende un peu d'aller le voir parce que c'est un film où je sais
08:11 que je vais pleurer et je vais rire.
08:12 - Et pourquoi ?
08:15 - Avant toute chose je tiens à vous féliciter pour votre émission et votre équipe parce
08:19 que moi vous faites partie de ces personnes où vous m'avez ramené vers la radio.
08:22 Avant je n'écoutais pas trop, maintenant j'écoute la radio.
08:25 J'aime beaucoup la façon dont vous interviewez vos invités et je sais que vous êtes un homme
08:30 de goût et de cinéma et j'aimerais beaucoup un jour vous inviter une actrice qui est très
08:33 peu connue qui est Aurore Clément qui a fait de très bons films et je trouve qu'elle est
08:37 une beauté rare qui est pourtant pas de ma génération.
08:39 - Elle est formidable Aurore Clément.
08:41 Bien sûr qu'elle est formidable.
08:43 - Mais c'est une très bonne idée, on va l'inviter Aurore Clément.
08:45 - Le jour où vous l'invitez j'aimerais vraiment passer à la radio pour la féliciter.
08:50 Elle avait fait une interprétation de la veuve Cadas, Anne Cadas avec Bruno Kremer qui
08:55 est vraiment pleine d'émotions et voilà c'est une actrice que je trouve fabuleuse et élégante.
09:01 - Et elle avait fait un film d'Yves Boisset où elle jouait la fiancée de Patrick Devers
09:06 qui s'appelait le juge Fayard dit le shérif.
09:09 Et moi j'aimais bien le cinéma d'Yves Boisset dans les années 70 avec pareil une pléiade,
09:15 moi j'adore les comédiens, il y avait Jean Bouys, Patrick Devers, c'est des comédiens
09:18 avec une épaisseur qui était formidable.
09:20 - J'ai tourné une fois avec Jean Bouys, j'en garde un souvenir magnifique, le film s'appelait
09:24 "Dernier été à Tonger" mais c'est un homme, il était exquis, magnifique.
09:30 - "Dernier été à Tonger" c'est avec Thierry Lhermitte.
09:33 - Avec Lhermitte, avec Valéria Golinot, non c'était avec Anin, avec Guy Aumar, Anna Carinone,
09:39 avec Sabrina, et Jacques Villerey.
09:41 - Et avec une scène de tuerie dans une ville, me semble-t-il.
09:44 - C'est ça exactement, quelle mémoire.
09:46 - Je ne l'ai pas revue depuis longtemps mais ça avait été un succès "Dernier été à Tonger".
09:51 Bon Alexandre, c'est un peu votre histoire aussi, c'est ça que vous voulez nous dire,
09:55 le film "L'on de la casse-barre", en tout cas c'est une histoire familiale.
09:59 - Ça fait deux jours que j'appelle depuis que je sais qu'Alexandre Arcadie vient,
10:04 et monsieur Arcadie je voulais juste vous remercier du fond du cœur de vos films,
10:10 parce que vous êtes l'histoire de ma mère,
10:15 et comme beaucoup de gens ont la même histoire, elle avait une certaine pudeur,
10:21 et moi j'ai connu son histoire que très tardivement,
10:24 et c'est la période de la coupe du monde 88 où les joueurs ont défilé sur les champs,
10:30 et comme beaucoup de Français on regardait la télévision,
10:33 et elle s'est mise à pleurer, pleurer, et je lui dis "mais pourquoi tu pleures autant, pourquoi ?"
10:37 et en fait c'était les drapeaux algériens, et j'ai dit "mais pourquoi ça te fait pleurer ?"
10:41 et elle était silencieuse, elle n'avait pas parlé, elle pleurait.
10:44 On a fait quelque chose qu'on faisait très rarement, on a été dans un vidéoclub,
10:48 on a loué une cassette, elle m'a mis devant le coup de sirocco,
10:51 et elle m'a dit "tu vois, ça c'est mon histoire".
10:56 Et comment vous dire, elle est en fait Pupille de la Nation, orpheline de police,
11:03 elle faisait partie des rapatries de juillet 62 où sa famille a été massacrée,
11:07 et c'est d'ailleurs, elle n'a jamais pu le remercier,
11:10 c'est un harki, un subordonné de son père qui l'a mis dans la soude d'un avion,
11:16 et elle est rentrée dans la soude d'un avion en France.
11:18 En France, elle faisait partie comme tous ses enfants de là-bas où elle était un peu perdue,
11:21 et on n'a pas fait grand-chose pour ses enfants,
11:23 et finalement, tout son patrimoine familial, et les biens de ses parents,
11:27 même de ses arrière-grands-parents, elle n'a jamais su ce que c'était devenu,
11:31 et on lui a pas fait grand-chose à sa majorité,
11:33 elle a juste eu un billet de train, un emploi réservé dans les hôpitaux de Paris,
11:36 et c'est tout ce qu'a fait l'État français.
11:38 Et une phrase que je garderai toujours en tête, c'est dans le film "Le coup de sirocco",
11:45 à un moment, il y a Roger Hanin, le maire de la Villa de Granga,
11:50 et elle me dit comme ça, "tu vois ça, c'est papa et c'est maman".
11:53 Et en fait, moi, tout cet héritage et cette filiation familiale, maternelle,
12:00 en fait, cette villa, la vie, je la connais qu'à travers vos films, en fait.
12:04 Et je voulais vous remercier pour ça. Voilà.
12:09 - Merci monsieur, vous me touchez énormément, vous savez,
12:13 en faisant ce film, c'est à toute cette génération que j'ai pensé également,
12:17 c'est-à-dire à nos parents, nos arrière-grands-parents,
12:21 qui ont vécu une vie magnifique, merveilleuse, lumineuse, dans cette terre algérienne.
12:26 Et la rupture a été très grave et très importante et très douloureuse.
12:32 Et je ressens, évidemment, vous, de la génération suivante, ce manque de témoignage.
12:38 Mais vous savez, dans la salle, dans les films, dans les avant-premières que j'ai pu organiser,
12:44 il y a un monsieur qui est venu, il m'a dit "écoutez, je suis venu avec tous mes enfants et mes petits-enfants,
12:49 nous sommes dix, j'arrivais pas à leur expliquer ce que c'était notre vie là-bas.
12:55 Et maintenant, après votre film, on va pouvoir en parler et je vais pouvoir être beaucoup plus libre
13:01 et leur expliquer, ils vont mieux comprendre. Merci infiniment pour votre témoignage, monsieur.
13:06 - Alexandre, on marque une pause et on revient tout de suite, vous avez 31 ans,
13:11 et ce que vous venez de dire nous a bouleversé, bien sûr, et je pense que beaucoup d'enfants de pieds noirs
13:15 se sont reconnus dans ce que vous disiez tout de suite.
13:17 - Europe 1, Pascal Praud. 11h13h, vous écoutez Pascal Praud et vous, sur Europe 1, vous témoignez.
13:23 Au 0190 29 21, comme Alexandre qui est avec nous en ligne. Pascal.
13:27 - Alexandre qui nous a bouleversé parce qu'il racontait qu'en 1998, avec sa mère,
13:33 en voyant les festivités qui avaient accompagné la finale de la Coupe du Monde,
13:39 sa mère avait vu un drapeau algérien et il lui avait demandé pourquoi sa mère était si émue
13:45 et sa mère lui a raconté son histoire, cette famille qui part en 1962.
13:50 Votre mère aujourd'hui, elle n'est plus là, Alexandre ?
13:56 - Oui, elle est décédée.
13:57 - J'ai deviné à travers ce que vous nous disiez que c'est d'autant plus douloureux pour vous,
14:04 en tout cas, que votre émotion reste à vif, que votre mère n'est plus là.
14:10 - C'est comme, voilà, moi, ce côté-là, j'ai pas de famille, j'ai pas de racine,
14:16 et le pire que tout, et peut-être M. Arcadi va peut-être me comprendre,
14:19 et d'autres auditeurs vont comprendre, c'est que quand j'ai grandi,
14:23 et parce qu'à l'école, forcément, j'avais un nom qui était différent,
14:28 un visage qui était différent, j'en ai souffert.
14:30 - Parce que votre père était également né en Algérie ?
14:36 - Que j'ai pas connu, non, il était français, mais lui, il était français métropolitain.
14:42 Et en fait, j'en ai souffert, et j'ai eu honte de ce passé,
14:46 j'ai eu du mal à... moi, quand j'ai découvert ça, j'en ai eu honte,
14:50 même pour connaître d'où je viens, mes origines, on doit écrire aux archives,
14:56 on doit fournir un tas de documents administratifs,
14:58 la consultation du dossier de mon grand-père a été refusée à trois reprises,
15:03 sous motif du secret des forces, parce que c'est le massacre de juillet 62,
15:07 tous ces Français qui ont disparu, parce qu'au début, il avait un statut de disparu,
15:11 on savait pas ce qu'ils sont devenus, et toute sa famille a été massacrée,
15:15 et d'ailleurs, l'actualité, moi, m'a fait extrêmement mal au cœur,
15:19 parce que je me dis, mais quel monde on laisse à nos enfants ?
15:22 Et encore une fois, je remercie M. Arcadi vraiment,
15:25 parce que, vous voyez, j'ai une enfant, j'ai une fille, je vais jamais parler de ça,
15:29 et c'est pour ça que je vous ai dit, en tremblant, que je vais aller le voir deux fois,
15:33 suffisamment, la première fois, sûrement pour pleurer,
15:35 parce que je pourrais pas te dire ça,
15:38 et la deuxième fois, pour rire avec ma fille, voilà.
15:43 - Merci de ce témoignage. Moi, ce que je vous propose, Alexandre,
15:46 c'est que vous nous rappeliez quand vous aurez vu le film,
15:48 parce que votre témoignage, évidemment, m'intéresse,
15:50 mais vous avez dit quelque chose qui est juste,
15:52 et j'entends beaucoup également de pieds noirs parfois en parler,
15:54 c'est qu'il n'y a plus de mémoire,
15:57 c'est-à-dire qu'ils ne savent pas forcément où sont enterrés leurs ancêtres.
16:03 Pour récupérer parfois des certificats de naissance,
16:06 c'est extrêmement compliqué pour prouver sa nationalité.
16:10 Moi, j'ai des exemples comme ça, je me souviens très bien avoir entendu à l'antenne
16:13 des gens qui ne pouvaient pas prouver leur nationalité,
16:15 parce qu'ils étaient nés à Sousse, par exemple,
16:17 et que c'était impossible parce que tout avait disparu.
16:19 Donc, ils ne pouvaient même pas démontrer qu'ils étaient français,
16:22 alors qu'ils avaient fait le service militaire.
16:24 - Vous savez, dans chaque famille,
16:27 ceux d'origine d'Algérie, du Maroc, de Tunisie,
16:30 qui ont quitté même d'autres pays, il y a toujours ces drames qui sont là.
16:34 Je pense ce matin à quelqu'un qui m'a beaucoup aidé
16:39 dans un film qui s'appelle Pierre Donensberg,
16:41 qui a le même âge que moi, qui est arrivé,
16:44 qui est un grand patron, qui est arrivé d'Algérie à 13 ans,
16:49 avec le cercueil de son père dans l'avion avec lui et sa mère.
16:54 C'est incroyable, c'est des situations qui ne s'imaginent pas.
17:01 On voit cette espèce de traumatisme,
17:04 et je pense à tous ces gens qui ont gardé au cœur
17:09 le souvenir de cette vie, et au fond, nous, cinéastes,
17:13 c'est quoi notre rôle ?
17:14 C'est d'essayer de recréer ce qui n'existe plus,
17:18 de nous servir de décors, d'acteurs, de musique,
17:23 pour récréer un monde.
17:24 Aujourd'hui, l'Algérie que j'ai décrite dans "Le petit blond de l'accès à ce bar" n'existe plus,
17:28 mais c'est une façon de mettre une petite pierre
17:32 dans l'édifice de la mémoire collective, ça perdurera, ça restera.
17:37 Et en faisant ce film, évidemment, je pensais à mes petits-enfants
17:40 qui viennent de naître, ils sont trois, ils sont tout petits, ils ont un an.
17:43 Demain, ils sauront un petit peu quelle était ma vie là-bas,
17:47 quels étaient mes ancêtres et comment on vivait dans ce pays lumineux.
17:52 - Beaucoup de films, vous vous avez consacré évidemment à cette partie de votre vie,
17:56 mais vous n'avez pas fait que ça, je pense à un film qui était très réussi
18:00 qui s'appelait "K", qui était une autre histoire,
18:02 qui est un polar extrêmement réussi.
18:04 Est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui d'avoir fermé la boucle ?
18:12 - On ne ferme jamais, c'est toujours là.
18:14 - Est-ce que c'est le dernier film sur cette période-là ?
18:16 Ou est-ce que vous envisagez, ou est-ce que vous avez un projet ?
18:19 - Oui, j'ai un projet qui est lié aussi encore à l'Algérie,
18:23 mais qui n'est pas...
18:25 C'est un biopic sur un livre.
18:28 Alors c'est bizarre de faire un biopic sur un livre,
18:30 mais je veux faire un film qui est un biopic sur "L'étranger de Camus".
18:34 - J'allais vous dire "L'étranger", oui.
18:35 - "L'étranger de Camus".
18:36 Il y a une dame qui a écrit, Alice Kaplan, une américaine,
18:38 qui a écrit un livre magnifique qui s'appelle "Contre-enquête de l'étranger".
18:42 Et elle remonte tout le mécanisme, comment Camus,
18:45 et pourquoi Camus a écrit "L'étranger".
18:48 Et j'ai très envie, enfin j'ai déjà écrit le scénario avec Martine Morriconi,
18:53 et j'espère pouvoir mettre en scène très rapidement ce film.
18:56 - Je n'ai même pas salué nos amis aujourd'hui,
18:58 que je félicite bien sûr pour la qualité de leurs audiences,
19:01 parce que c'est grâce à vous,
19:03 M. D. G. Fab, Fabrice Laffitte, qui a la réalisation.
19:07 C'est grâce à vous aussi, cet horaire, cette tranche horaire,
19:10 11h-13h, grâce à Géraldine, grâce à également le célèbre Olivier Guenec.
19:15 - Bonjour à tous !
19:16 - Dis M. Boubouc, c'est vous !
19:18 - Ah non, mais merci à nos auditeurs.
19:19 - Ce succès, c'est vous !
19:20 "L'étranger de Camus", aujourd'hui, "Maman est morte", ou alors demain...
19:24 - Qu'est-ce que vous dites ?
19:25 - Ben, je dis "L'incipite de l'étranger".
19:30 Et il y a une adaptation qui avait été faite avec Marcello Mastroianni.
19:33 - Et alors, figurez-vous...
19:35 - Et c'était Visconti qui l'avait faite.
19:36 - Oui, c'était Visconti.
19:37 Et figurez-vous que j'ai écrit le scénario,
19:40 et je vais me servir des images de ce film-là comme citation.
19:44 Et ça va être formidable.
19:45 - Bon, la pause, et on revient, effectivement,
19:47 parce que "L'étranger", c'est un livre où le soleil est très présent.
19:51 Et effectivement, j'imagine que vous pourrez l'adapter de manière remarquable.
19:55 A tout de suite !
19:56 - Repin !
19:57 - Pascal Proévo.
19:58 De 11h à 13h sur Europe 1, nous sommes avec notre invité,
20:00 Pascal-Alexandre Arcadi, le réalisateur.
20:03 Son film est sorti hier, "Le petit blond de la Casbah".
20:05 - Algérie, écrasée par l'azur,
20:11 c'était une aventure dont on ne voulait pas.
20:16 - Elle a du souffle, cette chanson, de l'émotion.
20:19 Ceux qui avaient fait "L'Algérie" ne pouvaient pas écouter cette chanson
20:22 sans avoir les larmes aux yeux.
20:24 Mon père, qui avait fait comme...
20:26 Il était 35, il est toujours de Zbond, d'ailleurs.
20:29 Et il a fait, je sais plus si c'est 26 mois, 28 mois...
20:33 - Il avait 26 mois, à l'époque.
20:34 - Et moi, il m'a toujours dit, la seule fois où j'ai vu mon père pleurer,
20:39 disait mon propre père, c'est quand il est parti en Algérie.
20:42 Tous les Français, les petits Français partaient en Algérie,
20:45 tu ne sais pas ce qui pouvait arriver.
20:46 Jacques Demir en a fait un film, "Les parapluies de Cherbourg",
20:49 c'est cette histoire-là.
20:51 - Moi, j'avais tourné en tant qu'acteur, "Avoir 20 ans dans les O.S."
20:55 - Ah bon ?
20:56 - Eh oui, j'étais acteur, mon premier film, avec Philippe Léotard.
20:59 - Qui est un film référence !
21:01 - "Avoir 20 ans dans les O.S."
21:03 - Nous sommes avec qui ? Nous sommes avec Victor, je crois.
21:05 Bonjour Victor !
21:06 - Bonjour M. Pascal Praud.
21:09 - Et merci d'être avec nous, Victor.
21:11 - Bonjour M. Arkady.
21:13 - Bonjour.
21:14 - Ecoutez, vous m'excuserez de l'émotion, mais de vous parler,
21:17 ça me fait beaucoup de joie, beaucoup de joie.
21:21 Alors, je vous appelle parce que j'ai été hier voir le film
21:26 avec les beaux-parents de mon fils, qui sont nés en Algérie.
21:31 Et je peux vous dire que ça a été une émotion du début à la fin du film.
21:37 Elle a reconnu la synagogue où elle s'est mariée.
21:41 Bon, disons que toute sa vie en Algérie est passée par ce film.
21:48 Voilà, c'est ce que je voulais lui dire.
21:50 Et moi-même, j'étais très ému d'avoir vu ce film,
21:54 parce que j'étais en Algérie, mais en tant que militaire, en 1958.
21:58 Et j'ai vu des passages qui m'ont rappelé mon service là-bas.
22:04 Et j'ai trouvé que c'était une ville et un pays magnifique.
22:08 Voilà ce que je voulais vous dire.
22:10 - Vous êtes de quelle année, Victor ?
22:11 - Je suis de 1938.
22:13 - 1938, effectivement. Et vous avez fait combien de mois en Algérie ?
22:17 - J'ai fait 27 mois en Algérie.
22:20 - Vous étiez ce qu'on appelait les soldats du contingent.
22:22 - J'étais du contingent.
22:24 - Et vous avez eu des permissions, vous avez fait 27 mois ?
22:27 - Oui, j'ai eu deux permissions.
22:31 En 27 mois, j'ai fait deux permissions.
22:34 Je suis rentré à Paris et j'ai été libéré en 1960.
22:41 - Mais ça aussi, c'est une France qui n'existait plus.
22:44 Qui accepterait aujourd'hui, à 20 ans, de partir 27 mois
22:49 pour défendre son pays à l'autre bout de la...
22:53 - En France, non. Dans d'autres pays, oui.
22:55 - Vous savez.
22:57 - Effectivement, en Israël, oui.
22:59 - Mais ce qui est extraordinaire, c'est que pendant toute la tournée de province
23:02 où j'ai présenté le film, il y avait énormément de spectateurs
23:07 qui ont été soldats en Algérie et beaucoup aussi de Harkis
23:11 qui sont venus voir le film parce que c'était une façon
23:14 de retrouver une partie de leur jeunesse.
23:17 - Alors le mot Harkis, mais vous savez, je ne suis même pas sûr
23:20 que toute la jeune génération sache ce qu'est un Harkis.
23:23 Donc un Harkis, c'était quelqu'un qui était né en Algérie,
23:26 qui était français, qui avait choisi le camp de la France,
23:30 en tout cas, qui était militaire pour la France.
23:32 Effectivement, ces gens-là ont été très mal accueillis.
23:35 Quand ils sont revenus sur le sol de France, les Harkis...
23:38 - Beaucoup ont été massacrés.
23:39 - Exactement. Et d'autres ont été massacrés.
23:42 C'est une histoire française.
23:44 Victor, comment votre famille a-t-elle réagi à ce film ?
23:50 - Ah, écoutez, je n'ose pas vous dire l'émotion que cela a procuré.
23:57 Parce qu'ils en parlent toujours de l'Algérie.
24:01 Malgré tout, ils auraient bien voulu y retourner,
24:05 revoir peut-être l'endroit où ils se sont mariés,
24:10 le cimetière où ils ont enterré des proches et tout ça.
24:13 Et malheureusement, ils n'ont pas eu cette occasion de retourner.
24:17 Moi non plus, d'ailleurs.
24:19 Depuis que je suis revenu en France,
24:23 c'était après mon service militaire,
24:25 moi qui avais voyagé dans toute l'Algérie,
24:28 parce que j'étais convoyeur dans l'armée de l'air,
24:32 mais convoyeur à terre, c'est-à-dire que j'étais sur des camions.
24:37 Et j'ai fait toute l'Algérie.
24:39 J'ai fait pratiquement du nord au sud.
24:42 J'ai fait toute l'Algérie.
24:44 Et je peux vous dire que c'était un très très beau pays.
24:47 Enfin, c'est un beau pays.
24:49 - C'est un beau pays, effectivement.
24:51 Est-ce que parfois, Alexandre Cady, vous êtes interrogé,
24:54 est-ce qu'il y avait une autre solution politique que celle qui a été choisie par le général de Gaulle ?
24:58 - On peut toujours rêver.
24:59 Il y a eu des solutions, il y a eu à travers le monde, comme ça, des exemples.
25:02 On le voit même chez nous, en Nouvelle-Calédonie,
25:04 comment les choses se passent.
25:06 En Algérie, ça n'a pas été le cas, et c'est bien triste.
25:10 Juste une chose par rapport aux jeunes Algériens et aux Franco-Algériens d'aujourd'hui.
25:16 Quand j'ai fait un film qui s'appelait "Ce que le jour doit à la nuit",
25:19 adapté du roman de Yasmina Khadra,
25:21 le film a été téléchargé en Algérie 5 millions de fois.
25:25 Et beaucoup de jeunes Algériens aujourd'hui, pendant que je tournais ce film,
25:29 et puis de Franco-Algériens, me disaient
25:31 "Merci d'avoir fait ce film, vous nous avez rendu une part de notre histoire
25:35 qui a été effacée des livres scolaires."
25:38 Effacée, éliminée, et tout d'un coup on récupère une partie de cette histoire,
25:43 on ne le savait pas.
25:45 Et le petit blond de la Casbah va aller véritablement dans ce même sens.
25:50 Une récupération d'une partie de cette histoire.
25:53 - Et c'est cette histoire, évidemment, que vous racontez, que j'ai vue,
25:56 et que j'ai appréciée, comme tous ceux qui ont vu le film,
25:59 qui est sorti donc hier, qui est dans les meilleures salles.
26:02 - Voilà, il faut aller assez vite, parce qu'on n'est pas partout, malheureusement.
26:07 Donc si on y va cette semaine, on aura d'autres salles la semaine prochaine,
26:12 mais il faut y aller cette semaine, il ne faut pas attendre.
26:14 - Je vais vous remercier, évidemment, Alexandre Arcadi,
26:16 au moment où Catherine Ney arrive dans ce studio.
26:19 Catherine Ney qui est à la une de Paris Match, en tout cas quasiment,
26:22 puisque vous avez fait un portrait de Brigitte Macron,
26:25 et on apprend des choses qu'elle n'avait jamais dites.
26:27 Votre portrait et votre interview sont exceptionnels.
26:29 Bonjour chère Catherine Ney. - Bonjour Pascal.
26:31 - Et puis on va remercier, évidemment, une nouvelle fois Alexandre Arcadi,
26:35 pour "Sans écouter l'Algérie", qui était "Un beau pays",
26:37 cette chanson magnifique de Serge Lama.
26:40 Les salles accueillent ce film.
26:43 "Allez voir Marie Gilin". - Ah, magnifique.
26:46 - "Allez voir Pascal Elbé", "Allez voir Smaïne",
26:49 "Allez voir Michel Bougenat", "Allez voir ce jeune comédien Léo Campion".
26:53 * Extrait de "Sans écouter l'Algérie" *
26:58 - "Désert Abelida".
27:00 - C'est là qu'on est partis. - C'est là où est né Camus.
27:04 - Oui, jouer les petits soldats.
27:06 Nos fiancées nous écrivaient des lettres avec des moments...
27:10 Quel ménage, chère Pascal.
27:15 On criait des cigarettes afin d'avoir moins peur.
27:19 Je trouve que cette chanson est formidable. - Ah oui, formidable.
27:22 - Absolument formidable. Et je ne peux pas l'écouter, évidemment,
27:24 sans penser à mon père, parce que quand il écoutait cette chanson,
27:27 ils avaient les larmes aux yeux. - S'il avait fait la...
27:30 - Ils étaient tous partis, c'était une génération.
27:33 * Extrait de "Certains soirs malgré moi" *
27:53 - Merci vraiment. 11h41, on marque une pause et nous revenons avec Brigitte Macron.
27:59 Alors comment le père de Brigitte Macron appelait sa fille ?
28:03 Eh bien, vous le saurez dans quelques instants.
28:05 A tout de suite.