Les sentiers ruraux menacés? Plus de 200.000 km ont été supprimés en 40 ans
Pour Charles Péot, directeur du Collectif de défense des loisirs verts, "c'est assez compliqué dans les petits villages de mettre en œuvre ses pouvoirs de police pour récupérer ses chemins ruraux" car "cela peut générer des tensions avec les administrés". Une proposition de loi va être déposée pour tenter de les protéger.
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00:00 Retour sur le plateau de première édition, il est un peu plus de 7h15.
00:02 Adeline, il faut sauver les chemins de campagne qui sont devenus l'objet
00:06 d'ailleurs d'un combat d'un député, député socialiste de la Haute-Vienne,
00:10 Stéphane Delautred, parce que plus de 200 000,
00:14 200 000 kilomètres de ces sentiers ou chemins ont été supprimés
00:18 en une quarantaine d'années.
00:19 Et on va en parler dans un instant avec un spécialiste, un amoureux,
00:22 Charles Peaute, vous êtes directeur du collectif de défense des loisirs verts.
00:26 Ces chemins noirs, vous en avez forcément entendu parler
00:29 ces derniers mois parce qu'ils ont été mis en avant par l'écrivain
00:32 Sylvain Tesson dans un livre et dans un film.
00:34 Il a traversé la France du Mercontour à la Manche
00:38 et on le retrouve donc dans le film sur les chemins noirs avec Jean Dujardin.
00:41 Tiens, pour vous rappeler un petit peu, on vous en remet un extrait.
00:44 Les motifs pour battre la campagne,
00:50 j'aurais pu en aligner des dizaines,
00:52 mais la vraie raison de cette fuite à travers Jean,
00:56 je la tenais serrée sous la forme d'un papier froissé au fond de mon sac.
01:00 Ces chemins noirs ou ces chemins de campagne,
01:04 donc menacés de disparition et que David Hunal, Camille Martin
01:07 et Blandine Dallena ont remonté en Haute-Savoie.
01:09 Après plusieurs minutes de marche sur ce chemin de randonnée,
01:21 nous sommes stoppés net dans notre élan.
01:23 Le chemin lui-même ne s'arrête pas ici, mais on ne peut plus passer
01:27 puisque les riverains ont placé un panneau propriété privée
01:31 en plein sur l'emprise du chemin qui, lui, pour l'instant,
01:35 n'est pas encore privé puisqu'il n'a pas été vendu.
01:38 Celui-ci est tout à fait illégal.
01:39 En effet, ce chemin rural appartient à la commune,
01:42 mais ils sont de plus en plus accaparés par les riverains.
01:44 Pour qu'il leur soit cédé par la ville ou la justice,
01:47 il faut en principe que ces chemins ne soient plus utilisés par le public,
01:50 ce qui est de fait le cas lorsque des personnes barrent le passage.
01:53 Il n'y a pas d'amende en plus.
01:55 En 40 ans, 200 000 kilomètres de chemins ruraux ont disparu,
01:59 accaparés, mais aussi vendus par les communes
02:02 à des agriculteurs particuliers ou industriels.
02:05 Les chemins ruraux, il faut le savoir, peuvent se vendre en 15 jours
02:08 très facilement.
02:09 Une enquête publique qui peut passer inaperçue,
02:11 personne n'est au courant et le chemin disparaît.
02:13 Un élu, député de Haute-Vienne, prépare donc une proposition de loi
02:17 visant à améliorer leur protection.
02:18 Il faut être réaliste, les petites communes n'ont pas forcément
02:21 les moyens financiers et humains en personnel pour assurer
02:26 l'intégralité de l'entretien de tous ces chemins-là.
02:30 Donc, ce que je vais rechercher dans cette proposition de loi,
02:33 justement, c'est peut-être de faciliter les choses aux communes,
02:38 de les soustraire de cette obligation.
02:40 Autre piste envisagée, interdire aux riverains de désaffecter
02:43 ces sentiers pour en obtenir la vente.
02:45 Pourquoi ces chemins disparaissent ? Pourquoi on laisse faire Charles ?
02:49 Pourquoi on laisse faire ?
02:51 Souvent, dans les petits villages, c'est assez compliqué pour le maire,
02:55 pour la commune, de mettre en œuvre ces pouvoirs de police
03:00 pour récupérer ces chemins ruraux qui ont été accaparés
03:03 par des riverains indélicats parce que ça peut générer
03:06 évidemment des tensions avec les administrés.
03:08 Et donc, ce n'est pas très facile.
03:10 En plus, ça peut nécessiter plusieurs années d'action en justice.
03:15 Donc, ça coûte en temps, ça coûte en argent,
03:18 ça coûte en relationnel, ce qui peut expliquer que certains maires,
03:21 certaines communes renoncent finalement à faire le nécessaire.
03:25 Et c'est bien dommage.
03:26 Parce qu'ils sont très utiles, ces chemins.
03:28 Ils ne servent pas seulement aux randonneurs,
03:30 ils servent aussi aux pompiers, ils servent aux chasseurs,
03:32 ils servent évidemment aux agriculteurs.
03:34 Ils ont une vraie utilité.
03:35 Oui, ils sont utilisés depuis maintenant 20-30 ans.
03:39 On assiste à un boom de la randonnée, des sports de nature
03:42 et ils sont utilisés par des randonneurs,
03:44 je précise, avec toute forme de locomotion.
03:47 À pied, à cheval, à vélo, à moto, en quad, en 4x4, peu importe.
03:51 Ces chemins, ils sont utilisés pour ça.
03:53 Ils sont extrêmement importants.
03:55 Il faut les sauvegarder parce que s'ils disparaissent,
03:58 on ne peut plus randonner, tout simplement.
04:00 Et on imagine le crève-cœur quand on est sur un chemin
04:03 et qu'on se retrouve face à une barrière, propriété privée, défense d'entrée.
04:07 Ça vous est arrivé, vous, déjà ?
04:08 Oui, ça m'est arrivé plein de fois.
04:09 On peut tomber sur des barbelés,
04:11 on peut tomber sur un tronçon de chemin qui a été tout simplement labouré aussi.
04:15 Ça peut arriver.
04:17 Et derrière, il faut faire des vérifications avec le cadastre, avec la commune.
04:20 Et puis...
04:21 Oui, on les fait pareil, on fait demi-tour, en fait.
04:23 Alors, on fait demi-tour.
04:25 Mais après, quand on est passionné, quand on a la défense des chemins ruraux à cœur,
04:30 évidemment, on fait le nécessaire pour essayer de les récupérer.
04:33 Marc, est-ce qu'ils ne sont pas délaissés parce qu'ils coûtent cher aussi à entretenir
04:36 et que moyennant une aide financière,
04:38 finalement, les mairies pourraient s'engager dans ce domaine aussi ?
04:41 Alors, on pourrait dire ça, sauf qu'en réalité,
04:44 les communes n'ont aucune obligation légale d'entretenir les chemins ruraux.
04:47 Voilà, donc...
04:48 Même, par exemple, en cas de sécheresse,
04:50 s'il y a des broussailles, il n'y a pas d'obligation de débroussailler.
04:52 Là, c'est autre chose.
04:53 Il y a des obligations de débroussaillement, effectivement, pour le risque d'incendie,
04:57 mais qui incombe aussi aux propriétaires riverains, des forêts.
05:01 Donc, c'est un peu particulier.
05:04 Et puis, ce qu'il faut dire aussi, Charles, c'est que c'est du patrimoine quand même.
05:06 Tout à fait.
05:07 Ça appartient à l'histoire de France.
05:08 C'est un patrimoine inestimable.
05:11 Ce sont nos ancêtres qui ont créé la plupart de ces chemins ruraux.
05:14 C'est pour ça que beaucoup sont assez étroits.
05:16 On parle souvent de chemins creux,
05:17 parce qu'à l'époque où ils ont été créés,
05:20 les gens cheminaient avec des carrioles, avec des bœufs, avec des chevaux.
05:23 Aujourd'hui, c'est d'ailleurs une des raisons qui expliquent leur disparition.
05:27 C'est qu'au début des années 50,
05:29 la mécanisation de l'agriculture est apparue avec des engins agricoles
05:33 de plus en plus gros et ces chemins ne permettaient plus leur passage.
05:36 Voilà.