• l’année dernière
Violé de ses 8 à 11 ans par son grand-oncle, un prêtre missionnaire, Arnaud Gallais se rappellera, après douze ans d'amnésie traumatique, qu'il a également était violé par deux cousins lorsqu'il avait douze ans. Aujourd'hui âgé de 42 ans, ce père de famille subi encore les séquelles physiques et psychologiques de ces violences et se bat pour faire évoluer la société et la législation « pour que la peur change de camp. »

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Transcription
00:00 on est sodomisé à l'âge de 8 ans.
00:02 C'est un...
00:04 Je ne sais pas comment définir le truc
00:06 parce que je n'ai jamais su réellement comment le définir
00:08 si ce n'est que...
00:10 je n'ai pas compris.
00:12 Mon père travaillait à l'époque en Afrique
00:18 et il s'était lié d'un mitié
00:20 avec un prêtre missionnaire
00:22 qui était également un grand-oncle maternel.
00:24 Et ce grand-oncle-là,
00:26 dès qu'il venait à Paris, mon père allait le chercher
00:28 puisqu'on n'habitait pas très loin de l'aéroport.
00:30 Et mes parents, je n'ai jamais compris pourquoi,
00:32 le faisaient dormir dans ma chambre.
00:34 Je dis "je n'ai jamais compris pourquoi" parce qu'il y avait une chambre d'amis.
00:36 Et le prétexte qui a toujours été invoqué, c'était
00:38 "la chambre d'amis n'était pas rangée,
00:40 donc on le faisait dormir dans ta chambre".
00:42 Moi, c'était une époque où je faisais de l'énuresie.
00:44 Je faisais pipi au lit et quand je faisais pipi au lit,
00:46 il me faisait venir dans son lit,
00:48 il me demandait d'enlever mon pyjama,
00:50 il me présentait un peu les choses au début,
00:52 comme une découverte de mon corps,
00:54 m'expliquait comment mon corps fonctionne
00:56 et très rapidement, de cette découverte de mon corps,
00:58 ça passait plutôt à
01:00 je vais mettre des guillemets bien entendu,
01:02 forme d'éducation à la sexualité.
01:04 En fait, il me touchait mon sexe
01:06 en me disant "voilà comment c'est constitué,
01:08 mes testicules, mon pénis, etc."
01:10 Il prenait ma main, il la mettait sur son sexe également
01:12 pour me dire "moi comment ça fonctionne,
01:14 ça changerait après, etc."
01:16 C'est quelque chose d'assez dur d'ailleurs encore à raconter.
01:18 Très rapidement aussi, il me disait
01:20 qu'il y avait d'autres manières de se faire plaisir
01:22 et donc il me mettait un doigt dans l'anus
01:24 et puis ça allait,
01:26 voilà, moi je n'ai pas peur des mots qui sont crus
01:28 parce qu'on ne se rend pas compte d'ailleurs le mot "viole",
01:30 c'est peut-être un mot dur, mais voilà,
01:32 ça allait jusqu'à être sodomisé,
01:34 quand on est sodomisé à l'âge de 8 ans,
01:36 c'est un...
01:38 je n'ai pas de mots en fait,
01:40 je ne sais pas comment définir le truc
01:42 parce que je n'ai jamais su réellement comment le définir
01:44 si ce n'est que je n'ai pas compris.
01:46 [Musique]
01:54 Tout le monde savait et connaissait les violences de mon père,
01:56 personne ne réagissait.
01:58 Et donc les conditions n'étaient pas réunies
02:00 d'une certaine manière pour que moi, enfant,
02:02 je puisse m'exprimer à un adulte de confiance
02:04 autour de moi, quand vous êtes en plus dans un milieu quand même social
02:06 assez favorisé,
02:08 on essaie d'étouffer un peu les choses, c'est quand même une spécialité
02:10 et d'ailleurs ça a été démontré,
02:12 je trouve, avec brio dans le rapport
02:14 de la commission indépendante sur les abus sexuels
02:16 dans l'église, le rapport Sauvé donc,
02:18 qui a bien dit que cette particularité du milieu bourgeois
02:20 qui tend bien souvent
02:22 à étouffer les affaires pour éviter que ça se sache,
02:24 pour maintenir d'une certaine manière cette logique de classe,
02:26 moi c'est quelque chose que j'ai connu directement
02:28 et moi je parle à l'âge de 19 ans la première fois
02:30 devant un reportage sur France 3
02:32 qui parle de pédophilie dans l'église
02:34 et je dis "c'est ce qui m'est arrivé".
02:36 La première réaction de ma mère c'est de dire "on s'est fait avoir".
02:38 Et ça m'a marqué parce que sur le moment
02:40 je pensais en fait qu'elle allait me serrer dans ses bras, etc.
02:42 Néanmoins j'ai quand même compris
02:44 des années après, grâce notamment à Camille Kouchner,
02:46 que cette réaction que ma mère a eue,
02:48 même si elle n'est pas forcément adaptée,
02:50 c'est aussi celle d'une co-victime.
02:52 Ma mère avait une confiance absolue envers cet homme
02:54 qui était son grand-oncle,
02:56 qui était un prêtre
02:58 et donc c'est une personne à qui on donnait le bon Dieu sans confession.
03:00 Alors même si j'ai la question de la chambre pour moi qui n'est pas élucidée,
03:02 bon ok, je me dis quand même
03:04 qu'il y a quand même quelque chose qui est de l'ordre
03:06 d'un traumatisme pour une mère qui apprend que son fils a été violé.
03:08 [Musique]
03:13 Je le dis souvent, j'ai l'impression qu'on m'a volé,
03:15 j'ai fait dire violé d'ailleurs, volé mon enfance.
03:17 Et le psy en fait
03:19 venait interroger ça en disant au bout d'un moment
03:21 "Attendez, vous avez bien des souvenirs d'enfance, etc."
03:23 Et à un moment donné je lui raconte, je lui dis "Oui d'accord, ok, j'ai des souvenirs d'enfance."
03:25 Il me dit "Vous avez une maison familiale,
03:27 parce que ma grand-mère était
03:29 notamment du côté d'Angers,
03:31 vous avez sans doute des souvenirs quand même dans cette maison, etc."
03:33 Et là au bout d'un moment je lui dis
03:35 "Oui, elle faisait des représentations
03:37 théâtrales, il y a un moment donné on faisait des répétitions
03:39 avec deux de mes cousins,
03:41 moi je jouais le rôle d'une femme, j'avais une perruque, etc."
03:43 Et puis l'un de mes cousins,
03:45 l'aîné me dit "Bah tiens" qui avait 15 ans,
03:47 moi j'avais 12 ans à l'époque, me dit
03:49 "Bah tiens, si
03:51 t'étais une femme, tiens je vais te montrer ce que je te ferais."
03:53 Et là il m'a sauté dessus, son frère cadet
03:55 qui avait 13 ans à l'époque, donc un an de plus que moi,
03:57 m'a saisi les poignées,
03:59 et en fait il m'a imposé
04:01 une fellation, et moi j'ai raconté
04:03 les choses un peu de cette manière-là, de manière aussi linéaire
04:05 que ça, et le psy, je me rappelais
04:07 toute ma vie, m'a dit "C'est un violeur."
04:09 J'ai fait une amnésie traumatique
04:11 totale, c'est-à-dire que
04:13 mon cerveau en fait s'était mis en mode veille,
04:15 et la seule chose qui m'a
04:17 sauvé d'une certaine manière, c'est que mes cousins ont reconnu
04:19 les faits, tout en les banalisant, mais au moins
04:21 les ont reconnus.
04:23 Alors c'était pas la première alerte, c'est-à-dire que moi
04:33 j'étais quand même sujet déjà à ce que les médecins appelaient
04:35 "pneumonie", machin, etc.
04:37 Jusqu'au jour où je rencontre une pneumologue de
04:39 ville, elle m'ausculte
04:41 et puis elle me pose la question, elle me dit "Monsieur,
04:43 est-ce que vous avez été victime de violences sexuelles ?"
04:45 Je la regarde comme ça, je me dis
04:47 "Qu'est-ce qu'elle a ? Elle est pneumologue ?
04:49 C'est quoi son histoire ? Pourquoi est-ce qu'elle
04:51 me parle de violences sexuelles ?
04:53 Je suis pas chez ma psy, quoi."
04:55 Et elle me dit "Parce que la manière
04:57 dont vous respirez, la manière
04:59 dont les choses s'inscrivent au niveau de vos poumons
05:01 et dont je peux les traduire cliniquement,
05:03 je l'ai rencontré uniquement chez des victimes de violences
05:05 sexuelles, d'une certaine manière c'est comme si je respirais
05:07 comme quand j'ai été violée.
05:09 Donc il y a quelque chose qui se déclenche et le risque
05:11 que vous avez, c'est à un moment donné
05:13 qu'il y a un vrai impact sur vos poumons. Tout simplement,
05:15 quand on est victime de violences sexuelles,
05:17 notre corps est mis à mal, c'est-à-dire
05:19 que bien sûr qu'il y a cette violence, cette souffrance psychique
05:21 de se dire "Non, c'est quoi
05:23 ce truc qui m'est arrivé ?" et puis de comprendre
05:25 en quoi réellement remettre le puzzle dans l'ordre, machin,
05:27 et puis avec la violence que ça représente même
05:29 de se replonger dans ce traumatisme-là.
05:31 Et puis il y a forcément un corps qui est mis à mal,
05:33 c'est-à-dire que la violence sexuelle,
05:35 la violence s'émerveille de manière certaine
05:37 pour détruire l'autre et c'est ce qui se passe.
05:39 C'est-à-dire que détruire l'autre,
05:41 ce n'est pas uniquement, je dirais,
05:43 si j'ose dire, en la violent,
05:45 mais c'est avec toutes les conséquences que ça peut avoir derrière
05:47 puisque notre corps, on a l'impression d'avoir été
05:49 dépossédé de son corps quand on est victime
05:51 de violences sexuelles.
05:53 [Musique]

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