Va-t-on payer l’électricité de plus en plus cher ?

  • l’année dernière
Transcript
00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Je ne vous dois pas de secondes, Marguerite Caton, bonjour.
00:09 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:11 Vous vous inquiétez ce matin des factures d'électricité ?
00:14 Et bien comme tous les Français, j'observe avec appréhension la baisse des températures
00:18 et je me demande si on va vivre une nouvelle augmentation de nos factures d'électricité.
00:23 Je rappelle qu'en moins d'un an, entre janvier 2023 et aujourd'hui, on est quand même passé
00:27 de 17 à 22 centimes le kWh, soit une hausse de 25% des tarifs et encore, cela ne vaut
00:33 que pour les abonnés des tarifs réglementés des DF.
00:36 Alors je me tourne vers Nicolas Goldberg, bonjour.
00:38 Bonjour.
00:39 Vous êtes consultant spécialiste de l'énergie à Columbus Consulting, merci d'être avec
00:43 nous ce matin.
00:44 Si l'on commence par l'offre, on se rappelle que le choc subi l'hiver dernier était double,
00:48 un choc géopolitique d'abord, la guerre en Ukraine et puis un problème intérieur,
00:53 celui des centrales nucléaires à l'arrêt.
00:55 Commençons par la géopolitique, Nicolas Goldberg.
00:57 Le conflit russo-ukrainien ne s'est pas amélioré, il se double maintenant d'une guerre au Proche-Orient.
01:02 Quel impact sur notre approvisionnement ?
01:03 Il faut bien dire qu'avant, l'Europe s'approvisionnait pour moitié de gaz en Russie et que là, avec
01:10 ce qui s'est passé avec la guerre en Ukraine, on a complètement rebattu les cartes de l'approvisionnement
01:15 gazier dans le monde et l'Europe s'approvisionne beaucoup avec du gaz naturel liquéfié.
01:20 C'est du gaz qui arrive par bateau et qui n'arrive plus par tuyau et qui est principalement
01:24 acheté aux Etats-Unis mais également au Qatar et à d'autres pays producteurs de
01:28 gaz qui ont fait le choix de se doter d'infrastructures pour liquéfier ce gaz et pouvoir nous l'envoyer.
01:34 C'est ce qui nous fait dire qu'aujourd'hui, on a sécurisé les approvisionnements en gaz,
01:39 les stockages gaz sont pleins en Europe donc on a moins ce risque qu'on craignait l'an
01:43 dernier.
01:44 Toutefois, ce gaz coûte un peu plus cher parce qu'on l'achète sur un marché mondialisé
01:47 et c'est plus cher d'approvisionner du gaz par bateau, du gaz qu'on a liquéfié
01:51 puis qu'on regazéifie par bateau plutôt que par tuyau.
01:54 En matière de production nationale, il y avait 32 réacteurs sur 56 à l'arrêt durant
01:59 l'hiver 2022, la production la plus basse depuis 1988.
02:03 Est-ce que le problème de micro-fissures dans les tuyauteries est réglé ? Est-ce
02:07 qu'on peut compter sur la production des centrales cet hiver ? Une production qui,
02:10 je le rappelle, couvre environ 70% de la consommation nationale.
02:15 Oui, l'année dernière, on avait ce problème-là.
02:18 On savait qu'on devait arrêter des réacteurs et faire des travaux lourds.
02:21 Là, une grande partie des travaux ont été faits, pas la totalité.
02:25 C'est ce qui fait que cette crise, on va la payer sur plusieurs années.
02:27 Toutefois, on a une disponibilité des réacteurs nucléaires qui est bien meilleure que l'an
02:32 dernier, qui n'est toujours pas idéal.
02:34 Ce qui fait qu'il y a toujours un petit risque, petit par rapport à l'an dernier.
02:37 Mais on a une disponibilité nucléaire qui nous fait dire que cet hiver, ça devrait
02:42 aller et que pour les prochains hivers, si on a toujours une consommation basse et si
02:46 on n'a pas de nouveaux incidents sur le parc nucléaire, ça devrait aller également.
02:49 Donc si je comprends bien, on a une offre abondante, chère, car le gaz naturel liquéfié
02:53 est très cher, vous l'avez dit, mais abondante.
02:57 Et on sait que la demande a baissé puisque la sobriété, col roulé, autre doudou n'est
03:02 entré dans les mœurs.
03:03 Cela devrait donc mécaniquement tirer les prix vers le bas, Nicolas Goldberg ?
03:06 Effectivement, par rapport à l'an dernier, on a des prix qui sont tirés vers le bas
03:10 parce qu'on a une demande en électricité qui est très faible en France et en Europe
03:14 de manière générale.
03:15 Alors comment est-ce qu'on l'explique ? C'est un petit peu compliqué parce qu'il
03:18 y a toujours un effet sobriété choisi, il y a toujours un effet prix, un effet désindustrialisation.
03:23 Donc tout ça s'entremêle en réalité.
03:25 Mais ce qu'on peut dire, c'est que la consommation électrique est basse, même si on regarde,
03:29 si on compare d'année en année la consommation électrique, ce qu'on appelle corrigé de
03:33 l'aléa météorologique, c'est à dire à iso température.
03:36 Et ça, on sait le faire mathématiquement.
03:37 On regarde et on voit que la consommation d'électricité est basse.
03:39 Donc on conjugue une consommation d'électricité qui est très basse à une disponibilité
03:43 nucléaire qui est satisfaisante, on va dire qui n'est pas bien, mais qui est satisfaisante.
03:47 Des stockages gaz remplis et un peu plus de renouvelables que l'an dernier.
03:50 Donc tout ça fait qu'on est plus serein quand on regarde l'hiver.
03:54 Ça tire les prix un petit peu vers le bas par rapport à l'année dernière.
03:57 Toutefois, il faut bien dire que ces prix sont toujours très élevés parce que l'approvisionnement
04:00 en gaz coûte cher.
04:01 Et pourtant Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, envisageait
04:05 sur France Info, c'était au début du mois de novembre, une hausse de 10% en février.
04:10 Donc il faut savoir que les tarifs réglementés sont révisés deux fois par an.
04:13 Le mois d'août et de février.
04:14 Quant à Emmanuel Vargon, l'ancienne ministre du logement qui dirige aujourd'hui la commission
04:18 de régulation d'énergie, elle parlait même de 10 à 20% d'augmentation.
04:21 Alors comment l'expliquez-vous ?
04:22 10 à 20% c'est un petit peu large.
04:24 On va plutôt être autour de 10%, voire un peu plus.
04:27 Il faut bien dire qu'aujourd'hui, on est toujours sous boutillé tarifaire.
04:31 Il y a un tiers de votre facture d'électricité qui est prise en charge par l'État.
04:35 Parce que les tarifs réglementés sont lissés sur deux ans.
04:38 Donc cette année 2022 de prix de l'électricité qui était haut, c'est un boulet.
04:43 On va la traîner pendant deux ans.
04:44 Donc c'est possible qu'on ait une hausse des factures en février.
04:47 De combien est-ce qu'elle sera ? C'est difficile à dire.
04:49 Parce que ça dépendra de la volonté de l'État de relâcher plus ou moins le bouclier tarifaire.
04:55 Toutefois, si on regarde ça hors bouclier tarifaire, les simulations de la commission
05:00 de régulation de l'énergie donnent une hausse des prix de l'électricité.
05:03 Parce qu'on a toujours des prix qui sont hauts.
05:05 On est toujours sous bouclier tarifaire.
05:08 Et puis au moyen-air, on dit que les prix de marché sont hauts actuellement.
05:10 Ils sont autour de 130 euros.
05:13 Alors 130 euros, qu'est-ce que ça veut dire ?
05:14 Ça veut dire toujours deux à trois fois plus que ce qu'on avait avant la crise.
05:18 Donc c'est ce qui explique qu'on a toujours un petit peu des hausses de factures.
05:21 Et si on se projette encore un peu plus loin, janvier 2026, c'est une date fatidique pour
05:26 le secteur énergétique français.
05:28 C'est la fin de l'ARNH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.
05:32 L'accord provisoire trouvé en 2010 entre la France et la Commission européenne dans
05:36 le processus de libéralisation du secteur d'énergie.
05:39 Cet accord fixait le prix du mégawatt-heure à 42 euros.
05:43 On croirait qu'on parle d'un autre temps.
05:44 Le nouvel accord trouvé mardi dernier entre EDF et le gouvernement fixe ce même mégawatt-heure
05:48 à 70 euros.
05:50 Alors est-ce que ça va mécaniquement se répercuter sur la facture des industriels ?
05:54 Mais aussi sur ce que ça affectera les particuliers ?
05:57 Alors sur les 70 euros, je me permets de vous reprendre, c'est une cible.
06:01 Mais il n'y a aucune régulation qui nous garantit qu'on arrivera à 70 euros.
06:04 Objectif 70-80.
06:05 Oui, enfin, objectif 70.
06:07 Le gouvernement propose de taxer le nucléaire à partir de 80 euros.
06:11 Donc comment est-ce que ça donne 70 euros en moyenne ?
06:13 Je ne sais pas.
06:15 Leur idée, c'est de dire oui, mais tout le monde va signer des contrats long terme.
06:18 Ce sera fixé sur le prix du système qui devrait tourner autour de 70 euros.
06:24 Bon, ça donne ça.
06:25 Ce 70 euros, moi, je ne lui vois pas une consistance très forte.
06:28 En revanche, on peut parler du 42.
06:30 Le 42 euros, c'était l'électricité régulée nucléaire, mais c'était un volume variable.
06:35 C'est-à-dire qu'une année, ça pouvait être 300 TWh, l'autre 280.
06:38 Ça dépendait de la montée en puissance de la concurrence.
06:40 Et c'est d'ailleurs ce qui faisait l'aberration de ce système.
06:43 C'est que plus il y avait de concurrence, moins il y avait de nucléaire régulé pour
06:45 tout le monde.
06:46 Et donc, plus les factures augmentaient.
06:47 Donc avec un système paradoxal, en fait, une fois qu'on avait atteint le plafond de
06:51 nucléaire régulé, on a surexposé le client au marché.
06:55 Et c'est justement ce qu'on voulait éviter.
06:57 42 euros, par contre, c'est un prix qui est un petit peu daté.
07:00 D'ailleurs, on ne sait pas exactement comment est-ce qu'il a été fixé, puisque le décret
07:03 méthodologique de calcul de l'AREN n'a jamais été publié.
07:07 Et c'est d'ailleurs une tare.
07:08 C'est ce qui a fait qu'on n'a pas pu le revoir à la hausse.
07:09 On a aussi beaucoup plus de travaux à faire sur le parc nucléaire.
07:13 Il fallait intégrer d'autres coûts.
07:14 Le démantèlement, dans le 42 euros, c'était fait pour s'arrêter en 2025.
07:17 On disait qu'on ne va pas prendre le démantèlement dedans, puisqu'on ne va pas démanteler avant
07:20 2025.
07:21 Donc voilà, c'était un tarif d'avant qui n'était plus valable, qui ne représentait
07:25 à peu près rien.
07:26 Là, ce qu'on voulait, c'est avoir un tarif qui reflétait mieux les coûts du nucléaire.
07:30 Mais le choix qu'a fait le gouvernement, c'est de dire qu'on va avoir un fonctionnement
07:34 de marché.
07:35 C'est-à-dire que tout va fonctionner au marché.
07:36 Par contre, on taxe EDF un petit peu entre 80 et 110 et beaucoup autour de 110.
07:40 Donc ce qu'on peut dire, c'est que c'est un bouclier tarifaire qui agira quand les
07:43 prix seront au-dessus de 110, mais qui n'agira que partiellement entre 80 et 110 et qui n'agira
07:47 pas du tout en dessous de 80.
07:50 Donc on est très exposé au marché.
07:52 Donc il faudra faire des contrats long terme.
07:53 Quel prix sera là en 2026 ? Moi, je ne sais pas.
07:56 Je pense qu'il sera meilleur que celui qu'on a aujourd'hui, qui est très élevé et qui
07:59 est sous bouclier tarifaire avec une régulation plus cohérente.
08:01 Mais je ne sais pas combien on paiera en 2026.
08:03 Pour l'instant, on prédit surtout une grande incertitude, même si Bruno Le Maire disait
08:07 que le grand avantage de cet accord serait un prix stable pour les ménages.
08:10 Merci Nicolas Goldberg pour toutes ces explications.
08:13 Je rappelle que vous êtes consultant spécialiste de l'énergie à Columbus Consulting.
08:17 Merci Marguerite Caton.

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