Alona Fisher Kamm, ambassadrice et chargée d'affaires d'Israël en France, était l'invitée de BFMTV ce jeudi matin.
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00:00 Avec Patrick Sos, j'accueille l'ambassadrice et chargée d'affaires d'Israël en France, Alona Fischer-Kamm, bonjour.
00:06 Bonjour.
00:07 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur BFM TV pour évoquer d'abord la situation des otages.
00:14 C'est reporté visiblement. Est-ce que vous savez ce qui bloque, ce qui empêche encore ces libérations ?
00:24 Tout d'abord, bien sûr, nous espérons tous que les otages pourront voir retourner chez eux, chez la famille, chez leurs familles, et bientôt, très bientôt, prochainement.
00:36 Comme vous savez, ça a pris beaucoup de temps pour conclure l'accord, mais la mise en œuvre est parfois beaucoup plus compliquée que ça.
00:45 Ça prend du temps. Depuis le début, on a dit qu'il fallait prendre un accord avec Hamas avec beaucoup de précaution.
00:55 Il s'agit d'un groupe terroriste. En plus, c'est un groupe qui fait aussi une guerre psychologique. Il faut le prendre aussi en question.
01:06 En plus, je crois, on est très, très prudent parce qu'on a des familles, on a des proches, et ces familles sont complètement à folie.
01:14 Ils sont à folie, ils ne savent même pas. Il faut bien comprendre que depuis le début de la guerre, on n'a pas de liste.
01:21 La liste que nous avons construite, c'est une liste selon les images qu'on avait vues de vidéos des gens qui ont été enlevés ou par les gens qu'on avait trouvé nulle part.
01:31 On suppose qu'ils sont détenus, mais on n'est pas sûr. Donc, on n'a même pas de liste. Les listes ne dépendent pas de nous.
01:41 Elles dépendent bien sûr de Hamas. Hamas a à nous délivrer la liste. Malheureusement, si j'ai bien compris, les listes ne sont pas arrivées.
01:50 Donc, je ne peux pas vous dire exactement ce qui empêche la mise en œuvre, mais il faut bien comprendre qu'il faut être très prudent et la mise en œuvre prend du temps.
02:02 – Mais ça ne remet pas en cause l'accord, ce qui se passe en ce moment ?
02:07 – Côté israélien, sûrement pas. Côté israélien, nous étions très, très clairs depuis le début que si Hamas respecte l'accord, Israël respecte l'accord.
02:16 Donc, c'est un accord signé, respecté par, j'espère, par tout le monde. En tout cas, de côté israélien, je ne vois aucun problème. Ça dépend vraiment du Hamas.
02:27 – Et il y aura donc une trêve sur le terrain lorsque tout sera bien en place, j'allais dire ?
02:36 – Oui, au cas où, il y aura une trêve qui durera 4 jours. Et pendant ces 4 jours, Hamas devrait libérer à peu près 50 otages, tous des enfants et des femmes.
02:51 Et comme je dis, on n'a pas la liste, la liste ne dépend pas de nous, donc on ne sait pas qui se trouve sur cette liste.
02:58 Et voilà, avec une possibilité aussi d'étendre les trêves en quelques jours, mais on n'est pas encore là.
03:07 – Vous y croyez quand même beaucoup, parce qu'on a vu le département de la justice a donné une liste, non pas de 150 détenus palestiniens, mais de 300,
03:15 en se disant "gagnons du temps au cas où, eh bien, cette trêve se poursuivrait". Vous avez donc l'espoir que…
03:22 – Voilà, on a l'espoir, bien sûr.
03:24 – Mais j'ai bien compris que finalement, vous avez cette fresque derrière vous et vous avez ce chiffre de 240, 239.
03:33 J'ai bien compris dans vos mots que c'est quelque chose de putatif, c'est-à-dire que vous ne savez pas si ces 240 personnes sont toutes vivantes,
03:43 simplement par rapport à des images.
03:45 – Je dirais qu'il faut être très prudent, on a eu quelques preuves de quelques otages, des images d'otages qui étaient vivants.
03:54 Quant au reste, il faut bien comprendre, vraiment, je pense depuis le 7 octobre, le 7 octobre j'étais encore en Israël,
04:01 je pense aux familles, comment elles doivent être à folie d'avoir aucune information pendant 48 jours de leurs proches,
04:10 savoir s'ils sont pas là, s'ils sont vivants, s'ils sont pas vivants, s'ils vont être libérés, s'ils vont pas être libérés,
04:16 tout dépend de Hamas. La Croix-Rouge n'a pas pu entrer pour voir les gens, pour voir la situation, en quel état ils sont.
04:24 Malheureusement, on a trouvé déjà trois corps des otages israéliens qui ont été tués par Hamas.
04:33 Donc il y a aussi ici un aspect de guerre psychologique et il s'agit des monstres qui jouent avec les familles plutôt,
04:44 c'est ça le plus triste de tout, le plus pénible.
04:47 – Alors il y a, madame l'ambassadrice, vous le savez, des familles françaises qui attendent, qui espèrent beaucoup de ces libérations.
04:56 On s'interroge, depuis hier, y aura-t-il des Français libérés dans les prochains jours ?
05:04 – Oui, bien sûr, nous sommes tous concernés par les huit familles françaises et binationales qui sont parmi la liste.
05:17 Je l'espère bien, mais de nouveau, on ne sait pas, je ne peux pas le confirmer, comme j'ai dit, tout dépend de Hamas.
05:24 C'est Hamas qui a décidé.
05:26 – Mais il y a des enfants, pardon, il y a des enfants dans ces otages français ?
05:31 – Oui, j'essaie d'être vraiment très très prudente, disons que les premiers à être libérés, ce sont les enfants,
05:38 et leur mère, et puis les femmes, et c'est la seule chose que je peux confirmer.
05:44 Le reste, bien sûr, on n'a pas de liste, on ne connaît pas l'origine, on ne connaît pas d'autres détails.
05:52 – Hier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a fait un discours en disant "la guerre continue",
06:01 c'est ce que vous nous confirmez ?
06:04 – Effectivement, la guerre va continuer à Israël, c'est une guerre qui a été imposée par Israël,
06:10 et après le 7 octobre, le massacre du 7 octobre, les crimes contre l'humanité qui ont été commis par Hamas.
06:19 Donc c'est une guerre qui nous a été imposée, mais nous avons deux objectifs dans cette guerre.
06:24 Tout d'abord, éradiquer Hamas, et libérer les otages. Voilà les deux objectifs de cette guerre.
06:32 – Dans cet ordre ?
06:33 – Non, non, il n'y a pas d'ordre, il y a deux objectifs à cette guerre.
06:39 Maintenant, disons que tout va bien, et on aura la libération, pas de 50, sinon de 100 otages,
06:46 on aura encore 150 otages, donc c'est une crise d'otages qui va continuer,
06:50 et 150 otages c'est beaucoup.
06:52 Donc même dans ce cas-là, dans le meilleur cas possible, nous aurons encore 150 otages.
07:00 Deuxièmement, je ne vois pas comment plus de 100 000 habitants du sud d'Israël,
07:07 qui ont dû être déplacés, évacués du sud vers le centre,
07:11 comment ils peuvent retourner chez eux, sachant que Hamas est toujours là.
07:16 Donc pour nous, c'est vraiment inadmissible que Hamas reste comme régime à Gaza,
07:23 et qu'il y ait un dispositif militaire.
07:27 – C'est toujours la même question que les observateurs extérieurs à Israël se posent,
07:31 c'est détruire le Hamas jusqu'où ?
07:34 Il y a une branche armée, mais il y a des leaders qui habitent loin,
07:39 qui sont au chaud, à Doha, qui sont présents à Damas, à Beyrouth.
07:44 Alors oui, par le passé, Israël a montré que s'il fallait prendre le temps,
07:49 je pense à l'opération "Colère de Dieu" après 1972, septembre noir,
07:54 les Israéliens ont pris le temps, parfois des années, pour aller neutraliser ces chefs.
07:59 Est-ce que détruire le Hamas, c'est aller jusque-là ?
08:03 – Il est difficile de dire, sûrement moi je ne suis pas à l'auteur
08:07 de dire exactement ce que ça veut dire, éradiquer Hamas, mais on est très clair,
08:12 ça ne veut pas dire qu'on allait chercher chaque terroriste de Hamas,
08:16 il y a 30 000 terroristes, mais ils ne peuvent pas régner Gaza,
08:25 ils ne peuvent pas être en pouvoir là-bas, ça c'est sûr pour eux non ?
08:29 Ils ne peuvent pas être menace, menacer la sécurité du sud d'Israël.
08:35 Pour cela, il faut mettre fin à leur dispositif militaire.
08:38 Exactement comment, quelles sont les modalités, combien de temps ça va prendre ?
08:42 Oui, je suis tout à fait d'accord, ça va prendre du temps.
08:45 – Parce que oui, j'imagine, vous êtes dans l'émotion, et aussi dans une guerre,
08:49 on est obligé de penser un peu à la suite,
08:52 imaginons que vous avez atteint vos objectifs de guerre,
08:55 est-ce que le temps qu'il y ait quelqu'un d'autre,
08:59 parce que la nature politique a horreur du vide,
09:01 est-ce que ça passerait par une occupation de Gaza ?
09:05 – Israël s'est retiré de Gaza en 2005,
09:09 et ils se sont retirés de Gaza pour ne jamais y retourner,
09:13 et je répète, pour ne jamais y retourner.
09:16 Hamas, ce qu'ils auraient dû faire en 2005,
09:19 c'est vraiment prendre cette occasion et développer Gaza,
09:23 pour la rendre comme Singapour ou comme Monaco ou je ne sais pas.
09:27 Au lieu de ça, la seule chose qu'ils ont fait avec le temps,
09:31 ils ont accumulé des armes,
09:33 ils sont devenus une très grande menace pour Israël,
09:36 ils ont lancé des roquettes, même avant 7 octobre,
09:39 ils ont lancé plus de 20 000 roquettes jusqu'au 7 octobre,
09:46 depuis le 7 octobre, bon, plus que 10 000.
09:49 Donc, ils ont vraiment profité du temps qu'ils ont eu pour développer leur pays,
09:54 et au lieu de ça, ce qu'ils ont fait,
09:57 ils ont surtout puni la population de Gaza.
10:01 Donc à votre question, notre idée n'est pas de retourner là-bas.
10:05 Par contre, nous n'accepterons pas que Hamas reste là-bas.
10:10 Entre les deux, je m'imagine qu'il y a pas mal de solutions
10:13 qu'il faudra voir le jour après, mais malheureusement, on n'y est pas là.
10:19 – Alors, vous êtes maintenant en charge à Paris,
10:25 des relations aussi entre la France et Israël,
10:30 est-ce que la position de la France vous convient, tout simplement ?
10:35 Est-ce que vous la comprenez ? Est-ce que vous l'approuvez ?
10:40 – Je crois que la chose la plus importante est que la France reconnaît,
10:45 reconnaît le droit d'Israël à se protéger, le droit d'Israël,
10:49 et même le devoir d'Israël à se défendre.
10:53 La France était très claire depuis le début,
10:56 qu'ils veulent et qu'ils demandent la libération de tous les otages,
11:02 je mets l'accent sur tous les otages.
11:05 Donc dans ce sens-là, je ne vois aucune différence entre Israël et la France.
11:11 Notre sentiment est qu'il y a une reconnaissance
11:17 de notre droit et devoir à nous défendre.
11:20 – Avec quelques nuances.
11:22 – Oui, mais je voulais aussi savoir, parce qu'en regardant votre carrière,
11:27 il y a 20 ans, vous étiez ici en charge de la communication,
11:30 porte-parole de l'ambassade, 20 ans, c'était la France de Jacques Chirac,
11:35 de Dominique de Villepin, est-ce que justement, vis-à-vis de ce conflit israélo-paessien,
11:40 qui a changé vraiment de nature, vous avez senti une différence
11:45 dans la position française par rapport à vous ?
11:48 Parce qu'on nous renvoie assez régulièrement à ce qu'était la France de Jacques Chirac
11:52 à Tel Aviv ou à Ramallah, et ce qu'est la France d'Emmanuel Macron
11:57 vis-à-vis de, plus Tel Aviv maintenant, mais Jérusalem, ça sent l'importance.
12:01 – Tout d'abord, je me pose cette question tous les jours,
12:04 depuis mon arrivée ici.
12:07 Je dirais qu'il y a un changement, je crois que moi je trouve la position plus équilibrée,
12:16 mais cela dit, il faut comprendre qu'il s'agit d'un pays démocratique
12:21 qui combat un groupe terroriste, donc il ne s'agit pas d'être équilibré,
12:25 il s'agit vraiment de reconnaître la situation très spéciale
12:29 dans laquelle Israël est, qui est comme état démocratique,
12:33 il doit se défendre contre un groupe terroriste,
12:37 qui n'est pas seulement un groupe terroriste,
12:39 c'est le régime de Gaza, qui est la bande de Gaza,
12:44 qui est notre voisin, et qui est responsable aussi de la population,
12:50 de leur propre population, et au lieu de protéger la population,
12:54 ils l'utilisent de cette population comme des boucliers en main.
12:58 – Vous avez un message aux juifs de France, aux Français juifs ?
13:04 – Tout d'abord, ils ne sont pas seuls, ils ne sont pas seuls,
13:08 et nous en Israël, nous préoccupons beaucoup pour les juifs dans le monde entier,
13:14 nous félicitons beaucoup le gouvernement de France,
13:18 et notamment le ministre de l'Intérieur,
13:21 qui ont envoyé tous des messages très très clairs,
13:24 il y avait aussi la marche bien sûr contre l'antisémitisme pour la République,
13:29 nous pensons que c'est un message très très important,
13:33 et il y a des messages clairs qui viennent de toutes les autorités,
13:39 il y a des mesures qui sont prises, cela dit, c'est inadmissible
13:43 qu'il y ait des juifs qui ont peur, et qui doivent cacher leur judaïsme,
13:48 dans des pays comme la France, le premier état du monde
13:52 qui a accordé citoyenneté aux juifs, 80 ans après l'Holocauste,
14:00 pour nous bien sûr c'est inadmissible,
14:03 et je crois qu'il y a quelques liens entre ce qui s'est passé en Israël le 7 octobre,
14:09 et l'antisémitisme, l'antisémitisme comme Marc Louradi
14:13 n'a pas commencé le 7 octobre, il n'a même pas commencé avec l'État d'Israël,
14:17 il a commencé beaucoup avant, et cela dit, c'est vraiment une haine
14:23 envers les juifs, mais c'est aussi une haine envers les valeurs démocratiques
14:29 et libéraux que nous partageons.
14:32 Merci beaucoup Mme l'Ambassadeur, merci d'avoir répondu à nos questions,
14:35 d'avoir accepté notre invitation ce matin sur BFM TV.