Jaleh Bradea reçoit Hamida Aman, fondatrice de la Begum Organization for Women. Cette ONG a pour but de défendre, soutenir et aider les femmes afghanes. De cette organisation est née la Radio Begum : un réseau de radio pour les femmes diffusant 24h/24 et 7j/7 depuis Kaboul et Ghazni. Elle permet de défendre les droits des femmes, souvent limités, et également de permettre aux Afghanes un accès à l’éducation. Hamida Aman et l’organisation ont réalisé récemment tout le programme éducatif en vidéo depuis Kaboul. C’est un combat pour la liberté des femmes afghanes.
Zakia Khodadadi, athlète paralympique, nous partage son parcours sportif et revient sur sa tristesse vis-à-vis des femmes afghanes.
Zakia Khodadadi, athlète paralympique, nous partage son parcours sportif et revient sur sa tristesse vis-à-vis des femmes afghanes.
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00:00 [Musique]
00:07 Bonjour et bienvenue dans Envie d'agir où je suis très heureuse d'accueillir
00:11 aujourd'hui Amida Aman, une femme engagée pour l'éducation des jeunes femmes en Afghanistan.
00:17 Bonjour Amida.
00:18 Bonjour Jalé.
00:19 Merci d'être avec nous.
00:20 Merci pour votre invitation.
00:22 Justement, pour l'éducation des jeunes femmes, vous avez trouvé une solution,
00:26 c'est Radio Begum.
00:27 Qu'est-ce que c'est Radio Begum ?
00:29 Radio Begum, c'est une radio qui diffuse depuis Kaboul vers plus de 20 provinces d'Afghanistan.
00:37 Actuellement, c'est une radio pour femmes.
00:39 La seule radio pour femmes qui existe en Afghanistan, elle est faite pour les femmes, par les femmes.
00:46 Parce que justement, rappelez-nous très rapidement,
00:49 aujourd'hui les jeunes femmes ne peuvent pas aller à l'école.
00:53 Donc la façon que vous avez trouvé, c'est de leur apporter l'éducation à la maison.
00:59 Donc j'ai envie de vous demander, pourquoi ce combat-là
01:03 et pourquoi ne pas avoir cherché à faire en sorte qu'elles retournent dans les écoles ?
01:08 Parce que c'est ma manière d'agir à moi.
01:10 Je suis une femme de média et pour moi, j'ai fait ce que je savais faire,
01:16 c'est-à-dire un média pour toucher le plus grand nombre.
01:18 Ça fait 20 ans que je suis engagée en Afghanistan.
01:21 Je me suis réinstallée dans mon pays en 2002
01:24 et j'ai créé une entreprise de production et communication
01:28 où on a formé beaucoup de jeunes et de femmes au métier de l'audiovisuel.
01:34 Et pour moi, c'était clé de continuer à me battre en Afghanistan
01:38 et de ne pas lâcher mon pays malgré le changement de régime,
01:41 malgré les difficultés actuelles.
01:44 Et donc pour moi, Radio Begum, ça a été une réponse à l'arrivée imminente des talibans.
01:54 On l'a lancée, on l'a inaugurée six mois avant la prise de pouvoir des talibans.
02:01 Pour moi, c'était une réponse à ça.
02:03 Et c'était une manière de continuer à nous battre,
02:07 de continuer à garder nos acquis et de parler, de continuer à porter la voix des femmes.
02:12 - Et du coup, quand les talibans sont arrivés, est-ce que ce projet a été menacé ?
02:16 - Bien sûr, comme tout.
02:17 Bien sûr, on a d'abord été pris extrêmement à la porte.
02:20 On était tous tétanisés.
02:21 L'équipe était paralysée par la peur parce qu'on ne savait pas
02:24 de quoi allait advenir de nous, des femmes, des gens,
02:28 de cette société civile qui avait progressé ces 20 dernières années,
02:34 qui s'était modernisée, en tout cas à Kaboul, dans les villes, c'était le cas.
02:39 Et de toutes ces jeunes femmes qui travaillaient.
02:41 Mais elles ont été courageuses, elles ont continué à se battre.
02:43 On n'a pas abandonné.
02:45 - Et aujourd'hui, ça représente combien de personnes qui travaillent sur place ?
02:48 - C'est une ruge, c'est une fourmilière.
02:50 Radio Begum, actuellement, c'est 25 jeunes femmes extrêmement courageuses.
02:56 Elles ont entre 20 et 35 ans.
02:58 Ce qui, au départ, pour elles, était un simple emploi, est devenu une mission.
03:04 Et elles réalisent de plus en plus la chance...
03:06 - Pour vous aussi, d'ailleurs.
03:07 - Ah oui, pour moi aussi.
03:08 - Ce qui était, vous aussi.
03:09 Vous disiez "je travaillais dans la com et l'audiovisuel", c'était un job et c'est devenu
03:14 une mission.
03:15 - Pour moi, c'était un job, c'était un engagement pour mon pays, une sorte de retour de bâton,
03:20 de retour de...
03:21 Je rendais un peu à mon pays ce que j'ai pu acquérir à l'étranger.
03:26 Enfin, j'ai grandi en Europe.
03:27 - Et puis surtout, pour l'éducation, c'est très important de dire qu'il ne faut pas
03:30 lâcher les jeunes filles, il faut qu'elles puissent continuer à apprendre.
03:33 Qu'est-ce que vous proposez de façon concrète, du coup, sur cette radio ?
03:36 - Radio Begum, c'est tout d'abord une radio éducative.
03:41 Notre ligne éditoriale, c'est "éducation et information pratique".
03:45 C'est une radio de service public et nous proposons, nous consacrons six heures de temps
03:52 d'antenne à l'éducation dans les deux langues nationales.
03:56 Et à côté de ces cours radiophoniques, qui sont basés sur le programme officiel de l'éducation
04:03 nationale, à côté de tout cela, on consacre deux heures quotidiennes de temps d'antenne
04:09 au soutien psychologique.
04:11 On a des conseils santé, de nutrition, mais nous avons aussi des conseils spirituels,
04:17 parce qu'on parle de droit des femmes, mais sur le prisme de l'islam.
04:20 On aborde des sujets comme le divorce, l'héritage, les problèmes, le travail des femmes, bien
04:26 sûr, et l'éducation.
04:27 Et puis, à côté de cela, il y a des reportages de terrain.
04:31 Mais aussi un peu de divertissement.
04:35 - D'accord, vous avez du divertissement.
04:38 C'est ce que j'allais vous demander, parce que, quoi qu'il y ait de radio, de musique,
04:41 de chansons, comment ça se passe ?
04:43 - Nous, dès le changement de régime, dès l'arrivée des talibans, on a dû cesser
04:48 d'émettre de la musique.
04:49 Nos émissions, bien sûr, de divertissement, sont réduites comme peau de chagrin.
04:53 Donc, il ne nous reste plus que des programmes comme des quiz, des questions-réponses, des
04:58 jeux, des concours de poésie, parfois des blagues.
05:01 Par contre, sur ces programmes-là, les programmes de divertissement, on ne peut pas prendre
05:07 l'appel des auditeurs masculins, hommes, parce que le régime ne tolère pas qu'il y ait
05:13 badinage ou trop de connivence entre nos reporteurs, nos journalistes, nos animatrices et des hommes
05:20 qui appellent à la radio.
05:21 - Est-ce que, vous êtes écoutée par des femmes et par des hommes, mais quand même,
05:26 cette radio est destinée au départ aux femmes, est-ce que vous avez des retours de vos auditrices?
05:31 Qu'est-ce qu'elles vous disent?
05:32 Comment elles perçoivent ce service que vous leur rendez?
05:35 - Tous nos programmes en mode direct sont des programmes où on reçoit des appels téléphoniques.
05:41 À chaque programme, nous avons entre 10 et 15 appels.
05:44 Et donc, c'est vraiment une audience libre.
05:48 Cette radio est un forum, est un lieu de liberté d'expression.
05:53 - Et c'est déjà énorme de pouvoir appeler et s'exprimer.
05:55 Je pense que c'est énorme.
05:56 C'est vraiment une passerelle entre la vie de la maison et l'extérieur, finalement.
06:00 - C'est ça.
06:01 On donne la parole, on donne un espace d'expression à des femmes qui ne sortent plus.
06:07 - Qui autrement n'en auraient pas.
06:09 - Et toute interaction entre femmes, en ce moment, il faut le savoir, est brimée, est
06:14 interdite.
06:15 On leur a interdit d'aller à l'école, à l'université, dans les parcs, les bains
06:20 publics ou tout autre, dans les parcs nationaux, etc.
06:25 Les piqueniques sont interdites pour les femmes.
06:27 Donc, elles sont contenues entre quatre murs.
06:28 Et donc, la seule solution pour interagir avec d'autres personnes que leur famille,
06:33 c'est justement la radio.
06:35 Et il faut savoir que souvent, ces femmes, elles nous parlent de la violence qu'elles
06:39 subissent au sein de leur foyer.
06:41 Elle est énorme.
06:44 Donc, il faut savoir qu'avoir un téléphone et pouvoir appeler un numéro gratuit et
06:49 entendre des conseils, des soutiens psychologiques, des conseils de santé et juste papoter ou
06:55 juste rigoler ensemble.
06:57 - Et donc, en retour, qu'est-ce qu'elles vous disent ? Est-ce que vous avez ces fameux
06:59 retours d'audience, de vos auditeurs ?
07:02 - Mais bien sûr, ces retours, elles sont déchirantes, elles sont d'une tristesse infinie.
07:07 On parle de violence au sein de la famille.
07:10 Elles expriment leur peur, leur rage, mais elles expriment aussi leur espoir.
07:16 Et si je… on a des auditrices, de plus en plus de jeunes nous appellent.
07:22 On a par exemple, de mémoire, on a cette jeune fille qui s'appelle Fatima, qui habite
07:27 à Bamyan, au centre du pays.
07:29 Elle a 16 ans et elle est aveugle, cette fille.
07:33 Elle est aveugle depuis la naissance et sa seule fenêtre, son seul contact avec le monde,
07:39 c'est la radio.
07:40 Et depuis qu'elle connaît… avant, elle était branchée sur BBC, mais depuis qu'elle
07:44 connaît Radio Begum, c'est… elle nous appelle presque, mais quasiment à tous les
07:48 programmes et c'est une de nos plus grandes fans.
07:50 Et elle nous dit que grâce à la radio, elle a enfin des copines et que ses animatrices,
07:58 qui sont jeunes aussi, sont devenues ses amies.
08:00 - Je voudrais effectivement vous parler donc des jeunes filles afghanes que vous arrivez
08:05 à aider, à qui vous arrivez à donner une vie sociale.
08:08 Je voudrais qu'on partage le message engagé d'une autre jeune femme afghane qui est
08:13 devenue sportive de très haut niveau, paralympique en France.
08:18 On l'écoute.
08:19 - Alors cette photo pour moi c'est important parce que je suis le premier réfugié handicapé
08:23 qui a gagné de la médaille d'or en championne d'Europe et qui a gagné sur le 3.
08:28 C'est ça qui est important pour moi.
08:31 C'est ça qui m'a amenée à Paris 2024.
08:34 J'ai arrivé en France après participer aux Olympiques de Tokyo et ma famille aussi,
08:41 tout le monde à Paris.
08:42 J'ai rentré à l'INSEP direct.
08:45 J'ai fait para-tékvando avec l'équipe de France tous les jours à l'INSEP.
08:50 C'est vraiment ici pour les sportifs, c'est magnifique.
08:53 Moi, la première fois que j'ai vu l'INSEP, j'ai été choquée parce qu'en Afghanistan
08:58 c'est pas comme ça, c'est vraiment différent.
09:00 Après je travaille à la ligue de tékvando aussi.
09:04 Je travaille avec le projet de réfugiés aussi.
09:07 J'habite à l'INSEP, je fais des cours de français ici tous les jours et j'ai l'entraînement
09:14 aussi ici tous les jours.
09:16 C'est vraiment pour la femme d'Afghanistan que je suis aujourd'hui triste parce que
09:24 tout le monde oublie les femmes afghanes.
09:27 Après ces deux ans, fermer la vie, fermer l'université, l'école, tout le monde reste
09:34 dans la maison et toujours garder le monde pour un petit peu avancer et un petit peu
09:41 de courage pour la femme d'Afghanistan.
09:42 Mais il n'y a rien.
09:43 C'est ça que je suis vraiment triste.
09:47 J'ai de la courage pour la femme afghane aussi.
09:50 Je suis toujours en contact avec mon ami en Afghanistan, au Pakistan, au Iran parce que
09:55 tout le monde est parti.
09:56 Il y a des pays qui sont un petit peu calmes.
09:58 Mais c'est vraiment pour la femme afghane, déjà c'est chaud.
10:03 Toutes les femmes restent dans la maison.
10:05 Il n'y a pas d'esportifs en Afghanistan, il n'y a pas d'esportifs de femmes ou de
10:09 filles.
10:10 Mais pour moi, à côté du sport, combattre pour la femme aussi c'est important parce
10:16 qu'il y a un grand groupe de terroristes en Afghanistan qui restent.
10:20 Après ils disent non, pour la femme, c'est pas possible d'être sportive, c'est pas possible
10:25 de continuer l'université, le travail, même l'homme.
10:30 C'est ça que pour moi, ça aussi c'est important.
10:33 Les femmes et les hommes, les deux c'est pareil.
10:36 Tout le monde continue pour la vie calme et pour la vie belle.
10:43 Merci beaucoup.
10:46 Je suppose que ce que nous raconte cette championne, vous savez déjà tout ça.
10:53 Oui, je connais Zakia.
10:56 On est très fiers d'elle.
10:59 Elle représente cette jeunesse qui a su saisir les opportunités de ces 20 dernières années
11:06 et qui a commencé à éclore.
11:07 À qui on a coupé les ailes, malheureusement.
11:11 Elle ne demande qu'à ressurgir.
11:14 C'est ça notre travail.
11:15 Il y aurait plein de choses à se dire.
11:19 L'émission touche malheureusement presque à sa fin.
11:21 Quelle est votre envie d'agir pour les cinq prochaines années ?
11:24 Déjà pour cette année, mon envie d'agir, c'est qu'on vient de lancer une plateforme
11:29 digitale qui s'appelle la Begum Academy, qui est une plateforme en ligne, totalement
11:35 gratuite, qui est une plateforme contenant plus de 8000 vidéos, qui représentent le
11:45 programme scolaire afghan, totalement gratuit, en deux langues.
11:50 8000 vidéos, c'est un travail titanesque.
11:52 On a travaillé d'arrache-pied entre l'équipe de Kaboul et l'équipe de Paris pour mettre
11:58 à disposition tout le programme scolaire afghan pour que les filles et les garçons
12:03 continuent à travailler et pour diversifier aussi l'offre éducative parce que ce n'est
12:08 pas facile de garder une motivation quand on ne sait pas de quoi...
12:13 Quand tout nous est fermé, quand il n'y a plus d'école et qu'il n'y a plus d'université
12:17 et plus de perspectives de travail, comment continuer à donner de l'espoir aux filles,
12:25 c'est ça mon envie d'agir et c'est d'apporter encore plus et d'utiliser tous les moyens
12:29 possibles d'apporter une bonne école et même une meilleure école que ce que le gouvernement
12:34 aurait pu nous offrir.
12:35 Vous proposez, c'est un super projet.
12:38 Effectivement, on vous souhaite vraiment beaucoup de chance pour cette continuité.
12:41 La radio devient une télé éducative.
12:44 Merci infiniment Amida et très bonne continuation pour vos projets.
12:49 Merci de m'avoir invitée.
12:50 Avec plaisir et si vous voulez soutenir les projets d'Amida, vous pouvez aller sur Eloasso,
12:54 vous tapez Radio Begum et vous tombez dessus, n'hésitez pas.
12:57 Je voudrais aussi vous rappeler que du 13 au 15 décembre à Genève aura lieu le Forum
13:02 mondial des réfugiés et du coup en relation avec la thématique réfugiés et Afghanistan,
13:08 je voudrais absolument vous recommander le podcast Envie d'agir écrit par Audrey Dana
13:14 qui parle d'une jeune femme afghane, réfugiée en France qui s'en sort par les métiers
13:19 de la cuisine.
13:20 C'est Kaboli Palau, l'histoire de Sahar.
13:23 Donc n'hésitez pas à les écouter sur Apple, Deezer, Spotify et bien sûr MyKanal.
13:29 Et je vous dis à très vite sur C8 pour plus d'Envie d'agir.
13:33 Merci.
13:33 ♪ ♪ ♪