Lundi 27 novembre 2023, BE DÉTER reçoit Cynthia Kasparian (Fondatrice, Hikayat)
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00:00 Bidéterre, c'est avant tout un mantra. La détermination contre le déterminisme social,
00:08 la détermination face aux doutes de l'entrepreneur, la détermination face aux échecs. Bidéterre,
00:16 c'est aussi un cri de ralliement, celui de toute une génération d'entrepreneurs,
00:20 soudés, une communauté passée par les rangs des déterminés, une association qui oeuvre pour
00:26 l'entreprenariat dans les quartiers et les milieux ruraux, une communauté qui prouve qu'il n'y a pas
00:32 qu'un seul chemin vers la réussite et que toutes les victoires sont possibles. Je m'appelle Aurélie
00:38 Planex et je vous propose de partir à la rencontre de ces entrepreneurs. Bienvenue
00:43 dans Bidéterre, un podcast proposé par Bismart et les déterminés. Une rencontre qui va nous
00:52 faire voyager aujourd'hui puisque j'ai le plaisir de recevoir Cynthia Kasparian. Bonjour Cynthia.
00:56 Bonjour. Alors ton histoire à toi, elle commence au Liban, c'est ça ? Oui, exactement. Je suis
01:01 née au Liban en 1985 et je suis arrivée bien plus tard en France, 24 ans plus tard. Comment c'est de
01:09 grandir au Liban ? Quels souvenirs t'en as ? C'est des souvenirs très riches et très contradictoires,
01:17 disons, parce que je me souviens quand j'étais petite, il y a des souvenirs de guerre, donc
01:21 d'angoisse, mais en même temps des souvenirs en pleine nature, tout librement avec ma cousine,
01:26 mon frère. Après, il y a aussi des souvenirs d'odorat, beaucoup de souvenirs d'odeur,
01:32 de superbe odeur, que je ne retrouve plus aujourd'hui d'ailleurs. Et oui, comment ça s'est
01:37 passé quand tu es arrivée en France à 24 ans ? Au fait, c'était un peu naturellement, vu que j'ai
01:43 suivi une école francophone, donc un peu dans mon parcours, je me disais un jour je vais faire un
01:47 master en France, juste comme ça de passage. J'avais un peu cette vue d'aller découvrir un
01:52 autre pays, une autre culture, de voir autre chose. Et mon frère était venu quelques années avant moi,
01:58 donc ça me donnait envie de faire ce cap. Et quand je suis venue, je suis francophone, au Liban on
02:06 étudie aussi l'histoire de la France, donc ce n'est pas complètement dépaysant, mais c'est
02:11 quand même super nouveau au fait. On doit ré-étudier tous les codes sociaux, aussi trouver
02:17 sa place, garder, puisqu'on ne peut pas changer complètement. Donc j'avoue que la première année,
02:23 c'est comme on dit, c'était un changement radical, quand complètement. Et ensuite c'est devenu ultra
02:29 enrichissant, parce que j'ai trouvé au fur et à mesure que je gardais la part que j'aimais bien de
02:35 moi, de mon vécu au Liban. J'arrivais à m'en débarrasser de ce qui me plaisait moins, et que
02:39 du coup je commençais à intégrer ce qui me plaisait de mon vécu en France. Et c'est comme ça, au fur
02:45 et à mesure, que j'ai commencé à me construire cette biculturalité, bidentité, que j'intègre
02:50 entièrement aujourd'hui. Parce que comme je dis, j'ai un tiers de ma vie en France, deux tiers au
02:55 Liban, donc dans mon identité, il y a un peu tout ça qui fait qui je suis aujourd'hui.
03:01 Quand tu as commencé tes études en France, c'était pour te diriger dans une carrière
03:06 plutôt audiovisuelle, c'est ça ? Qu'est-ce qui te plaisait dans ce milieu-là ?
03:11 Oui exactement, au fait, disons vers mon adolescence, déjà je voyais beaucoup de films,
03:17 d'accord, mais je trouvais que mon seul moyen d'expression c'était vraiment les images et les
03:22 sons. Et à travers des images et des sons, j'arrivais à exprimer ce qui était au plus profond de moi. Et
03:26 c'est comme ça que je me suis dirigée vers des études d'audiovisuel au Liban. Et ensuite,
03:30 donc quand j'ai décidé de me dire, je vais découvrir quand même ailleurs, en France,
03:34 comment ils font, comment ils s'expriment, parce que c'est un moyen de communication,
03:38 en fait, les images et les sons. Et c'est là où je suis arrivée en France, que j'ai découvert
03:43 justement cette façon complètement différente de communiquer à travers les images et les sons.
03:48 Et j'ai continué ça pendant 15 ans plus, ouais, 15 ans au total, parce que ça s'arrête jamais,
03:58 au fait, aujourd'hui je dis c'est un peu une sorte de pause, mais ça s'arrête jamais vraiment,
04:01 c'est que c'est comme un moyen de communication, au fait, quand on choisit son moyen artistique,
04:04 c'est un moyen de communication, comme quand on écrit ou qu'on parle. Donc voilà.
04:09 Ça aussi, ça fait partie de ton identité ?
04:11 Oui, totalement. Oui, totalement. C'est pour ça, je dis que c'est pas comme une carrière où on dit
04:19 j'ai travaillé pendant 10 ans dans telle société. C'est pas une carrière, au fait, c'est une façon
04:23 de s'exprimer, c'est une façon d'être dans le monde et c'est une façon de percevoir le monde,
04:27 en fait. Donc aujourd'hui, quand je suis ici, je sais qu'il y a des images qui me marquent,
04:32 des sons qui me marquent, qui me restent et peut-être qu'un jour je les mettrai sur papier,
04:36 que je ferai quelque chose, que j'écrirai la même histoire ou peut-être toute une autre histoire,
04:40 mais avec ce qui m'a marqué aujourd'hui.
04:41 Qu'est-ce que tu fais passer à travers les films, les courts-métrages que tu as réalisés ?
04:46 Principalement une perception, une perception propre, justement, qui est la mienne,
04:53 mais qui se partage avec plein d'autres. Et oui, ça serait difficile de les dire en mots,
05:00 je pense. D'ailleurs, c'est pour ça, je pense que j'ai choisi les images et les sons, exactement.
05:06 C'était déjà un peu proche de l'entreprenariat, non ? D'avoir un peu une sorte de société
05:13 audiovisuelle, parce que tu étais un peu à ton compte quand même.
05:17 Totalement. Je ne me rendais pas compte du tout, au fait. Comme je voyais plein de gens autour de
05:21 moi qui sont dans l'entreprenariat au Liban, parce que c'est, par la force des choses,
05:25 c'est assez fréquent. Et je me disais, ah non, non, pas du tout, ce n'est pas moi. J'étais
05:29 persuadée que ce n'était pas moi, alors que je le faisais au quotidien. Parce qu'au fait,
05:33 l'entreprenariat, au final, c'est quoi ? C'est avoir une idée, de la porter de zéro jusqu'à
05:38 sa création, jusqu'à sa production et jusqu'à rencontrer les clients. Et c'est vrai que dans
05:45 l'audiovisuel, ce n'est pas vraiment des clients, mais c'est au fait une idée. Donc, une idée de
05:49 zéro, comment on la concrétise, comment on la produit et comment on la présente aux autres.
05:54 Donc oui, totalement, totalement. C'est le même parcours, au fait.
05:57 Tu disais tout à l'heure, en ce moment, c'est un peu une pause. Cette pause,
06:00 elle vient avec la naissance de ta fille. C'est ça, tes priorités, à ce moment-là,
06:03 elles changent un peu ? C'est un mélange de la
06:07 naissance de ma fille, de l'explosion à Beyrouth, parce qu'au fait, ma fille est née il y a six
06:11 ans. Et donc, c'était une idée. Au fait, quand ma fille est née, je l'ai naturellement parlé en
06:15 arabe. Après, c'est là que les questions commençaient à me se poser. Je me disais,
06:20 ah mais je suis en France, elle est française, mais je ne me sens pas lui parler autre que l'arabe.
06:24 Ça fait partie de ma langue maternelle. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise ce mot,
06:29 langue maternelle, au fait. Donc, c'est la langue du cœur, comme je dis. Et c'est là où j'ai
06:34 commencé à essayer de trouver tous les supports, que ce soit des livres, des comptines, des jeux,
06:39 pour pouvoir accompagner cette transmission pour ma fille. Et je me suis rendue compte qu'il n'y
06:44 avait pas vraiment de jeux, qu'il y avait beaucoup de livres de plus en plus, de super livres. Il y a
06:50 pas mal de comptines, des vidéos, mais je ne lui refaisais pas vraiment regarder des vidéos. Et
06:55 c'est là que l'idée m'est venue de me dire, pourquoi je ne le fais pas moi-même? Mais c'est
07:00 vrai que ça a encore traîné un tout petit peu. Donc, ça, c'était il y a six ans. Et après,
07:05 il y a trois ans, avec l'explosion de Beyrouth, j'avais du mal à reprendre ma caméra. Voilà,
07:11 je pense que ça reviendra. Mais c'est là où je me suis dit, au fait, tu avais cette idée,
07:16 tu te lances. Et en me lançant, en faisant des recherches, j'ai fait des essais pour ce jeu,
07:21 j'ai fait avec de la pâte à modeler, j'ai fait mes propres supports, des dessins. Et c'est là
07:25 où je me suis rendue compte qu'avec cette explosion, une part de mon histoire est morte,
07:30 mais il y avait une autre création avec. Et qu'en faisant ce jeu, j'essayais de transmettre encore
07:36 plus mon amour à ma culture qui est l'arabe, principalement. Alors, aujourd'hui, ta société,
07:42 c'est Icayat. C'est donc des jeux éducatifs pour apprendre aux enfants la langue arabe, c'est ça?
07:47 Comment est-ce que tu façonnes ces jeux? Comment tu les crées? Comme je disais tout à l'heure,
07:54 c'est avec des essais et surtout avec ma fille. Donc, c'est la première testeuse. Oui,
08:00 exactement. Elle est à domicile. Exactement. Et moi, je l'observe, au fait, et je discute
08:04 énormément avec elle. Elle sait très bien que je fais Icayat et dans quel but. Et du coup,
08:09 je discute avec elle. Je vois ce qui lui manque. Donc, je vois quand elle bloque, par exemple,
08:14 sur cette transmission, quand elle refuse de continuer à parler l'arabe. Pourquoi? Qu'est-ce
08:18 qui fait qu'elle a envie de reparler cette langue? Et justement, là, je me suis rendue compte que
08:22 c'est vrai que je lui parlais l'arabe au quotidien et qu'elle parlait principalement l'arabe jusqu'à
08:27 ses trois ans. Mais ensuite, quand elle a sociabilisé à l'école, qu'elle jouait en français. Donc,
08:32 finalement, c'est le français qui a complètement pris le dessus. Et là, je me suis rendue compte
08:35 qu'en fait, elle avait besoin de rêver, de s'amuser et de rire en arabe et pas juste d'échanger sur
08:40 le quotidien des choses communes. Et c'est là où je me suis dit au fait, il faut que je crée un jeu,
08:45 que ce ne soit pas simplement de l'apprentissage, mais qu'il soit un moment où elle peut vraiment
08:48 rêver, transmettre ses émotions, ses inquiétudes. Et donc, parce qu'au début, au fait, c'était tout
08:56 simplement par rapport à l'écriture. Je me disais comment on va apprendre cette langue pour
09:00 l'écrire. Et c'est avec elle que j'ai créé ce jeu. Donc, j'ai commencé avec les pattes à modeler.
09:04 J'ai vu que tout ce qui était tactile et sensoriel, ça lui parlait énormément. Et donc,
09:09 elle l'utilisait pour plusieurs déclinaisons. Et c'est de là que me venait l'idée qu'au fait,
09:14 je ferais principalement des jeux à multi-usages et jamais un jeu qu'on utilisera une fois. Parce
09:21 qu'elle avait, par exemple, les puzzles pour les lettres latines. Mais au fait, elle les utilisait
09:26 une fois et ça s'arrêtait là. Ça ne l'intéressait plus. Parce que bon, elle utilisait à ce passage-là
09:30 où elle découvre la forme de la lettre. Mais c'est tout. Une fois que c'est appris. Exactement,
09:35 ça n'a plus de sens. Et c'est là où je me suis dit au fait, il faudra peut-être que je trouve un
09:39 moyen que ce jeu l'accompagne à différentes étapes. Que ça soit de la toute découverte
09:44 jusqu'à l'acquisition. Et aujourd'hui, tu en es où du développement de ce projet ? Je viens tout
09:50 juste de lancer. Là, j'arrive au studio et je suis en train de lancer mon jeu. La fabrication ? Non,
09:56 la vente. La fabrication est faite ? Oui, elle a été faite. Ça a été l'étape la plus longue au
10:02 fait. C'est l'étape qui a pris environ un an et demi. Depuis que j'ai le dessin, mais jusqu'à la
10:07 sortie, ça a pris un an et demi. Et aujourd'hui, vous pouvez entrer sur le site et commander le
10:12 jeu. Et je serai sur quelques marchés, pop-up store, pour cela. Qu'est-ce qui a été le plus
10:18 dur ? C'était de trouver l'idée, le bon jeu adéquat ou finalement de trouver le fabricant
10:22 qui allait mettre en pièce ce jeu ? Oui, curieusement, c'était ça. Je ne m'attendais
10:28 pas du tout au début. Comme moi, je viens d'un background créatif. Donc, je me disais,
10:32 ok, c'est l'étape de création. Et une fois que c'est créé, on passe à autre chose. La fabrication
10:37 se passe un peu naturellement, mais au fait, pas du tout. Dans la fabrication d'un produit,
10:42 je me suis rendu compte que le plus difficile, c'est de trouver le fournisseur. Donc, que ce
10:46 soit l'étape de trouver qui sont les bons fournisseurs avec qui communiquer. Ensuite,
10:51 de trouver les bons fournisseurs qui vont comprendre et faire le bon résultat. Ensuite,
10:55 de trouver le bon prix. Aussi, de trouver le fabricant qui va aussi suivre les valeurs que
11:00 j'ai. Donc, c'est une étape qui a pris un an et demi. Et aujourd'hui, tu es contente de ton
11:06 produit ? Ah oui, sinon je ne l'aurais pas sorti. C'est vrai, ça va tes machineries. Ah oui,
11:12 non, j'ai déjà eu des prototypes, j'ai déjà communiqué avec des fabricants. Ça devait être à
11:18 la vente il y a justement un an parce que j'avais juste envie de le lancer, mais ce n'était pas à
11:22 la hauteur de ce que je voulais. Donc, j'ai tout reporté. Donc, je ne l'aurais pas sorti si je
11:28 n'étais pas satisfaite à 100%. C'est quoi ta vision de la détermination, ta définition ? La
11:33 détermination, je pense que la détermination, c'est quand tous les facteurs font que vous n'allez pas
11:39 y arriver, mais que vous, vous savez que si, et que les obstacles, ce n'est pas que vous les
11:45 surmontez peut-être, mais que vous récréez d'autres chemins pour arriver à votre but.
11:49 J'ai vu que tu étais coordinatrice Ile-de-France pour les déterminés. Comment est-ce que tu arrives
11:54 à trouver le temps pour ça en étant maman d'une petite fille, en développant ton entreprise ?
12:00 Au fait, le travail avec les déterminés est un peu complémentaire avec mon travail,
12:05 avec ma société. Donc, quand je travaille avec eux, c'est comme si j'enrichissais ma personne
12:10 d'entrepreneur dans ma société. Et suivre ces entrepreneurs pendant six mois, avec leurs
12:16 questionnements, leurs besoins, j'ai l'impression que ça m'enrichit aussi. Au fait, ça m'enrichit
12:21 autant. Ça te renvoie à tes propres questions ? Exactement, exactement. Et ça me renvoie. Au fait,
12:28 on échange énormément. Et je suis persuadée depuis mon expérience avec les déterminés que
12:33 c'est dans l'échange du groupe, dans cette intelligence collective qu'on évolue le mieux.
12:38 Qu'est-ce que tu souhaites que ta fille retienne de cette expérience entrepreneuriale quand elle
12:45 sera grande ? J'aimerais qu'elle retienne surtout que rien n'est impossible, qu'on peut toujours se
12:52 recréer et toujours aller vers de nouveaux chemins tant que nous-mêmes on l'a décidé.
12:57 Est-ce que tu penses que l'entrepreneuriat, c'est une façon de répondre à une problématique à
13:02 laquelle finalement on n'a pas de réponse et que c'est finalement quelque chose de très personnel ?
13:07 C'est-à-dire que c'est souvent quand on a un problème personnel, comme c'est ton cas,
13:11 et qu'on décide, bon gré, mal gré finalement, de se lancer dans l'entrepreneuriat.
13:17 En tout cas, ça a été mon vécu. Exactement. Vous avez très bien décrit mon vécu. Justement,
13:23 comme je viens de la création, je pense que j'ai toujours eu cette approche, cette perception dans
13:28 le monde. C'est qu'il y a quelque chose qui te manque ou tu veux communiquer quelque chose,
13:31 tu le crées toi-même et tu le partages. Donc totalement, si c'est ma vision de l'entrepreneuriat,
13:38 effectivement, c'est que tu peux tout créer et le partager. Tu vas sûrement avoir une écoute ou
13:42 une attention pour ça. Toi qui rencontres beaucoup d'entrepreneurs, quel message est-ce que tu souhaites
13:48 faire passer à ceux qui nous écoutent ? C'est simple. Je dirais juste, aie confiance en toi et
13:57 fais-toi énormément entouré par des personnes qui te feront confiance en toi parce que c'est
14:02 la seule chose qui nous manque vraiment pour se lancer en vrai. On a besoin de la reconnaissance
14:08 et de l'approbation de personne autre que soi parce que si nous on ne se le donne pas,
14:12 personne ne nous l'offrira. Merci beaucoup Cynthia Casparian d'avoir été l'invité de Bid'Ether.
14:17 Bid'Ether, un podcast à retrouver sur toutes vos plateformes d'écoute et sur bsmart.fr. Si
14:23 ça vous a plu, foncez vous abonner, likez, partagez. On se retrouve bien sûr la semaine
14:27 prochaine pour un nouvel épisode et d'ici là, vous aussi, soyez d'Ether.
14:31 [Musique]