L'invité France Bleu Matin - Jean-Philippe Maffre

  • l’année dernière

l'interdiction des cigarettes dans les jardins, sur les plages....près des établissement scolaires....
décision de bon sens ? faut-il aller encore plus loin (avec des prix supérieurs à 15 euros voire à 30 euros comme en Australie) ?
Transcript
00:00 L'interdiction des cigarettes dans les jardins, sur les plages, près des établissements scolaires.
00:05 Également, est-ce que toutes ces décisions vont dans le bon sens ? Faut-il encore aller plus loin ?
00:11 0,247381020 avec des prix du paquet de tabac supérieur à 15 euros, pourquoi pas même 30 euros.
00:18 Amis fumeurs, on attend aussi vos réactions. 0,247381020.
00:22 Et on en parle d'ores et déjà avec votre invité Romain Desec.
00:24 Bonjour Jean-Philippe Maffre.
00:26 Bonjour.
00:26 Vous êtes le vice-président de l'espace du souffle à Tours, vous êtes également pneumologue.
00:31 Bon, on ne peut plus fumer nulle part ?
00:34 Alors, on préférait que ne pas, qu'on ne fume pas en effet.
00:38 C'est notre combat depuis toujours.
00:41 Il y a eu la tuberculose au début du siècle et puis maintenant c'est le tabac.
00:46 Alors ça pose un problème personnel à chacun.
00:50 C'est un problème aussi général, politique.
00:53 C'est un problème de ce qu'on appelle la prévention primaire.
00:56 C'est-à-dire ce que doit faire le politique pour préserver la santé de chacun.
01:02 C'est la question du général et puis du singulier.
01:05 Comment je me débrouille moi-même et comment la force publique, l'État, enfin la communauté,
01:12 agit pour me préserver et préserver aussi la communauté.
01:16 Et justement pour préserver la communauté, est-ce qu'il faut aller encore plus loin ?
01:19 Les associations de lutte contre le tabac disent, une augmentation tarifaire 12 ou 13 euros, ce n'est pas suffisant.
01:26 - Oui, c'est une question.
01:29 Les fumeurs c'est une population hétérogène. Nous sommes tous des humains.
01:33 Et nous avons notre rapport très intime, très secret avec notre histoire.
01:38 J'avais écrit un jour dans une revue, l'homme est le seul animal qui a une histoire.
01:44 Et notre histoire c'est, depuis notre naissance, ce qui nous arrive,
01:49 nos influences, nos circonstances, nos rencontres, ce qui nous construit.
01:53 Et on se construit avec nos parents, on se construit aussi avec nos rencontres, avec ce qui nous arrive.
01:59 Et ça, c'est des rencontres aussi avec des situations qui nous apaisent, qui gèrent nos émotions.
02:05 Et le tabac, une fois qu'il y a cette rencontre avec cette substance,
02:08 eh bien il y a un rapport très particulier, très intime, très étroit,
02:13 qui se fait avec la gestion secrète de nos émotions.
02:15 - Ce n'est pas une liberté comme on l'a entendu encore quelques années dans les spots de pub.
02:19 Le mot addiction vient du latin qui décrivait le lien que l'esclave devait à son maître.
02:27 - Et pour rompre avec cet esclavage, est-ce qu'il faut monter les tarifs à 30 euros comme ça se fait dans certains pays ?
02:33 - Alors, ça revient à ce qu'on vient de dire, qui est la façon dont moi je gère ma vie et mes choix.
02:39 Alors comme disait le philosophe, je suis libre de mes opinions, mais qui gouverne mes opinions ?
02:44 Alors en fait, en l'occurrence, il ne s'agit même pas d'opinion,
02:46 il s'agit d'une prise de pouvoir chimique par la substance
02:52 sur le comportement de mes émotions et de ma recherche de mon bien-être, etc.
02:58 Alors après, il y a les modes de dépendance qui sont pharmacologiques,
03:04 il y a la nicotine et puis il y a les modes de dépendance un petit peu festifs, un petit peu comportementaux.
03:10 J'étais avec une soirée avec les infirmières de mon service,
03:13 et puis elles me disaient "oui, bon, je fume, mais uniquement en soirée".
03:16 Enfin, c'est une minorité.
03:18 Et il y a des gens parmi cette grande masse de consommateurs du tabac
03:23 qui ne sont pas forcément très reliés, très intimement attachés à cette substance, à ce comportement,
03:30 mais il y en a une proportion, il y a un petit peu irréductible, on parle de 10 à 15%
03:36 qui ont une relation, mais pathologique cette fois, à cette substance.
03:41 - Est-ce qu'il faut encore justement augmenter les prix ?
03:44 Qu'en pensez-vous ? Faut-il élargir encore peut-être les périmètres et les zones sans tabac ?
03:50 Amie fumeur, on attend aussi vos réactions à toutes ces mesures, 0,2, 47, 38, 10, 20.
03:54 - Jean-Philippe Maffre, on va recevoir une auditrice. Bonjour Colette !
03:58 - Bonjour monsieur !
03:59 - Vous venez de Tours, et pour vous les mesures sont un peu trop strictes.
04:03 - Oui, vous voyez, j'ai eu plusieurs cas, j'ai eu un café à Tours, le café de Charles de Bagne,
04:07 Place du Commerçant, 44, j'ai eu le bar de la Coffrie,
04:10 et mon mari était directeur du café de Bordeaux.
04:13 Moi je trouve que, bon, chacun trouve son plaisir, mais c'est bien de fumer.
04:17 Vous savez, il y a des choses dans la vie, c'est comme boire, c'est pareil, vous savez,
04:21 les gens buvaient, tant le temps, les gens fumaient beaucoup dans les campagnes.
04:25 Moi j'ai été levée à la campagne, j'ai mes grands-parents qui étaient à la ferme,
04:28 mon grand-père fumait, ma grand-mère, tout ça, mais bon, il n'y avait pas comme ça, mais maintenant...
04:33 - Vous pensez, Colette, que ça manque de modération tout simplement chez les fumeurs, en règle générale ?
04:39 C'est ça que vous dénoncez ?
04:41 - Je sais pas, je sais pas, on peut pas interdire tout non plus, vous savez,
04:46 chacun trouve son plaisir où il le trouve, et puis c'est tout.
04:48 - En toute connaissance de cause alors, Colette ?
04:50 - Oui !
04:51 - Jean-Philippe Maffre, pour répondre à ce que dit Colette,
04:54 Colette sous-entend que c'est finalement à chacun de se modérer,
04:56 et peut-être pas à l'état de dire ce qu'il faut faire ou pas faire ?
04:59 - Alors oui, Colette rappelle le passé, et le passé c'était l'ignorance, c'est-à-dire on ne savait pas.
05:06 Aujourd'hui c'est 77 000 morts par an, et j'ai encore vu hier une dame qui pleurait
05:12 parce qu'on trouve une tâche à son poumon, et qu'elle vient de perdre sa soeur d'un cancer du poumon,
05:16 et qu'il y a dix ans c'était son frère, et qu'elle a vu cette fin horrible qu'on ne peut souhaiter à personne.
05:23 Donc il y a une vraie question de souffrance individuelle,
05:26 je passe mon temps à recueillir les larmes et l'émotion des familles, des gens qui sont morts de cela,
05:34 avec une culpabilité absolument horrible pour soi-même, et pour l'entourage que l'on fait souffrir
05:39 par la maladie que l'on développe à cause de ça.
05:43 Et là, il n'y a plus aucun doute aujourd'hui pour chacun des fumeurs,
05:47 c'est même écrit en gros sur les paquets qu'on achète,
05:50 sur le lien entre les catastrophes de santé et cette consommation.
05:55 Donc c'est le passé, c'est le passé, il y avait les habitudes et il y avait l'ignorance,
05:59 aujourd'hui il n'y a plus d'ignorance, il n'y a plus place à l'ignorance, il n'y a place qu'à l'intelligence,
06:04 et l'intelligence c'est de faire ce qui doit être fait pour soi,
06:08 accessoirement aussi pour la communauté, pour la planète,
06:11 pour éviter qu'on dépense des sous à ramasser les mégots dans les parcs,
06:14 peut-être, mais il y a avant tout une question d'éviter la souffrance.
06:18 - Les buralistes et les lobbies des cigarettiers font pression selon les associations de lutte contre le tabac,
06:25 les buralistes notamment craignent pour leur activité,
06:28 c'est un peu aussi ce qu'a dit Colette qui visiblement gère un café,
06:32 qu'est-ce que vous leur dites ?
06:34 - Bien sûr, c'est une question d'un business, d'un marché,
06:39 peut-être qu'on pourrait s'intéresser aussi dans les quartiers où on brûle des voitures,
06:44 au marché du cannabis où il y a là des gens qui font florès en s'achetant des grosses voitures
06:51 sur une consommation qui est illégale et qui est tout aussi addictive et qui conduit même en psychiatrie.
06:57 Donc c'est une question de marché, de business,
06:59 il y a eu le business d'avant et puis il y a un business qu'il faut réaugmenter.
07:06 Et le tabac c'est une absolue horreur et c'est encore légal parce qu'il y a eu un monopole d'État historique,
07:15 donc il y a des liens d'intérêt entre l'État et la consommation de tabac.
07:21 - Et les buralistes sont entre guillemets les dealers d'hier ?
07:23 - Alors non, on ne peut pas dire ça comme ça, ils ne font pas de marché illégal bien entendu,
07:28 mais ils sont la continuité d'une tradition à la vente du tabac qui procède,
07:36 vous vous rappelez, regardez la petite licorne rouge là l'enseigne, c'était un monopole d'État.
07:41 Donc ils ont cette légitimité en tant que distributeurs d'un produit qui est validé par l'État et légalisé.
07:50 Ce n'est pas le cas autour des poubelles dans les quartiers où on vend des trucs qui ne sont pas légaux.
07:55 - Atteindre une génération sans tabac en 2032 c'est l'objectif du gouvernement, est-ce qu'avec ces règles on y arrivera ?
08:02 - Alors je ne sais pas si, je ne suis pas le politique, simplement il y a une idée derrière tout cela qui peut être intéressante,
08:12 qui est la dissuasion d'entrer dans la consommation.
08:15 - Avec l'interdiction des PEF notamment ?
08:16 - Alors voilà d'une part et puis le prix dissuasif pour l'argent de poche de nos plus jeunes.
08:21 Effectivement les jeunes ont compris ça, alors il semble que quand même actuellement la consommation de tabac chez les jeunes soit en net recul,
08:29 ce qui est une bonne chose et tout cela procède avec la fibre écologique dans les parcs et les jardins etc.
08:36 que l'on essaye de pousser un petit peu, et nos jeunes parents je l'espère aussi sont un petit peu plus sensibles à ce type de questions.
08:46 Et c'est vraiment l'entrée, on parle de prévention primaire, c'est la dissuasion d'entrer dans la consommation.
08:51 - Merci beaucoup Jean-Philippe Maffre d'avoir accepté l'invitation de France Bleu Touraine.
08:56 Je rappelle que vous êtes vice-président de l'espace du souffle à Tours et que vous êtes pneumologue, merci.

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